CASS. CIV. 1re, 18 avril 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 2045
CASS. CIV. 1re, 18 avril 2000 : pourvoi n° 98-12056 ; arrêt n° 685
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 AVRIL 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 98-12056. Arrêt n° 685.
DEMANDEUR à la cassation : Société civile immobilière SCI Azur
DÉFENDEUR à la cassation : Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME)
Président : M. LEMONTEY, président
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juillet 1997), que, par acte du 21 décembre 1990, la SCI Azur (la SCI) a acquis un terrain à Sarcelles ; que, par le même acte, le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) a consenti à cette société un prêt de 1,4 million de francs, d'une durée de quinze ans, remboursable en soixante versements trimestriels ; que la possibilité de remboursement anticipé du prêt était prévue au contrat, moyennant une indemnité dont les modalités de calcul étaient déterminées par référence au taux mensuel de rendement des emprunts de l'Etat (TME) ; que la SCI a vendu l'immeuble le 30 juin 1993 et usé de la faculté de remboursement anticipé ; qu'à la suite d'un désaccord sur le montant de l'indemnité, la cour d'appel a fait droit à la demande du CEPME ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, le prêteur de deniers professionnels, qui omet d'informer son cocontractant, profane de la finance, de la portée et des conséquences d'une clause de remboursement anticipé, par référence à la variation d'un indice financier, manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si le CEPME, en édictant une indemnité de remboursement anticipé, indexée sur la variation de l'indice TME, aboutissant à une pénalité de près de 25 % du montant du capital remboursé par anticipation, au lieu des 4 % clairement indiqués par ailleurs dans la même clause, n'avait pas manqué à son devoir de contracter de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1116 du Code civil ; alors, subsidiairement de seconde part, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'abus du CEPME dans la fixation du prix n'était pas établi ; qu'en s'abstenant de rechercher si le CEPME ne s'était pas abusivement prévalu d'une clause, inintelligible pour un profane, d'indexation d'une indemnité de remboursement anticipé par référence aux variations de l'indice TME dont le calcul, particulièrement complexe, nécessitant l'emploi d'un ordinateur, a abouti à infliger à la SCI Azur une pénalité de près de 25 % du capital remboursé par anticipation au lieu des 4 % clairement indiqués par ailleurs dans la même clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
alors, enfin, en toute hypothèse, que les juges du fond doivent viser et analyser, au moins succinctement, les éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en faisant intégralement droit aux prétentions du CEPME pour fixer l'indemnité de remboursement anticipé à la somme de 231.889,03 francs, contestée par l'exposante, sans analyser la clause d'indemnité ni vérifier le calcul arbitraire du CEPME, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que la clause litigieuse déterminait le calcul de l'indemnité due en cas de remboursement anticipé, en fonction, non pas de la volonté du prêteur, mais d'éléments du marché financier extérieurs au CEPME dont l'emprunteur pouvait avoir connaissance ; qu'elle a, par là même, exclu la mauvaise foi du prêteur, tant dans la conclusion que dans l'exécution du contrat ;
Attendu, d'autre part, qu'en relevant l'absence d'abus dans la fixation du prix, en réponse à un grief de la SCI qui n'était assorti d'aucune précision, elle a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Azur à payer au CEPME la somme de 10.000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la SCI Azur
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné en deniers ou en quittances la SCI AZUR à payer au CEPME la somme de 231.889,03 francs, avec intérêts à compter du 17 janvier 1994.
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE pour faire droit à la demande de la SCI AZUR, les premiers juges ont considéré qu'aucun élément ne permet de déterminer le TME antérieurement et postérieurement au décaissement, ce qui contrevient aux dispositions de l'article 1129 du Code civil.
Mais que l'article 1129 du Code civil ne s'applique pas à la détermination du prix et que seul un abus dans la fixation du prix, en l'espèce non établi, peut donner lieu à résiliation ou indemnisation ;
Que l'article 1129 du Code civil serait-il applicable que la clause objet du litige serait néanmoins valable pour varier, non pas en fonction de la volonté du prêteur, mais en fonction d'éléments du marché financier extérieurs au CEPME, le TME étant le taux moyen mensuel des emprunts d'Etat à long terme dont l'emprunteur peut être informé des variations par la lecture de la presse financière et économique.
Qu'il a été dit plus haut que le prêt était destiné à rembourser l'acquisition d'un terrain et la réalisation de travaux d'édification d'un immeuble à usage de bureaux et d'entrepôts ; qu'il en résulte que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation n'est pas applicable, la SCI ne pouvant être tenue pour un consommateur.
Que, réformant le jugement entrepris, il convient de faire droit à la demande du CEPME, en condamnant la SCI AZUR à lui payer au titre de l'indemnité de remboursement anticipé, en deniers ou quittances, 231.889,03 francs, avec intérêts à compter du 17 janvier 1994.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE le prêteur de deniers professionnels qui omet d'informer son cocontractant, profane de la finance, de la portée et des conséquences d'une clause de remboursement anticipé, par référence à la variation d'un indice financier, manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si le CEPME, en édictant une indemnité de remboursement anticipé, indexée sur la variation de l'indice « TME », aboutissant à une pénalité de près de 25 % du montant du capital remboursé par anticipation, au lieu des 4 % clairement indiqués par ailleurs dans la même clause, n'avait pas manqué à son devoir de contracter de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1116 du Code civil.
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'abus du CEPME dans la fixation du prix n'était pas établi ; qu'en s'abstenant de rechercher si le CEPME ne s'était pas abusivement prévalu d'une clause, inintelligible pour un profane, d'indexation d'une indemnité de remboursement anticipé par référence aux variations de l'indice « TME » dont le calcul, particulièrement complexe, nécessitant l'emploi d'un ordinateur, a abouti à infliger à la SCI AZUR une pénalité de près de 25 % du capital remboursé par anticipation au lieu des 4 % clairement indiqués par ailleurs dans la même clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.
3°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE les juges du fond doivent viser et analyser au moins succinctement les éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en faisant intégralement droit aux prétentions du CEPME pour fixer l'indemnité de remboursement anticipé à la somme de 231.889,03 francs, contestée par l'exposante, sans analyser la clause d'indemnité ni vérifier le calcul arbitraire du CEPME., la Cour d'Appel a privé sa décision de motifs, violant l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile.