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TGI VERSAILLES (2e ch.), 3 mars 2000

Nature : Décision
Titre : TGI VERSAILLES (2e ch.), 3 mars 2000
Pays : France
Juridiction : TGI Versailles. 2e ch.
Demande : 1998/8752
Date : 3/03/2000
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 29/09/1998
Décision antérieure : CA VERSAILLES, 13 décembre 2002
Numéro de la décision : 128
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1698

TGI VERSAILLES (2e ch.), 3 mars 2000 : RG n° 1998/8752 ; jugement n° 128

(sur appel CA Versailles, 13 décembre 2002)

 

Extrait : « Alors qu'il revendique, assurément à juste titre, une compétence professionnelle de photographe spécialisé dans les vues sous-marines prises en apnée, Monsieur X. ne saurait prétendre qu'il est aussi peu averti des techniques de développement des photographies que peut l'être le grand public qui confie ses films d'amateur à la société Photo Services. Il peut notamment apprécier la différence entre un développement de masse entièrement automatisé et une technique plus individualisée.

Or, Monsieur X. ne conteste pas que le ticket de caisse produit aux débats par la société Photo Services correspond à la prestation qu'il a commandée et acquittée. Ce ticket fait apparaître que le demandeur a acquitté le prix grand public de 44 Francs pour chacune des 24 pellicules qu'il a déposées. Cet élément de fait établit que Monsieur X. n'a pas souhaité commander à la société Photo Services autre chose que le développement standard proposé aux amateurs qui acquittent le même prix.

Sa compétence professionnelle et le fait que Monsieur X., selon ses propres déclarations, recourt à la société Photo Services depuis de nombreuses années excluent que l'intéressé ignore la clause figurant au dos de tous les tickets qui lui ont été remis lors du dépôt de ses pellicules. Chaque fois qu'un tel ticket était remis au demandeur, celui-ci pouvait, avant que la prestation commandée ne soit exécutée, signaler l'importance que revêtaient ses clichés et contracter dans d'autres conditions. La concomitance entre la délivrance de ce ticket et le dépôt des films dont il fait preuve confère un caractère contractuel à la clause de dédommagement forfaitaire invoquée par la défenderesse. Le fait que Monsieur X. ait été présenté comme plongeur-photographe à l'équipe de la société Photo Services ne permettait pas à celle-ci de modifier le choix contractuel éclairé de l'intéressé. Ainsi, Monsieur X. a-t-il, en toute connaissance, commandé à la société Photo Services un développement standard aux conditions mentionnées sur le ticket remis au client lors du dépôt des pellicules. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES

DEUXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 3 MARS 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1998/8752. Jugement n° 128.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

Né le : [date] à [ville] - profession : PHOTOGRAPHE - demeurant [adresse] - ASSISTÉ DE LA SCP BOULAN-KOERFER PERRAULT, AVOCAT POSTULANT ET PLAIDANT DU BARREAU DE VERSAILLES

 

DÉFENDEURS :

- La SA PHOTO SERVICE

ayant son siège social [adresse]

- La Compagnie AXA COURTAGE, venant aux droits de la Compagnie UAP

en application d'un arrêté de transfert de portefeuille du 24 décembre 1997, prise en qualité d'assureur de la société PHOTO SERVICE, INTERVENANT VOLONTAIRE,

[minute page 2] ASSISTÉES DE LA SCP COURTAIGNE FLICHY TOFANI DASTE, AVOCAT AU BARREAU DE VERSAILLES, ET DE MAÎTRE BEAUMONT BRIGITTE, DU BARREAU DE PARIS, AVOCAT PLAIDANT

 

ACTE INITIAL : 29 septembre 1998 reçu au Greffe le 07 octobre 1998

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Jean Loup CARRIERE, VICE-PRÉSIDENT, Annie VAISSETTE, Juge, Patricia GRANDJEAN, JUGE

Greffier : Sylvie MENGUY

DÉBATS : À l'audience publique tenue le 04 février 2000, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré au 03 mars 2000.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Par acte d'huissier en date du 29 septembre 1998, Monsieur X. expose qu'en sa qualité de photographe professionnel, il s'est spécialisé dans la photographie sous-marine prise en apnée.

Au mois de septembre 1996, il a remis à la société Photo Services des pellicules de 36 poses à développer et a acquitté une facture de 929,25 Francs (remise de 12 % incluse).

Il fait valoir que 34 diapositives ont été rayées, rendant impossible une utilisation professionnelle.

Invoquant la faute contractuelle de la société Photo Services, Monsieur X. demande dans ses dernières écritures que celle-ci soit condamnée à lui payer les sommes de 170.000 Francs en réparation du préjudice matériel correspondant au coût de numérisation des photographies, celle de 20.000 Francs au titre du préjudice moral occasionné par la perte du fruit d'un travail spécifique et celle de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société Photo Services plaide en défense que Monsieur X. ne prouve ni la matérialité du dommage allégué ni son imputabilité au prestataire de service et conclut au débouté de l'ensemble des demandes.

A titre subsidiaire, la société Photo Service fait valoir que Monsieur X. lui a confié ses films à titre d'amateur et a acquitté le prix public.

Elle oppose les dispositions portées au dos du ticket de remise selon lesquelles les films n'ont pas de valeur marchande et ne sont pas destinés à des fins commerciales, professionnelles ou lucratives.

Elle soutient que Monsieur X. doit assumer le choix qu'il a fait en contractant dans ces circonstances et ne peut réclamer que le dédommagement prévu aux conditions générales, consistant en la remise d'un film vierge et son traitement gratuit ou par leur contre-valeur.

Elle précise que l'offre d'indemnisation à hauteur de la somme de 5.000 Francs a été faite à titre purement commercial, sans reconnaissance de responsabilité et couvrait les frais du procédé de numérisation permettant de « réparer » les diapositives.

A titre infiniment subsidiaire, la société Photo Services demande au Tribunal de réduire sensiblement les prétentions de Monsieur X.

Intervenant volontairement aux côtés de la société Photo Services dont elle est l'assureur, la compagnie Axa Courtage oppose sa franchise contractuelle s'élevant à la somme de 35.000 Francs.

A titre reconventionnel, les défenderesses sollicitent l'allocation de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'instruction de l'affaire a été close le 4 février 2000.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Il convient de donner acte à la société Axa Courtage de son intervention volontaire.

Tel qu'il est soumis au Tribunal, le litige conduit à examiner successivement :

* la matérialité du dommage allégué,

* son imputabilité à la société Photo Services,

* la portée de la convention passée entre les parties,

* le droit à indemnisation de Monsieur X.

 

1 - Matérialité du dommage :

[minute page 4] Monsieur X. invoque l'existence de rayures sur 34 des diapositives développées par la société PHOTO SERVICES.

La défenderesse conteste l'existence même de ces rayures.

La société ANG missionnée en qualité d'expert par l'assureur de la société Photo Services indique dans son rapport en date du 5 novembre 1997, en page 3 : « Les rayures ne sont pas visibles à l'œil nu, pour les déceler il est nécessaire d'utiliser une loupe qui grossit quatre fois. »

Il en résulte que les rayures invoquées existent bien, ce qui était déjà admis par la société Photo Services dans une lettre en date du 14 avril 1997 qui mentionnait : « En effet, quelques unes des diapositives que vous nous avez confiées ont été rayées. »

 

2 - Imputabilité des rayures à la société Photo Services :

Loueur d'ouvrage au sens des articles 1787 et s. du Code Civil, la société Photo Services est responsable de l'état de la chose qu'elle restitue sauf à prouver qu'elle n'a pas commis de faute dans sa prestation de service.

Alors que Monsieur X. allègue que les rayures résultent des conditions de développement des films confiés à la société Photo Services, celle-ci soutient que l'explication avancée n'a pas de fondement factuel, que les rayures peuvent trouver leur cause dans le procédé de prise de photographie (grain de sable) ou dans une manipulation postérieure à la remise des diapositives à Monsieur X.

Or, la société Photo Services n'étaie par aucun élément probant l'hypothèse selon laquelle les rayures auraient été faites lors de la prise de photographies, l'explication de la présence d'un grain de sable sur la pellicule n'ayant pas plus de pertinence que celle relative à la présence d'un corps dur dans l'appareil de développement puisque, dans les deux cas, on peut admettre que les rayures auraient atteint plusieurs diapositives successives d'un même film.

Par ailleurs, il ressort de l'attestation rédigée par Monsieur A. et conforme aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de Procédure Civile que Monsieur X. est revenu dès le 16 septembre 1996 au soir chez la société Photo Services pour se plaindre des rayures affectant les diapositives qu'il avait récupérées le jour même ; le responsable de l'établissement étant absent, Monsieur X. ne s'est à nouveau présenté que le 30 septembre.

S'il est constant que Monsieur X. a constaté l'existence de rayures non pas dans la boutique de la société Photo Services lors de la restitution mais chez lui à l'aide d'une table lumineuse, le temps très court s'étant écoulé entre cette constatation et la restitution des diapositives (quelques heures) permet d'induire que les rayures existaient au moment où Monsieur X. a récupéré ses diapositives.

Dans ces circonstances, débiteur d'une obligation de résultat, la société Photo Services doit être tenue responsable de l'apparition des rayures.

