T. COM. BLOIS, 18 novembre 1988
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 184
T. COM. BLOIS, 18 novembre 1988 : RG n° 87/788
(sur appel CA Orléans (ch. civ. sect. 2), 26 mai 1992 : RG n° 560.89 ; arrêt n° 656)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BLOIS
JUGEMENT DU 18 NOVEMBRE 1988
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 87/788. AUDIENCE DU 18 NOVEMBRE 1988. Le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BLOIS, Loir et Cher, séant dite Ville a, dans son audience publique du dix-huit Novembre mil neuf cent quatre vingt huit, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
La société anonyme MPG
dont le siège social est au [adresse], Demanderesse au principal, Défenderesse reconventionnelle, représentée par Maître MERLE, Avocat à BLOIS, D'UNE PART,
ET :
1) La société à responsabilité limitée ALPEC
[adresse], Défenderesse au principal, Demanderesse reconventionnelle, représentée par Maître GENDRE, Avocat à BLOIS,
2) Les MUTUELLES GENERALES D'ASSURANCES
[adresse], Défenderesse, représentée par Maître OSTY, Avocat à BLOIS,
D'AUTRE PART,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par assignation du 24 novembre 1987, la SA MPG demande au Tribunal de déclarer la société ALPEC SECURITE responsable des conséquences du sinistre survenu dans la nuit du 26 au 27 août 1987, de condamner solidairement la société ALPEC SECURITE et la MGA à payer aux Établissements MGP 144.487,97 Francs au principal, 20.000 Francs de dommages intérêts pour préjudice commercial et troubles commerciaux et 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, sollicitant en outre l'exécution provisoire du jugement et la condamnation de la société ALPEC SECURITE en tous les dépens,
[minute page 2]
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
A l'appui de sa demande, la société MPG soutient qu'elle a été victime d'un vol avec effraction, et d'importantes dégradations de son entrepôt de la [lieu, ville] dans la nuit du 26 au 27 août 1987,
Qu'elle avait obtenu de la société ALPEC SECURITE un devis relatif à une installation de protection de ses entrepôts,
Cette installation complète devait être sous auto-protection permanente de jour comme de nuit et en cas de tentative de sabotage, l'alarme immédiatement donnée jusqu'à la remise en état de l'installation,
De plus, un contrat avait été souscrit avec VAL DE LOIRE PROTECTION dont le siège social est à la même adresse qu’ALPEC SECURITE, ayant pour objet, moyennant une redevance mensuelle de 250,00 Francs HT, de transmettre à cette société tous appels du transmetteur téléphonique installé,
Il résulte du rapport d'intervention de la société ALPEC SECURITE après le cambriolage, que la puce électronique comportant en mémoire les numéros de téléphone que le transmetteur auto-protégé devait appeler, était effacée,
La puce effacée, la société VAL DE LOIRE n'a pu être avertie par le transmetteur, et avertir la société MPG,
La société MPG est donc fondée à rechercher la responsabilité d'ALPEC SECURITE pour défaut de fonctionnement de l'installation,
Le préjudice subi résulte des factures versées aux débats, et totalise la somme de 144.487,97 Francs HT,
La société ALPEC SECURITE a avisé la MGA qui n'a pas accepté de prendre en charge ce sinistre,
Pour s'opposer à la demande, la société ALPEC SECURITE soutient qu'il résulte des conditions générales de vente que la défaillance de l'installation ne peut en aucun cas être retenue comme la cause du sinistre dont le client serait simultanément victime,
Que la société MPG a d'ores et déjà lors de la signature du devis, dégagé la société ALPEC SECURITE de toute responsabilité dans l'hypothèse de réalisation d'un tel sinistre,
La société MPG n'était pas assurée pour un tel risque,
Par ailleurs, la garantie du vendeur d'ALPEC SECURITE a pris effet à la date du 23 décembre 1985, date de mise en service et expirait le 22 décembre 1986 10 heures,
Le 22 février 1987, ALPEC a proposé à la société MPG un contrat d'entretien mais cette dernière n'a pas donné suite à cette proposition,
A la suite d'une première tentative de cambriolage du 30 mars 1987, la société ALPEC SECURITE a réalisé une première intervention importante pour un montant de 7.531,40 Francs TTC,
[minute page 3] Ainsi, à la date du sinistre, le matériel installé n'était plus sous la garantie de la société ALPEC dont a société MPG ne peut rechercher la responsabilité,
Dans ces conditions, la société ALPEC est fondée à demander à ce que la société MPG soit déclarée irrecevable, et subsidiairement mal fondée en sa demande, et reconventionnellement, une somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Par conclusions, la MGA prétend que le Tribunal de Commerce n'est pas compétent pour juger de la demande diligentée à l'encontre de la MGA,
Que cette dernière est une société à forme mutuelle et que seul est compétent le TGI,
A titre infiniment subsidiaire, la responsabilité de la société ALPEC et par conséquent, celle de la MGA, ne peut être retenue car le hurleur a fonctionné, la puce électronique également mais a été court-circuitée par l'arrachement du câble d'alimentation et la SA MPG a refusé le contrat d'entretien ayant pu repousser la garantie de la société ALPEC,
La société MGA est aussi fondée à réclamer 3.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Par conclusions, la société MPG répond qu'il n'est pas discutable que le transmetteur n'a pas fonctionné pour cause de court-circuit selon l'installateur,
Qu'il ne s'agissait donc pas d'un système auto-protégé mais d'un système d'une fiabilité nulle,
La société ALPEC a induit en erreur la société MPG en lui présentant une installation ne correspondant pas aux spécifications et aux desiderata exprimés contractuellement,
L'article 9 du contrat d'ALPEC SECURITE selon lequel il ne peut y avoir de lien de cause à effet entre la commission d'un vol et le fonctionnement ou non de l'installation, la défaillance de l'installation ne pouvant être retenue comme cause du sinistre, doit être réputée non écrite en vertu de l'article 2 du décret du 24 mars 1978. Cet article 9 est une clause de non responsabilité visant à décharger le débiteur des conséquences dommageables de l'inexécution d'une obligation issue directement de son contrat prévoyant deux visites par an soit donc à raison d'intervalle de six mois, importe peu en l'espèce puisqu'une révision complète de l'installation a été faite par la société ALPEC SECURITE le 30 mars 1987, cinq mois avant le sinistre,
Dans de secondes conclusions, la MGA ajoute que le but de l'installation est de déclencher l'alarme,
Que l'installation était fiable puisque la sirène a fonctionné mais a été annulée tout de suite par l'arrachement du câble d'alimentation,
[minute page 4] Une installation auto-protégée implique une installation qui se protège elle-même et elle l'est effectivement tant que rien ne vient la court-circuiter,
L'arrachement du câble d'alimentation provoque le court-circuit et efface la mémoire,
Aussi, il n'y a aucune erreur de conception de l'installation faite par la société ALPEC,
Par de secondes conclusions, la société ALPEC SECURITE affirme que même si le transmetteur auto-protégé a pu composer le numéro téléphonique contenu dans la puce électronique, la transmission téléphonique n'a pu se faire par manque de fil,
En effet, M. A., dans son attestation du 11 avril 1988, précise que lors de son arrivée sur les lieux « la seconde ligne téléphonique ne fonctionnait plus parce que les fils ont été arrachés lorsque les auteurs du vol ont détruit les bureaux et le mobilier avec le manitou. Ainsi le défaut de transmission téléphonique vient de l'absence de ligne téléphonique au moment où le transmetteur a composé le numéro »,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur le fond :
Il ressort du procès-verbal de gendarmerie que les auteurs du sinistre ont à l'aide d'un élévateur, soulevé le portail d'entrée de l'entrepôt pour le faire tomber à terre,
Une fois à l'intérieur, l'un des auteurs du vol a sectionné le fil d'alimentation de l'alarme et neutralisé le hurleur à l'aide d'un fusil de chasse,
Il résulte de ces faits que les auteurs du sinistre se sont acharnés sur le système d'alarme afin de l'anéantir,
Le Tribunal constate que la preuve que le non fonctionnement simultané de la sirène et du transmetteur provienne d'une carence ou d'un vice de l'installation incriminée, n'est pas rapportée,
Le Tribunal constate que l'installation d'un système de protection contre le vol n'est pas assimilable à un contrat d'assurances,
De telles installations constituent une gêne sérieuse et difficilement surmontables pour les auteurs du sinistre mais ne constituent pas des garanties contre le vol, le sinistre trouve sa cause dans le fait de son auteur,
Par ailleurs, la société ALPEC n'a commis ni faute, erreur ou négligence de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle,
Le Tribunal constate de plus que l'installation a été mise en service le 23 décembre 1985,
Que le devis du 28 octobre 1985 proposé par la société ALPEC à la société MPG précisait que l'installation était garantie un an, pièces, main d'œuvre et déplacements à compter de la date de mise en service,
[minute page 5] Que par courrier du 26 février 1987, la société ALPEC a proposé un contrat d'entretien à MPG qui n'a pas répondu à cette proposition,
Ainsi, au moment du sinistre, l'installation d'alarme n'était plus sous garantie et ne bénéficiait d'aucun contrat d'entretien,
Le Tribunal considère, au vu des éléments de fait qui précèdent, que la responsabilité de la société ALPEC ne peut être engagée dans la survenance du sinistre du 26 au 27 août 1987, la preuve d'un lien de cause à effet entre le préjudice subi par MPG et un éventuel manque de fiabilité de l'installation d'alarme n'étant pas rapporté,
Sur l'exception d'incompétence :
Une exception d'incompétence est soulevée par le défendeur, mais l'assuré étant mis hors de cause, la demande devient sans objet à l'égard de l'assureur,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal après en avoir délibéré conformément à la loi,
Jugeant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Reçoit la demande de la société MPG, la dit mal fondée,
Rejette la responsabilité de la société ALPEC dans les conséquences du sinistre intervenu dans la nuit du 26 au 27 août 1987, et par voie de conséquence, dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner l'exception d'incompétence en raison de la matière soulevée par la MGA,
Condamne la société MPG à payer QUATRE MILLE FRANCS (4.000 Francs) en tout à la société ALPEC et à la MGA en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
Condamne la société MPG aux dépens, lesdits dépens liquidés à la somme de TROIS CENT DEUX FRANCS TREIZE CENTIMES (302,13 Francs) TTC, ainsi qu'au coût de l'assignation et du droit de plaidoirie portés pour mémoire,
Ainsi fait et jugé en l'audience publique du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BLOIS,
L'an mil neuf cent quatre vingt huit, Le dix-huit Novembre,
Et prononcé par Monsieur JIQUEL, Président, à laquelle audience étaient Messieurs DEPONGE et LAURAIN, Juges,
Assistés de Maître MADRE, Greffier associé,
Tous Membres composant le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BLOIS.