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CASS. CIV. 1re, 5 octobre 1999

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 5 octobre 1999
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 97-17559
Date : 5/10/1999
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Bulletins officiels
Décision antérieure : CA GRENOBLE (1re ch.), 3 juin 1997
Numéro de la décision : 1500
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2049

CASS. CIV. 1re, 5 octobre 1999 : pourvoi n° 97-17559 ; arrêt n° 1500

Publication : Bull. civ. I, n° 260 ; R., p. 385 ; D. 2000. 110, note Paisant ; D. 1999. AJ. 52, obs. C. R. ; JCP 2000. I. 241, n° 3, obs. Viney ; Contrats Conc. Consom. 1999, n° 182, note Raymond ; Petites affiches 24 mars 2000, note Gaba ; RJDA 1999/11, n° 11, p. 943, conclusions J. Sainte-Rose

 

Extrait : 1/ « Attendu que pour débouter l’UFC 38 de sa demande, la cour d’appel relève que l’article L. 421-6 du Code de la consommation sur lequel est fondée l’action de l’UFC ne prévoit pas en faveur des associations habilitées à exercer une action en suppression de clauses abusives, un droit à réparation et donc l’octroi de dommages-intérêts ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l’octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

 2/ « Attendu que la cour d’appel a débouté l’UFC 38 de son appel, sans motiver son refus de faire droit à sa demande de diffusion au public du jugement rendu, en quoi elle a méconnu les exigences du texte susvisé »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 OCTOBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 97-17559. Arrêt n° 1500.

DEMANDEUR à la cassation : Union Fédérale des consommateurs Que Choisir (UFC 38)

DÉFENDEUR à la cassation : SARL EMME

Président : M. Lemontey. Rapporteur : Mme Girard. Avocat général : M. Sainte-Rose. Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Piwnica et Molinié.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l’Union fédérale des consommateurs de l’Isère (UFC 38), agréée au sens de l’article L. 411-1 du Code de la consommation, a saisi les juridictions civiles afin de voir supprimer certaines des clauses du contrat type de vente utilisé par la société Emme ; que certaines de ces clauses ayant été déclarées illicites ou abusives, elle a sollicité des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les intérêts collectifs des consommateurs ;

 

Sur le moyen unique pris en ses quatre premières branches :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles L. 421-1 et L. 421-6 du Code de la consommation ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour débouter l’UFC 38 de sa demande, la cour d’appel relève que l’article L. 421-6 du Code de la consommation sur lequel est fondée l’action de l’UFC ne prévoit pas en faveur des associations habilitées à exercer une action en suppression de clauses abusives, un droit à réparation et donc l’octroi de dommages-intérêts ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l’octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

Et sur la cinquième branche du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la cour d’appel a débouté l’UFC 38 de son appel, sans motiver son refus de faire droit à sa demande de diffusion au public du jugement rendu, en quoi elle a méconnu les exigences du texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 juin 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat aux Conseils pour l'Union fédérale des consommateurs.

 

MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN     (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, après que le jugement entrepris - non frappé d'appel sur ce point - eut ordonné, à la demande d'une association agréée (l'UFC 38, l'exposante), la suppression de clauses abusives (cinq) ou illicite (une) contenues dans les conditions générales de vente d'un contrat type proposé aux consommateurs par un professionnel de la vente de mobiliers et de cuisines (la SARL EMME), d'avoir débouté cette association de sa demande tendant à la réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle représentait et de sa demande accessoire tendant à la publication du jugement ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE l'exposante soutenait que le premier juge aurait dû lui octroyer des dommages-intérêts et la publication de la décision au prétexte qu'il existait un préjudice collectif, direct ou indirect, à l'intérêt collectif des consommateurs qui ne se confondait pas avec le préjudice propre et individuel d'un ou plusieurs consommateurs ; qu'elle précisait être investie d'un rôle préventif en matière de clauses abusives dont les consommateurs ne pouvaient se prévaloir pour déclarer un préjudice personnel et que, s'agissant de contrats dont les consommateurs pensaient qu'ils faisaient la loi des parties, ceux-ci s'inclinaient sans pouvoir savoir si la clause était abusive et déséquilibrait le contrat ; que, cependant, il fallait relever une contradiction dans l'argumentation de l'exposante, à savoir l'intervention préventive et l'existence d'un préjudice, fût-il collectif, dès lors que, par principe, toute prévention était exclusive d'un quelconque préjudice ; qu'il ne suffisait pas juridiquement de constater que l'application de clauses abusives ou illicites d'un contrat de vente était de nature à entraîner un préjudice pour être assuré de l'existence d'un tel préjudice, le fait qu'il fût collectif ne permettant pas d'écarter les règles habituelles en matière de réparation de tout préjudice, lequel, pour être réparé, devait être établi concrètement ; qu'au surplus, ainsi que le soulignait à juste titre la société EMME, l'article L. 421-6 du Code de la consommation , sur lequel était fondée l'action de l'exposante, ne prévoyait pas, en faveur des associations habilitées à exercer une action en suppression des clauses abusives, un droit à réparation et donc l'octroi de dommages-intérêts ; que l'article L. 421-7, auquel se référait l'exposante pour prétendre à la recevabilité de sa demande en dommages-intérêts, disposant que "les associations (...) p(ouvaient) intervenir (...) et demander notamment l'application des mesures..." et donc des dommages-intérêts, selon l'exposante, constituait à lui seul la section III du chapitre 1er du titre II du livre IV du Code de la consommation sous le titre "Interventions en justice" et impliquait une demande initiale d'un consommateur tandis que l'article L. 421-6, constituant la section II "Action en suppression des clauses abusives" était seul applicable en l'espèce ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'exposante ne justifiait pas avoir été saisie par des consommateurs identifiés qui auraient subi, du fait du contrat de vente proposé par la société EMME, un préjudice propre et individuel, en sorte qu'il ne serait pas fait droit à ses demandes de dommages-intérêts et de publication ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, de première part, toute personne, physique ou morale, habilitée à ester en justice peut, à moins d'une disposition légale particulière le lui interdisant, demander réparation du préjudice personnel par elle subi ; qu'en érigeant en principe que l'exposante, en sa qualité d'association sans but lucratif reconnue par la loi, n'était pas recevable, faute d'un texte l'y autorisant, à solliciter réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle représentait, pourtant caractérisée par le fait que dans le contrat proposé par le vendeur professionnel cinq clauses avaient été jugées abusives et une illicite, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil et l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ;

ALORS QUE, de deuxième part, si les associations de défense des consommateurs agréées peuvent se constituer partie civile pour demander au juge répressif réparation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs, a fortiori sont-elles recevables à obtenir, devant la juridiction civile, l'indemnisation de ce même préjudice, quand bien même les faits reprochés au professionnel ne seraient pas constitutifs d'une infraction pénale ; qu'en érigeant en principe que l'exposante ne pouvait demander réparation dès lors que ce droit n'était pas prévu par l'article L. 421-6 du Code de la consommation , seul applicable selon elle, la Cour d'appel a violé les articles L. 421-1, L. 421-6 et L. 421-7 du Code de la consommation ;

ALORS QUE, de troisième part, l'autorisation d'agir à titre préventif pour éviter la survenance d'un dommage futur n'est pas exclusive d'un dommage antérieur à l'exercice et au succès d'un action à cette fin ; qu'en décidant le contraire au prétexte qu'il y aurait eu une contradiction dans l'argumentation de l'exposante, c'est-à-dire son intervention préventive et l'existence d'un préjudice, fût-il collectif, dès lors que, par principe, toute prévention était exclusive d'un quelconque dommage, se prononçant ainsi par une considération abstraite et de portée générale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, de quatrième part, pour justifier de la réalité du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle représentait, l'exposante faisait valoir que le comportement des professionnels qui rédigeaient des contrats types soumis à la signature des consommateurs et contenant des clauses irrégulières allait à l'encontre de tout le travail d'information que faisaient les associations de défense (permanence, journal aux adhérents, réunion d'information, règlement des litiges...) et lui était préjudiciable, en soulignant la gravité des faits litigieux et en observant que le jugement entrepris avait ordonné la suppression de cinq clauses abusives et d'une illicite ; qu'en affirmant qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un préjudice concret, sans répondre à des conclusions aussi déterminantes de la solution du litige, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, la publication de la décision rendue, faculté prévue par l'article L. 421-9 du Code de la consommation , n'est pas subordonnée à la démonstration qu'un consommateur particulier a subi un préjudice du fait des agissements incriminés ; qu'en rejetant la demande de l'exposante tendant à la publication du jugement entrepris sous prétexte qu'elle ne justifiait pas avoir été saisie par des consommateurs identifiés qui auraient éprouvé, du fait du contrat de vente proposé par le vendeur professionnel, un préjudice propre et individuel, ajoutant ainsi au texte une condition qu'il ne comporte pas, la Cour d'appel a violé l'article L. 421-9 du Code de la consommation .