 

3 - Portée de la convention passée entre les parties :

Alors qu'il revendique, assurément à juste titre, une compétence professionnelle de photographe spécialisé dans les vues sous-marines prises en apnée, Monsieur X. ne [minute page 5] saurait prétendre qu'il est aussi peu averti des techniques de développement des photographies que peut l'être le grand public qui confie ses films d'amateur à la société Photo Services.

Il peut notamment apprécier la différence entre un développement de masse entièrement automatisé et une technique plus individualisée.

Or, Monsieur X. ne conteste pas que le ticket de caisse produit aux débats par la société Photo Services correspond à la prestation qu'il a commandée et acquittée.

Ce ticket fait apparaître que le demandeur a acquitté le prix grand public de 44 Francs pour chacune des 24 pellicules qu'il a déposées.

Cet élément de fait établit que Monsieur X. n'a pas souhaité commander à la société Photo Services autre chose que le développement standard proposé aux amateurs qui acquittent le même prix.

Sa compétence professionnelle et le fait que Monsieur X., selon ses propres déclarations, recourt à la société Photo Services depuis de nombreuses années excluent que l'intéressé ignore la clause figurant au dos de tous les tickets qui lui ont été remis lors du dépôt de ses pellicules.

Chaque fois qu'un tel ticket était remis au demandeur, celui-ci pouvait, avant que la prestation commandée ne soit exécutée, signaler l'importance que revêtaient ses clichés et contracter dans d'autres conditions.

La concomitance entre la délivrance de ce ticket et le dépôt des films dont il fait preuve confère un caractère contractuel à la clause de dédommagement forfaitaire invoquée par la défenderesse.

Le fait que Monsieur X. ait été présenté comme plongeur-photographe à l'équipe de la société Photo Services ne permettait pas à celle-ci de modifier le choix contractuel éclairé de l'intéressé.

Ainsi, Monsieur X. a-t-il, en toute connaissance, commandé à la société Photo Services un développement standard aux conditions mentionnées sur le ticket remis au client lors du dépôt des pellicules.

 

4 - Droit à indemnisation de Monsieur X. :

En application de la clause de dédommagement forfaitaire, la détérioration des clichés ouvre droit à une réparation consistant en un film vierge et son traitement.

Monsieur X. ne démontre pas que ce coût dépasse la somme de 176 Francs qui lui avait été offerte comme avoir.

Il ressort explicitement de la lettre de la société Photo Services en date du 4 décembre 1997 que l'offre d'une indemnisation à hauteur de la somme de 5.000 Francs revêtait un caractère purement commercial, sans doute en considération de l'ancienneté des relations contractuelles entre les parties et de leur volume, le prestataire excluant expressément toute reconnaissance de responsabilité.

[minute page 6] Si le caractère forfaitaire de l'indemnisation contractuellement prévue dispense d'évoquer le préjudice allégué par Monsieur X., il faut néanmoins souligner que l'intéressé sollicite dans ses dernières écritures une indemnisation correspondant au coût de numérisation des diapositives alors qu'il plaide que l'échéance fixée par ses clients étant passée, son reportage n'est plus vendable.

 

5 - Demande reconventionnelle :

A défaut de justifier du préjudice qu'elle invoque à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la société Photo Services doit être déboutée de celle-ci.

L'exécution provisoire n'est pas utile en l'espèce et ne sera pas ordonnée

L'équité commande en revanche que la somme de 8.000 Francs soit accordée à la société Photo Services en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire, en premier ressort

Donne acte à la société Axa Courtage de ce qu'elle intervient volontairement aux lieu et place de la société UAP.

Dit que la société Photo Services est tenue à une obligation de résultat dans le développement des films qui lui sont confiés.

Dit que la société photo Services est contractuellement responsable de la détérioration de 34 diapositives remises par Monsieur X.

Dit qu'est valable et opposable à Monsieur X. la clause de dédommagement forfaitaire apparaissant au verso du ticket remis lors du dépôt des pellicules.

Condamne la société Photo Services à payer à Monsieur X. la somme de 176 Francs à titre de dommages-intérêts.

Donne acte à la société Axa Courtage de ce qu'elle intervient dans les limites de sa police comprenant notamment une franchise de 35.000 Francs.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Condamne Monsieur X. à payer à la société Photo Services la somme de 8.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne le même aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP COURTAIGNE-FLICHY-TOFANI et ASSOCIES conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 7] Prononcé par Monsieur CARRIERE, Vice Président, Mesdames VAISSETTE, et GRANDJEAN, Juges en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assistés de Mademoiselle MENGUY, Greffier.

FAIT A VERSAILLES LE 03 mars 2000.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT.