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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 20 janvier 2009

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 20 janvier 2009
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 06/04134
Date : 20/01/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 2/08/2006
Décision antérieure : TGI BORDEAUX (5e ch. civ.), 22 juin 2006
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1859

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 20 janvier 2009 : RG n° 06/04134

Publication : Juris-Data n° 2009-008802

 

Extrait : « Mais attendu, qu'il n'est d'abord pas contesté que Monsieur Y., dirigeant de la Société Financière Clémenceau a lui-même démarché à son domicile Monsieur X. pour la souscription de parts de fonds commun de placement ; Qu'il a donc fait un acte de démarchage financier relevant au jour où il a été commis, de la loi 72-6 du 3 janvier 1972, ultérieurement codifiée dans le code monétaire et financier ;

Attendu que l'article 3 de la loi précise que ne peuvent recourir au démarchage en vue d'opérations sur des valeurs mobilières que les établissements de crédit, les agents de change et auxiliaires des professions boursières ainsi que les entreprises d'assurances ; Que l'article 7 de la même loi dispose que tout démarcheur est tenu d'être porteur d'une carte d'emploi délivrée par une personne ou un établissement habilité à recourir au démarchage ; Attendu qu'en application de cette loi, le décret 72-781 du 22 août 1972 dispose en son article 3 que la carte d'emploi qui porte la photo du démarcheur... n'est valable que jusqu'au 31 décembre de l'année de sa délivrance ; Qu'en conséquence, il y a lieu de constater que, si la société appelante a produit aux débats une carte d'emploi, portant d'ailleurs spécialement mention du démarchage financier et des références de la loi 72-6 du 3 janvier 1972 et du décret 72-781 du 22 août 1972, délivrée à Monsieur Y. par la SA BCV Finance France, l'organisme chargé du démarchage étant la société Financière Clémenceau, cette carte porte aussi mention de sa validité pour la seule année 2003 ; Qu'il n'existe donc pas de carte d'emploi pour couvrir l'activité de démarchage au titre de l'année 2002 ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a admis la clause d'exclusion opposée par Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres ».

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 20 JANVIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/04134. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 juin 2006 (R.G. n° 04/5331) par la 5e chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 2 août 2006.

 

APPELANTE :

SA FINANCIÈRE CLÉMENCEAU

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, avoués associés à la Cour, et assistée de Maître Jean Christophe MOUTOU, avocat au barreau d'AGEN

 

INTIMÉE :

SAS LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES

pris en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, avoués associés à la Cour, et assistée de Maître Romain SCHULZ, membre du cabinet VOVAN et Associés au barreau de Paris,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 septembre 2008 en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, Monsieur Pierre-Louis Crabol, conseiller, Madame Marie-José Gravié-Plandé, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Vu l'assignation délivrée le 13 mai 2004 par Monsieur X. à l'encontre de la SA Financière Clémenceau et la Société Sturge Insurance Agencies Ltd, pour les entendre condamner à réparer in solidum le préjudice subi à la suite de la souscription d'un contrat FINALTIS, sans information ni conseil, par le paiement assorti de l'exécution provisoire d'une indemnité égale au capital investi ; outre intérêts contractuels à compter du 3 octobre 2002 augmentés de dommages-intérêts supplémentaires, ainsi qu'une indemnité de procédure ;

Vu l’intervention volontaire aux débats des Souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 22 juin 2006, lequel a déclaré recevable l'intervention volontaire et mis hors de cause la Société Sauge Insurances Agencies devenue Greenhill Sturge Underwriting ; lequel a condamné la Société Financière Clémenceau à payer à Monsieur X. la somme de 76.000 € avec intérêts au taux de 9,5 % à compter du 3 octobre 2002, a débouté celle-ci de ses demandes dirigées contre l'assureur et fixé à 2.000 € l'indemnité de procédure à servir à Monsieur X. et 1.200 € celle à servir aux Souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Vu la déclaration d'appel formée le 2 août 2006 par la SA Financière Clémenceau, contre les Souscripteurs de Lloyd's de Londres ;

Vu la constitution déposée le 23 août 2006 par les souscripteurs du Lloyd's de Londres représentés en France par la Société Lloyd's France - SA ;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 1er décembre 2006 par la SA Financière Clémenceau ;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 30 mars 2007 par Les Souscripteurs de Lloyd's de Londres ;

Vu l’ordonnance de clôture décernée le 9 septembre 2008.

 

RAPPEL DES FAITS :

En 2002, la SA Financière Clémenceau, exerçant une partie de son activité comme conseil en gestion de patrimoine était approchée par les représentants français de la société de droit américain TIG Capital Corporation pour placer un fonds commun de placement (FCP) dénommé FINALTIS devant offrir à ses souscripteurs de parts la garantie du capital investi et un rendement annuel de 9,5 % pour un investissement sur trois ans.

