CASS. CIV. 1re, 3 décembre 1991
CERCLAB - DOCUMENT N° 2105
CASS. CIV. 1re, 3 décembre 1991 : pourvoi n° 89-20856 ; arrêt n° 1649
Publication : Bull. 1991, I, n° 342, p. 223
Extrait : « Mais attendu, sur la première branche, que Mme X. n’a pas soutenu devant les juges du fond que la clause de renvoi aux conditions générales de vente, clause qu’elle critique, lui avait été imposée, comme l’exige l’article 35 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, par un abus de la puissance économique de son cocontractant, et qu’elle avait procuré à celui-ci un avantage excessif ; que le moyen tiré du caractère abusif de cette clause est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et, par suite, irrecevable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 1991
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 89-20856. Arrêt n° 1649.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : SA société Garage du centre
Président : M. Massip, conseiller doyen faisant fonction. Rapporteur : M. Thierry. Avocat général : M. Lupi. Avocats : la SCP Desaché et Gatineau, M. Odent.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 16 mars 1987, Mme X. a acheté à la société Garage du centre à Boulogne-sur-Seine un véhicule Seat, qui a été accidenté le 5 mai suivant, réduit à l’état d’épave et remorqué jusqu’au garage en question ; que, le 10 juin 1987, l’intéressée a commandé au même garage un véhicule neuf Seat, moyennant le prix de 62.800 francs, le montant de la reprise de l’épave étant fixé à 4.900 francs ; que la livraison du véhicule neuf était prévue pour fin juillet 1987 ; que Mme X. n’a pas donné suite à sa commande et a vendu l’épave à un tiers ; que, le 13 août 1987, la société Garage du centre l’a assignée en remise des documents administratifs afférents à cette épave ; que l’arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 1989) a ordonné cette remise sous astreinte et a condamné Mme X. à payer 1.000 francs de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Mme X. fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, de première part, que doit être déclarée inopposable à l’acheteur, comme constituant une clause abusive, la mention manuscrite apposée au recto d’un bon de commande, par laquelle l’acheteur reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales de vente inscrites au verso ; qu’en l’espèce, la présentation des conditions générales de vente au verso d’un bon de commande, non revêtu du paraphe de l’acheteur, la pâleur de l’impression et le format réduit des caractères rendant leur lecture difficile, ne permettaient manifestement pas à Mme X. d’en prendre valablement connaissance ; qu’en affirmant la validité de cette mention apposée au recto du bon de commande par Mme X., sans rechercher si celle-ci avait été effectivement informée des conditions de vente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; alors, de deuxième part, qu’en déclarant que l’intimée ne prétendait pas avoir été victime d’un vice du consentement, bien que Mme X. eût invoqué dans ses conclusions d’appel l’erreur et le dol dont elle avait été victime, l’arrêt attaqué a dénaturé lesdites conclusions et, de nouveau, violé l’article 1134 du Code civil ; alors, de troisième part, que les juges du fond doivent déterminer si la vente d’une automobile par un garagiste et la reprise de l’ancien véhicule par ce dernier forment un tout indivisible ou constituent, au contraire, deux opérations distinctes ; qu’en s’abstenant de rechercher en l’espèce si l’achat d’un véhicule neuf par Mme X. n’était pas lié à la reprise de l’épave, de telle sorte que l’annulation de la vente du véhicule neuf entraînait celle de la vente de cette épave, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1582 du Code civil ; et alors, enfin, et de quatrième part, que doit être délié de ses obligations le débiteur qui ne peut s’exécuter ; qu’en l’espèce, Mme X. ne pouvait plus remettre au garage les documents administratifs afférents à l’épave, puisqu’elle avait vendu celle-ci à un tiers ; qu’en ordonnant néanmoins cette remise sous astreinte, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 et 1134 du Code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, sur la première branche, que Mme X. n’a pas soutenu devant les juges du fond que la clause de renvoi aux conditions générales de vente, clause qu’elle critique, lui avait été imposée, comme l’exige l’article 35 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, par un abus de la puissance économique de son cocontractant, et qu’elle avait procuré à celui-ci un avantage excessif ; que le moyen tiré du caractère abusif de cette clause est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et, par suite, irrecevable ;
Attendu, encore, qu’après avoir constaté que les conditions générales de vente figuraient au verso du bon de commande, la cour d’appel a relevé que ce document portait au recto la mention imprimée suivante : « L’acheteur déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente et de garantie inscrites au verso et les accepter dans toutes leur teneur » ; qu’ayant encore retenu que Mme X. avait apposé sa signature au-dessous de cette mention imprimée, l’arrêt attaqué a pu en déduire qu’en signant le bon de commande litigieux, l’intéressée avait adhéré à son contenu, spécialement aux conditions générales de vente figurant au verso, dont elle avait déclaré avoir pris connaissance et les avoir acceptées ;
Attendu, sur la deuxième branche, qu’après s’être référée à ses écritures de première instance faisant état d’un consentement qui aurait été vicié tant par l’erreur que par le dol, Mme X. n’a ni repris ni développé ces deux moyens dans ses conclusions d’appel, de telle sorte que les juges du second degré n’ont pu les dénaturer en constatant qu’elle ne prétendait pas avoir été victime d’un vice du consentement ;
Attendu, sur la troisième branche, qu’ayant relevé que la somme de 4.900 francs, montant estimé de l’épave, constituait un acompte sur le prix du véhicule neuf, et que cette épave avait été acquise par le garage, à titre de dommages-intérêts, comme conséquence de la résolution de la vente de ce véhicule neuf aux torts de l’acquéreur, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche que sa décision rendait inopérante ;
Attendu, sur la quatrième branche, que la liquidation de l’astreinte, décernée à l’encontre de Mme X. pour la contraindre à remettre au garage les documents administratifs afférents à l’épave, permettra de résoudre cette obligation en dommages-intérêts ;
Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses quatre branches ;
Sur le second moyen : (sans intérêt) ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Desaché et Gatineau avocat aux conseils pour Mme X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
"Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à Madame X. de remettre à la société GARAGE DU CENTRE les documents administratifs relatifs au véhicule SEAT modèle IBIZA 15 GLX 4198 PV 92 notamment la carte grise portant la mention "vendu" signée par Madame X. sous astreinte,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE si la somme de 4.900 F figurant dans le bon de commande du 10 juin 1987 n'avait constitué qu'un simple acompte sur le prix de vente du véhicule neuf commandé par Madame X., il aurait dû figurer dans cet acte au regard de la mention "acompte" et non, comme c'est le cas, en face de la mention "reprise" vers laquelle la première mention renvoie au moyen d'une flèche, les deux mentions paraissant d'ailleurs faire corps l'une avec l'autre ; que cette somme représente donc, contrairement à l'appréciation du Tribunal, le prix de vente du véhicule accidenté de Madame X. considéré comme acompte à valoir sur le prix de vente du véhicule neuf ; qu'ainsi se comprennent et la mention sous la rubrique "observations" de la reprise dudit véhicule à l'état d'épave et dans le cadre consacré à la reprise l'indication selon laquelle les conditions de cette dernière sont subordonnées à la conformité du véhicule avec l'estimation faite le 10 juin 1987, estimation qui est parfaitement déterminée ; qu'en signant le bon de commande litigieux l'intimée a adhéré à son contenu y compris en ce qui concerne les conditions générales de vente figurant au verso dont elle a déclaré avoir pris connaissance et qu'elle a acceptées ; qu'il s'ensuit, d'une part, et alors que l'intimée ne prétend pas avoir été victime d'un vice de consentement, qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a jamais voulu transférer la propriété du véhicule accidenté au GARAGE DU CENTRE, le fait qu'elle ait cédé celui-ci à un tiers le 18 juin 1987 ne pouvant à l'évidence constituer une telle preuve compte tenu des circonstances, d'autre part, qu'en vertu de l'article 7 des conditions générales de vente l'épave est acquise au garage à titre de dommages-intérêts comme conséquence de la résiliation de la vente aux torts et griefs de Madame X. ; que propriétaire de l'épave du véhicule, le GARAGE DU CENTRE est en droit d'obtenir de l'ancien propriétaire les documents administratifs y afférents ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1° - ALORS QUE doit être déclarée inopposable à l'acheteur comme constituant une clause abusive, la mention manuscrite apposée sur le recto d'un bon de commande, par laquelle l'acheteur reconnaît avoir pris connaissance des conditions de vente inscrites au verso ; qu'en l'espèce la présentation des conditions générales de vente au verso du bon de commande, non revêtu du paraghe de l'acheteur, la pâleur de l'impression et le caractère réduit des caractères rendant sa lecture difficile ne permettait manifestement pas à Madame X. d'en prendre valablement connaissance ; qu'en affirmant la validité de la mention apposée sur le recto du bon de commande par Madame X. sans rechercher si celle-ci avait été effectivement et valablement informée des conditions de vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code Civil ;
2° - ALORS QUE dans ses écritures d'appel, Madame X. faisait valoir que son consentement avait été vicié à la suite d'une erreur puisqu'elle avait contracté avec l'idée fausse de la nature des droits qu'elle cédait et de ceux qu'elle croyait acquérir ; qu'en outre elle soutenait que le bon de commande n'ayant pas date certaine dès lors que le GARAGE DU CENTRE ne lui avait pas remis le double du document qu'elle avait signé, elle avait également été victime d'un dol de la part d'un professionnel ; qu'en conséquence en déclarant que l'exposante ne prétendait pas avoir été victime d'un vice du consentement, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de cette dernière et violé l'article 1134 du Code Civil ;
3° - ALORS QU'il incombe aux juges du fond de rechercher si la vente d'un véhicule automobile par un garagiste et la reprise de l'ancien véhicule par celui-ci forment un tout ou au contraire si elles constituent deux ventes distinctes ; que dès lors en ne recherchant pas en l'espèce si l'achat d'un véhicule neuf par Madame X. n'était pas lié à la vente de l'épave, de sorte que l'annulation de la vente du vhéicule neuf entraînait celle de la vente de l'épave, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1582 du Code civil ;
4° - ALORS QUE doit être délié de ses obligations le débiteur qui ne peut s'exécuter ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que, postérieurement à la commande du nouveau véhicule, Madame X. a vendu l'épave à un tiers à qui elle a remis les documents administratifs concernant cette épave ; que l'exposante se trouvait donc dans la totale impossibilité de remettre ces documents au GARAGE DU CENTRE ; qu'en conséquence en ordonnant néanmoins de remettre, sous astreinte, les documents administratifs de l'épave à ce dernier, la Cour d'Appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 et 1134 du Code civil".
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
"Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X. à payer à la société GARAGE DU CENTRE la somme de 1.000 F à titre de dommages-intérêts,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE Madame X. a commis une faute non seulement en ne prenant pas livraison dans le délai contractuel de 15 jours après mise à disposition du véhicule que le GARAGE DU CENTRE avait commandé pour elle, mais encore en cédant à un tiers l'épave de son véhicule devenu dès le 10 juin 1987 la propriété du GARAGE DU CENTRE après accord des parties sur la chose et sur le prix ; que cette faute a causé un dommage audit garage, obligé d'annuler la commande ; que ces circonstances justifient la demande de dommages et intérêts présentée par l'appelant ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU'en vertu de l'article 7 des conditions générales de vente seule l'épave pouvait être acquise au GARAGE DU CENTRE à titre de dommages et intérêts en cas de résiliation de la vente aux torts et griefs de Madame X. ; que la résiliation de cette vente avait pour conséquence nécessaire l'annulation de la commande ; que la Cour d'appel ne pouvait donc condamner l'exposante à des dommages-intérêts supplémentaires sans caractériser l'existence d'un préjudice du garagiste autre que celui dû à l'annulation de la commande entraînée par la résiliation de la vente ; qu'en omettant de caractériser un tel préjudice, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil."
- 6389 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Acceptation et opposabilité des clauses
- 5732 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Cassation
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