CASS. CIV. 1re, 25 janvier 1989
CERCLAB - DOCUMENT N° 2110
CASS. CIV. 1re, 25 janvier 1989 : pourvoi n° 87-13640 ; arrêt n° 166
Publication : Bull. civ. I, n° 43 ; D. 1989. 253, note Malaurie ; ibid. Somm. 303, obs. Hassler et 337, Aubert ; JCP 1989. II. 21357, note Paisant ; Gaz. Pal. 4 janvier 1990, note Panhaleux ; RTD civ. 1989. 574, obs. Rémy ; LPA 31 mai 1989, note Hassler
Extrait : « Mais attendu que le tribunal d’instance a relevé que l’offre faite par la société Kodak Pathé de traiter le film a été connue et acceptée de M. X., non pas au moment du dépôt du film pour son développement, mais au moment de l’achat du film, et que le prix global ne distinguait pas entre le coût de la pellicule et le coût de son traitement ; que la juridiction a ensuite énoncé, par une appréciation souveraine, que, par la volonté des parties, l’acte juridique passé par M. X. était indivisible ; que, dès lors, le caractère de vente qu’il présentait, fût-ce de manière partielle, entraînait l’application de l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 JANVIER 1989
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 87-13640. Arrêt n° 166.
DEMANDEUR à la cassation : Société KODAK PATHÉ
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
Président : M. Ponsard. Rapporteur : M. Ponsard. Avocat général : M. Charbonnier. Avocats : M. Célice, la SCP Delaporte et Briard.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué (tribunal d’instance de Mulhouse, 23 janvier 1987), que M. X. a acheté deux films pour diapositives couleur, dénommés « Kodachrome 64 », sur l’emballage desquels figurait la mention suivante : « Le prix de ce film comprend le traitement et le montage des vues 24 x 36 par Kodak. Kodak garantit conformément à la loi tout défaut de fabrication ou vice caché dûment constaté. Tout film accepté pour traitement est réputé avoir une valeur qui n’excède pas son prix de tarif. La responsabilité de Kodak est donc limitée au remplacement du film perdu ou détérioré. Les colorants peuvent se modifier à la longue » ; que la société Kodak Pathé n’ayant pas restitué à M. X. les films qu’il lui avait renvoyés aux fins de traitement et de montage, ce dernier a refusé les deux films vierges qui lui furent proposés à titre de réparation ; que le jugement attaqué, faisant application de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, a estimé que la clause limitative de responsabilité était abusive et a condamné la société Kodak Pathé à payer la somme de 600 francs à titre de dommages-intérêts à M. X. ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Kodak Pathé fait grief au tribunal d’instance d’avoir ainsi statué, alors que, d’une part, le contrat conclu entre elle-même et M. X. s’analyserait, non comme un contrat de vente, mais comme un contrat d’entreprise, et alors que, d’autre part, les clauses limitatives de responsabilité ne sont pas prohibées dans un tel contrat, de sorte que l’article 2 du décret du 24 mars 1978, qui ne concerne que la vente, ne serait pas applicable ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que le tribunal d’instance a relevé que l’offre faite par la société Kodak Pathé de traiter le film a été connue et acceptée de M. X., non pas au moment du dépôt du film pour son développement, mais au moment de l’achat du film, et que le prix global ne distinguait pas entre le coût de la pellicule et le coût de son traitement ; que la juridiction a ensuite énoncé, par une appréciation souveraine, que, par la volonté des parties, l’acte juridique passé par M. X. était indivisible ; que, dès lors, le caractère de vente qu’il présentait, fût-ce de manière partielle, entraînait l’application de l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ; qu’en aucune de ses deux branches le moyen ne peut donc être accueilli ;
Et, sur le second moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, par ce moyen, la société Kodak Pathé conteste la prévisibilité du dommage retenue par le jugement attaqué ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu'un dommage est prévisible, au sens de l'article 1150 du Code civil, lorsqu'il peut être normalement prévu par les contractants au moment de la conclusion de la convention ; qu'en l'espèce, en relevant qu'au moment de l'achat du film, il était prévisible que le dommage résultant de sa perte après sa remise en vue du traitement et du montage consistait en la perte de la fixation d'un souvenir auquel le propriétaire était normalement attaché, le tribunal a légalement justifié sa décision ;
Que le second moyen n'est donc pas mieux fondé que le premier ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Me Célice, avocat aux Conseils, pour la société Kodak Pathé.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
III. "Le moyen reproche au jugement attaqué d' AVOIR condamné la Société KODAK à indemniser intégralement Monsieur X. de son préjudice prétendu, nonobstant la clause limitative de responsabilité acceptée par celui-ci;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la clause limitative de responsabilité invoquée par la Société KODAK s'inscrit en réalité dans un contrat de vente, et doit dès lors être déclarée abusive et réputée non écrite en application de l'article 2 du décret du 24 mars 1978 et de l'article 35 alinéa 2 de la loi n° 7823 du 10 janvier 1978;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, si la pellicule vierge a bien fait l'objet d'une vente entre M. X. et M. K., qui agissait pour son propre compte, le contrat conclu entre M. X. et la Société KODAK en vue du développement des clichés ne saurait être analysé comme un contrat de vente mais seulement comme un contrat d'entreprise; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal d'Instance a donc violé par fausse application les articles 1582 et 1787 du code civil;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, aucune disposition légale ne prohibe de façon générale l'insertion de clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité même dans les contrats d'adhésion; que la loi n° 7823 du 10 janvier 1978 et les décrets pris pour son application dérogent au principe général posé par l'article 1134 du code civil et sont, par conséquent d'interprétation stricte; que, dès lors, la clause litigieuse, stipulée dans un contrat d'entreprise en application de l'article 1150 du code civil ne peut être réputée non écrite en vertu de l'article 35 de la loi n° 7823 du 10 janvier 1978 puisque l'article 2 du décret du 24 mai 1978 ne vise que les contrats de vente et non pas les contrats de prestation de service; que, par suite, en statuant comme il l'a fait, le Tribunal d'Instance a violé les textes susvisés."
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
V. - "Il est encore reproché au jugement attaqué d' AVOIR condamné la Société KODAK à payer à Monsieur X. la somme de 600 Frs représentant l'intégralité du préjudice moral qu'il prétend avoir subi;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE d'une part des films photographiques achetés sont utilisés pour fixer des souvenirs ou des images n'augnt d'autre valeur qu'un intérêt sentimental, qu'ainsi "en raison du phénomère de masse que constitue l'achat de films photographiques et leur finalité" l'éventualité d'un dommage moral, abstraitement évalué, a pu être prévue au moment du contrat;
QUE, d'autre part, il importe peu de savoir si le film remis à développer était ou non susceptible de l'être, puisque, selon le Tribunal, le contrat relatif au développement s'est trouvé conclu entre M. X. et la Société KODAK lors de l'achat du film et non lors de la remise de celui-ci au développement.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE la prévisibilité du dommage susceptible de résulter de l'inexécution d'un contrat isolé ne saurait être déduite de la loi des grands nombres; qu'en s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances spéciales de l'espèce et en présence de l'acceptation apparente de la clause litigieuse, la Société KODAK avait pu connaître au moment, quel qu'il soit, de la formation du contrat si la pellicule à développer était ou non impressionnée, quel était l'objet de la photographie réalisée et, par suite, quelle pouvait être la valeur, fût-elle sentimentale, attachée à celle-ci par M. X., le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1150 du Code civil."
- 5841 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Décret du 24 mars 1978 (anc. art. R. 132-1 c. consom.)
- 6433 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Prestations de services - Photographie - Vidéos (1) - Présentation générale