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CA VERSAILLES (16e ch.), 26 NOVEMBRE 2009

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 26 NOVEMBRE 2009
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA)
Demande : 08/00680
Date : 26/11/2009
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 29/01/2008
Décision antérieure : TGI NANTERRE (6e ch.), 7 décembre 2007
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1705

CA VERSAILLES (16e ch.), 26 NOVEMBRE 2009 : RG n° 08/00680

 

Extrait : « Considérant que M. X. exerce son activité artistique de peinture au lieu de son domicile ; que l'objet du contrat de télésurveillance portait sur un bâtiment dans lequel se trouvent à la fois son atelier de peinture et les locaux destinés à son habitation » ; […] Considérant qu'à supposer que la clause reproduite dans les écritures, qui correspond en réalité à celle qui figurait au premier contrat conclu entre M. X. et la société SECURIVILLE aux droits de laquelle se trouve la société ADT FRANCE, soit celle figurant effectivement au contrat litigieux, il convient de considérer que cette clause, contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, crée au détriment de celui-ci, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en instituant une durée initiale « irrévocable de 48 mois » et une prorogation automatique du contrat en l'absence d'expression contraire du consommateur, alors qu'une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non prorogation de la part du consommateur ; qu'elle est particulièrement défavorable au consommateur auquel elle laisse croire que même de manière justifiée il ne peut mettre fin au contrat avant terme et l'empêche de recourir aux services d'un professionnel concurrent ; que constitutive d'un abus au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, elle doit être réputée non écrite en application de ce texte ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. N° 08/00680. Code nac : 59A. Arrêt contradictoire.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 décembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE (6e ch.) : RG N° 06/12577.

[minute page 2] LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

Monsieur X.,

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], APPELANT, Représenté par Maître Jean-Pierre BINOCHE - N° du dossier 50/08, Assistée de Maître Louis DELVOLVE (avocat au barreau de VERSAILLES)

 

Société ADT FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ ADT TÉLÉSURVEILLANCE,

dont le siège est [adresse], INTIMÉE, Représentée par Maître Claire RICARD - N° du dossier 280093, Assistée de Maître Alain NIZOU-LESAFFRE (avocat au barreau de PARIS)

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 octobre 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 13 octobre 1993, Monsieur X., artiste-peintre, a souscrit un contrat de télésurveillance auprès de la société SECURIVILLE. Les 15 octobre 1997 et 5 juin 2000, il a signé deux autres contrats de maintenance et de télésurveillance, le dernier avec la SA ADT SECURITE SERVICES, division ADT SECURIVILLE (aux droits de laquelle vient la SA ADT FRANCE).

[minute page 3] Le 1er février 2006, M. X. a fait part à la société ADT FRANCE de sa volonté de mettre fin au contrat en raison de sa mauvaise exécution, dénonçant la non-conformité de l'installation aux prescriptions de son assureur.

Le 4 octobre 2006, M. X. a assigné la SA ADT FRANCE devant le TGI de Nanterre aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat du 5 juin 2000, de la voir condamner à lui verser la somme de 15.000 € en réparation de son préjudice matériel et financier, outre celle de 5.000 € en réparation de son préjudice moral et celle enfin de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, par jugement rendu le 7 décembre 2007, a :

- Déclaré recevables les demandes de la société anonyme ADT France,

- Débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. X. à payer à la société anonyme ADT FRANCE :

* la somme de 510,40 € au titre des deux dernières redevances de l'abonnement,

* la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société anonyme ADT FRANCE de ses plus amples demandes,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Condamné M. X. aux dépens.

M. X. a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe enregistrée le 29 janvier 2008.

Dans ses dernières conclusions du 16 avril 2009, M. X. demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 5 juin 2000 aux torts de la société ADT FRANCE,

- subsidiairement réputer non écrite comme abusive, la clause relative à la durée du contrat,

- condamner la société ADT FRANCE à lui payer les sommes de 15.000 € et de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

- dire que ces sommes produiront intérêts à compter du 14 avril 2006,

- [minute page 4] débouter la société ADT FRANCE de toutes ses demandes,

- condamner la société ADT FRANCE à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société ADT FRANCE dans trois publications laissées au choix de M. X.,

- ordonner l'affichage de la décision à intervenir sur les issues du siège social et de tous les établissements de la société ADT FRANCE,

- condamner ADT FRANCE aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 9 janvier 2009, la société ADT FRANCE, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'elle l'a condamné à lui payer diverses sommes,

- l'infirmer en ce qu'elle l'a débouté du surplus de ses demandes,

- statuant à nouveau,

- condamner M. X. à lui payer les sommes complémentaires suivantes :

* 5.000 € pour procédure abusive,

* 36,46 € en remboursement de frais bancaires,

* 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux dépens.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2009.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR :

Sur la nullité du jugement :

Considérant qu'à titre liminaire, dans le corps de ses conclusions et sans reprendre cette demande au dispositif de celles-ci, M. X. conclut à la nullité du jugement au motif que la société ADT FRANCE n'aurait pas été représentée par un avocat inscrit au barreau des Hauts de Seine ;

[minute page 5] Mais considérant qu'ainsi que les premiers juges l'ont constaté, les dernières écritures de première instance de la société ADT FRANCE en date du 30 juillet 2007, mentionnent comme avocat postulant et plaidant, Maître DEGOS, inscrit au barreau de Paris ; que la constitution de ce dernier a couvert la nullité de fond affectant les écritures de la défenderesse devenue intimée ; que le moyen de nullité du jugement doit par conséquent être rejeté ;

 

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Considérant que M. X. exerce son activité artistique de peinture au lieu de son domicile ; que l'objet du contrat de télésurveillance portait sur un bâtiment dans lequel se trouvent à la fois son atelier de peinture et les locaux destinés à son habitation ; que pour obtenir la résiliation du dernier contrat conclu avec ADT FRANCE, M. X. se prévaut de l'inexécution des obligations incombant à celle-ci ; qu'il soutient que l'installation de surveillance n'était pas conforme au contrat et n'était pas de nature à assurer une protection efficace contre le vol ou l'incendie ; qu'il fait valoir de plus que cette installation présentait des risques en termes de sécurité des personnes en raison de l'existence de câbles pendants en plusieurs endroits ; que cet état de fait a conduit son assureur à refuser d'assurer son atelier ;

Considérant que la société ADT FRANCE rétorque que le contrat litigieux a pris fin à son terme, le 30 juin 2006, après la lettre de M. X. faisant part de sa volonté de ne pas le voir se renouveler, de sorte qu'il ne serait plus loisible à celui-ci d'en demander la résolution ; qu'elle soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ; que M. X. ne démontre ni l'absence de conformité du système au contrat ni un manquement de sa part à son devoir de conseil, ni enfin l'existence d'un dysfonctionnement affectant l'installation ;

Considérant qu'il est constant que M. X. a souhaité rompre le contrat le liant à la société ADT FRANCE, ce dont il l'a informé, par lettre recommandée avec avis de réception du 1er février 2006 ; que celle-ci en pris acte, lui répondant par lettre simple du 27 février 2006 que le contrat arriverait à son « échéance principale en date du 30 juin 2006 » ;

Considérant que les relations sont, au moins depuis cette date, rompues entre les parties ; que pour autant, M. X. est recevable à se prévaloir d'une résiliation pour inexécution partielle ou totale des obligations de son cocontractant, par application de l'article 1184 du code civil, à la date d'envoi de la lettre susvisée, l'enjeu de sa demande résidant notamment dans le caractère exigible ou non des deux redevances d'abonnement qui lui ont été réclamées par la société ADT FRANCE, et dans l'appréciation du bien fondé de sa demande de dommages et intérêts ;

Mais considérant que l'appelant ne peut s'établir de preuve à lui-même ; que son courrier de résiliation dénonçant la médiocrité de l'installation, l'existence de fils pendants et la désactivation de certains éléments de contact ainsi que la suppression du détecteur de fumée, est dépourvu de valeur probante ; que la réalité de l'état défectueux de l'installation n'est pas davantage démontrée par le constat d'huissier produit aux débats, qui n'a pas été établi contradictoirement, qui relate, sur les défauts de l'installation, les dires de M. X., et qui n'a été établi que le 13 mars 2006, soit [minute page 6] postérieurement à l'installation d'un nouveau système de sécurité par une société tierce, avec laquelle il s'avère que M. X. avait pris contact avant la fin du mois de décembre 2005 ; qu'aucun défaut de fonctionnement n'est non plus démontré ; qu'enfin, le fait que l'assureur de M. X. lui ait indiqué, par courrier du 12 décembre 2005, faisant suite à sa visite du 8 décembre que son « installation d'alarme télésurveillance ne remplit pas les conditions obligatoires exigées par les AGF pour garantir son atelier » ne suffit pas à démontrer, faute d'éléments plus précis, l'inefficacité de l'installation critiquée ;

Considérant qu'il ne pourrait être reproché à la société ADT FRANCE un manquement à son devoir de conseil, que si, dûment informée par M. X. des préconisations de son assureur, nécessaires à la garantie des lieux qui sont le siège de l'installation et des biens s'y trouvant, elle n'avait pas, en dépit de demandes qui auraient été formées par M. X. en ce sens, adapté son installation pour lui permettre de bénéficier de la garantie de celui-ci ; que cependant M. X., qui avait auparavant pris la décision de changer de prestataire de services, ainsi que cela résulte de la lettre de la société EPSAD en date du 27 décembre 2005, n'a formulé aucune demande en ce sens ; qu'il en résulte qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre de la société ADT FRANCE, de sorte que M. X. est mal fondé en sa demande de résolution judiciaire du contrat ainsi qu'en sa demande de dommages et intérêts ;

 

Sur la durée du contrat :

Considérant que M. X. met en cause la clause contractuelle relative à la durée du contrat initial et à son renouvellement, qu'il qualifie d'abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation et demande de voir réputer non écrite ; que pour s’opposer à cette demande la société ADT FRANCE fait valoir que les avis et recommandations émis par la commission des clauses abusives n'ont pas un caractère contraignant et que M. X. pouvait à tout moment solliciter la résolution judiciaire du contrat en application de l'article 1184 du code civil ;

Considérant que la clause litigieuse est, selon les conclusions de M. X., rédigée en ces termes : « le présent contrat est conclu pour une durée irrévocable de 48 mois consécutifs. A défaut de notification, trois mois avant son terme, d'une résiliation signifiée par SECURIVILLE ou l'abonné par lettre recommandée avec avis de réception, il se poursuivra par tacite reconduction pour des périodes irrévocables et successives de 24 mois, sauf résiliation par l'une ou l'autre des parties signifiées dans les normes et délais précités » ;

Considérant à titre liminaire que M. X. avait invoqué dans sa lettre de résiliation le fait qu'il n'était en possession que de la photocopie de la page un du contrat, et non de la page 2 figurant au dos de celle-ci, énonçant les conditions générales du contrat, dont ferait partie la clause relative à sa durée et son renouvellement ; que devant la cour la production des parties est limitée à cette même page un ; que toutefois, M. X. n'en tire pas argument dans ses conclusions ;

Considérant qu'à supposer que la clause reproduite dans les écritures, qui correspond en réalité à celle qui figurait au premier contrat conclu entre M. X. et la société SECURIVILLE aux [minute page 7] droits de laquelle se trouve la société ADT FRANCE, soit celle figurant effectivement au contrat litigieux, il convient de considérer que cette clause, contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, crée au détriment de celui-ci, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en instituant une durée initiale « irrévocable de 48 mois » et une prorogation automatique du contrat en l'absence d'expression contraire du consommateur, alors qu'une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non prorogation de la part du consommateur ; qu'elle est particulièrement défavorable au consommateur auquel elle laisse croire que même de manière justifiée il ne peut mettre fin au contrat avant terme et l'empêche de recourir aux services d'un professionnel concurrent ; que constitutive d'un abus au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, elle doit être réputée non écrite en application de ce texte ;

Considérant par conséquent que le terme imposé des relations contractuelles au 30 juin 2006, l'a été de manière infondée par la société ADT FRANCE qui doit être déboutée de ses demandes de paiement de la redevance convenue, au titre des deux derniers bimestres ; que le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point ;

 

Sur les autres demandes :

Considérant que la nature d'ordre public du litige ne justifie d'ordonner ni l'affichage ni la publication de la présente décision ; que M. X. doit donc être débouté de ses demandes en ce sens ;

Considérant que la société ADT FRANCE maintient sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Mais considérant que celle-ci n'est pas abusive puisqu'il est partiellement fait droit aux demandes de M. X. ; que le jugement ayant débouté la société ADT FRANCE de cette demande sera confirmé sur ce point ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à M. X. la somme de 2.000 € au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel ; que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par la société ADT FRANCE ;

Considérant que la société ADT FRANCE, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement entrepris,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

[minute page 8] Statuant à nouveau et y ajoutant,

Répute non écrite comme abusive la clause du contrat relative à sa durée et à son renouvellement,

Condamne la société ADT FRANCE à payer à M. X. la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la société ADT FRANCE aux dépens de première instance et à ceux d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame MAGUEUR, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,           Le PRÉSIDENT,