CASS. CIV. 1re, 10 avril 1996
CERCLAB - DOCUMENT N° 2076
CASS. CIV. 1re, 10 avril 1996 : pourvoi n° 94-14918 ; arrêt n° 774
Publication : Bull. civ. I, no 177 ; R., p. 331 ; JCP 1996. II. 22694, note Claret et Paisant ; Contrats Conc. Consom. 1996. 113, obs. Raymond ; RTD civ. 1997. 118, obs. Mestre
Extrait : « Attendu qu’en se déterminant comme elle a fait, alors qu’elle avait constaté que, dans les conditions particulières de la police, l’assuré avait reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales et du tableau des garanties annexé à celles-ci et alors que le renvoi fait dans les conditions particulières de la police aux conditions générales ne révélait pas un abus de puissance économique de l’assureur et ne lui conférait aucun avantage excessif, la cour d’appel a violé le texte susvisé [L. 132-1] ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 AVRIL 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 94-14918. Arrêt n° 774.
DEMANDEUR à la cassation : Union des Assurances de Paris
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
Président : M. Lemontey. Rapporteur : Mme Marc. Avocat général : M. Sainte-Rose. Avocats : la SCP Célice et Blancpain, M. Blanc.
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il résulte de ce texte que sont réputées non écrites les clauses relatives à l’étendue des garanties lorsqu’elles apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l’autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. avait souscrit, en tant que propriétaire occupant partiel du domaine des Z., une police multirisque habitation auprès de la compagnie Union des assurances de Paris (UAP) ; qu’à la suite d’un vol commis en 1987 dans son domaine il a assigné l’UAP aux fins d’obtenir la prescription d’une mesure d’expertise et le paiement d’une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; que cette compagnie lui a opposé une clause des conditions générales de la police limitant, en cas de vol d’objets mobiliers entreposés, comme en l’espèce, dans des dépendances, sa garantie à 20 p. 100 du capital assuré ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour décider que l’assureur devait garantir intégralement son assuré pour le vol dont il avait été victime, la cour d’appel, après avoir relevé, d’une part, l’indication dans les conditions particulières, seules signées par l’assuré, de la surface développée des biens immobiliers composant son domaine et, d’autre part, la limitation de garantie insérée, en ce qui concerne le mobilier contenu dans les dépendances, dans un tableau annexé aux conditions générales, a énoncé, « qu’en droit et de façon générale, sont abusives les clauses qui n’apparaissent pas clairement et en toutes lettres très apparentes dans le contrat spécifique de l’assuré, le seul qui l’intéresse et qui définit les modalités particulières de son cocontractant » ; qu’elle a ajouté « qu’en l’espèce..., l’UAP aurait dû, pour se prévaloir effectivement de la limitation de garantie qu’elle invoque, faire figurer celle-ci dans un document unique et personnalisé signé par les deux parties » ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en se déterminant comme elle a fait, alors qu’elle avait constaté que, dans les conditions particulières de la police, l’assuré avait reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales et du tableau des garanties annexé à celles-ci et alors que le renvoi fait dans les conditions particulières de la police aux conditions générales ne révélait pas un abus de puissance économique de l’assureur et ne lui conférait aucun avantage excessif, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 mars 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP CELICE et BLANCPAIN, avocat aux Conseils pour la société UAP incendie accidents
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Compagnie U.A.P. devait garantir intégralement M.X., son assuré, pour le vol subi par celui-ci dans une cave de son domaine de VIC LA GARDIOLE, courant mai 1987 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU'"une "contradiction" existe au sein des Conditions Particulières ; que, signées de l'assuré, elles garantissent la totalité de ses biens immobiliers, dépendances comprises, mais que, par renvoi à un tableau de 36 rubriques décomposées, annexé aux Conditions Générales, la couverture du contenu mobilier des dépendances est limité à 20 % du capital, avec maximum de 20 fois l'indice du prix de la construction ; que l'assuré, qui reconnaît certes, par mention imprimée, avoir reçu le document contenant la limitation dont s'agit, conteste aujourd'hui en avoir eu connaissance ; qu'en droit et de façon générale, sont abusives les clauses qui n'apparaissent pas clairement et en lettres très apparentes dans le contrat spécifique de l'assuré, le seul qui l'intéresse et définit les modalités particulières des engagements de son cocontractant ; qu'en l'espèce, la Cour estime que l'U.A.P. aurait dû, pour se prévaloir de la limitation de garantie qu'elle invoque, faire figurer celle-ci dans un document unique et personnalisé signé des deux parties ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D'UNE PART, QU'aucun principe général du droit ne soumet l'efficacité ou l'invocabilité juridique des contrats aux critères de rédaction, d'unicité documentaire, ou de présentation matérielle ci-dessus énumérés par l'arrêt ; que, du reste, ne peuvent être déclarées abusives que les clauses qui, imposées par une partie à l'autre du fait de sa position économique, lui procurent un avantage excessif ; qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt a disposé par voie générale réglementaire, violant l'article 5 du Code Civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE n'est abusive que la clause dont il est relevé que, imposée par une partie à l'autre du fait de sa position économique, elle détermine ainsi un avantage excessif ; qu'il en va d'autant plus ainsi que, par arrêt du 3 décembre 1980, le Conseil d'Etat avait annulé l'article 1 du décret du 24 mars 1978 qui, pris pour l'application de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, réputait non écrite la clause constatant l'adhésion de l'autre partie à des stipulations ne figurant pas sur l'écrit qu'elle signe ; qu'en tout état de cause, en ne disant pas en quoi les modalités, matérielles ou substantielles, du contrat intervenu entre la compagnie U.A.P. et M. X. traduisaient un abus de puissance économique de l'assureur, conférant, en outre, à celui-ci un avantage excessif, l'arrêt a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, ou, en tant que de besoin, de l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'aux termes de l'article 1322 du Code Civil, foi est due à l'acte sous seing privé reconnu par celui auquel on l'oppose ; qu'aux termes de l'article 1323, ce dernier est obligé soit d'avouer, soit de désavouer sa signature ; que la signature, par une partie, d'un imprimé par lequel elle reconnait avoir reçu les Conditions Générales auxquelles est soumis son contrat, dès lors qu'il ne la dénie pas, fait présumer la réalité de leur communication ; que sa seule affirmation de ne pas se souvenir est inopérante, nul ne pouvant se constituer un titre à lui-même ; que l'arrêt, qui ne relève aucun fait conduisant à mettre en doute l'envoi des Conditions Générales à M. X., a violé, par refus d'application, l'article 1323 du Code Civil ;
ET ALORS, ENFIN, QUE les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que par le consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ; qu'à défaut, la mission du juge, saisi d'un contrat complexe est, par l'exercice éventuel de son pouvoir d'interprétation, et dans le respect de la prééminence des Conditions Particulières sur les Conditions Générales lorsqu'elles sont inconciliables entre elles, de dégager la commune volonté des parties ; que, dans la mesure où l'arrêt se fonde sur l'étendue et la minutie du tableau des garanties annexé aux Conditions Générales, lequel faisait l'objet d'un renvoi depuis les Conditions Particulières, pour refuser de donner effet aux limitations de garantie qui s'y trouvent inscrites, l'arrêt a violé l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur