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CA METZ (ch. urg.), 24 juin 2008

Nature : Décision
Titre : CA METZ (ch. urg.), 24 juin 2008
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), ch. urg.
Demande : 06/02861
Date : 24/06/2008
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 28/09/2006
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1849

CA METZ (ch. urg.), 24 juin 2008 : RG n° 06/02861

Publication : Juris-Data n° 2008-372266

 

Extrait : « Attendu que le contrat de prêt signé par les parties ne comporte aucune indication selon laquelle il aurait fait l'objet, préalablement, en France, d'une proposition ou d'une publicité selon laquelle la Banque aurait adressé une offre à M. X. à son domicile sans que celui-ci l'ait sollicitée, ainsi qu'il le prétend ; qu'il suit de là que les conditions d'application du Code de la consommation prévues par l'article 5.2 de la convention de Rome du 19 juin 1980 ne sont pas réunies en l'espèce ; Mais attendu qu'aux termes de l'article 7.2 de cette convention « les dispositions de ladite convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du Juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat » ; Qu'en conséquence, il y a lieu de se référer aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation qui régissent le crédit à la consommation ; Attendu que l'article L. 311-37 du Code de la consommation attribue compétence au Tribunal d'Instance pour connaître des litiges nés de l'application du chapitre 1er relatif au crédit à la consommation ; que cette disposition est d'ordre public et donc impérative au sens de l'article 7.2 de la convention de Rome ; que néanmoins, la Cour étant juridiction d'appel du Tribunal d'Instance et les parties ayant conclu au fond, il y a lieu d'évoquer le fond, dans les limites du référé, conformément à l'article 89 du Nouveau Code de Procédure Civile ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 24 JUIN 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/02861.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître Anne-Christine WOLFF, avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ DE DROIT ALLEMAND SOCIÉTÉ BANK 1 SAAR

représentée par son représentant légal, [adresse], représentée par Maîtres BETTENFELD-FONTANA-RIGO, avocats à la Cour

 

DATE DES DÉBATS : À l'audience publique du 6 mai 2008 tenue par M. LEBROU, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 24 juin 2008.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PRÉSIDENT : M. LEBROU, Président de Chambre, ASSESSEURS : Mme SOULARD, Conseiller, Mme KNAFF, Conseiller.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Melle THOMAS, faisant fonction de Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 1] M. X., ressortissant allemand domicilié en France, est en relation avec la société de droit allemand Bank 1 Saar (la Banque) auprès de laquelle il est titulaire d'une carte visa depuis le 9 juin 1994, d'un compte courant depuis le 30 janvier 2002 et souscripteur d'un prêt à la consommation selon contrat du 2 août 2002.

À la suite d'impayés et de plusieurs mises en demeure infructueuses, la société Bank 1 Saar a assigné M. X. devant le Président du Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES statuant en référé, en paiement du solde débiteur de son compte courant, du compte associé à la carte Visa et du solde du prêt.

M. X. a contesté la compétence du Tribunal de Grande Instance au profit de celle du Tribunal d'Instance au motif que le prêt est un crédit à la consommation soumis au droit français car il a été signé à son domicile de [ville] en France.

Il a soutenu en outre que la demanderesse était forclose faute d'avoir agi dans le délai de deux ans de la naissance de la créance ; que les formalités prévues par la loi française n'ont pas été observées ce qui entraîne la déchéance du droit aux intérêts ; que la banque a engagé sa responsabilité en lui accordant un prêt alors qu'elle connaissait son impécuniosité ; qu'il n'a pas signé la convention de compte courant et que ce compte est en position débitrice depuis plus de trois mois ce qui imposait la présentation d'une offre de crédit et, à défaut, ce qui entraîne l'application des sanctions prévues par l'article L. 311-33 du Code de la consommation ; que le débit relatif à la carte Visa n'est pas justifié par un décompte et qu'il aurait dû donner lieu à la présentation d'une offre de crédit et que le taux d'intérêt de 12 % réclamé n'a jamais été accepté par lui ; que dans l'hypothèse où le droit allemand serait applicable, l'action serait prescrite faute d'avoir été engagée dans un délai de trois ans.

Par ordonnance du 5 septembre 2006, le magistrat saisi a rejeté l'exception d'incompétence, déclaré l'action ni forclose ni prescrite et condamné M. X. à payer la somme de 22.385,93 euros avec les intérêts légaux à compter du 17 juillet 2006 et à supporter les dépens.

Pour statuer ainsi, le premier Juge a relevé que l'examen des trois conventions litigieuses démontre que les relations contractuelles entre les parties sont soumises au droit allemand nonobstant le fait que la signature du contrat de prêt a eu lieu à [ville].

Il a ensuite considéré qu'il résulte de l'application du droit allemand que l'exception d'incompétence doit être rejetée puisque seul le droit français prévoit la compétence du Tribunal d'Instance et que la Bank 1 Saar n'est pas forclose à agir.

Il a encore relevé que la prescription en droit allemand est de trois ans mais que l'action n'est pas prescrite en l'espèce car la citation est datée du 9 février 2006 et les créances de la Banque sont toutes postérieures au 9 février 2003.

Il a enfin estimé que la Banque justifiait du bien fondé de ses prétentions par la production des conventions et des décomptes de créance non sérieusement critiqués par M. X. mais qu'en revanche, la Banque ne fournissait aucune explication sur le taux d'intérêt à 5 % de sorte qu'il y avait lieu de s'en tenir au taux légal.

[minute page 2] M. X. a interjeté appel de cette ordonnance le 28 septembre 2006 et il conclut à son infirmation, qu'il soit enjoint à la société Bank 1 Saar de produire le document contenant les informations relatives aux capacités de remboursement de l'emprunteur établi avant la conclusion du prêt du 20 août 2002, à l'incompétence du Président du Tribunal de Grande Instance au profit du Président du Tribunal d'Instance, à la constatation de la forclusion de l'action, subsidiairement à la prescription de l'action, plus subsidiairement qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé en raison de contestations sérieuses, au débouté de la société Bank 1 Saar de ses demandes, au besoin après avoir condamnée reconventionnellement celle-ci au paiement de la somme de 19.305 euros majorée des intérêts et à la condamnation de la société Bank 1 Saar aux dépens d'instance et d'appel et au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Bank 1 Saar conclut au rejet de l'appel, à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelant aux frais et dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce :

Vu les conclusions récapitulatives de M. X. du 14 janvier 2008 et de la société Bank 1 Saar du 6 décembre 2007,

Attendu que le compte courant a été ouvert au nom de M. X. dans les livres de la Banque suivant contrat signé le 30 janvier 2002 à [ville] ; que le prêt à la consommation a été consenti par ladite banque à M. X. suivant contrat signé le 2 août 2002 à [ville] par la Banque et le 2 août 2002 à [ville] par M. X. ; qu'aux termes des conditions générales applicables aux relations entre la Banque et ses clients, le droit allemand est applicable ;

Attendu que le contrat de prêt signé par les parties ne comporte aucune indication selon laquelle il aurait fait l'objet, préalablement, en France, d'une proposition ou d'une publicité selon laquelle la Banque aurait adressé une offre à M. X. à son domicile sans que celui-ci l'ait sollicitée, ainsi qu'il le prétend ; qu'il suit de là que les conditions d'application du Code de la consommation prévues par l'article 5.2 de la convention de Rome du 19 juin 1980 ne sont pas réunies en l'espèce ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 7.2 de cette convention « les dispositions de ladite convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du Juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat » ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de se référer aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation qui régissent le crédit à la consommation ;

Attendu que l'article L. 311-37 du Code de la consommation attribue compétence au Tribunal d'Instance pour connaître des litiges nés de l'application du chapitre 1er relatif au crédit à la consommation ; que cette disposition est d'ordre public et donc impérative au sens de l'article [minute page 3] 7.2 de la convention de Rome ; que néanmoins, la Cour étant juridiction d'appel du Tribunal d'Instance et les parties ayant conclu au fond, il y a lieu d'évoquer le fond, dans les limites du référé, conformément à l'article 89 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que M. X. invoque la forclusion prévue par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'il résulte des pièces versées que la Banque a, après avoir consenti des délais à M. X. pour régulariser la situation par plusieurs courriers entre le 31 août 2004 et le 17 février 2005, finalement fixé un ultime délai de paiement expirant le 1er mars 2005, par lettre du 17 février 2005, et s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre du 11 avril 2005, alors qu'elle avait continué de prélever les échéances du prêt jusqu'à cette date par le débit du compte courant n° 97098018 ; que par suite, l'assignation ayant été délivrée le 9 février 2006, l'action n'est pas atteinte par la forclusion ;

Attendu que M. X. soutient que « le contrat ne répond manifestement pas aux exigences des articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation » sans préciser les irrégularités à constater ; qu'en ce qui concerne le prêt, il résulte du contrat signé le 2 août 2002 que celui-ci ne rappelle pas les dispositions des articles L. 311-15 à L. 311-17 et L. 311-32 et ne reproduit pas celles de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;

Qu'en conséquence, c'est à bon droit que M. X. se prévaut de la déchéance du droit aux intérêts de sorte qu'il n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu soit la somme de 18.650 euros arrêtée au 31 mars 2005, date de l'arrêt des prélèvements ;

Attendu que M. X. soutient en outre que la Banque a engagé sa responsabilité en accordant un prêt manifestement disproportionné au regard de ses facultés ; qu'il justifie avoir déclaré un revenu de 20.034 euros en 2002, soit 1.669,50 euros par mois et rembourser à la Banque Populaire un prêt de 1.300.000 francs (198.183,72 euros) en 180 mensualités de 11.669,45 francs (1.779 euros) à compter du 10 décembre 1997 ;

Mais attendu que la Banque ne pouvait avoir connaissance de ce prêt consenti par une banque française ; que le montant des échéances de ce prêt, qui est supérieur au revenu mensuel déclaré par M. X. en France, révèle que celui-ci, qui était le gérant d'une société de droit allemand, avait d'autres revenus que celui pour lequel il a été imposé en France et qui lui permettaient de faire face aux échéances du prêt litigieux d'un montant de 350 euros par mois, ce que confirme les remboursements effectués sans incident pendant les deux premières années ;

Que dans ces conditions, la contestation élevée par M. X. et liée à la responsabilité prétendue de la Banque n'apparaît pas suffisamment sérieuse pour s'opposer à la demande de provision ;

Attendu qu'en ce qui concerne le compte courant, la Banque réclame un montant de 3.506,55 euros ; que contrairement à ce qui est soutenu par M. X., la Banque produit la convention qu'il a signée le 30 janvier 2002 ;

Attendu que ce compte avait pour seul objet d'enregistrer l'amortissement du prêt et non pas des opérations de crédit distinctes de ce prêt ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article L. 311-8 du Code de la consommation dont le bénéfice est requis par M. X. ne lui sont pas applicables [minute page 4] et qu'en conséquence, le solde de ce compte étant justifié par l'historique produit, il y a lieu d'accueillir la demande de provision d'un montant de 3.506,45 euros ;

Attendu que le compte carte Visa enregistre un solde débiteur de 5.543,38 euros ; que ce compte a été ouvert le 9 juin 1994 et prévoit la facturation trimestrielle d'intérêts au taux de 12 % ;

Mais attendu que l'historique de ce compte produit par la Banque ne permet pas de vérifier le bien fondé de la créance dans la mesure où il enregistre les opérations à partir du 30 décembre 2003 seulement avec un report du solde du 29 décembre 2003 de 4.527,39 euros sans précision quant aux opérations justifiant ce montant ;

Que par suite la demande de provision sur ce chef se heurte à une contestation sérieuse et ne peut être accueillie en référé ;

Attendu que l'appel étant partiellement fondé, il convient de décider que chaque partie supportera ses dépens et ses frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Réforme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit que la juridiction compétente pour connaître de la demande est le Tribunal d'Instance,

Évoquant,

Dit que la loi française est applicable,

Déclare la demande recevable,

Condamne M. X. à payer à titre provisionnel à la société Bank 1 Saar la somme de 12.156,55 euros avec les intérêts légaux à compter du 17 juillet 2006,

Dit que chaque partie supportera ses frais et dépens d'appel ainsi que ses frais irrépétibles,

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qui concerne les dépens de première instance.

Le présent arrêt a été prononcé publiquement le 24 juin 2008 par Monsieur LEBROU, Président de Chambre, assisté de Mme LUBER, Greffier, et signé par eux.