CASS. CIV. 2e, 17 février 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1973
CASS. CIV. 2e, 17 février 2005 : pourvoi n° 02-16837 ; arrêt n° 276
Extrait : « attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 02-16837. Arrêt n° 276
DEMANDEUR à la cassation : Société AXA assurances IARD
DÉFENDEUR à la cassation : Établissement français du sang venant aux droits du Centre de transfusion sanguine de Montpellier et autres.
Président : M. DINTILHAC.
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Montpellier, 7 mai 2002), que Mme X. a été contaminée par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine effectuée le 24 janvier 1986 ; que cette contamination n'a été révélée qu'en mars 1990 ; que Mme X. a fait assigner devant le juge des référés, en paiement d'une provision, le Centre de transfusion sanguine de Montpellier (le CRTS), lequel a appelé en garantie son assureur, la société UAP, aux droits de laquelle est venue la société Axa assurances (Axa) ; que, par ordonnance du 16 octobre 1997, le juge des référés a fait droit à la demande de provision mais que, statuant sur la demande de garantie de cette condamnation formée par le CRTS à l'encontre de son assureur, il s'est déclaré incompétent pour en connaître ; que le 20 janvier 1998, le CRTS, aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (l'EFS), a fait assigner l'UAP, devant le tribunal de grande instance, en garantie de la condamnation mise à sa charge par l'ordonnance de référé du 16 octobre 1997 ; que l'assureur a dénié sa garantie, au motif que le contrat résilié le 31 décembre 1989 comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 31 décembre 1994, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 et son annexe pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ; que l'arrêt a infirmé le jugement en ce qu'il avait fait droit au moyen soutenu par l'assureur, et a débouté, en conséquence, le CRTS de ses demandes ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'Axa fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non écrite la clause litigieuse, au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, rejeté la demande en nullité du contrat, et dit que l'assureur était tenu à garantir l'EFS des sommes mises à sa charge, en raison de la contamination de Mme X... survenue en 1986 pendant la période de validité du contrat d'assurance, alors, selon le moyen :
1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;
2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1er et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3°/ que la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code civil, ensemble l'article L. 113-8 du Code des assurances, la cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt énonce, au vu de la déclaration d'illégalité prononcée par le Conseil d'Etat le 29 janvier 2000, que la clause litigieuse, qui ne s'appuie sur aucun texte légal, et crée un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur, doit être réputée non écrite ; qu'il en a exactement déduit, sans remettre en cause les droits acquis ou l'objectif de sécurité juridique, que la compagnie d'assurances ne pouvait fonder de droits acquis, contraires aux dispositions de l'article 1131 du Code civil, sur un texte déclaré illégal, peu important que la déclaration d'illégalité soit postérieure à la résiliation du contrat ;
Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé qu'une telle clause de réclamation, eu égard à sa durée, ne pouvait être reconnue comme une erreur affectant de manière substantielle le contrat, qui a pour objet essentiel d'accorder une assurance en contrepartie de paiements de primes ; que c'est à bon droit, après avoir estimé que ne pouvait être retenu comme vice du consentement le fait que la compagnie d'assurances ait pu se croire autorisée à limiter sa garantie dans le temps, en dépit des dispositions de l'article 1131 du Code civil, en se fondant sur un texte contraire à cet article, que la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du contrat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa assurances IARD à payer à l'Etablissement français du sang la somme de 2.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la Société AXA Assurances IARD
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré non écrite la clause de l'article 4 des Conditions Générales du contrat d'assurances stipulant que la garantie E visée à l'article 2 s'applique aux réclamations rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat et portés à la connaissance de l'assurance dans un délai maximum de cinq ans après la date d'expiration du contrat ; rejeté la demande en nullité du contrat ; dit en conséquence que la S.A. AXA ASSURANCES est tenue à garantir l'Etablissement Français du Sang des sommes payées en raison de la contamination de Mme Mxxxx survenue en 1986, pendant la période de validité du contrat d'assurances et condamné la S.A AXA ASSURANCES à verser à l'Etablissement Français du Sang la somme de 204.807,48 F, outre intérêts au taux légal à compter du 21 Novembre 1997, dans la limite du plafond prévu au contrat, à hauteur de 2,5 millions de francs par année, quel que soit le nombre de victimes ou de sinistres concernant l'année considérée, en