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CASS. CIV. 1re, 24 novembre 1993

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 24 novembre 1993
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 91-17753
Date : 24/11/1993
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Jurisclasseur périodique, édition générale
Numéro de la décision : 1504
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2094

CASS. CIV. 1re, 24 novembre 1993 : pourvoi n° 91-17753 ; arrêt n° 1504

Publication : JCP 1994. II. 22334, note L. Leveneur ; Contr. conc. consom. 1994, Chron. 3, L. Leveneur ; Defrénois 1994. 818, obs. D. Mazeaud

 

Extrait : « …le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels ».  

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 91-17753. Arrêt n° 1504.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur Y.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que M. X., arboriculteur, a acheté à M. Y., pépiniériste, 6.008 plants de pommiers Starkrimson S 106 premier choix, qu’il a plantés en janvier 1981 ; qu’à la première floraison des arbres, il s’est aperçu que ces pommiers n’appartenaient pas à la même variété ; qu’une expertise judiciaire à établi que 68 % des plants n’étaient pas conformes à la commande ; que M. X. a alors réclamé à M. Y. une somme de 600.000 francs en réparation de son préjudice ; que l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 mai 1991) faisant application d’une clause conventionnelle limitant la garantie de l’authenticité des variétés au remboursement du prix facturé, a condamné M. Y. à payer à M. X. la somme de 50.048,12 francs ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que M. X. reproche à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que la non-conformité constitue un vice caché lorsqu’elle n’a pu apparaître que plus de deux ans après la livraison, alors que, la cour d’appel ne s’est pas expliquée sur la notion d’authenticité des variétés pour appliquer la clause limitative de responsabilité, et n’a pas non plus précisé en quoi la qualité de professionnel de M. X. devait lui permettre de s’apercevoir d’un vice indécelable lors de la livraison, et alors, enfin, que la clause litigieuse serait abusive ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que, devant les juges du fond, l’acquéreur des plants n’a pas fondé son action en indemnité sur l’existence du prétendu vice caché d’hétérogénéité dont serait atteint la variété Starkrimson, mais sur un manquement du vendeur à son obligation de livrer exclusivement, conformément à la commande, des plants appartenant à cette variété et que la cour d’appel n’était pas tenue de modifier le fondement juridique de la demande qui lui était présentée ;

Attendu ensuite, qu’ayant constaté que dans la proportion de 68 % les plants livrés par M. Y. n’appartenaient pas à la variété Starkrimson mais à la variété standard Red Delicious, la cour d’appel a, par une interprétation implicite des termes de la convention, retenu que ce manquement à son obligation de délivrance entraînait pour le vendeur celle de garantir « l’authenticité » de la variété des plants livrés, au sens de la clause limitative de responsabilité, qu’elle a, dès lors, appliquée à bon droit ;

Attendu, encore, que cette clause limitant la responsabilité de M. Y. à raison non des vices cachés de la chose vendue, mais des défauts de conformité de la marchandise livrée, la cour d’appel n’avait pas à rechercher, pour déclarer la clause opposable à M. X., si ce dernier était un professionnel de même spécialité que le vendeur ;

Attendu, enfin, que le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

 

Sur la demande présentée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. Y. sollicite, sur le fondement de ce texte l’allocation d’une somme de dix mille francs ;

Mais attendu qu’en équité il n’y a pas lieu à cette condamnation ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Rejette également la demande présentée par M. Y. sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne M. X., envers M. Y., aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par Maître Vincent, avocat aux conseils pour M. X.

 

MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN     (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

« En ce que l'arrêt infirmatif attaqué ramène à 50.048,00 Francs le montant de la condamnation de M. Y.

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE l'action engagée par M. X. est une action en non conformité de la marchandise vendue et non une action pour vice caché ; qu'en effet, la garantie des vices cachés s'applique à un produit altéré, abimé ou détérioré, alors que l'action en non conformité sanctionne la délivrance d'un produit de bonne qualité mais qui ne correspond pas à ce qui avait été convenu entre les parties ; [que] M. X. reproche à M. Y. de lui avoir vendu non pas des plants de pommiers altérés mais des plants de pommiers qui n'étaient pas tous du type commandé, certains, dans la proportion de 68 % s'étant révélés être des plants de pommiers d'un type différent ; que les clauses limitatives de responsabilité sont valables pour les défauts de conformité de la chose livrée dès lors que la vente intervient entre professionnels même de spécialité différente ; que M. X. a acquis les plants de pommiers comme arboriculteur ; que dès lors, la clause limitative de responsabilité incluse dans les conditions de vente lui est applicable ; que cette clause limite la garantie de l'authenticité des variétés au choix du vendeur au remplacement de l'article ou au remboursement du prix qui a été facturé lors de la commande.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS D'UNE PART QUE la « non-conformité » constitue un vice caché lorsqu'elle n'a pu apparaître lors de la délivrance de la chose vendue mais ne s'est révélée qu'ultérieurement ; qu'il en va ainsi, en l'espèce, s'agissant de plants de pommiers livrés le 22 décembre 1980, plantés en janvier 1981 et dont l'hétérogénéité a été constatée en 1983, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué ; que, par suite, la Cour d'Appel a violé les articles 1147 et 1184 du Code Civil, ensemble par refus d'application les articles 1641 et suivants du même Code.

ALORS D'AUTRE PART QUE le jugement infirmé relevait que l'hétérogénéité constatée provient « surtout d'un mélange de greffons standards et spurs dans les plants livrés alors que la livraison n'aurait dû comporter que des plants greffés en spurs » et qu' « il a été livré... des pommiers... en grande partie constitués d'une variété différente de celle qui avait été commandée, de telle sorte qu'il ne peut plus être question d'authenticité variétale mais d'erreur complète sur la variété livrée » et que par suite, le vendeur « ne peut prétendre bénéficier de la garantie d'erreur variétale » ; que, pour infirmer ce jugement, la Cour d'Appel ne pouvait se borner à relever qu'une clause des conditions de vente « limite la garantie de l'authenticité des variétés » sans s'expliquer sur la notion d'« authenticité des variétés » ; qu'ainsi, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés, ensemble de l'article 1134 du Code Civil.

ALORS DE TROISIEME PART QU'en se bornant à relever que l'exposant est un professionnel sans expliquer en quoi cette qualité lui aurait permis de déceler le vice affectant les plants vendus, lequel ne s'est révélé, avec leur croissance, que plus de deux ans après leur plantation, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'une clause tendant à limiter la garantie du vendeur de plants dont l'« authenticité » ne pouvait être vérifiée qu'après l'écoulement de plusieurs années après leur livraison, constitue une clause abusive, dès lors inopérante ; que, par suite, la Cour d'Appel a violé les textes susvisés. »