Démarché par la SA Financière Clémenceau, Monsieur X. chef d'entreprise marié sous le régime de la séparation de biens, investissait dans ce fonds commun de placement à hauteur de 76.000 € en septembre 2002 ;

[minute page 4] En juin 2003, il apprenait l'ouverture d'une instruction pénale à Toulouse, les dirigeants français du Groupe TIG ayant détourné les fonds confiés à leur profit personnel et ayant exercé illégalement une activité de banque, faute d'agrément de la COB devenue L’AMF ;

Attraite devant le tribunal, la Société Financière Clémenceau, tenue en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine et d'intermédiaire, à s'assurer de la conformité du produit financier à la loi française et ayant manqué à son obligation de conseil et de prudence, a été condamnée à réparer le préjudice subi par Monsieur X. ;

Appelés comme assureurs, Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, ont été dégagés de toute couverture, au motif que l'acte de démarchage effectué par la Société Financière Clémenceau auprès de Monsieur X. n'était pas lui-même couvert par la détention d'une carte emploi conforme à l'article L. 342-7 du code monétaire et financier encore applicable en septembre 2002 ;

La Société Financière Clémenceau a relevé appel de cette décision, à l'égard du seul assureur ;

 

DEVANT LA COUR :

La Société Financière Clémenceau demande à la cour de réformer le jugement et de condamner Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres à la garantir et la relever indemne des condamnations prononcées contre elle par le même jugement et de lui allouer 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient avoir toujours exercé ses activités en parfaite légalité et invoque à son profit les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 applicable au démarchage qui n'impose aucune obligation de détention de carte ; l'article L. 341-8 du code monétaire et financier ayant certes créé le statut de conseiller en investissements financiers, et imposé la détention d'une carte mais tirant son application de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, postérieure aux faits ;

Elle soutient encore que la police responsabilité civile professionnelle dont il bénéficie est applicable à la souscription d'un fonds commun de placement, comme opération de capitalisation (le capital ayant été garanti dans le cadre de la souscription).

Elle invoque aussi le bénéfice de la garantie financière courtage, selon elle applicable à son activité de conseiller en gestion de patrimoine sans encaissement de fonds ;

Elle demande à la cour d'écarter l'argumentation des Souscripteurs du Lloyd's de Londres et de retenir la garantie ;

 

L'assureur appelé pour garantir la SA Financière Clémenceau au titre de sa responsabilité civile professionnelle conclut à la confirmation du jugement et [minute page 5] réclame 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il soutient principalement que la société dans son activité de courtage bénéficie d'une assurance responsabilité civile et d'une garantie financière, distinctes l'une de l'autre de son activité de conseil en gestion de patrimoine, et que la société connaît suffisamment cette distinction puisqu'en 2003, elle a souscrit les assurances obligatoires de courtier en assurances mais volontairement omis de souscrire une couverture responsabilité professionnelle facultative pour son activité purement financière.

Il soutient encore que la police CGP 702079 souscrite pour l'année 2002 susceptible de s'appliquer au titre de son article 5-2-A, prévoit des exclusions, dont celle de la non détention d'une carte professionnelle sanctionnée par l'article 4-1-9,

Selon l'assureur, la société ne détenait pas en 2002 une carte de démarchage, pourtant imposée par l'article L. 342-7 du code monétaire et financier, encore applicable à cette époque puisque remplacé seulement le 1er août 2003 par l'article L. 341-8 du code monétaire et financier ;

L'assureur invoque enfin une seconde exclusion visée à l'article 4-1-7 de la police, s'agissant des « conséquences d'une escroquerie », l'expression ainsi employée devant être interprétée comme ne visant pas seulement le délit commis par l'assurée lui-même ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Attendu que le tribunal a retenu la responsabilité de la Société Financière Clémenceau envers Monsieur X. dans le cadre de son activité de conseil en gestion de patrimoine, et condamné celle-ci à paiement ;

Que Monsieur X. n'a pas interjeté appel de la décision et la Société Financière Clémenceau ne remet pas en cause sa dette de responsabilité envers Monsieur X. ;

Qu'il s'en suit que le débat devant la cour se trouve limité à la garantie des Souscripteurs du Lloyd's de Londres que le tribunal a écartée ;

 

- Sur la garantie applicable :

Attendu qu'il résulte de l'attestation d'assurance délivrée le 22 janvier 2002 par la société de courtage Sturge Insurance Underwriting Ltd pour le compte des Souscripteurs du Lloyd's de Londres que pour la période du 1er janvier 2002 au 3 décembre 2002, la Société Financière Clémenceau est garantie en responsabilité civile professionnelle comme conseil en gestion de patrimoine et agent immobilier, au visa de la catégorie applicable au conseiller en gestion de patrimoine sans encaissement de fonds ;

Que si la même attestation distingue deux autres garanties (responsabilité civile et garantie financières) avec des plafonds de sinistre différents, l’assuré doit admettre que celles-ci ne sont applicables qu'au courtage en assurance ;

[minute page 6] Que sont légalement des intermédiaires en assurance ceux qui présentent, proposent ou aident à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance et que si le contrôle de l'Etat s'exerce, dans l'intérêt des assurés et des bénéficiaires, sur tous les contrats d'assurance et de capitalisation, la notion de capital ne suffit pas à faire rentrer dans cette activité, l'aide en gestion de patrimoine, à l'origine de la souscription de parts de fonds commun de placement ;

Qu'en conséquence, le contrat dont bénéficie la Société Financière Clémenceau doit s'appliquer conformément à l'activité exercée en septembre 2002 auprès de Monsieur X., à savoir la gestion de patrimoine,

 

- Sur le fonctionnement de la garantie :

Attendu que la police CGP 702079, souscrite au bénéfice de la Société Financière Clémenceau, s'applique au négoce de produits d'épargne et de placement sans encaissement de fonds et garantit tous les dommages causés dans le cadre de l'activité quels que soient la nature, la cause et l'origine des dommages et à quelque moment qu'ils surviennent ;

Attendu que la responsabilité de l'assuré a été expressément recherchée par Monsieur X. ;

Que c'est donc à bon droit que la société recherche aujourd'hui la couverture de ce sinistre dont le fait générateur s'est produit pendant la période de validité du contrat ;

 

- Sur les exclusions opposées par l'assureur :

Attendu que la clause 4-1-9 exclut du champ de garantie les dommages liés à l'exercice des professions visées au chapitre ACTIVITÉS (incluant le négoce de produits d'épargne et de placement sans encaissement de fonds) pour lesquelles l'assuré n'est pas en possession des cartes professionnelles imposées par la loi où la profession, ou ne peut apporter la preuve qu'il en a fait la demande de façon officielle et immédiate ;

Que sur ce fondement, l'assureur reproche à la société d'avoir fait un acte de démarchage à domicile sans justifier d'une carte pour le faire ;

Que pour contrer cette analyse, la SA Financière Clémenceau fait valoir que la loi du 22 décembre 1972 applicable au démarchage, d'application plus large que les dispositions du code monétaire et financier, n'exige pas cette formalité ;

Mais attendu, qu'il n'est d'abord pas contesté que Monsieur Y., dirigeant de la Société Financière Clémenceau a lui-même démarché à son domicile Monsieur X. pour la souscription de parts de fonds commun de placement ;

Qu'il a donc fait un acte de démarchage financier relevant au jour où il a été commis, de la loi 72-6 du 3 janvier 1972, ultérieurement codifiée dans le code monétaire et financier ;

[minute page 7] Attendu que l'article 3 de la loi précise que ne peuvent recourir au démarchage en vue d'opérations sur des valeurs mobilières que les établissements de crédit, les agents de change et auxiliaires des professions boursières ainsi que les entreprises d'assurances ;

Que l'article 7 de la même loi dispose que tout démarcheur est tenu d'être porteur d'une carte d'emploi délivrée par une personne ou un établissement habilité à recourir au démarchage ;

Attendu qu'en application de cette loi, le décret 72-781 du 22 août 1972 dispose en son article 3 que la carte d'emploi qui porte la photo du démarcheur... n'est valable que jusqu'au 31 décembre de l'année de sa délivrance ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de constater que, si la société appelante a produit aux débats une carte d'emploi, portant d'ailleurs spécialement mention du démarchage financier et des références de la loi 72-6 du 3 janvier 1972 et du décret 72-781 du 22 août 1972, délivrée à Monsieur Y. par la SA BCV Finance France, l'organisme chargé du démarchage étant la société Financière Clémenceau, cette carte porte aussi mention de sa validité pour la seule année 2003 ;

Qu'il n'existe donc pas de carte d'emploi pour couvrir l'activité de démarchage au titre de l'année 2002 ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a admis la clause d'exclusion opposée par Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Qu'il n'y a pas lieu à examiner d'autres clauses d'exclusion ;

Que le jugement sera intégralement confirmé ;

 

- Sur le surplus :

Attendu que la SA Financière Clémenceau succombe dans son appel ;

Que l'équité rend applicable l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.500 € ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'appel et le déclare mal fondé,

Confirme le jugement rendu le 22 juin 2006 de toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

[minute page 8] Condamne la SA Financière Clémenceau à payer aux Souscripteurs du Lloyd's de Londres la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de l'appel qui seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.