CA PARIS (13e ch. sect. B), 20 juin 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1839
CA PARIS (13e ch. sect. B), 20 juin 2008 : RG n° 07/05918 ; arrêt n° 5
Publication : Juris-Data n° 2008-366977
Extrait : « L'article L. 121-22 alinéa 1er du code de la Consommation prévoit que les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 ne sont pas applicables « aux activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier ». Dès lors, c'est bien seulement par une disposition relative au démarchage à domicile qu'il peut être fait exception à la législation prévue par les articles L. 121-23 à L. 121-29 du code de la consommation, et non par la réglementation de l'ensemble des contrats d'assurance. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, le seul texte du code des assurances qui prévoit une réglementation spéciale en matière de vente à domicile est l'article L. 132-5-1 relatif au démarchage en matière d'assurance sur la vie. Dès lors, les contrats conclus par le prévenu et qui sont visés dans le procès verbal établi par le DDCRF devaient se conformer à la législation du code de la consommation relative aux vente à domicile, et le délit visé à la prévention est donc établi en tous ses éléments.
Le fait que l'article L. 112-9 de la loi numéro 2008-3 du 3 janvier 2008, publié au Journal Officiel du 4 janvier 2008, prévoit un délai de renonciation de quatorze jours en cas de démarchage à domicile d'une proposition d'assurance, postérieure aux faits visés dans la prévention ne saurait être prise en compte dans la présente procédure. »
COUR D’APPEL DE PARIS
TREIZIÈME CHAMBRE CORRECTIONNELLE SECTION B
ARRÊT DU 20 JUIN 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/05918. Arrêt n° 5 (6 pages). Prononcé publiquement le VENDREDI 20 JUIN 2008, par la 13ème chambre des appels correctionnels, section B. Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MELUN du 29 JANVIER 2007, (ML 05/30482).
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
- Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], de nationalité française, courtier en assurances, jamais condamné, demeurant […], PRÉVENU, LIBRE, APPELANT, NON COMPARANT, Représenté par Maître CHEMIN, avocat au barreau de Paris substituant Maître VATIER, avocat au barreau de Paris,
- LE MINISTÈRE PUBLIC
APPELANT
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt, Président : Madame BARBARIN, Conseillers : Madame SERAN, Madame GERAUD CHARVET,
GREFFIER : Madame BARTHEZ aux débats et au prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Madame VICHNIEVSKY, avocat général.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LA PRÉVENTION :
Monsieur X. est poursuivi pour avoir à [ville] en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, entre le 1er mai 2005 et le 2 juin 2005, en sa qualité de gérant de la SARL « Avril Conseil et Associés » ayant démarché ou fait démarché :
- Madame A., Madame B., Monsieur C., Madame D., Monsieur E., Monsieur F., Monsieur G., Monsieur H., Madame I., Madame J. à leur domicile, résidence ou lieu de travail, même à leur demande, afin de proposer la fourniture de services, en l'espèce la fourniture de contrats d'assurances autres que l'assurance vie (assurance santé, assurance incendies, accidents et risques divers) remis à ceux-ci un contrat ne comportant pas la faculté de renonciation dans les sept jours et les modalités d'exercice de la faculté de renonciation, de formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les sept jours de la commande ou de l'engagement
- Madame A., Madame B., Monsieur C., Madame D., Monsieur E., Monsieur F., Monsieur G., Monsieur H., Madame I., Madame J. à leur domicile, résidence ou lieu de travail, même à leur demande, afin de proposer la fourniture de services, en l'espèce la fourniture de contrats d'assurances autres que l'assurance vie (assurance santé, assurance incendies, accidents et risques divers) obtenu ou exigé de son client, directement ou indirectement, à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, un paiement, une contrepartie quelconque ou un engagement, en l'espèce des chèques, des RIB ou des autorisations de prélèvement bancaires, avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours suivant la commande ou l'engagement
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré Monsieur X. coupable de
- REMISE D'UN CONTRAT NON CONFORME AU CLIENT LORS D'UN DÉMARCHAGE À DOMICILE OU DANS UN LIEU NON DESTINÉ AU COMMERCE DU BIEN OU SERVICE PROPOSÉ, du 1er mai 2005 au 2 juin 2005, à [ville], infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-21, R. 121-3, R. 121-4, R. 121-5, R. 121-6 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation
- DEMANDE OU OBTENTION DE PAIEMENT OU D'ACCORD AVANT LA FIN DU DÉLAI DE RÉFLEXION - DÉMARCHAGE, du 1er mai 2005 au 2 juin 2005, à [ville], infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation,
et, en application de ces articles,
l'a dispensé de peine.
assujetti la procédure à un droit fixe de 90 euros dont est redevable le condamné.
[minute page 3]
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur X., le 7 février 2007,
M. le Procureur de la République, le 7 février 2007, contre Monsieur X.,
DÉROULEMENT DES DÉBATS : À l'audience publique du 16 mai 2008, Madame le président a constaté l'absence du prévenu qui était représenté par son Conseil selon pouvoir en date du 15 mai 2008 ;
Maître VATIER, avocat a déposé des conclusions ;
Madame BARBARIN a fait un rapport oral ;
ONT ÉTÉ ENTENDUS
Madame VICHNIEVSKY, avocat général, en ses réquisitions ; Maître CHEMIN, avocat, en ses conclusions et plaidoirie ;
Madame le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé le 20 juin 2008. À cette date il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le ministère public à l'encontre du jugement déféré ;
A l'audience du 16 mai 2008, Madame l'Avocat Général demande à la Cour d'appliquer la jurisprudence de la Cour de Cassation (arrêt de la chambre criminelle du 2 octobre 2007) dès lors que les faits reprochés aux prévenus sont similaires et que, notamment, les contrats d'assurance visés dans le procès verbal de la DDCCRF de Seine et Marne ne concernent pas l'assurance vie.
Elle requiert la confirmation du jugement déféré.
Le Conseil du prévenu demande à la Cour, par voie de conclusions, de relaxer son client au motif qu'aucune infraction aux articles L. 121-21 et L. 121-23 et suivant du code de la consommation ne peut-être retenu en matière de démarchage pour les contrats d'assurance.
Très subsidiairement, il demande à la Cour de constater que son client ne pouvait appliquer ces dispositions puisqu'il a appliqué celles du code des assurances et, en application de l'article 122-4 du code pénal, qui prévoit l'impunité du prévenu lorsqu'il a accompli un acte prescrit et autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires, en conséquence de le relaxer.
[minute page 4] Il fait valoir, dans ses écritures, que lors de la discussion de la loi du 22 décembre 1972 dont est issu l'article L. 121-22 du code de la consommation, la dérogation prévue par cet article, introduite par amendement du gouvernement, a été motivée par la volonté d'exclure du champ d'application de la loi toute forme de démarchage faisant l'objet d'une réglementation particulière.
À cet égard, il rappelle que les dispositions du code des assurances relatives au délai de renonciation, en matière d'assurance-vie, n'est apparu que plusieurs années après l'introduction de cette dérogation. Il en conclut en conséquence que cette dérogation vise l'ensemble de la réglementation, et non des dispositions spécifiques à certaines branches.
En second lieu, il soutient plus que la réglementation des contrats d'assurance protège déjà la consommation (information obligatoire sur les prix et les garanties, résiliation possible annuellement...), et que le contrôle exercé par la Commission de Contrôle des assurances dépasse le seul cas du démarchage à domicile. Il souligne qu'il existe également une réglementation communautaire spécifique aux assurances.
En troisième lieu, il fait valoir que les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation ne peuvent pas s'appliquer aux contrats d'assurance dès lors qu'ils interdisent toute prise d'effet immédiate de garantie avant l'expiration du délai de rétraction de sept jours.
Enfin il s'appuie sur un projet de loi numéro 3430 enregistré à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 8 novembre 2006, qui irait dans le sens de l'argumentation précédemment développée. En effet, l'article 23 de ce projet propose d'introduire dans le code des assurances un dispositif équivalent pour la commercialisation des contrats par voie de démarchage à domicile en prévoyant un délai de 14 jours.
I - Rappel des faits :
Le 8 août 2005, deux contrôleurs de la DDCCRF de Seine et Marne dressaient procès-verbal à l'encontre de Monsieur X., courtier en assurance, gérant de la SARL « Avril Conseil et Associés » dont le siège est sis [adresse], pour infraction à la législation relative au démarchage et à la vente au domicile.
Ils exposaient qu'ils s'étaient rendus le 13 juin 2005 à 14 h au siège de cette société et avaient été reçus par M. Z., associé et Directeur Général, qui disposait d'une délégation pour représenter M. X.
M. Z. leur déclarait qu'ils utilisaient trois modes de prospection de la clientèle :
- la distribution de coupons dans les boîtes aux lettres : dans ce cas, la totalité des rendez-vous avaient lieu au domicile des clients ;
- les stands dans les galeries commerciales ; ils utilisaient alors les cordonnées laissés par les personnes intéressées pour les contacter ;
- la coopération (50 % des contrats) ; ils prenaient alors rendez-vous au domicile des clients.
La société avait conclu environ 180 contrats entre le 1er mai 2005 et le 9 juin 2005 (20 % d'assurances vie, 80 % d'assurances complémentaires santé et, à titre marginal, une assurance incendie, accidents et risques divers ou IARD).
[minute page 5] Les contrôleurs se faisaient remettre 11 contrats de souscription et constataient :
- qu'aucun des contrats ne comportait un bordereau de rétractation et que 2 seulement sur les 11 comportaient un délai de renonciation de 15 jours ;
- qu'un seul contrat comportait la date de sa signature ;
- que la signature de 5 contrats avait été accompagné de remise de chèque et 4 autorisations de prélèvements ;
- qu'aucun contrat n'indiquait en quel lieu il avait été conclu.
II - Discussion sur l'action publique :
L'article L. 121-22 alinéa 1er du code de la Consommation prévoit que les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 ne sont pas applicables « aux activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier ».
Dès lors, c'est bien seulement par une disposition relative au démarchage à domicile qu'il peut être fait exception à la législation prévue par les articles L. 121-23 à L. 121-29 du code de la consommation, et non par la réglementation de l'ensemble des contrats d'assurance.
Or, comme l'ont relevé les premiers juges, le seul texte du code des assurances qui prévoit une réglementation spéciale en matière de vente à domicile est l'article L. 132-5-1 relatif au démarchage en matière d'assurance sur la vie.
Dès lors, les contrats conclus par le prévenu et qui sont visés dans le procès verbal établi par le DDCRF devaient se conformer à la législation du code de la consommation relative aux vente à domicile, et le délit visé à la prévention est donc établi en tous ses éléments.
Le fait que l'article L. 112-9 de la loi numéro 2008-3 du 3 janvier 2008, publié au Journal Officiel du 4 janvier 2008, prévoit un délai de renonciation de quatorze jours en cas de démarchage à domicile d'une proposition d'assurance, postérieure aux faits visés dans la prévention ne saurait être prise en compte dans la présente procédure.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité.
La Cour confirmera également le jugement en ce qu'il a prononcé une dispense de peine.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels du prévenu et du ministère public,
[minute page 6] CONFIRME le jugement déféré et en ce qu'il a dispensé M. X. de toute peine.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné.