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CASS. CIV. 1re, 12 juillet 2005

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 12 juillet 2005
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 00-18543
Date : 12/07/2005
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Bulletins officiels
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (1re ch. civ., sect. D), 8 février 2000
Numéro de la décision : 1200
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1987

CASS. CIV. 1re, 12 juillet 2005 : pourvoi n° 00-18543 ; arrêt n° 1200

(renvoi CA Nîmes)

Publication : Bull. civ. I, n° 320 p. 265

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 JUILLET 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 00-18543. Arrêt n° 1200.

DEMANDEUR à la cassation : SA Société Générale

DÉFENDEUR à la cassation : Madame Y. aux droits de Madame X.

M. Bouscharain, conseiller doyen faisant fonction., président. M. Sarcelet., avocat général. la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Jacques et Xavier Vuitton., avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 1152 et 1229 du Code civil ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que Monique X., aux droits de laquelle se trouve Mme Y., qui avait souscrit un plan d'épargne populaire auprès de la Société générale, en a demandé le transfert auprès d'un autre établissement bancaire ; que se prévalant de la clause stipulant qu'en cas de retrait de fonds ou de transfert dans un autre établissement avant la fin de la 8e année, les intérêts ne seraient pas entièrement versés et qu'il serait pratiqué, sur les intérêts calculés, une reprise de 50 %, en cas de retrait durant les quatre premières années, et de 20 %, en cas de retrait de la 5e année à la 8e année, la Société générale a procédé à une reprise d'intérêts d'un certain montant ; que critiquant cette reprise, Monique X. a contesté la validité de la clause et demandé le remboursement de la somme en cause ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour condamner la banque à rembourser une certaine somme, l'arrêt attaqué retient que la stipulation litigieuse constitue une clause pénale, en ce qu'elle sanctionne le transfert du plan d'épargne populaire qui, s'il n'emporte pas rupture de l'opération d'épargne, n'en constitue pas moins une rupture de la relation contractuelle existant entre le souscripteur et l'établissement avec lequel le plan avait été conclu, et que cette rupture contractuelle, parce qu'elle était autorisée, ne saurait être plus lourdement sanctionnée qu'une rupture illicite par inexécution frontale du contrat assortie d'une clause pénale ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu'en se déterminant par des motifs qui établissaient que le transfert constituait une faculté ouverte à l'épargnant, en sorte que l'indemnité forfaitaire convenue par avance ne sanctionnait pas l'inexécution d'une obligation contractuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme Y. aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y. ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par LA SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la Société générale.

 

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est reproché aux arrêts attaqués (arrêt avant dire droit du 4 mars 1998 et arrêt définitif du 8 février 2000) d'AVOIR condamné la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Mme X. la somme de 15.347,88 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 1995 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS (arrêt du 4 mars 1998) QUE « si le transfert du PEP dans un autre organisme gestionnaire est prévu au regard des textes et notamment de l'article 11 de la convention passée entre l'Etat et les organismes gestionnaires de PEP le 6 février 1990, aucune disposition ne viendrait interdire à un organisme gestionnaire ayant ouvert un PEP pour l'un de ses clients, de pratiquer sur les intérêts calculés une reprise de 50 % pour le cas où le titulaire du compte transfère son PEP dans un autre établissement dans les 4 premières années ; que dans le silence de la loi, il convient de s'interroger sur la validité d'une telle clause ; que le fait de pratiquer la reprise de 50 % pour le cas où le titulaire du compte transfère son PEP dans un autre établissement peut s'analyser comme une pénalité venant réparer une rupture contractuelle du fait du titulaire du compte avant le terme prévu par la convention liant les parties ; que dès lors, cette clause ne créerait pas au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ; que son caractère abusif ne serait pas démontré ; que cette stipulation contractuelle semble présenter toutes les caractéristiques attachées à une clause pénale ; que si cela devait être admis, la Cour serait en droit de s'interroger sur l'excessivité des pénalités qu'elle met à la charge du titulaire du PEP » ;

ET AUX MOTIFS (arrêt du 8 février 2000) QUE « la Cour, reprenant par ailleurs l'argumentation contenue dans son arrêt du 4 mars 1998, rappellera que la clause litigieuse est ainsi rédigée : « En cas de retrait des fonds ou de transfert dans un autre établissement avant la fin de la 8ème année les intérêts ne seront pas entièrement versés. La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pratiquera sur les intérêts calculés une reprise de : 50 % en cas de retrait durant les quatre premières années, 20 % en cas de retrait de la 5ème année à la 8ème  année » ; que nonobstant un certain flottement rédactionnel (qui n'est peut-être pas totalement innocent !) de la 2ème phrase de la clause, il est clair que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE assimile le simple retrait de fonds au transfert à un autre établissement bancaire, et lui applique la même sanction : une retenue d'intérêts à un taux dégressif dans le temps ; que cette clause constitue à l'évidence une clause pénale en cas de transfert d'un établissement à l'autre car elle sanctionne ce transfert qui s'il n'emporte pas rupture de l'opération d'épargne envisagée sur le plan économique général « n'(en) constitue pas moins une rupture de la relation contractuelle existant entre le souscripteur et l'établissement avec lequel le PEP a été conclu » ainsi que l'écrit et le souligne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en page 4 de ses conclusions, - et ce faisant tend à fausser le jeu de la concurrence entre les banques au détriment des consommateurs par son impact lourdement comminatoire ; que le droit au transfert de PEP institué par la loi ne saurait en effet être rendu illusoire par une rétention trop lourde d'intérêts s'ajoutant de surcroît à des frais de transfert (250 Francs) ; que la rupture de la relation contractuelle parce qu'elle est autorisée ne saurait être plus lourdement sanctionnée qu'une rupture illicite par inexécution frontale du contrat assortie d'une clause pénale, dont le juge pourrait moduler l'application au cas où elle serait manifestement excessive, en vertu des dispositions du 2ème alinéa de l'article 1152 du Code Civil ; que la clause litigieuse constitue bien une clause pénale ; que pour retenir cette qualification, mais aussi stigmatiser le caractère manifestement excessif de la clause, la Cour écartera l'argument économique dépourvu de toute pertinence et singulièrement dérisoire de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE selon lequel l'application de la clause constitue un aménagement conventionnel de la rémunération versée par elle au client lui permettant de couvrir le coût pour elle de la nécessité d'avoir à remettre à disposition de l'intéressée ou d'un autre établissement dans l'hypothèse d'un transfert de fonds qui étaient placés à long terme, le retrait anticipé de fonds du PEP ou le transfert du plan supposant pour la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qu'elle retire au taux du marché les fonds qu'elle avait initialement placés en considération de la durée potentielle du contrat - alors que la banque en ce qui concerne ses propres placements sur le marché financier peut jouer sur la loi des grands nombres et peut, dans un cadre concurrentiel loyal et régulier entre banques, compenser par des transferts à son profit, ce qu'elle perd lors de transfert vers d'autres banques, situation radicalement différente de son client qui, dans son isolement, se trouve privé de la moitié de son épargne, ce qui est manifestement excessif jusqu'à l'outrance ; que la Cour estime que la sanction doit être limitée à 8 % des intérêts ce qui représente la somme de 2.923,40 Francs (qui s'ajoute aux 250 Francs de frais constants fixés par le contrat et qui ne sont pas en litige) ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE doit donc être condamnée à payer à Mme X. la somme de : 18.271,28 Francs - 2.923,40 Francs = 15.347,88 Francs avec intérêts au taux légal à titre compensatoire à compter du 2 juin 1995, date de la rétention abusive ; que Mme X. doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaires, les intérêts au taux légal apparaissant suffisants pour compenser la rétention abusive ; que bien que Mme X. ne fasse pas le plein de sa demande, il apparaît juste car par son attitude de rétention abusive la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a été à l'origine du litige de condamner cette dernière aux entiers dépens de première instance et d'appel » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS, D'UNE PART, QUE si le décret du 5 février 1990 (article 11) dispose que le transfert du PEP d'un organisme à un autre ne constitue pas, à la condition que certaines formalités déclaratives soient respectées, un retrait, il ne règle le régime du transfert que d'un point de vue fiscal ; qu'au contraire, dans les relations de la banque avec son client, le transfert du PEP, en ce qu'il prive la banque de l'épargne déposée dans ses comptes constitue un retrait et est en conséquence justiciable, dans les mêmes conditions, d'une réduction du taux d'intérêt initialement prévu ; qu'en jugeant au contraire, que la loi avait institué un « droit au transfert » de PEP auquel l'exposante ne pouvait, sans porter atteinte à son libre exercice, appliquer un régime de réduction des intérêts identique à celui qu'elle pratique en cas de retrait, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 11 du décret du 5 février 1990 et de l'article 109 de la Loi de finances du 29 décembre 1990 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la clause selon laquelle le banquier gestionnaire d'un PEP se réserve la possibilité de retenir une partie des intérêts dus à l'épargnant au cas où celui-ci déciderait de retirer prématurément les fonds ou de les transférer ne constitue pas une clause pénale dès lors que le retrait ou le transfert ne constitue pas de la part de l'emprunteur une inexécution du contrat mais l'exercice d'une faculté convenue entre les parties en sorte qu'en retenant la qualification de clause pénale pour apprécier la proportionnalité de la retenue pratiquée et en réduire le montant, la Cour a violé les articles 1152 et 1229 du Code Civil ;

ALORS, ENFIN, QU'en déduisant le caractère excessif de la clause du fait que la banque en cas de retrait anticipé du titulaire du PEP « peut jouer sur la loi des grands nombres », la Cour perd de vue que la décision de retrait de l'épargnant est discrétionnaire et en conséquence imprévisible, ce qui exclut toute idée de mutualisation, qu'en outre, il ne revient pas aux épargnants qui acceptent le blocage de leurs fonds pendant huit ans, de subir par l'effet de cette mutualisation les conséquences financières des autres épargnants qui décident librement de retirer leurs fonds, de sorte qu'elle viole les articles 1152 du Code Civil et L. 132-1 du Code de la Consommation .