6012 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Articulation avec les protections de droit commun (cause; obligation essentielle)
- 5800 - Code de la consommation - Clauses abusives - Fondements de la protection
- 5809 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (8) - Réforme du Code civil (Ord. n° 2016-131 du 10 février 2016) - Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018
- 6013 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Clauses favorables
- 6014 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Déséquilibre non significatif
- 6031 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Economie du contrat
- 6177 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Normes - Lois et règlements
- 6390 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Obligation essentielle
- 5714 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Moyen manquant en fait
- 6016 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Principes
- 6020 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations principales
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 7192 – Code civil – Article 1170 C. civ. – Obligation essentielle
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6012 (10 septembre 2022)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF
ARTICULATION AVEC LES PROTECTIONS DE DROIT COMMUN (CAUSE ; ATTEINTE À L’OBLIGATION ESSENTIELLE
Présentation. Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016 créant l’art. 1171 C. civ. Cerclab n° 5809), le droit commun ne contenait aucun dispositif équivalant à l’ancien art. L. 132-1 C. consom., devenu l’art. L. 212-1 C. consom., par son ampleur et, paradoxalement, sa précision dans l’analyse du contenu du contrat, certains concepts tels que la cause ou l’obligation essentielle ont parfois été utilisés pour écarter des stipulations consacrant une absence de cause ou une atteinte à l’obligation essentielle. Quelques-unes des décisions recensées permettent d’illustrer les relations entre la protection contre les clauses abusives et ces solutions traditionnelles.
A. DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF ET ABSENCE DE CAUSE
Présentation. Dans son utilisation traditionnelle, la plus proche des textes du Code civil qui la classent dans les conditions de formation du contrat, la cause, notamment la cause contrepartie dans les contrats synallagmatiques, semble concerner davantage le contrat dans son ensemble, sous l’angle de sa validité, que des clauses particulières, ce qui peut paraître séparer nettement la cause de la protection contre les clauses abusives. Néanmoins, la cause, dans une approche plus moderne, a également été utilisée pour sanctionner des stipulations spécifiques, dépourvues de justifications ou de contrepartie. § Certaines décisions montrent, à l’inverse, que l’absence de cause est un élément qui peut être évoqué dans la recherche d’un déséquilibre significatif. § Sur la prise en compte de la réciprocité des contreparties, V. aussi Cerclab n° 6020 et n° 6121. § La cause a disparu en tant que condition de validité du contrat, dans le nouveau Code civil, mais il restera à déterminer si elle continue de jouer un rôle dans le cadre des textes sanctionnant les déséquilibres significatifs.
Absence initiale de cause. Si une clause limitant la responsabilité du professionnel est valable en matière contractuelle, c’est à la condition qu’elle soit claire et précise ; est manifestement abusive la clause d’un contrat d’entretien de pompe à chaleur, contenue dans les factures, rédigée de manière particulièrement ambiguë et ne permettant pas au client non-professionnel de déterminer ce qui est exclu précisément du champ de la responsabilité du réparateur ; l’application de la clause aboutirait au surplus à supprimer toute responsabilité du professionnel dans l’exécution de son obligation contractuelle essentielle, qui était en l’espèce de permettre précisément le fonctionnement de la pompe à chaleur, de sorte que le contrat passé entre les parties serait en ce cas dépourvu de cause. CA Rouen (2e ch.), 19 juin 2008 : RG n° 07/02641 ; arrêt n° 313 ; Cerclab n° 2716 ; Juris-Data n° 2008-370831 (arrêt rappelant au préalable que l’ancien - avant le décret de 2009 - art. R. 132-1 C. consom., réservé aux contrats de vente, est inapplicable au contrat de réparation de chaudière qui porte principalement sur les réparations à effectuer même s’il inclut la fourniture de pièces détachées), confirmant TGI Évreux (ch. civ.), 25 mai 2007 : RG n° 06/03199 ; jugt n° 2007/179 ; Cerclab n° 4135 (motivation moins nette, réputant la clause non écrite au motif qu’elle manque de clarté et qu’elle porte sur la substance même de l'obligation principale).
Illustrations en matière d’assurance. Dans l’intérêt du professionnel, un contrat d’assurance peut être annulé pour défaut de cause s’il ne comporte pas d’aléa (assurance souscrite pour un risque déjà survenu). Du côté du consommateur, les clauses vidant la garantie de sa substance peuvent aussi être annulées et elles ont parfois été déclarées abusives avant la loi du 1er février 1995 (depuis ce texte, celles qui portent sur la définition du risque assuré ne peuvent être contrôlées que si elles ne sont pas claires ou compréhensibles, V. Cerclab n° 6016). § N.B. La sanction pour absence de cause était dans ce cas un outil utile pour contourner l’obstacle créé par l’art. L. 132-1 al. 7, C. consom. Il conviendra de déterminer la position à adopter après la disparition de la cause.
La question a aussi été abordée pour les clauses limitant la garantie de l’assureur aux risques déclarés pendant la période de garantie. Pour un exemple de clause déclarée abusive : est abusive, au sens de l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978, la clause subordonnant le paiement du capital à la constatation médicale de l’invalidité pendant la durée de la garantie, alors que l’assureur dispose d’une faculté de résiliation annuelle dont il peut faire usage en cas de maladie évolutive lorsqu’il a connaissance d’une atteinte corporelle de nature à entraîner une invalidité totale et définitive. CA Lyon (1re ch.), 28 mars 1991 : RG n° 2679/89 ; arrêt n° 2043 ; Cerclab n° 1154 ; D. 1991. 460 (garantie due), infirmant TGI Lyon (4e ch.), 7 novembre 1988 : RG n° 87/10198 ; Cerclab n° 503 (absence d’avantage exorbitant).
La question a été également abordée à l’occasion des clauses figurant dans les contrats d’assurance garantissant les centres de transfusion sanguine (V. aussi Cerclab n° 5714), pour lesquels le caractère professionnel du contrat peut justifier l’absence d’applicabilité de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. [L. 212-1 nouveau]. V. par exemple : l’assureur soutient que le recours à la notion de cause pour écarter la clause de réclamation, imposant à l’assuré de déclarer le sinistre dans les cinq ans de la résiliation, n'est qu'un habillage juridique permettant en réalité de sanctionner une clause considérée comme abusive ; le droit communautaire connaît lui aussi le système de l'éradication-sanction des clauses abusives ainsi que cela résulte de la directive nº 93-13 du 5 avril 1993, mais ce texte pose plusieurs limites au pouvoir du juge national de déclarer non écrites les clauses abusives (contrat passé entre un professionnel et un consommateur, principe de sécurité juridique, mécanisme financier de l'opération), limites que la solution prônée par l'EFS méconnaîtrait ; cependant la solution critiquée n'est pas fondée sur le pouvoir général reconnu au juge de contrôler les clauses abusives, mais sur le droit commun des obligations ; certes, elle revient de manière indirecte à priver d'effet une clause qui pourrait être qualifiée d'abusive mais le fondement juridique premier est la notion de cause. CA Rennes (7e ch.), 15 octobre 2003 : RG n° 02/02981 ; Cerclab n° 1791, pourvoi rejeté par Cass. civ. 2e, 21 avril 2005 : pourvoi n° 03-20683 ; Bull. civ. II, n° 108 ; Cerclab n° 1958 (moyen manquant en fait). § Comp. de la même Cour : « la notion de « clause abusive » est, quant à elle, étrangère à ce débat en ce qu'elle ne régit pas les conditions de validité du consentement des parties contractantes à la convention ; elle signale toute clause conférant un avantage économique à l'une des parties qui excéderait les normes usuelles en cours d'exécution du contrat ; (...) dans la mesure où c'est le caractère licite ou illicite de la clause qui est visé sans autre recherche des critères qui détermineraient à partir de quel moment une clause licite peut être abusive, la recherche de la portée de la Directive du 13 avril 1993 sur le droit ou la jurisprudence nationale n'apparaît pas opérante ». CA Rennes (7e ch. civ.), 22 mai 2002 : Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 2e, 17 février 2005 : pourvoi n° 02-16943 ; Cerclab n° 1972 (moyen manquant en fait).
Sur la différence entre l’élimination des clauses abusives et la cause, V. aussi à propos des mêmes clauses : CA Montpellier (1re ch. B), 7 mai 2002 : Dnd (« la sanction consistant à réputer non écrites les clauses qui n'ont pas de cause, ne peut être confondue avec la réglementation des clauses abusives »), pourvoi rejeté par Cass. civ. 2e, 17 février 2005 : pourvoi n° 02-16837 ; Cerclab n° 1973 (moyen manquant en fait) - CA Rouen (1re ch. civ.), 8 janvier 2003 : Dnd (« cette clause tendant à réduire la durée de la garantie à un temps inférieur à la durée de la responsabilité encourue par l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, et, comme telle illicite et réputée non écrite en application des dispositions de l'[ancien] article 1131 du Code civil, non en application de législation sur les clauses abusives »), pourvoi rejeté par Cass. civ. 2e, 24 février 2005 : pourvoi n° 03-11765 ; arrêt n° 373 ; Cerclab n° 1962 (moyen manquant en fait) - CA Agen (1re ch.), 10 février 2004 : RG n° 02/01013 ; Jurinet ; Cerclab n° 546 (assureur contestant le caractère abusif de la clause, alors que son élimination était fondée sur l’absence de cause), sur appel de TGI Agen, 14 juin 2002 : Dnd.
V. cep. n’écartant pas dans la même hypothèse le caractère abusif : CA Toulouse (1re sect. 1), 12 novembre 2002 : Dnd (« la limitation de la garantie aux cinq années suivant l'expiration du contrat conduit à priver de toute assurance effective l'organisme qui a livré le produit alors même que la réalisation du risque est intervenue pendant la période de garantie ; dès lors même si le contrat n'est pas totalement dépourvu de cause (il est possible en effet que la révélation du sinistre intervienne dans les 5 années suivant l'expiration du contrat) il devient tellement déséquilibré que la cause de l'engagement de l'assuré est pratiquement anéantie ; une telle clause doit donc être considérée comme abusive ; toutefois lorsque cette disposition contractuelle est adoptée en application de dispositions réglementaires, elle ne saurait être ainsi considérée ; mais quand la disposition réglementaire a été déclarée illégale sur une argumentation reprenant les mêmes éléments que ceux développés plus ci-dessus, elle ne saurait valider cette clause car ce qui est en question n'est pas la valeur légale de la disposition annulée, mais sa portée juridique »), pourvoi rejeté par Cass. civ. 2e, 17 février 2005 : pourvoi n° 03-11170 ; arrêt n° 278 ; Cerclab n° 1971 (moyen manquant en fait).
Disparition de la cause après la conclusion du contrat. Dans certaines conceptions doctrinales, le maintien d’une cause aux obligations des parties ne se limite pas à la conclusion du contrat, mais concerne aussi l’exécution de ce dernier. Cette conception extensive pourrait être intéressante en droit des clauses abusives, mais les décisions qui y font allusion sont peu nombreuses.
V. cependant, mais sans profit pour le consommateur : la clause, prévoyant la cessation de la garantie incapacité totale de travail au plus tard dès la mise à la retraite ou à la préretraite, quelle qu’en soit la cause, et au plus tard au 65e anniversaire de l’assuré, sans entraîner de modification du montant des primes, se borne à énoncer qu’en l’absence de risque, et donc d’aléa, à savoir la perte de revenus liée à la fin ou à la suspension du contrat de travail, la garantie cesse faute de cause ; cette clause n’est pas abusive, dès lors qu’elle est énoncée clairement et il n’est ni allégué, ni même justifié que cette simple application de la théorie de la cause dans le droit des obligations crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat. CA Colmar (2e ch. civ. sect. B), 8 avril 2011 : RG n° 10/00737 ; arrêt n° 319/11 ; Cerclab n° 2904.
B. DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF ET ATTEINTE À L’OBLIGATION ESSENTIELLE
Présentation. Une stipulation d’un contrat tendant à porter atteinte à l’obligation essentielle d’un contractant est réputée non écrite. Cette solution, qui a fini par être admise en droit commun (V. plus généralement Cerclab n° 6390), a notamment été consacrée pour certaines clauses limitatives ou exonératoires. Certaines décisions, pour admettre l’existence du caractère abusif, évoquent le fait que la clause litigieuse permet au professionnel d’échapper à son obligation essentielle. § Sous l’angle de la protection du consommateur, les clauses portant atteinte à une obligation essentielle encourent le reproche d’être un manquement à la bonne foi (exigence présente dans la directive), puisque le professionnel affiche un engagement séduisant, tout en le vidant de sa substance dans des clauses noyées dans les conditions générales. Dans cette perspective, ce procédé contrevient sans doute aussi à l’ancien art. L. 133-2 al. 1 C. consom. [L. 211-1], en ce que l’engagement n’est pas stipulé de façon claire, puisqu’il est nécessaire d’étudier attentivement le contenu des conditions générales, alors que la baisse substantielle d’intérêt de la prestation du professionnel est une information qui peut avoir un impact sur la décision du consommateur de contracter (ex. quel intérêt de changer de fournisseur d’accès internet, en raison de la rapidité de la connexion, apparemment supérieure à ses concurrents, si en réalité le respect de cette caractéristique n’est pas assuré et si l’inexécution de l’obligation promise n’a aucune conséquence pour le professionnel…).
Pour l’évocation de cette référence par la CJUE : s’agissant d’une clause relative à l’échéance anticipée, dans les contrats de longue durée, en raison de manquements du débiteur pendant une période limitée, il incombe au juge de renvoi de vérifier, notamment : 1/ si la faculté du professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, 2/ si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, 3/ si ladite faculté déroge aux règles applicables en la matière, 4/ si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. CJUE (1re ch.), 14 mars 2013, Aziz / Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa). : Aff. C-415/11 ; Rec. ; Cerclab n° 4978 (point n° 73 ; arrêt visant les points n° 77 et 78 des conclusions de l’avocate générale).
Accès internet. Est abusive la clause ayant pour effet, au-delà des cas de force majeure ou de fait du cocontractant, de dégager le fournisseur d’accès de son obligation essentielle, justement qualifiée d’obligation de résultat, d’assurer effectivement l’accès au service promis. Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05‑20637 et 06‑13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810 (fourniture d’accès internet). § V. dans le même sens, pour les juges du fond : est nulle et non avenue la clause permettant à un fournisseur d’accès de ne pas exécuter, sans contrôle, son obligation essentielle de fournir un accès illimité à Internet. TI Épernay, 20 avril 2001 : RG n° 11-00-000324 ; jugt n° 2001/98 ; Cerclab n° 59 (fournisseur ne pouvant faire face au succès d’une offre promotionnelle d’accès illimité et ayant introduit des modulateurs de session ou « timers » imposant des déconnexions périodiques ; la sauvegarde d’un prétendu intérêt collectif de ses abonnés n’autorise pas cette violation du contrat).
Contrôleur technique. La clause ayant pour objet de fixer, une fois la faute contractuelle du contrôleur établie, le maximum de dommages-intérêts que le maître d’ouvrage pourrait recevoir en fonction des honoraires perçus, s’analyse en une clause de plafonnement d’indemnisation et, contredisant la portée de l’obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle quelles que soient les incidences de ses fautes, constitue une clause abusive, qui devait être déclarée nulle et de nul effet. Cass. civ. 3e, 4 février 2016 : pourvoi n° 14-29347 ; arrêt n° 159 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5484 ; rejetant le pourvoi contre CA Montpellier (1re ch. sect. A 01), 23 octobre 2014 : RG n° 13/04143 ; Cerclab n° 4889 (cette clause de plafonnement de réparation en fonction des honoraires reçus constitue une clause abusive, conformément à l’ancien art. L. 132-1 [L. 212-1 nouveau] C. consom. et à la recommandation du 29 mars 1990). § Dans le même sens : CA Aix-en-Provence (3e ch. B), 14 décembre 2017 : RG n° 15/01202 ; arrêt n° 2017/369 ; Cerclab n° 7290 (contrat de contrôleur technique avec un promoteur immobilier dans une vente en l’état futur d’achèvement ; le promoteur immobilier est un professionnel de l'immobilier mais non un professionnel de la construction et doit donc être considéré comme étant un non professionnel vis-à-vis du contrôleur technique), sur appel de TGI Grasse, 12 novembre 2014 : RG n° 10/05451 ; Dnd - CA Montpellier (3e ch. civ.), 13 janvier 2022 : RG n° 17/00222 ; Cerclab n° 9353 (la clause de plafonnement de l'indemnisation stipulée par ce contrat conclu avec un promoteur immobilier, qui n'est pas un professionnel de la construction, ne doit pas contredire la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique et créer ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; clause abusive réputée non écrite), sur appel de TGI Montpellier, 23 novembre 2016 : RG n° 10/04184 ; Dnd.
Crédit. V. pour l’obligation de paiement des échéances : CA Angers (ch. A com.), 30 juin 2015 : RG n° 13/02776 ; Cerclab n° 5227 (prêt immobilier ; absence de caractère abusif de la clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme « si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure » en cas de non-paiement, dès lors qu'il s'agit d'un manquement à l'obligation essentielle pesant sur l'emprunteur), sur appel de TGI Le Mans, 3 septembre 2013 : RG n° 11/03487 ; Dnd - CA Aix-en-Provence (ch. 3-3), 6 juin 2019 : RG n° 17/22740 ; arrêt n° 2019/253 ; Cerclab n° 7752 (prêt ; absence de caractère abusif de la clause de déchéance pour défaillance dans l’obligation de remboursement, qui est à l'évidence l'obligation essentielle de l'emprunteur, et qui exige pour son prononcé une mise en demeure préalable laissant un délai de régularisation de 15 jours), sur appel de TGI Marseille, 18 décembre 2017 : RG n° 16/13375 ; Dnd - CA Colmar (1re ch. civ. 1), 26 juin 2019 : RG n° 17/02316 ; Cerclab n° 7786 (prêt immobilier à une SCI ; la clause, qui reçoit des cas d'application précis, sans exclure tout recours judiciaire, vise à sanctionner un défaut d'exécution par l'emprunteur de son obligation essentielle, qui est d'honorer le remboursement des échéances du prêt, sans que la banque ne soit tenue d'en établir, au-delà, la gravité particulière, de sorte qu'elle n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat), sur appel de TGI Strasbourg, 3 mai 2017 : Dnd.
Pour l’obligation de constituer une sûreté : CA Rennes (2e ch.), 4 mars 2016 : RG n° 12/08674 ; arrêt n° 127 ; Cerclab n° 5545 (offres préalables de prêt immobilier ; n’est pas abusive la clause de déchéance en cas d’absence de constitution de la sûreté contractuellement prévue, dès lors qu’il s’agit d’une obligation essentielle de l’emprunteur et que l’application de la clause dépend de l’inaction de celui-ci et non d’une appréciation discrétionnaire de la banque), sur appel de TGI Rennes, 30 octobre 2012 : Dnd. § Sur la position souvent contraire de la jurisprudence, V. Cerclab n° 6623.
Jeu-pari. Caractère abusif de la clause d’un contrat de pari sportif limitant les modes de preuve de la qualité de gagnant en cas de vol, aboutissant à écarter, par une règle de preuve, l'exécution par la Française des jeux de son obligation essentielle au paiement des gains attachés à la prise de jeu effectuée par son cocontractant. CA Rouen (ch. civ. et com.), 31 mars 2016 : RG n° 14/05839 ; Cerclab n° 5571 ; Juris-Data n° 2016-007985, sur appel de TGI Le Havre, 6 novembre 2014 : RG n° 12/01295 ; Dnd
Occupation d’emplacement portuaire. N’est pas abusive la clause d’un contrat d’occupation d’emplacement portuaire stipulant que la responsabilité du concédant ne peut être recherchée « pour les dégâts, vols ou dégradations (dégradations du bateau, des chromes, batteries, appareillages électriques, moteur, vernis de l'accastillage et de tout autre accessoire d'armement, vols d'objets et d'équipements se trouvant à bord) », dès lors que l’occupant et son assureur procèdent par simple affirmation, sans rapporter la démonstration requise d’un déséquilibre significatif, le concédant objectant à bon droit que la clause précitée ne porte pas atteinte à l'obligation essentielle du contrat. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732 (obligations essentielles du concédant définies par le contrat : « - fournir un poste équipé d'une chaîne filles, - fournir de l'électricité pour l'usage de bord, dans la limite de la puissance disponible, - fournir de l'eau pour l'avitaillement du bord » ; N.B. l’occupant avait en l’espèce été victime d’un tir de feu d’artifice organisé par la commune, à l’organisation duquel le concédant n’était pas associé, ce qui vouait à l’échec en tout état de cause l’action en responsabilité contre ce dernier ; action en responsabilité contre la commune renvoyée à la juridiction administrative), sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd.
Prêt. Il est loisible au prêteur de conditionner l'octroi de son crédit à la constitution de toute garantie qu'il estime efficace, et il entre dans les obligations essentielles de l'emprunteur de constituer la garantie contractuellement convenue ; dans la mesure où le préjudice résultant de la non-constitution d'une garantie au rang convenu n'est pas déterminable au jour où le prêt est consenti, la stipulation d'une clause de déchéance du terme pour ce motif, lorsqu'il est imputable à l'emprunteur, n'est pas abusif. CA Rennes (2e ch.), 27 janvier 2017 : RG n° 13/09204 ; arrêt n° 49 ; Cerclab n° 6713 (prêt immobilier), sur appel TGI Rennes, 5 novembre 2013 : Dnd. § V. aussi ci-dessus, pour la CJUE.
Prestations de services. Caractère abusif de la clause relative à la responsabilité d’un réparateur de chaudière, rédigée de façon ambiguë, dont l’application aboutirait à supprimer toute responsabilité du professionnel dans l’exécution de son obligation contractuelle essentielle, qui était en l’espèce de permettre précisément le fonctionnement de la pompe à chaleur, de sorte que le contrat passé entre les parties serait en ce cas dépourvu de cause. CA Rouen (2e ch.), 19 juin 2008 : RG n° 07/02641 ; arrêt n° 313 ; Cerclab n° 2716 ; Juris-Data n° 2008-370831 (clause apparemment visée : « hors prestations : tout dysfonctionnement à la mise en service »), confirmant TGI Évreux (ch. civ.), 25 mai 2007 : RG n° 06/03199 ; jugt n° 2007/179 ; Cerclab n° 4135 (motivation moins nette, réputant la clause non écrite au motif qu’elle manque de clarté et qu’elle porte sur la substance même de l'obligation principale). § Si les clauses limitatives de responsabilité sont valides, c’est à la condition de préserver l’intégrité du contenu des obligations essentielles du contrat et ne pas favoriser de manière excessive l’une des parties, spécialement dans les rapports entre professionnels et non-professionnels. CA Rouen (2e ch.), 27 mars 2008 : RG n° 07/00623 ; arrêt n° 07/624 ; Cerclab n° 1161 ; Juris-Data n° 2008-365666 (caractère abusif de la clause d’un contrat d’entretien et de réparation de chaudière tendant à exclure la responsabilité de l’entreprise pour tout accident matériel ou corporel, équivalant à une exclusion quasi générale de toute responsabilité de l’entreprise pour toute intervention, sapant le fondement même de l’engagement du client et les prévisions qu’il est en droit d’attendre de son cocontractant dans la mise en œuvre de ses obligations).
Télésurveillance. Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com., avec un raisonnement s’apparentant à une atteinte à l’obligation essentielle : crée un déséquilibre significatif entre les obligations des parties la clause d’un contrat de télé-alarme qui implique que « la responsabilité [du prestataire] ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non-fonctionnement pour quelque cause que ce soit, par exemple, le vol en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat », vide le contrat de ce qui en fait l'essence même, à savoir le bon fonctionnement de la prestation d'alarme pour prévenir le vol, qui ne constitue pas un cas de force majeure, alors qu'en l'espèce il y a eu intrusion et vol et que l'alarme, qui avait été actionnée, n'a pas fonctionné. CA Paris (pôle 2 ch. 5), 25 octobre 2016 : RG n° 14/20906 ; arrêt n° 2016/321 ; Cerclab n° 6526 (mise en place d'un système de télé-alarme pour des entrepôts où un commerçant stockait le matériel de communication qu'il commercialisait ; sur le texte de la clause, V. ci-dessus ; N.B. arrêt écartant au préalable l’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. ; retour à la responsabilité du prestataire), sur appel de T. com. Bobigny, 9 septembre 2014 : RG n° 2013F00002 ; Dnd.
Transport de déménagement. V. par exemple : CA Nîmes (1re ch. civ.), 29 septembre 2016 : RG n° 16/00569 ; Cerclab n° 5968 ; Juris-Data n° 2016-021381 (contrat de déménagement ; clause relative à la responsabilité permettant une déclaration de valeur ou l’application d’une limitation à 300 euros par objet non listé ; la clause ne vide pas de toute substance l'obligation essentielle du déménageur de réparer les avaries et pertes causées de son chef dans l'exécution de son obligation contractuelle de déménagement du mobilier du client), sur appel de TI Pertuis, 14 janvier 2016 : RG n° 11-15-0093 ; Dnd.
Vente. Pour un arrêt de la Cour de cassation déclarant abusive, en application des art. 2 et 3 du décret du 24 mars 1978, une clause de délai indicatif, exonérant de surcroît le vendeur de toute responsabilité en cas de retard, aux motifs que cette clause procurait un avantage excessif au professionnel, en lui laissant en fait l’appréciation du délai de livraison et en réduisant le droit à réparation prévu par l’art. 1610 C. civ. en cas de manquement par le vendeur à son obligation essentielle de délivrance dans le temps convenu. Cass. civ. 1re, 16 juillet 1987 : pourvoi n° 84-17731 ; arrêt n° 866 ; Bull. civ. I, n° 226 ; Cerclab n° 2114 ; D. 1988. p. 49, note Calais-Auloy ; JCP 1988. II. 21000, note Paisant. § Dans le même sens : CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 1er juillet 2015 : RG n° 14/13860 ; Cerclab n° 5207 (les clauses d’un contrat de vente de mobile home qui réduisent - exigence d’une mise en demeure du vendeur -, puis suppriment en des termes généraux, qui enlèvent toute portée à la stipulation plus limitée précédente, le droit à réparation, prévu au bénéfice de l'acquéreur non-professionnel par l'art. 1611 C. civ., en cas de manquement par le vendeur à son obligation essentielle de délivrance dans le temps convenu, confèrent au professionnel vendeur un avantage excessif et doivent donc être réputées non écrites ; N.B. 1/ la décision vise aussi les anciens art. L. 114-1, L. 132-1 et R. 132-1-6° C. consom. ; 2/ la référence à un avantage excessif n’a pas lieu d’être pour un contrat conclu en 2010), sur appel de TGI Draguignan, 18 juin 2014 : RG n° 13/10464 ; Dnd.
Est abusive la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur qui s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser. CA Aix-en-Provence (3e ch. B), 18 janvier 2018 : RG n° 15/19337 ; arrêt n° 2018/009 ; Cerclab n° 7374 (vente en l’état futur d’achèvement ; clause stipulant que les causes légitimes de suspension du délai de livraison « auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier »), sur appel de TGI Marseille, 24 juillet 2015 : RG n° 12/13328 ; Dnd.
V. aussi, pour la Commission des clauses abusives, pour un contrat de fourniture d’eau : caractère abusif d’une clause exonératoire portant atteinte à une obligation essentielle. Recomm. n° 85-01/A-9° : Cerclab n° 2176 (abonnement au service des eaux ; considérant n° 13 : la fourniture d’eau à un abonné domestique consiste, non seulement à garantir un débit, une pression convenus, mais également une eau conforme aux qualités définies par les règlements sanitaires : la fourniture d’eau ne présentant pas la qualité ainsi définie constitue une méconnaissance par le service des eaux de l’une de ses obligations essentielles).