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T. COM. ÉPINAL, 15 avril 2003

Nature : Décision
Titre : T. COM. ÉPINAL, 15 avril 2003
Pays : France
Juridiction : Epinal (TCom)
Demande : 01/250
Date : 15/04/2003
Nature de la décision : Rejet
Décision antérieure : CA NANCY (2e ch. com.), 15 décembre 2004
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 207

T. COM. ÉPINAL, 15 avril 2003 : RG n° 01/250

(sur appel CA Nancy (2e ch. com.), 15 décembre 2004 : RG n° 03/02529 ; arrêt n° 04/2439)

 

Extrait : « Le contrat disputé fait clairement référence, quatrième page, aux dispositions du code de la consommation. Les paragraphes concernés n'ont pas été rayés. Si les dispositions du code de la consommation ne s'imposent pas par la loi dans les relations entre professionnels, aucune disposition d'ordre public ne l'en empêche. Le contrat faisant la loi entre les parties, le tribunal retiendra que les dispositions protectrices du code de la consommation s'appliquent en l'espèce. Les arrêts produits par LOCAM SA ont rejeté l'application du code de la consommation aux affaires concernées, mais les contrats de location correspondants n'ont pas été produits aux débats et n'ont donc pas permis au tribunal de constater les circonstances précises qui ont motivé les arrêts et notamment dans les contrats concernés la référence (ou l'absence de référence) aux dispositions du code de la consommation ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE D’ÉPINAL

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/250.

 

DEMANDEUR :

LOCAM SA

[adresse], Demandeur comparant par Maître FERRET, Avocat au barreau de St Etienne et Maître MALAGOU d'Épinal

 

DÉFENDEUR :

HL AUTO EURL – Monsieur X.

[adresse], Défendeur comparant par Maître LEROY-JEANNEL, Avocat au barreau de Epinal

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré (hors la présence du Greffier) : Monsieur LALLEMAND, Président, Mrs PERRIN, PARVE, Juges, assistés de Maître BERGER, Greffier.

Lors du prononcé : Monsieur PERRIN faisant fonctions de Président, Mrs PEIFFER, FAURE, Juges, assistés de Maître BERGER, Greffier.

DÉBATS : Audience publique du 17 décembre 2002

JUGEMENT : Décision contradictoire en premier ressort, délibérée par les Juges cités ci-dessus.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] A la demande de la SA LOCAM, Mr le Président du Tribunal de Commerce d'Épinal a rendu le 5 avril 2001 une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de l'EURL HL AUTO, laquelle ordonnance lui a été signifiée le 23 avril 2001. Par courrier reçu au greffe le 15 mai 2001 l’EURL HL AUTO a fait opposition, l'affaire fut appelée à l'audience du 10 juillet 2001 et après plusieurs renvois acceptés par les parties elle fut retenue à l'audience du 17 décembre 2002,

les parties entendues, le Président a annoncé que les débats étaient clos et fixé le terme du délibéré au 15 avril 2003, date à laquelle le jugement est rendu,

 

LES FAITS :

Un contrat d'abonnement de vidéo surveillance a été conclu le 26 novembre 1998 par HL AUTO auprès de la Société LOCAM, ce contrat était à durée déterminée pour une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel HT d'un montant de 400 Francs HT. La Société LOCAM a livré et installé le matériel le 8 décembre 1998. HL AUTO estime avoir été victime d'une technique de vente particulièrement agressive, n'a pas réglé les loyers à compter du 30 novembre 1999 et tient le matériel à disposition du loueur.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le conseil de l'EURL HL AUTO expose que :

Le contrat conclu, fondement de la demande, est nul du fait qu'il ne respecte pas les dispositions protectrices du Code de la consommation, le contrat souscrit par HL AUTO, l'a été à l'occasion d'un démarchage opéré par un représentant de commerce de CIPE et FIRENT. Il est sans rapport avec l'activité de HL AUTO, la spécialité professionnelle de cette dernière ne lui permettait donc pas d'apprécier l'opportunité d'une telle convention. En outre, la conclusion de ce contrat n'avait pas pour but de développer son activité ou sa clientèle.

HL AUTO était donc, lors de la signature de la convention litigieuse, dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. La jurisprudence fait bénéficier des règles protectrices du Droit de la consommation les personnes physiques qui ont contracté pour des besoins professionnels, mais en dehors de leur spécialité (Cour d'Appel de Rennes 07/05/1998, Réponse Ministérielle N° 22888 du 22/02/1999).

Le contrat conclu fait expressément référence au Code de la consommation, Il n'y a pas sur le contrat signé de texte barré ou de mention laissant supposer que ces dispositions ne seraient pas applicables. Il est indiqué que l'abonné « a pris connaissance et approuvé les termes recto et verso du présent contrat », que ce contrat reprend entièrement les dispositions protectrices du Code de la consommation et particulièrement l'articles L. 121-23. Dès lors, et selon un arrêt très récent de la Cour d'appel de LYON en date du 17 mai 2002, les dispositions du Code de la Consommation doivent trouver application en l'espèce (Cour d'Appel de Lyon 17/02/2002, Cour d'Appel de Nancy 11/12/2001, Cour d'Appel de Colmar 15/05/2002).

Les contrats concernant la télésurveillance ont fait l'objet d'une recommandation n° 97-01 émise par la commission des clauses abusives.

Le Tribunal ne pourra que juger le contrat déféré en appréciant sa validité au regard de l'article L. 121-23 du Code de la consommation.

L'article L. 121-23 du Code de la consommation prévoit diverses mentions à peine de nullité du contrat précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés n'est pas indiquée (article L. 121-23 4°), les conditions d'exécution du contrat ne sont pas indiquées (article L. 121-23 5°). Il en résulte que l'absence de ces mentions rend le contrat nul et de nullité absolue de par l'effet de la Loi.

Subsidiairement, les demandes seront ramenées à de plus justes proportions

En effet, les dispositions contractuelles stipulent qu'en cas de non-paiement par l'abonné des échéances à leur terme entraîne la résiliation du contrat et d'une indemnité correspondant à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée de 10 %. Cette clause s'analyse, ni plus, ni moins, comme une clause pénale définie aux articles 1226 et suivants du Code civil. En effet, l'article 1226 dispose en effet : « La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu 'elle ait été stipulée pour le simple retard ». L'indemnité correspond parfaitement à cette définition. Le Tribunal constatera que le montant sollicité dans l'assignation est équivalent à la totalité des mensualités qui devaient être acquittées. S'il n'est pas [minute page 3] contesté que l'inexécution d'un contrat peut causer un préjudice au créancier de l'obligation, le tribunal ne saurait admettre la validité d'une clause permettant d'exiger la totalité des mensualités à titre de clause pénale, ce qui correspond à l'exécution de l'obligation principale. Une telle clause est contraire à l'article 1226 précité.

De plus, la jurisprudence a admis de façon constante le caractère abusif de certaines clauses pénales prévoyant le versement de la totalité des montants, le Juge pouvant toujours apprécier le montant de la clause pénale en fonction du préjudice subi par le créancier.

Or, en l'espèce on ne voit pas quel préjudice a pu être subi, de plus HL AUTO demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il entend restituer le matériel ; matériel qui pourra, sans aucune difficulté, être replacé par la demanderesse. Quant aux autres demandes, et notamment celle sur la résistance abusive, qui n'est absolument pas établie, elle fait manifestement double emploi avec la demande fondée sur la clause pénale indiquée supra, en conséquence cette demande sera écartée.

En conséquence elle demande au Tribunal de Commerce d'Épinal de :

Vu l'article L 121-23 du Code de la consommation,

Vu les pièces produites aux débats,

A TITRE PRINCIPAL :

- Dire et juger le contrat conclu le 26 novembre 1998 entre HL AUTO et la Société LOCAM nul. En conséquence,

- Débouter purement et simplement la demanderesse de l'ensemble de ses demandes.

SUBSIDIAIREMENT :

- Dire et juger que l'indemnité visée dans l'assignation constitue une clause pénale en cas de résiliation du contrat,

- Dire et juger cette clause abusive dans son montant,

En conséquence,

- Ordonner la réduction substantielle de ladite clause ;

- Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses autres demandes.

- Condamner la société LOCAM à payer une somme de 800 € en application des disposions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, condamner la société LOCAM aux entiers dépens de l'instance.

Le conseil de LOCAM SA répond que :

La demande de la Société LOCAM n'est pas fondée sur un contrat d'abonnement de vidéosurveillance, mais sur un contrat de location longue durée, qui a été conclu en accessoire d'un contrat d'abonnement de vidéosurveillance que la Société HL AUTO avait signé avec la Société CEPA, concessionnaire CIPE. Ce contrat accessoire a été conclu pour une première période irrévocable de 48 MOIS moyennant un loyer mensuel HT de 400 Francs. La Société CEPA (et non la Société LOCAM) a ensuite procédé à l'installation du matériel, ce qui est attesté par le procès-verbal que HL AUTO a contresigné le 8 décembre 1998 aux côtés de la Société CEPA. La Société LOCAM a ensuite procédé à l'encaissement des loyers qui ont cessé d'être honorés à compter du 30 novembre 1999. Il a donc été adressé une lettre recommandée le 18 février 2000, signifiant à la Société HL AUTO que faute par elle de régulariser les loyers de novembre, décembre et janvier, le contrat serait résilié. Deviendra alors exigible l'indemnité contractuelle inscrite à l'article 13 du contrat. Les arrêts produits par la demanderesse (Nancy et Colmar) sont contestés au motif qu'il s'agissait d'entreprises personnelles. LOCAM SA produit plusieurs arrêts stipulant que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables aux personnes morales.

Il resterait encore à démontrer que les dispositions de l'article L. 121-23 ne sont pas respectées, alors que le contrat de location énumère très précisément chacun des éléments matériels composant l'installation de télésurveillance et les conditions d'exécution du contrat sont parfaitement indiquées par les conditions générales, tandis qu'est bien exposé au recto que celui-ci est conclu pour une période irrévocable de 48 MOIS comme précisé à l'article 6-C des conditions générales et pour une mensualité de 400 Francs HT, L'EURL HL AUTO prétend à la nullité d'un contrat qu'elle a souscrit le 26 novembre 1998, et qu'elle a exécuté sans élever quelque critique que ce soit à l'adresse de la société LOCAM SA celle-ci produit les arrêts de la cour d'appel de Nancy du 11/12/2001, du 6/09/2000 ainsi que les arrêts des cours d'appel de Grenoble (18/05/2000), Nîmes (9/11/2000), Angers (17/12/2001), Douai (01/03/2001), Bordeaux (23/10/2002).

La somme demandée correspond exactement à l'article 13 B du contrat qui était parfaitement connu de l'EURL HL AUTO.

[minute page 4] En conséquence La SCP BBF ASSOCIES pour LOCAM SA demande au Tribunal de Commerce d'Epinal de :

- Débouter l'EURL HL AUTO de son opposition.

- La condamner au paiement de la somme de 2.794,50 euros en principal, outre celle de 279.45 euros au titre de la clause pénale et intérêts.

- La condamner au paiement d'une indemnité de 800 euros au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LE TRIBUNAL :

Le tribunal a examiné avec attention les arrêts produits par les deux parties et les circonstances qui les ont motivées.

 

Sur l'application des dispositions protectrices du droit de la consommation :

Le contrat disputé fait clairement référence, quatrième page, aux dispositions du code de la consommation. Les paragraphes concernés n'ont pas été rayés. Si les dispositions du code de la consommation ne s'imposent pas par la loi dans les relations entre professionnels, aucune disposition d'ordre public ne l'en empêche. Le contrat faisant la loi entre les parties, le tribunal retiendra que les dispositions protectrices du code de la consommation s'appliquent en l'espèce. Les arrêts produits par LOCAM SA ont rejeté l'application du code de la consommation aux affaires concernées, mais les contrats de location correspondants n'ont pas été produits aux débats et n'ont donc pas permis au tribunal de constater les circonstances précises qui ont motivé les arrêts et notamment dans les contrats concernés la référence (ou l'absence de référence) aux dispositions du code de la consommation.

 

Sur la nullité du contrat :

EURL HL AUTO invoque la nullité du contrat au motif que :

- la nature et les caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ne sont pas indiquées (article L. 121-23 4°),

- les conditions d'exécution du contrat ne sont pas indiquées (article L. 121-23 5°).

L'examen du contrat permet de constater que la liste et la nature des biens est indiquée de façon succincte « centrale/transmetteur téléphonique 1, émetteur radio fin 1, etc., les caractéristiques ou les performances ou la référence à un catalogue technique ne sont pas mentionnées ; de plus l'examen du « procès verbal de réception du matériel » montre que la liste du matériel installé ne concorde pas avec celle du contrat ;

Les conditions d'exécution du contrat sont énoncées à l'article 8 du contrat, elles sont clairement exprimées.

Le tribunal considère que la description de la nature et des caractéristiques du matériel est notoirement insuffisante, insuffisance confortée par les discordances entre le contrat et le « procès verbal de réception du matériel » et à ce titre dira le contrat nul.

 

Sur le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du NCPC :

Le montant n'est pas justifié par le demandeur, il apparaît excessif au tribunal qui le ramènera à 500 euros.

 

Sur les dépens :

Celui qui succombe supporte les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu l'article L. 121-23 du Code de la Consommation,

- reçoit l'EURL HL AUTO en son opposition et la déclare bien fondée.

- dit et juge le contrat conclu le 26 novembre 1998 entre l'EURL HL AUTO et LOCAM SA nul.

- [minute page 5] donne acte à l'EURL HL AUTO que le matériel est à la disposition de LOCAM SA

- déboute LOCAM SA de toutes ses demandes,

- condamne la société LOCAM à payer une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamne la société LOCAM aux entiers dépens de l’instance liquidés pour frais de greffe à la somme de 115,52 € TTC.