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5823 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Autres textes : démarchage à domicile

Nature : Synthèse
Titre : 5823 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Autres textes : démarchage à domicile
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5823 (25 décembre 2021)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

PRÉSENTATION GÉNÉRALE - APPLICATION DE LA PROTECTION DANS LE TEMPS

AUTRES TEXTES - DÉMARCHAGE À DOMICILE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

A. PRINCIPES

Application de la loi en vigueur à la date de conclusion du contrat. La loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 est le premier texte de protection du consommateur. Ce texte est entré en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation. Conformément aux principes classiques, il n’était applicable qu’aux contrats conclus postérieurement à cette date. La solution s’impose d’autant plus que la loi concerne la formation du contrat, en imposant à peine de nullité, des exigences que le professionnel ne pouvait ni connaître, ni a fortiori respecter dans le détail.

La loi a été modifiée par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989. La modification concerne le domaine d’application de la protection pour les professionnels. Alors que la version initiale du texte excluait les contrats proposés pour « les besoins d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou d’une activité professionnelle », la version modifiée réduit les exclusions aux contrats ayant « un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».

Le principe de l’application de la loi en vigueur à la conclusion du contrat est explicitement évoqué par quelques décisions. V. par exemple : « la vente ayant eu lieu le 10 janvier 1990, c’est l’art. 8 § e dans sa nouvelle rédaction qui doit s’appliquer en la cause ». TGI Nevers (ch. correct.), 11 octobre 1991 : RG n° 90/000407 ; jugt n° 1780 ; Cerclab n° 389, confirmé par CA Bourges (ch. correct.), 12 mars 1992 : arrêt n° 115 ; Cerclab n° 564 ; Juris-Data n° 1992-043560 (application sans discussion particulière de la rédaction nouvelle). § V. aussi : CA Paris (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021 : RG n° 20/00571 ; Cerclab n° 9300 (application des anc. art. L. 121-21 s. C. consom. dans leur version en vigueur à la date de conclusion du contrat le 9 octobre 2011), sur appel de TI Meaux, 6 novembre 2019 : RG n° 11-18-000937 ; Dnd.

Influence du caractère pénal du texte. Le non-respect des règles sur le démarchage est sanctionné pénalement. Une telle sanction ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’infractions commises après l’entrée en vigueur du texte. Rappr. pour un autre texte consacrant un droit de renonciation avec le même enjeu pénal : l’art. L. 112-9 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, publié au Journal Officiel du 4 janvier 2008, qui prévoit un délai de renonciation de quatorze jours en cas de démarchage à domicile d’une proposition d’assurance, ne peut être appliqué à des faits postérieurs à cette date. CA Paris (13e ch. correct. sect. B), 20 juin 2008 : RG n° 07/05918 ; arrêt n° 5 ; Cerclab n° 1839 ; Juris-Data n° 2008-366977, sur appel de TGI Melun (correct.), 29 janvier 2007 : ML n° 05/30482 ; Dnd.

Cependant, le démarchage à domicile pourrait soulever un problème particulier en raison des sanctions pénales qui s’attachent au non-respect des dispositions légales. En effet, le principe de l’application immédiate des lois pénales plus douces pourrait justifier l’application immédiate du critère du rapport direct si celui-ci était plus favorable au professionnel (V. pour un moyen évoquant explicitement cet argument, sans que la Cour puisse l’examiner compte tenu de sa nouveauté : Cass. civ. 1re, 16 mars 1994 : pourvoi n° 92-13828 ; arrêt n° 459 ; Cerclab n° 2087).

Néanmoins, ce principe de droit pénal semble ne pas pouvoir être appliqué à la loi du 31 décembre 1989, car le critère du rapport direct est, selon l’intention du législateur, plus protecteur pour les consommateurs et donc plus exigeant pour les professionnels que le critère des besoins de l’activité. En revanche, la question pourrait se poser pour la loi du 17 mars 2014 qui a nettement réduit le domaine de la protection aux personnes physiques contractant sans lien avec leur profession, ce qui pourrait inciter à supprimer immédiatement les sanctions pénales, l’extension partielle prévue par la loi s’appuyant sur des modalités imprévisibles et inconnues avant l’entrée en vigueur de ce texte.

B. APPLICATIONS : LOI N° 89-1008 DU 31 DÉCEMBRE 1989

Application prématurée. Comme pour les clauses abusives, certaines décisions consultées ne respectent pas le principe de l’application de la loi en vigueur à la date de conclusion du contrat et appliquent prématurément la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 à un contrat conclu antérieurement. V. : CA Pau (2e ch.), 24 novembre 1994 : RG n° 93/002441 ; arrêt n° 5024 ; Cerclab n° 635 ; Juris-Data n° 1994-049323 (contrat conclu le 9 février 1988 ; référence au rapport direct).

Refus d’application. D’autres décisions commettent l’erreur inverse en continuant d’appliquer l’ancienne rédaction de l’art. 8 (critère des besoins de l’activité) à un contrat conclu après l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1989 (critère du rapport direct avec l’activité). V. T. com. Angers, 9 décembre 1992 : RG n° 92/001368 et 92/10655 ; Cerclab n° 661 (contrat conclu le 2 janvier 1991), infirmé sur ce point par CA Angers (1re ch. A), 6 septembre 1994 : RG n° 09300823 ; arrêt n° 491 ; Cerclab n° 662 (application de la loi de 1989 et du critère du rapport direct), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 18 mars 1997 : pourvoi n° 94-20956 ; arrêt n° 552 ; Cerclab n° 2067 ; RJDA 1997/6, n° 850 (appréciation souveraine des juges du fond) - TGI Tarbes (1re ch.), 9 août 1994 : RG n° 379/94 ; jugt n° 1328 ; Cerclab n° 523 (contrat conclu le 26 juin 1992), sur appel CA Pau (1re ch.), 1er octobre 1997 : RG n° 94/004576 ; arrêt n° 3551 ; Cerclab n° 636 ; Juris-Data n° 1997-049083 (référence exacte au rapport direct et mention que le texte de la loi de 1972 a été codifié) - TGI Saint-Dié, 3 mars 1995 : RG n° 94/00436 ; Cerclab n° 401 (contrat conclu le 15 avril 1991 ; jugement mentionnant la loi de 1972, modifiée par celle de 1989, tout en conservant la référence au critère des besoins de l’activité), rectifié implicitement sur ce point par CA Nancy (1re ch.), 12 février 1998 : RG n° 95/001287 ; arrêt n° 454/98 ; Cerclab n° 1571 ; Juris-Data n° 1998-043502 - CA Orléans (ch. civ. 2), 19 septembre 1995 : RG n° 93/000015 ; arrêt n° 1325 ; Cerclab n° 704 ; Juris-Data n° 1995-048932 (contrat conclu le 8 novembre 1990), sur appel de TGI Tours (1re ch.), 29 octobre 1992 : RG n° 91/XX ; Cerclab n° 409 (application exacte de la loi de 1989 et du critère du rapport direct) - T. com. Rodez, 13 janvier 1998 : RG n° 97/000313 ; Cerclab n° 252 (contrat conclu le 10 septembre 1992), infirmé par CA Montpellier (2e ch. A), 1er octobre 1998 : RG n° 98/0001724 ; Cerclab n° 950 ; Lamyline (référence exacte au Code de la consommation) - CA Versailles (2e ch.), 14 mai 1998 : RG n° 96/10216 ; Cerclab n° 1745 ; Jurinet (contrat conclu le 15 décembre 1994), infirmant sur ce point T. com. Nanterre (7e ch.), 12 novembre 1996 : RG n° 96/00952 ; Cerclab n° 237 (application justifiée de l’art. L. 121-22).

Application cumulative. Pour des décisions citant simultanément les deux textes en dépit de leur différence de rédaction (N.B. la combinaison de critères est toutefois une pratique courante, V. Cerclab n° 5883 à 5886) : TI Brest, 29 avril 2004 : RG n° 11-03-000708 ; Cerclab n° 2123 (contrat conclu le 7 novembre 2002), et sur appel CA Rennes (1re ch. B), 14 avril 2005 : RG n° 04/04109 ; arrêt n° 271 ; Cerclab n° 1785 ; Juris-Data n° 2005-278507 (idem) - CA Toulouse (3e ch. correct.), 12 mai 1999 : RG n° 99/00074 ; arrêt n° 583 ; Cerclab n° 834 ; Juris-Data n° 1999-042731 (contrats conclus courant 1996, référence au rapport direct et aux besoins de l’activité), sur appel de TGI Toulouse (3e ch. correct), 7 décembre 1998 : RG n° 96107930 ; jugt n° 1260/98 ; Cerclab n° 796 (référence correcte au seul critère du rapport direct).

C. APPLICATIONS : CODE LA CONSOMMATION (LOI N° 93-949 DU 26 JUILLET 1993)

Présentation. La loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 créant le Code de la consommation n’est pas applicable aux contrats conclus avant son entrée en vigueur, conformément au principe général posé par la Cour de cassation (Cerclab n° 5811). L’enjeu est purement formel car la codification s’est effectuée à droit constant, l’ancien art. L. 121-22 C. consom. reprenant les termes de l’art. 8 de la loi du 22 décembre 1972.

Application prématurée. Certaines décisions consultées ne respectent pas cette solution et appliquent prématurément le Code de la consommation, en visant les anciens art. L. 121-21 s. C. consom. pour un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1993. V. par exemple : CA Bourges (1re ch.), 28 mai 1996 : RG n° 94/01243 ; arrêt n° 557 ; Cerclab n° 565 ; Juris-Data n° 1996-055470 (contrat conclu en février 1993), infirmant T. com. Châteauroux, 5 octobre 1994 : RG n° 2160/93 ; Cerclab n° 195 (visa exact de la loi de 1972) - CA Montpellier (2e ch. A), 1er octobre 1998 : RG n° 98/0001724 ; Cerclab n° 950 ; Lamyline (contrat conclu le 10 septembre 1992).

Refus d’application. D’autres décisions commettent l’erreur inverse de continuer à viser la loi du 22 décembre 1972 en présence d’un contrat conclu après l’entrée en vigueur du Code de la consommation : CA Nancy (1re ch. civ.), 30 octobre 1996 : M.R. n° 865/95 ; arrêt n° 2316/96 ; Cerclab n° 1572 ; Juris-Data n° 1996-055671 (contrat conclu en 1994 ; visa des lois de 1972 et 1989), infirmant TGI Bar-Le-Duc (ch. civ.), 2 mars 1995 : RG n° 1119/94 ; Cerclab n° 327 (jugement visant le code de la consommation) - T. com. Perpignan 27 octobre 1997 : RG n° 96/841 ; Cerclab n° 247 (contrat conclu le 21 avril 1995), infirmé par CA Montpellier (2e ch. A), 3 décembre 1998 : RG n° 97/0006242 ; Cerclab n° 949 ; Lamyline (visa du code de la consommation) - T. com. Rouen, 3 novembre 1997 : RG n° 96/017391 ; Cerclab n° 973 (contrat conclu le 10 janvier 1996), infirmé par CA Rouen (2e ch. civ.), 10 novembre 1999 : RG n° 97/05449 ; Cerclab n° 980 ; RJDA 2000/6, n° 722 - TGI Nîmes (1re ch.), 18 novembre 1997 : RG n° 95/00601 ; Cerclab n° 1050 (contrat conclu en septembre 1994), confirmé par CA Nîmes (1re ch.), 23 mars 1999 : RG n° 98/0024 ; arrêt n° 159 ; Cerclab n° 1073 ; Gaz. Pal. 2000. somm. 1820, obs. Depadt (arrêt citant le code de la consommation) - CA Versailles (2e ch.), 14 mai 1998 : RG n° 96/10216 ; Cerclab n° 1745 ; Jurinet (contrat conclu le 15 décembre 1994), infirmant sur ce point T. com. Nanterre (7e ch.), 12 novembre 1996 : RG n° 96/00952 ; Cerclab n° 237 (application justifiée de l’ancien art. L. 121-22).

Application cumulative. Pour des décisions citant simultanément les deux textes : CA Riom (1re ch. civ.), 22 juin 2006 : RG n° 05/02268 ; Cerclab n° 613 ; Juris-Data n° 2006-313445 (contrat conclu le 14 décembre 2002 ; décision visant la loi de 1972 et le Code de la consommation), sur appel de TGI Clermont-Ferrand (1re ch. civ.), 29 juin 2005 : RG n° 04/2711 ; jugt n° 366 ; Cerclab n° 350 (idem).

D. LOI N° 2014-344 DU 17 MARS 2014

Modification du domaine de la protection en cas de conclusion à distance ou hors établissement. L’ancien art. L. 121-16-1-III C. consom., modifie le domaine d’application du texte concernant les « petits » professionnels contractant dans le cadre de leur activité. Alors que ceux-ci pouvaient en revendiquer l’application lorsque le contrat conclu n’avait pas de rapport direct avec cette activité, les dispositions relatives aux contrats conclus à distance ou hors établissement sont désormais réservées aux consommateurs, tels que définis de façon étroite à l’article préliminaire. Les sous-sections 2, 3, 6 et 7 sont seulement étendues aux « contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

En posant des conditions tout à fait nouvelles, notamment quant au nombre d’employés, que le professionnel ne pouvait connaître, il semble que le texte nouveau ne puisse être appliqué qu’aux contrats conclus après son entrée en vigueur, d’autant que le non-respect de la loi peut entraîner des sanctions pénales et que, sous cet angle, la loi du 17 mars 2014 risque plutôt d’aggraver les sanctions.

E. ORDONNANCE DU 14 MARS 2016

Restriction des effets de l’extension de la protection en cas de conclusion à distance ou hors établissement. Le nouvel art. L. 221-3 C. consom. n’a pas changé les conditions d’extension aux « petits » professionnels de certaines règles relatives aux contrats conclus à distance ou hors établissement, mais il a réduit la liste des dispositions étendues. Il n’est pas possible de priver rétroactivement des professionnels d’une protection à laquelle ils avaient droit, le texte ne peut donc être applicable qu’aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2016.