5873 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1978-1994)
- 5863 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Principes - Présentation générale
- 5874 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : rapport direct
- 5875 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : autres critères
- 5876 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation : contrôle des juges du fond
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5887 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Démarchage (avant la loi du 17 mars 2014)
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5943 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : publicité
- 5880 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : compétence
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5873 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION
PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ
CRITÈRES - CLAUSES ABUSIVES - COUR DE CASSATION (1978-1994)
Présentation. La loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 a entendu protéger les consommateurs et les non-professionnels contre les clauses abusives, mais n’a pas imposé de critère particulier permettant de définir des deux termes lorsqu’un professionnel contracte à l’occasion de sa profession. C’est donc la jurisprudence qui a dû combler cette lacune. Les critères choisis ont évolué avec le temps, traduisant une conception plus ou moins large du domaine de cette protection, pouvant au demeurant être influencée par des réformes connexes (ex. la modification de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. par la loi du 4 août 2008, visant à sanctionner les déséquilibres significatifs dans les contrats conclus entre partenaires commerciaux, modifié par l’art. L. 442-1-I-2° C. com. qui a supprimé la condition de partenariat). Avant de retracer les différentes étapes de cette évolution, il convient de noter que le nombre d’arrêts évoquant cette question a très fortement augmenté avec le temps et qu’il est peut être excessif de faire découler de véritables tendances d’une ou deux décisions rendues au tout début de cette évolution.
A. PREMIÈRE ÉTAPE : CRITÈRE INDÉTERMINÉ
Dans une première décision, la Cour de cassation n’a pas exposé de critère très net : la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 n’est pas applicable à un agent d’assurances qui, en achetant des couvertures d’annuaires publicitaires, a traité en qualité de professionnel de l’assurance et pour la publicité de son cabinet. Cass. civ. 1re, 15 avril 1986 : pourvoi n° 84-15801 ; arrêt n° 219 ; Cerclab n° 2117 ; D. 1986. IR. 393. § Cette motivation a été rapprochée des besoins de l’activité (comp. Rapport 1987, page 208), mais, avec le recul, elle relie directement la conclusion en qualité de professionnel et un indice, la promotion de l’activité par la publicité, sans utiliser de critère général et abstrait (pour cet indice, V. Cerclab n° 5901, et pour les contrats de publicité, V. Cerclab n° 5943).
B. DEUXIÈME ÉTAPE : CRITÈRE DE LA COMPÉTENCE
Par la suite, la Cour de cassation a choisi le critère de la compétence, marquant nettement sa volonté de protéger les professionnels placés par rapport à leur cocontractant dans un état d’infériorité et d’ignorance identique à celui d’un consommateur : les juges d’appel, qui ont estimé que le contrat conclu entre le prestataire de téléphonie et la société cliente échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur, en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable. Cass. civ. 1re, 28 avril 1987 : pourvoi n° 85-13674 ; arrêt n° 470 ; Bull. civ. I, n° 134 ; Rapport 1987, p. 208 ; Cerclab n° 2116 ; JCP 1987. II. n° 20893, note Paisant ; D. 1988, p. 1, note Delebecque, rejetant le pourvoi contre CA Aix-en-Provence, 19 mars 1985 : Dnd.
Pour des décisions des juges du fond appliquant, avant le revirement de janvier 1995 sur le rapport direct, le critère de la compétence, V. par exemple. T. com. Saint-Brieuc, 13 juin 1994 : RG n° 92/000836 ; Cerclab n° 254 (clauses abusives ; critère de la compétence et de l’utilisateur professionnel ; fourniture d’électricité à un aviculteur ; protection susceptible d’être accordée à la serre d’un particulier, au local professionnel d’un médecin ou à celui d’un petit éleveur, mais pas une société professionnelle comme celle de l’espèce, parfaitement avisée des risques de délestage), confirmé par CA Rennes (2e ch.), 10 avril 1996 : RG n° 9405455 ; arrêt n° 421 ; Cerclab n° 1825 ; Juris-Data n° 1996-044661 (contrat en rapport direct avec l’activité) - CA Dijon (1re ch. 2e sect.), 24 février 1994 : RG n° 00722/93 ; arrêt n° 335 ; Cerclab n° 617 ; Juris-Data n° 1994-053845 (démarchage ; location d’un photocopieur échappant à la compétence professionnelle d’un commerçant loueur de vidéos, qui était dans le même état d’ignorance qu’un consommateur), confirmant TI Louhans, 9 février 1993 : RG n° 92/287 ; jugt n° 22 ; Cerclab n° 73 (critère de la compétence), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 17 juillet 1996 : pourvoi n° 94-14662 ; arrêt n° 1526 ; Bull. civ. I, n° 331 ; Cerclab n° 2071 ; JCP 1996. II. 22747, note Paisant ; Defrénois 1997. 346, obs. Aubert (appréciation souveraine des juges du fond) - CA Orléans (ch. civ. sect. 2), 26 mai 1992 : RG n° 560/89 ; arrêt n° 549 ; Cerclab n° 705 (clauses abusives ; vente à une SA d’un sytème d’alarme pour surveiller son entrepôt ; application de la protection à un » consommateur profane »), sur appel de T. com. Blois, 18 novembre 1998 : RG n° 87/788 ; Cerclab n° 184 (problème non abordé).
Pour une décision appliquant de multiples critères : CA Nîmes (2e ch.), 8 mars 1990 : RG n° 88-1496 ; arrêt n° 211 ; Cerclab n° 1077 ; Petites affiches 15 août 1990, note L. Boy (clauses abusives, L. 10 janvier 1978 ; contrat entre professionnels, compétence, besoins de l’activité, absence de relation directe ; fourniture d’électricité à une usine de moulinage ; exclusion de la protection), infirmant T. com. Aubenas, 9 février 1988 : RG n° 84/633 ; jugt n° 97 ; Cerclab n° 2740 (protection accordée).
V., pendant la même période, se référant aux besoins de l’activité. CA Paris (1re ch. urg. A), 16 février 1989 : RG n° 87/009806 ; Cerclab n° 1308 ; Juris-Data n° 1989-020604 (clauses abusives ; location-entretien d’une installation téléphonique comportant un central avec plusieur lignes par un médecin psychiatre ; contrat conclu « pour les besoins de son activité professionnelle et non pour un usage personnel ou familial » ; arrêt relevant comme indice l’importance de l’installation), sur appel de TI Paris (4e arrdt), 8 janvier 1987 : RG n° 368/86 ; Cerclab n° 2781 (caractère professionnel déduit de l’aveu du client).
C. TROISIÈME ÉTAPE : « CRITÈRE » DES CONTRATS CONCLUS ENTRE PROFESSIONNELS
L’application du critère de la compétence pouvait avoir pour conséquence une extension incontrôlée du domaine de la protection contre les clauses abusives (V. aussi pour le démarchage, Cerclab n° 5887). Des décisions ultérieures sont revenues à une position plus stricte se référant au fait, soit que le contrat n’avait pas été conclu par un consommateur, soit qu’il avait été contre entre deux professionnels, solutions qui procèdent par affirmation et en réalité n’expliquent rien (sur la persistance d’une telle tendance, même après 1995, V. Cerclab n° 5877).
Tout d’abord, une décision non publiée de la première Chambre civile s’est contentée d’affirmer : dès lors que le prêt litigieux était destiné à financer l’acquisition d’un immeuble à usage de bureaux, il en résulte que ni la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, ni la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 n’était pas applicable en la cause, la SCI ne pouvant être tenue pour un consommateur au sens de ce texte. Cass. civ. 1re, 26 mai 1993 : pourvoi n° 91-15876 ; arrêt n° 832 ; Cerclab n° 2096 ; JCP N 1994. II. p. 26 note Raymond.
Ensuite, une seconde décision de la première Chambre civile, également non publiée, a affirmé : « le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des art. 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, […] et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels. Cass. civ. 1re, 24 novembre 1993 : pourvoi n° 91-17753 ; arrêt n° 1504 ; Cerclab n° 2094 ; JCP 1994. II. 22334, note Leveneur ; Contr. conc. consom. 1994, Chron. 3, Leveneur ; D. 1994. somm. 236, obs. Paisant ; Defrénois 1994. 818, obs. Mazeaud (vente de 6.000 plants de pommiers à un agriculteur).
Enfin, cette position a été reprise par un arrêt ultérieur, non publié, de la Chambre commerciale : la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur la licéité de l'art. 8 du contrat prévoyant la faculté pour les parties de le résilier unilatéralement au regard de l'art. 35 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, la convention ayant été conclue entre deux professionnels. Cass. com. 10 mai 1994 : pourvoi n° 92-22075 ; arrêt n° 1136 ; Cerclab n° 1934 ; D. 1995. somm. 89, obs. D. Mazeaud ; Defrénois 1995. 347, obs D. Mazeaud ; Contr. conc. consom. 1994, n° 155, obs. Leveneur (société gérant un supermarché et contractant avec une banque pour le traitement et l’encaissement des paiements par cartes de crédit).