CA VERSAILLES, 13 septembre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 1720
CA VERSAILLES, 13 septembre 2002 : RG n° 2001/196
Publication : Legifrance
Extrait : « Considérant que l'article R. 261-30 du Code de la Construction et de l'Habitation prévoit que le réservant doit notifier au réservataire le projet d'acte de vente un mois au moins avant la date de la signature de l'acte ; que cependant l'acte de vente comporte une clause précisant que pour le cas ou le projet d'acte de vente n'a pas été envoyé au moins un mois avant la date de la vente, l'acquéreur dispense le vendeur d'attendre l'expiration du délai prévu et a demandé au Notaire de passer la vente ; que cette clause n'encourt pas la sanction prévue par l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dès lors que les dispositions du Code de la Construction et de l'Habitation susvisées dérogent aux dispositions tout à fait générales de l'article L. 132-1 du Code de la Construction et de l'Habitation [N.B. lire sans doute Code de la consommation] dont l'application ne peut être demandée ; que Monsieur X. reconnaît en page 5 de ses conclusions, in fine, avoir consulté tous les documents dont il est fait mention dans l'acte et donc en avoir eu connaissance ».
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2001-196.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
INTIMÉE :
SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant acte d'huissier en date du 17 juillet 2000, Monsieur X. a fait assigner la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE devant le Tribunal d'Instance d'ECOUEN aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :
- 7.622,45 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 1.219,59 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement contradictoire en date du 21 novembre 2000, le Tribunal d'Instance d'ECOUEN a rendu la décision suivante :
- rejette l'exception d'irrecevabilité,
- déboute Monsieur X. de ses demandes,
- condamne Monsieur X. à verser à la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE la somme de 365,88 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamne Monsieur X. aux dépens.
Par déclaration en date du 8 janvier 2001, Monsieur X. a interjeté appel de cette décision. Monsieur X. expose qu'il a, par acte de réservation en date du 21 décembre 1997, fait l'acquisition d'une maison en état futur d'achèvement auprès de la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE et que la parcelle acquise n'est pas conforme à l'acte de vente dès lors qu'un remblai de deux mètres de hauteur a été déposé face à sa maison. Il soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de consulter le projet d'acte de vente dès lors que le Notaire a dispensé le vendeur des formalités prévues par les dispositions de l'article R. 261-30 du Code de la Construction. Il affirme en outre que les documents, tels les statuts de l'Association Syndicale Libre, le plan parcellaire ou le permis de construire, ne permettaient pas de prévoir la configuration finale et réelle du terrain. Il prétend enfin qu'en dissimulant la configuration réelle des lieux la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE a vicié son consentement. Monsieur X. demande donc à la Cour de :
- le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé, réformant totalement,
vu les articles 1109, 1110, 1116, 1156, 1602, 1625 du Code Civil,
vu les articles R. 261-25, R. 261-30, R. 261-13 du Code de la Construction,
vu les articles L. 111-1, L. 132-1, L. 133-2 du Code de la Consommation,
- dire que c'est par une inexacte appréciation des faits que le Tribunal d'Instance d'ECOUEN a débouté Monsieur X. de sa demande,
- dire que le comportement assez peu scrupuleux, notamment par la rétention d'informations importantes à l'égard de Monsieur X., constitue une manoeuvre dolosive qui justifie la condamnation de la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE,
- à titre subsidiaire, dire que les fautes commises et les infractions relevées au Code Civil, Code de la Consommation, Code de la Construction, engagent la responsabilité de la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE et ont été de nature à vicier le consentement de l'appelant, en conséquence,
- condamner la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE à titre de dommages et intérêts au versement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 7622,00 Euros,
- condamner la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE au versement de la somme de 1.524,00 Euros hors TVA au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE répond que l'action introduite par Monsieur X. est prescrite aux termes de l'article 1648-2 du Code Civil, s'agissant de vices de construction apparents. Elle soutient encore que la renonciation par le réservataire, au délai de réflexion de l'article R. 261-30 du Code de la Construction, est courante dans la pratique notariale. Elle prétend enfin avoir satisfait à son devoir d'information et fait observer que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve de ce que l'état actuel de son lot serait différent de celui qui était prévisible par la consultation de documents tels les plans parcellaires ou le permis de construire.
La SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE prie donc en dernier la Cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
- faire droit à son appel incident, vu les articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code Civil,
- constater que Monsieur X. a pris possession de son pavillon en date du 4 janvier 1999 et qu'il n'a introduit son action qu'en date du 17 juillet 2000,
- le déclarer forclos à agir et rejeter comme prescrite son action,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
vu les dispositions des articles 1110 et 1116 du Code Civil,
- confirmer le jugement querellé,
- condamner Monsieur X. au paiement d'une indemnité de 1.600,00 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture a été prononcée le 2 mai 2002 et l'affaire plaidée à l'audience du 7 juin 2002.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que suite à un contrat de réservation du 21 décembre 1997, Monsieur X. a, suivant acte du 25 mai 1998, acquis en état futur d'achèvement de la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE un pavillon d'habitation sur un terrain inclus dans la deuxième tranche d'un ensemble immobilier dénommé [VILLAS X.] situé à [ville] ; qu'il a pris possession des lieux le 4 janvier 1999 ;
Considérant qu'ayant constaté, dans le courant du 1er trimestre 1999, postérieurement à la prise de possession, que les pavillons concernés par la réalisation de la troisième tranche étaient construits sur des remblais de sorte que sa propriété perdait son intimité et que l'ensoleillement était affecté, il a engagé une action indemnitaire, au motif que la société venderesse ne l'aurait pas informé des conditions de réalisation de la troisième tranche et des inconvénients majeurs qui en résultaient pour lui ; qu'il précise que la réalisation ne serait pas conforme aux pièces communiquées et que le remblai serait anormalement élevé ;
Considérant que son action est fondée à titre principal sur le dol et subsidiairement sur l'erreur ;
Considérant que pour soulever une exception d'irrecevabilité, la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE indique que, lorsque l'action en nullité pour erreur a pour cause un vice de la chose vendue, elle doit être exercée comme l'action en garantie des vices cachés dans le bref délai de l'article 1648 du Code Civil ;
Considérant que cette exception d'irrecevabilité ne peut être attachée qu'à la demande fondée subsidiairement sur l'erreur ; qu'il convient préalablement d'examiner la demande fondée sur le dol ;
1. Sur le dol :
Considérant que le droit de demander la nullité d'un contrat sur le fondement du dol en application des articles 1116 et 1117 du Code Civil n'exclut pas l'exercice par la victime des manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle ; qu'il convient de démontrer une faute commise par la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE, un préjudice direct et certain subi par Monsieur X. ;
Considérant que sur ce fondement, les manoeuvres dolosives invoquées par Monsieur X. sont constituées par une faute tirée :
* de l'impossibilité dans laquelle le vendeur a mis l'acquéreur de se voir communiquer ou de prendre connaissance des documents prescrits par le Code de la Construction et de l'Habitation dans les délais légaux,
* du manquement du vendeur à l'obligation qui lui incombait d'informer les acquéreurs sur l'existence de talutages,
* de l'information rassurante résultant des statuts de l'Association Syndicale, pouvaient lui laisser penser que les terrains d'assiette devaient être plats.
Considérant que l'article R. 261-30 du Code de la Construction et de l'Habitation prévoit que le réservant doit notifier au réservataire le projet d'acte de vente un mois au moins avant la date de la signature de l'acte ; que cependant l'acte de vente comporte une clause précisant que pour le cas ou le projet d'acte de vente n'a pas été envoyé au moins un mois avant la date de la vente, l'acquéreur dispense le vendeur d'attendre l'expiration du délai prévu et a demandé au Notaire de passer la vente ; que cette clause n'encourt pas la sanction prévue par l'article L.132-1 du Code de la Consommation dès lors que les dispositions du Code de la Construction et de l'Habitation susvisées dérogent aux dispositions tout à fait générales de l'article L.132-1 du Code de la Construction et de l'Habitation [N.B. lire sans doute Code de la consommation] dont l'application ne peut être demandée ; que Monsieur X. reconnaît en page 5 de ses conclusions, in fine, avoir consulté tous les documents dont il est fait mention dans l'acte et donc en avoir eu connaissance ;
Considérant que pour démontrer la faute commise par la SCI LES VERGES DE SAINT BRICE, Monsieur X. verse aux débats un rapport d'expertise judiciaire établi dans le cadre d'une procédure opposant des propriétaires de la 3ème tranche à la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE ; que ce rapport d'expertise établi contradictoirement à l'égard de la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE a valeur de renseignement pour les constatations qu'il contient ;
Considérant qu'il ressort de ce rapport qu'avant la construction des maisons, le terrain d'assise des pavillons était plat sans être horizontal, ce qui explique qu'il ait fallu exécuter des plates formes pour y asseoir des maisons prévues sur un plan type ;
