CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 20 janvier 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1708
CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 20 janvier 2005 : RG n° 03/04752 ; arrêt n° 29
Publication : Bull. transp. 2005, 543
Extrait : « Considérant qu'en effet, la Société TRANSEPT 78 soulève la forclusion de l'action de l'appelante, non sur le fondement des dispositions de l'article L. 133- 3 du Code de commerce, mais en application de stipulations contractuelles librement convenues entre les parties ; Considérant qu'il s'ensuit que les parties ont licitement spécifié la nécessité de l'envoi d'une lettre recommandée dans les trois jours de la livraison, même dans l'hypothèse où des réserves ont été émises au moment de la réception du mobilier, et ce à peine de déchéance du droit d'agir en justice à l'encontre du déménageur ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DOUZIÈME CHAMBRE SECTION 2
ARRÊT DU 20 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 03/04752. Arrêt n° 29. Code nac : 55Z. Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 11 juin 2003 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES, 1re ch., RG n° 2002F02971.
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Madame X.
demeurant [adresse] représentée par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N° du dossier 230962. Rep/assistant : Maître Jean-Marie PINARD avocat au barreau de VERSAILLES.
INTIMÉS :
- SARL TRANSFERT 78
dont le siège est à [adresse], exerçant sous l'enseigne « Les Déménageurs Bretons » ou son établissement [adresse], agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
- SA SUISSE ASSURANCES
ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par la SCP BOITEAU et PEDROLETTI, avoués - N° du dossier 0015197 - Rep/assistant : Maître Fabrice RENAUDIN avocat au barreau de MARSEILLE.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 novembre 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant « devis contrat » n° 10188 du 8 août 2001, Madame X. a chargé la Société TRANSFERT 78 de transporter divers meubles de [ville A.] (78) à [ville B.] (78) ; une déclaration de valeur a été faite par elle pour la somme de 48.021,44 €.
La livraison était prévue les 9 et 10 août 2001 ; si le premier camion de déménagement est normalement arrivé à destination, le second camion a été accidenté sur le trajet, et le mobilier de Madame X. a été partiellement endommagé à la suite de cet accident.
A la suite du rapport d'expertise établi par le Cabinet RTI EXPERTISE, l'assureur de la Société TRANSFERT 78 a proposé à sa cliente un dédommagement à concurrence de la somme de 4.327,03 €.
Cette proposition n'a pas été acceptée par Madame X., laquelle, par courrier du 12 mars 2002, a dressé une liste exhaustive des biens endommagés, et les a évalués à la somme totale de 8.053,30 €.
C'est dans ces circonstances que Madame X. a, par actes des 8 et 12 juillet 2002, assigné la Société MARSH et la Société TRANSFERT 78, « Les Déménageurs Bretons », en paiement de la somme principale de 8.053,30 €, augmentée des indemnités accessoires.
Pour sa part, la Société TRANSFERT 78 a, par acte du 8 août 2002, assigné Madame X. en paiement de la somme de 1.576,41 €, au titre du solde du prix du déménagement.
Par jugement du 11 juin 2003, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a :
- joint les instances ;
- reçu la Société SUISSE ASSURANCES en son intervention volontaire ;
- mis hors de cause la Société MARSH ;
- débouté Madame X. de ses demandes ;
- débouté les Sociétés TRANSFERT 78 et SUISSE ASSURANCES de leur demande de paiement de la somme de 1.576,41 € ;
- [minute page 3] dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné Madame X. aux dépens.
Madame X. a interjeté appel de cette décision.
Elle fait valoir qu'il résulte de l'article 14 des conditions générales du contrat de déménagement que l'exigence de l'envoi d'une lettre recommandée de réserves dans les trois jours de la livraison n'est requise que lorsque la prestation a été effectuée, c'est-à-dire lorsque les biens ont été livrés.
Elle soutient qu'en l'espèce, la livraison n'a jamais eu lieu ni le 9, ni le 10 août 2001, dans la mesure où le second camion de déménagement a été accidenté entre [ville B.] et le lieu du garde-meubles de la Société TRANSFERT 78.
Elle allègue que, dans la mesure où des marchandises ont été perdues ou endommagées par suite de cet accident, son action est parfaitement recevable sans qu'il puisse lui être valablement opposé la forclusion.
Elle précise avoir fourni tous justificatifs et les factures correspondantes à l'appui de sa demande d'indemnisation à concurrence de la somme de 8.053,30 €.
Elle ajoute qu'elle ne saurait être redevable du solde du prix du déménagement, dans la mesure où la prestation n'a été que partiellement exécutée compte tenu de la destruction de la cargaison se trouvant dans le second camion.
Aussi, tout en sollicitant la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les sociétés intimées de leur demande de paiement de la somme de 1.576,41 €, Madame X. demande à la Cour de l'infirmer pour le surplus, de déclarer recevable son action, et de condamner solidairement les Sociétés TRANSFERT 78 et SUISSE ASSURANCES au paiement de la somme principale de 8.053,30 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice.
[minute page 4] Elle réclame en outre l'allocation des sommes de 7.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les Sociétés TRANSFERT 78 et LA SUISSE ASSURANCES concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Madame X. en raison de la forclusion, et en ce qu'il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses prétentions.
Elles soulèvent l'irrecevabilité de l'action de Madame X., sur le fondement de l'article 16 (sic) des conditions générales du contrat de déménagement, dès lors que cette dernière n'a adressé aucune lettre recommandée dans les trois jours de la livraison.
Elles expliquent que la forclusion dont elles se prévalent est fondée, non sur les dispositions de l'article L. 133-3 du Code de commerce, mais sur l'article 16 des conditions générales du contrat de déménagement, lequel exige l'envoi d'une lettre recommandée, « que des réserves aient été prises ou non » à la livraison.
Elles allèguent que la partie adverse soutient à tort que cette formalité n'aurait pas à s'appliquer au motif qu'il n'y a pas eu livraison, alors que Madame X. est rentrée en possession de l'intégralité de son mobilier.
Elles précisent que la proposition transactionnelle adressée par la compagnie d'assurances de la Société TRANSFERT 78 ne saurait valoir reconnaissance par cette dernière du droit du réclamant.
A titre subsidiaire, elles relèvent que la partie appelante ne justifie pas du quantum de sa demande d'indemnisation, et ne peut prétendre qu'à la réparation du préjudice justifié dans la limite de la valeur déclarée, de telle sorte que sa réclamation ne saurait être accueillie qu'à hauteur de 4.629,57 €.
Se portant incidemment appelantes du jugement déféré, les sociétés intimées demandent à la Cour de condamner Madame X. au paiement de la somme de 1.576,41 €, au titre du solde du prix du déménagement, et de prononcer éventuellement la compensation judiciaire des sommes dues.
[minute page 5] Elles réclament en outre la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mai 2004.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
SUR LA FORCLUSION ENCOURUE :
Considérant qu'aux termes des conditions générales du contrat de déménagement liant les parties, il est stipulé :
« Que des réserves aient été prises ou non, le client doit, en cas de perte ou d'avarie, soit adresser à l'entreprise une lettre recommandée dans laquelle il décrit le dommage constaté, soit faire établir un acte extrajudiciaire (constat d'huissier). Ces formalités doivent être accomplies dans les trois jours, non compris les dimanches et jours fériés qui suivent la livraison... A défaut d'expédition dans les trois jours, le client est privé du droit d'agir contre l'entreprise... » ;
Considérant qu'il doit être observé que ces conditions générales sont reproduites au verso du « devis contrat » et des exemplaires « chargement » et « livraison » de la lettre de voiture, lesquels sont revêtus de la signature de Madame X. ;
Considérant que, d'ailleurs, l'attention de l'appelante avait été spécialement attirée sur l'importance de cette formalité par la mention figurant au bas de l'exemplaire « livraison » de la lettre de voiture, ainsi rédigée : « N'oubliez pas de confirmer vos réserves à l'entreprise par lettre recommandée dans les trois jours (non compris les jours fériés) qui suivent la livraison; faute de quoi, vous seriez privé du droit d'agir contre l'entreprise » ;
Considérant qu'a cet égard, aucune conséquence ne saurait être tirée du fait que des réserves, au demeurant insuffisamment motivées, ont été portées par Madame X. sur la lettre de voiture lors de la réception des marchandises ;
[minute page 6] Considérant qu'en effet, la Société TRANSEPT 78 soulève la forclusion de l'action de l'appelante, non sur le fondement des dispositions de l'article L. 133- 3 du Code de commerce, mais en application de stipulations contractuelles librement convenues entre les parties ;
Considérant qu'il s'ensuit que les parties ont licitement spécifié la nécessité de l'envoi d'une lettre recommandée dans les trois jours de la livraison, même dans l'hypothèse où des réserves ont été émises au moment de la réception du mobilier, et ce à peine de déchéance du droit d'agir en justice à l'encontre du déménageur ;
Considérant qu'au surplus, il résulte des mentions figurant sur la lettre de voiture que la livraison des marchandises est intervenue au plus tard le 22 août 2001 ;
Or considérant que Madame X. ne justifie nullement avoir adressé à la Société TRANSFERT 78, dans le délai de trois jours à compter de la livraison, la lettre recommandée de réserves exigée par les conditions générales susvisées ;
Considérant qu'a titre surabondant, la circonstance que la compagnie d'assurances du déménageur ait formulé une offre amiable d'indemnisation, assortie de la précision que : « à défaut d'acceptation, l'assureur reprendra tous ses droits », ne saurait valoir reconnaissance par son assurée du droit du réclamant ;
Considérant que, par voie de conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré Madame X. forclose en sa demande d'indemnisation.
SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DU SOLDE DU PRIX DU DÉMÉNAGEMENT :
Considérant que Madame X. conteste être redevable du solde du prix du déménagement, au motif que la prestation n'a été que partiellement exécutée, compte tenu de la destruction de la cargaison du second camion ;
Mais considérant que, s'il apparaît qu'une partie du mobilier a été endommagée à la suite de l'accident de circulation survenu lors du transport litigieux, les documents produits aux débats, en particulier l'expertise diligentée par le Cabinet RTI EXPERTISE, ne mettent toutefois nullement en évidence que [minute page 7] Madame X. ne serait pas entrée en possession de l'intégralité de son mobilier ;
Considérant qu'en toute hypothèse, l'action dont cette dernière a pris l'initiative à l'encontre de la société intimée en vue d'obtenir l'indemnisation de ses dommages, avaries et manquants, a été déclarée irrecevable pour cause de forclusion ;
Considérant que, dans la mesure où rien n'autorise à conclure à une livraison seulement partielle des marchandises, il convient, en infirmant de ce chef le jugement déféré, de condamner Madame X. au paiement de la somme de 1.576,41 €, au titre du solde du prix du déménagement.
SUR LES DEMANDES ANNEXES :
Considérant que l'équité commande d'allouer aux Sociétés TRANSFERT 78 et LA SUISSE ASSURANCES la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que Madame X., dont les prétentions sont écartées, ne peut qu'être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure ;
Considérant que la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a condamné Madame X. aux dépens de première instance ;
Considérant que cette dernière, dont l'argumentation est entièrement rejetée, doit être condamnée aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a débouté les sociétés intimées de leur demande en paiement du solde du prix du déménagement ;
[minute page 8] Statuant à nouveau de ce dernier chef, et y ajoutant :
CONDAMNE Madame X. à payer aux Sociétés TRANSFERT 78 et LA SUISSE ASSURANCES la somme de 1.576,41 € au titre du solde du prix du déménagement ;
CONDAMNE Madame X. à payer aux Sociétés TRANSFERT 78 et LA SUISSE ASSURANCES la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
DÉBOUTE Madame X. de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Madame X. aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP BOITEAU et PEDROLETTI, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Madame Marie SAUVADET, Greffier en Chef présent lors du prononcé
Le GREFFIER EN CHEF, Le PRÉSIDENT,