l'espèce 1986" ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE "par arrêt du 29 décembre 2000, le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en interprétation pour apprécier la légalité de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, a déclaré que l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 relatif aux contrats d'assurances souscrits par les centres de transfusion sanguine pour satisfaire à l'obligation établie par l'article L.667 du Code de la Santé Publique dans sa rédaction antérieure à l'arrêté interministériel du 29 décembre 1989 est entaché d'illégalité en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine ; que quel que soit le recours formé devant le Conseil d'Etat, celui-ci a déclaré illégal l'arrêté en ce qui concerne l'article 4 de son annexe, c'est-à-dire la clause de réclamation invoquée par la SA AXA ASSURANCES et insérée dans le contrat de celle-ci ; que la déclaration d'illégalité a pour conséquence de l'illégalité depuis son origine de cet article 4 ; que dès lors la clause litigieuse, qui ne s'appuie sur aucun texte légal, crée un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur et que cette clause doit être réputée non écrite, par application des dispositions de l'article 1131 du Code Civil ; que vainement la compagnie d'assurances soutient qu'elle avait l'obligation d'insérer cette clause dans son contrat ; que l'arrêté en cause a simplement pour objet de contraindre les parties à des exigences minimum en matière d'assurance, notamment pour les produits livrés, que la compagnie d'assurances n'avait aucune obligation d'insérer une telle clause dans son contrat ; qu'elle ne pourrait fonder sa demande sur les droits acquis que si un texte légal avait été par la suite abrogé, mais ne peut fonder de droits acquis, contraires aux dispositions de l'article 1131 du Code Civil, sur un texte déclaré illégal, peu important que la déclaration d'illégalité soit postérieure à la résiliation du contrat ; que la S.A. AXA ne peut être suivie quand elle indique que ses obligations étaient définitivement éteintes, dans la mesure où l'extinction de ses obligations ne pouvait survenir que si cette extinction était appuyée sur un texte légal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que contrairement à ce qu'elle soutient, les obligations résultant du contrat ne sont pas définitivement expirées, que la présente décision n'a pas pour conséquences de faire revivre un contrat expiré, mais de contraindre la compagnie d'assurances à assurer les obligations découlant normalement de son contrat, en réglant les conséquences du sinistre, contreparties des primes qu'elle a reçu ; qu'en outre, contrairement à ce que prétend AXA, la garantie n'est pas illimitée dans le temps puisque celle-ci n'est tenue que pour les sinistres survenus pendant la période de validité du contrat d'assurances ; que la sanction consistant à réputer non écrites les clauses qui n'ont pas de cause, ne peut être confondue avec la réglementation des clauses abusives ; que dès lors, les questions préjudicielles que la SA AXA demande à la Cour de poser, ne sont pas pertinentes, la présente décision étant rendue au visa des dispositions de l'article 1131 du Code Civil, antérieures à la signature du contrat d'assurances ; qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle en nullité du contrat, la SA AXA ASSURANCES soutient que la clause de garantie était une condition substantielle du contrat, la clause de limitation dans le temps devant être considérée comme une fausse cause, le caractère substantiel de l'erreur résultant du fait que les assureurs n'avaient pas convenance à accorder une garantie illimitée dans un domaine tel que celui de la santé publique ; que la garantie n'est pas illimitée puisqu'elle est limitée aux sinistres intervenus pendant la durée de validité du contrat ; qu'au surplus qu'il n'est pas contesté que la SA UAP, assurait précédemment l'Etablissement Français du Sang sans avoir prévu une clause de réclamation ; qu'une telle clause de réclamation, eu égard à sa durée, ne peut être reconnue comme une erreur affectant de manière substantielle le contrat, qui a pour objet essentiel d'accorder une assurance en contrepartie de paiements de primes ; que ne peut être retenu comme vice de consentement pouvant entraîner la nullité du contrat, le fait que la compagnie d'assurances a cru pouvoir être autorisée, en dépit des dispositions de l'article 1131 du Code Civil, et se fondant sur un texte contraire à cet article, à limiter sa garantie dans le temps ; que dès lors, il convient de rejeter la demande reconventionnelle en nullité du contrat" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;
2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3/. ALORS QUE la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code Civil, ensemble l'article L.113-8 du Code des Assurances, la Cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble.
- 5714 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Moyen manquant en fait
- 5800 - Code de la consommation - Clauses abusives - Fondements de la protection
- 6012 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Articulation avec les protections de droit commun (cause; obligation essentielle)