Considérant qu'eu égard à la topographie de l'ensemble du terrain et notamment de sa déclivité, l'adaptation nécessaire devait conduire inéluctablement à faire des raccords entre les deuxième et troisième tranches par un talutage ; que les apports de remblais qui ont été faits correspondent, en réalité, à des travaux de planéité du sol de la tranche N° 3 ; que ce talutage important est donc la conséquence de la nécessité d'adapter le terrain ; que rien n'établit une volonté du vendeur d'occulter ce talutage ; que l'absence de réponse aux courriers adressés par Monsieur X. postérieurement à son acquisition ne suffit pas à rapporter la preuve d'une occultation délibérée de la nécessité d'adapter le terrain ;
Considérant que les clauses des statuts de l'Association Syndicale relatives à la hauteur des haies vives et à l'interdiction d'édifier des murs de clôture en béton n'établissent pas pour autant la connaissance par la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE de la connaissance, à la date de la vente le 25 mai 1998, de la conception de l'adaptation du terrain telle qu'elle a été finalement exécutée pour la réalisation de la troisième tranche ;
Considérant que, selon l'expert, il aurait été possible d'aménager le site en atténuant les différences de niveau ; qu'il aurait fallu à cet effet faire des études d'adaptation qui n'ont pas été menées ; que la conception de l'architecte a été acceptée par la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE, maître d'ouvrage ; que rien n'établit qu'à la date de la vente le 25 mai 1998, la conception de l'adaptation en cause avait déjà été acceptée par la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE, maître de l'ouvrage ;
Considérant que la topographie des lieux et notamment la déclivité naturelle du terrain ressortaient nécessairement de la visite des lieux faite par l'acquéreur à l'occasion du contrat de réservation ;
Considérant que seule l'adaptation nécessaire ne ressortait pas des documents remis à l'acquéreur ou qu'il a été en mesure de consulter, qu'il s'agisse du permis de construire du plan parcellaire établi par Monsieur Y., Géomètre, de la notice descriptive ;
Considérant que cependant le vendeur a respecté l'obligation qui lui est faite par l'article R.261-13 du Code de la Construction et de l'Habitation de communiquer, s'agissant d'un immeuble compris dans un ensemble immobilier, un plan faisant apparaître le nombre de bâtiments de cet ensemble, leur emplacement et le nombre d'étages de chacun d'eux ; qu'aucune obligation d'information supplémentaire ne lui est imposée ; qu'il ne peut donc lui être reproché ni d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation ni une réticence dolosive résultant d'une part de la connaissance exacte de l'adaptation du terrain nécessaire pour la réalisation de la 3ème tranche d'autre part d'un défaut d'information délibéré des acquéreurs de la deuxième tranche sur la nécessité de procéder à l'adaptation des terrains situés sur la troisième tranche même si celle-ci a finalement été réalisée avec des apports de remblais ;
Considérant par ailleurs que les constructions n'étant distantes que d'environ une dizaine de mètres, les apports de remblais n'ont pas eu une incidence importante sur l'intimité des habitants de la construction ; que la privation d'ensoleillement n'est pas plus établie par constatations ; qu'ainsi que l'a justement considéré le premier Juge aucune manœuvre dolosive du vendeur source d'un préjudice pour l'acquéreur n'est établie ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur X. sur le fondement du dol ;
2. Sur l'erreur :
Considérant qu'à l'appui de son exception d'irrecevabilité, la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE indique que lorsque l'action en nullité pour erreur a pour cause un vice de la chose vendue, elle doit être exercée comme l'action en garantie des vices cachés dans le bref délai de l'article 1648 du Code Civil ;
Mais considérant que Monsieur X. n'a pas engagé une action en nullité de la vente mais une action indemnitaire ;
Considérant que si l'acheteur dont le consentement a été vicié par une erreur sur les qualités substantielles peut demander la nullité de la vente sur le fondement de l'article 1110 du Code Civil, en revanche aucun texte ne lui ouvre d'action indemnitaire ; que Monsieur X. n'est pas fondé dans sa demande en dommages et intérêts à raison de l'erreur qu'il invoque ; que le jugement sera confirmé par substitution de motif en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur l'erreur ; que l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE est sans objet ;
Considérant qu'il n'est pas établi que les articles 1156, 1602 et 1625 du Code Civil invoqués également par Monsieur X. comme fondement de sa demande ont été méconnus par la SCI venderesse ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE une somme de 500,00 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant que l'appelant qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant,
- Condamne Monsieur X. à payer à la SCI LES VERGERS DE SAINT BRICE la somme de 500,00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Le condamne aux dépens qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP DEBRAY et CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt :
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT.