CASS. CIV. 1re, 13 décembre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1985
CASS. CIV. 1re, 13 décembre 2005 : pourvoi n° 04-13772 ; arrêt n° 1749
Extrait : « Mais attendu que l'arrêt retient que les clauses du contrat de prêt relatives à l'interdiction de location sans accord du prêteur sous la sanction de l'exigibilité anticipée de ce prêt qui ne procurent aucun avantage particulier à l'une des parties, sont prohibées au regard des articles 6 et 1172 du Code civil en ce qu'elles constituent une atteinte au principe constitutionnellement reconnu et énoncé à l'article 544 du même Code de disposer de son bien de la manière la plus absolue et également une condition affectant les modalités d'exécution de l'engagement contracté, prohibée par la loi ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et qui n'a fait qu'appliquer sans les dénaturer les clauses claires et précises du contrat de prêt, en a justement déduit que de telles clauses étaient contraires à l'ordre public ».
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 04-13772. Arrêt n° 1749.
DEMANDEUR à la cassation : Caisse des Dépôts et Consignations
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur et Madame X.
Président : M. ANCEL.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a consenti à M. et Mme X. deux prêts immobiliers aux termes desquels l'emprunteur s'engageait « à habiter personnellement et continuellement l'immeuble faisant l'objet du prêt et à ne pas le vendre ni le louer sans l'accord du prêteur » et qui stipulaient que « dans le cas où l'immeuble serait loué ou vendu en tout ou en partie, sans l'accord du prêteur », toutes les sommes dues par l'emprunteur seraient exigibles de plein droit ; que les emprunteurs ayant loué le bien objet des prêts sans en avertir le prêteur, la CDC a réclamé l'application de la clause d'exigibilité des sommes dues au titre du prêt non soldé ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la CDC reproche à l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 13 février 2004) d'avoir fait droit à la demande des époux X. qui contestaient la validité des clauses litigieuses, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en décidant que les clauses litigieuses portaient atteinte au droit du propriétaire de disposer de son bien de la manière la plus absolue et que la CDC ne saurait revenir unilatéralement sur le contrat de prêt tout en constatant que la clause litigieuse ne procurait aucun avantage particulier à l'une des parties et sans en déduire qu'elle ne pouvait donc pas être qualifiée d'abusive, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
2°/ que, subsidiairement, en affirmant que des clauses qui prévoyaient les effets de la décision de l'emprunteur de vendre ou de louer le bien faisant l'objet du prêt sans l'accord du prêteur, portaient atteinte au droit de propriété de ce dernier, la cour d'appel a dénaturé le sens de ces clauses méconnaissant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
3°/ qu'à titre infiniment subsidiaire, en prononçant la nullité de ces clauses du fait qu'elles méconnaîtraient le droit de propriété alors que les clauses d'inaliénabilité ne sont pas nécessairement nulles, la cour d'appel a violé ensemble les articles 6, 900-1, 1134 et 1172 du Code civil ;
4°/ qu'en affirmant qu'il résulterait des stipulations du contrat de prêt que la CDC se serait réservée le pouvoir de revenir unilatéralement sur le contrat prétexte pris d'un changement dans la situation de l'emprunteur, la cour d'appel a dénaturé les clauses des articles 10 et 12 du contrat de prêt qui ne prévoient aucune faculté unilatérale de la CDC en violation de l'article 1134 du Code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt retient que les clauses du contrat de prêt relatives à l'interdiction de location sans accord du prêteur sous la sanction de l'exigibilité anticipée de ce prêt qui ne procurent aucun avantage particulier à l'une des parties, sont prohibées au regard des articles 6 et 1172 du Code civil en ce qu'elles constituent une atteinte au principe constitutionnellement reconnu et énoncé à l'article 544 du même Code de disposer de son bien de la manière la plus absolue et également une condition affectant les modalités d'exécution de l'engagement contracté, prohibée par la loi ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et qui n'a fait qu'appliquer sans les dénaturer les clauses claires et précises du contrat de prêt, en a justement déduit que de telles clauses étaient contraires à l'ordre public ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé en ses autres griefs ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1382 du Code civil ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour condamner la CDC à payer à M. et Mme X. des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt infirmatif attaqué retient, d'une part, une légèreté blâmable dans le suivi du dossier avant engagement de la procédure et, d'autre part, la délivrance d'un commandement de payer postérieur de près de trois mois au paiement de la somme mise à la charge des emprunteurs par les premiers juges et que la CDC avait reconnu comme soldant intégralement la dette ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu'en statuant par de tels motifs insusceptibles de caractériser les circonstances particulières constitutives d'un abus de droit, dès lors que la légitimité de l'action de la CDC avait été reconnue par la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la CDC à payer à M. et Mme X. la somme de 7.622,45 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 13 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ; Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Me ODENT, avocat aux Conseils pour la Caisse des dépôts et consignations
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré abusives et donc réputées non écrites des clauses par lesquelles un prêteur (la CDC) subordonne le maintien d'un taux très faible à ce que l'emprunteur (les époux DULYMBOIS) habite personnellement l'immeuble et ne le vende pas ou ne le loue pas sans son accord
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE ces clauses porteraient atteinte au droit du propriétaire de disposer de son bien de la manière la plus absolue et que la CDC ne saurait revenir unilatéralement sur le contrat de prêt.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU'en constatant que la clause litigieuse ne procurait aucun avantage particulier à l'une des parties sans en déduire qu'elle ne pouvait donc pas être qualifiée d'abusive, la cour d'appel a violé l'article L 132-1 du code de la consommation
ALORS QU'à titre subsidiaire, en affirmant que des clauses qui prévoient les effets de la décision de l'emprunteur de vendre ou de louer le bien faisant l'objet du prêt, sans accord de l'emprunteur, portaient atteinte au droit de propriété de ce dernier, la cour d'appel a dénaturé le sens de ces clauses, méconnaissant ainsi l'article 1134 du code civil
ALORS QU'à titre infiniment subsidiaire, les clauses d'inaliénabilité ne sont pas nécessairement nulles ; qu'en prononçant la nullité de ces clauses du fait qu'elles méconnaîtraient le droit de propriété, la cour d'appel a violé ensemble les articles 6, 900-1, 1134 et 1172 du code civil
ALORS QU'enfin, en affirmant qu'il résulterait des stipulations du contrat de prêt, que la CDC se serait réservée le pouvoir de revenir unilatéralement sur le contrat prétexte pris d'un changement dans la situation de l'emprunteur, la cour d'appel a dénaturé les clauses des articles 10 et 12 du contrat de prêt ne prévoyant aucunement une telle faculté unilatérale de la CDC en violation de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la CDC à verser aux époux DULYMBOIS la somme de 7.622,45 Euros de dommages-intérêts pour procédure abusive
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l'action engagée par la CDC aurait été dépourvue de tout fondement, qu'elle aurait été prise avec légèreté et que la délivrance d'un commandement de payer postérieur de trois mois au paiement de la somme de 49.679,23 Euros ayant soldé intégralement la dette révèlerait une légèreté blâmable ayant causé un préjudice aux époux DULYMBOIS
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, d'une part, une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges ; qu'en condamnant pour procédure abusive la CDC tout en infirmant le jugement qui avait accueilli ses demandes et sans constater l'existence de circonstances particulières, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil
ALORS QUE, d'autre part, la délivrance d'une mise en demeure étant sans rapport avec le droit ou non d'une partie d'attraire une autre partie devant une juridiction, seule de nature à constituer un abus de droit d'ester en justice, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant lié à la délivrance d'une mise en demeure après paiement d'une somme, fruit d'une erreur d'un huissier, a insuffisamment motivé sa décision et a ainsi méconnu l'article 455 du NCPC.