CASS. CIV. 1re, 24 février 1993
CERCLAB - DOCUMENT N° 2098
CASS. CIV. 1re, 24 février 1993 : pourvoi n° 91-13940 ; arrêt n° 335
Publication : Bull. civ. I, n° 88 ; D. 1993. Somm. 249, obs. Hassler ; JCP 1993. II. 22166, note Paisant ; D. 1994. 6, note Agostinelli ; Defrénois 1994. 354, obs. D. Mazeaud - Chronique Huet, D. 1993. Chron. 331
Extrait : « L’application d’une clause limitative de responsabilité ne peut, en règle générale, être écartée qu’en cas de dol ou de faute lourde du débiteur ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 1993
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 91-13940. Arrêt n° 335.
DEMANDEUR à la cassation : SA FNAC
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
Président : M. Massip, conseiller doyen faisant fonction. Rapporteur : M. Gélineau-Larrivet. Avocat général : M. Lupi. Avocat : M. Capron.
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1134 du Code civil ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, le 6 juillet 1990, M. X. a remis à une agence de la société FNAC une cassette vidéo, enregistrée lors d’un voyage en Jordanie, afin d’en faire effectuer deux copies ; que cette cassette ayant été égarée avant d’avoir été recopiée, M. X. a assigné la FNAC en paiement de dommages-intérêts ; que celle-ci, tout en proposant le versement d’une indemnité de 750 francs, a opposé aux prétentions de son adversaire une clause figurant sur le bon de commande et aux termes de laquelle « la non restitution... de tous films, photos ou cassettes confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par des films ou cassettes vierges ou par leur contre-valeur, au choix du client », étant précisé que « dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, il est recommandé d’en faire la déclaration lors de la remise afin de faciliter une négociation de gré à gré » ; que le jugement attaqué a accordé à M. X. 4.000 francs de dommages-intérêts ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en statuant ainsi, au motif que la clause limitative de responsabilité ne serait valable que si la perte était liée au travail de développement et de reproduction, et non lorsque le film a été égaré, alors que l’application d’une telle clause ne peut, en règle générale, être écartée qu’en cas de dol ou de faute lourde du débiteur, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 février 1991, entre les parties, par le tribunal d’instance de Paris 6e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Paris (7e).
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par Maître Capron, Avocat aux Conseils, pour la Société FNAC.
MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le pourvoi fait grief au jugement attaqué d’avoir condamné la société FNAC à payer à M. X. une somme de 4.000 Francs à titre de dommages-intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS que « Monsieur X. a déposé, le 6 juillet 1990, dans le magasin FNAC service de la gare de Lyon, une cassette vidéo 8 mm. de soixante minutes enregistrée et deux cassettes vierges, afin de faire effectuer une copie en double exemplaire de l'enregistrement » (cf. jugement attaqué, p. 2, 2ème alinéa) ; que « la cassette originale a été perdue avant d'avoir été recopiée : la Fnac ne conteste pas la réalité de cette perte, mais invoque la clause de responsabilité figurant sur le ticket remis au client lors du dépôt, pour estimer plus que raisonnable sa proposition de dédommagement à hauteur de 750 Francs, alors que le dédommagement prévu contractuellement se limite à la remise de cassettes vierges ou de leur contre-valeur » (cf. jugement attaqué, p. 2, 3ème alinéa) ; que « les dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 protégeant les consommateurs contre les clause abusives et les dispositions des articles 3 et 4 du décret du 24 mars pris en application de cette loi, assimilent le service rendu à la chose vendue, mais (que) l'article 2 du décret interdisant les clauses limitatives de responsabilité des professionnels ne concernent que les contrats de vente » (cf. jugement attaqué, p. 2, 5ème alinéa) ; qu’« en l'espèce, il convient, néanmoins, d'observer que la défaillance de la Fnac dans l'exécution de ses obligations contractuelles est totale : le service demandé n'a pas été rendu, et la chose remise pour l'exécution de ce service est définitivement perdue » (cf. jugement attaqué, p. 2, 6ème alinéa) ; que « la clause limitative de responsabilité imposée par la Fnac n'est pas en contradiction avec l'élément substantiel du contrat dans la mesure où cette clause répond à l'impossibilité, pour le professionnel, de vérifier la qualité des films qui lui sont remis lors de leur dépôt : la simple conservation du film et sa restitution ne présentent pas le même caractère aléatoire, que le travail de développement ou de reproduction » (cf. jugement attaqué, p. 2, 7ème alinéa) ; qu’« il y a lieu, en conséquence, de considérer que la clause permettant à la Fnac de s'affranchir de la loi contractuelle ne peut s'appliquer, alors qu'elle a simplement perdu le films déposé » (cf. jugement attaqué, p. 2, 8ème alinéa) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1 - ALORS que constitue une clause abusive, la stipulation qu'un des contractants est en mesure d'imposer à l'autre partie du fait de sa position économique, et qui procure à ce contractant un avantage exclusif ; que la clause figurant sur le bulletin de dépôt que la société Fnac a remis à M. X., ne lui procure pas un avantage exclusif, puisqu'elle prévoit que le défaut de restitution d'un films ou d'une cassette donnera lieu à un dédommagement égal à la valeur d'un film ou d'une cassette vierge, puisqu'elle aboutit, en d'autres termes, à une répartition conventionnelle du risque de la perte de la chose confiée, entre les deux parties contractantes ; qu'en outre, cette même clause n'a pas été imposée à M. X., puisqu'elle lui réservait expressément la faculté de préférer une négociation de gré à gré des conditions du contrat, aux conditions générales figurant sur le bulletin de dépôt ; qu'en refusant d'appliquer la clause qu'invoquait la société Fnac, le tribunal d'instance a violé l'article 1134 du code civil ;
2 - ALORS que la clause figurant sur le bulletin de dépôt remis à M. X. stipule que « la non-restitution dans un délai de deux mois à compter de la date où les documents sont réclamés de tous films, photos ou cassettes confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par des films ou cassettes vierges, ou par leur contre-valeur, au choix du client » ; qu'en distinguant entre la non-restitution due à un incident survenu au cours du développement du film ou de la reproduction de la cassette, laquelle donnerait lieu à l'application de la clause limitative de la responsabilité de la société Fnac, et la non-restitution due à la perte pure et simple du film ou de la cassette, laquelle ne donne pas lieu à l'application de cette clause, le tribunal d'instance a violé l'article 1134 du code civil. »