CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 12 avril 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2229
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 12 avril 2007 : RG n° 05/03581
Extrait : « Les immobilisations successives du véhicule étant imputables à un événement extérieur excluant l'application de la garantie contractuelle, la société Debuquoy Automobiles ne peut se prévaloir de l'exclusion de l'indemnisation résultant de l'immobilisation du véhicule stipulée par l'article 7-4 des conditions générales de vente de la société Land Rover France, ce au demeurant en faveur de cette dernière. Il s'ensuit qu'il est sans intérêt de rechercher si cette clause revêt ou non un caractère abusif au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 12 AVRIL 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/03581. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SENLIS (Greffe détaché de CREIL) du 17 décembre 2003.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
Société FMC AUTOMOBILES SAS
[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître DI CARO, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMÉS :
- Monsieur X.
[adresse], Représenté par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Maître OLIVAUX, substituant la SCP VARIN-VAST, avocats au barreau de BEAUVAIS
- Société DEBUQUOY AUTOMOBILES
[adresse], [minute Jurica page 2] Représentée par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par Maître ALLARD substituant la SELARL ETIENNE-YVES DUCET, MARC DELASSUS, avocats au barreau de SENLIS
DÉBATS : À l'audience publique du 15 février 2007, devant : M. RUFFIER, Président, entendu en son rapport, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 avril 2007.
GREFFIER : M. DROUVIN
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 12 avril 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; M. RUFFIER, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par jugement rendu contradictoirement le 17 décembre 2003, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des éléments de la cause, le Tribunal d'instance de Senlis (greffe détaché de Creil) a :
- dit que la clause 7-4 des conditions générales afférentes aux contrats de vente est abusive et réputée non écrite,
- rejeté la demande d'expertise formulée par la SA Land Rover France à titre subsidiaire,
- condamné solidairement la SA Debuquoy Automobiles et la SA Land Rover France à verser à Monsieur X. la somme de 700 euros au titre de la perte de jouissance de son véhicule, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné solidairement la SA Debuquoy Automobiles et la SA Land Rover France à verser à Monsieur X. la somme de 111,19 euros au titre des frais de location d'un véhicule, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la SA Debuquoy Automobiles à payer à Monsieur X. la somme de 85,02 euros au titre du remboursement du filtre gasoil, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la CINQ Land Rover France,
- [minute Jurica page 3] condamné solidairement la SA Debuquoy Automobiles et la SA Land Rover France aux dépens.
La société FMC Automobiles SAS, venant aux droits de la société Land Rover France SA, a interjeté appel de cette décision le 10 mars 2004.
L'affaire a été radiée par ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 4 mai 2005, en application de l'article 781 du nouveau Code de procédure civile. Elle a été réinscrite au rôle le 20 juillet 2000 à l'initiative de Monsieur X.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 octobre 2006, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de son argumentation, la société FMC Automobiles sollicite l'infirmation de la décision entreprise. Elle fait valoir que les réparations sur le véhicule litigieux ont été effectuées gracieusement en dehors de toute obligation comprise dans le cadre d'une quelconque garantie contractuelle, Land Rover France se trouvant par ailleurs étranger à la durée des travaux entrepris, situation dont seule la SA Debuquoy Automobiles doit le cas échéant répondre. Elle considère que Monsieur X. n'est pas lié contractuellement avec Land Rover France au titre de l'ordre de réparation. Elle sollicite, le cas échéant, l'organisation d'une mesure d'expertise en vue de déterminer l'origine et les causes des désordres faisant l'objet du litige.
Subsidiairement, l'appelante soutient que l'ensemble des obligations contractuelles incombant à la société Land Rover France a été honoré et que l'article 7-4 de la garantie contractuelle ne revêt aucun caractère abusif, compte tenu de l'ensemble contractuel dans lequel il est intégré. Elle ajoute que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve des prétendus préjudices qu'il allègue.
La société FMC Automobiles conclut en conséquence au rejet de l'ensemble des prétentions émises à l'encontre de la société Land Rover France par Monsieur X. et au caractère abusif de la procédure diligentée par ce dernier à son encontre. Elle réclame en conséquence la condamnation de Monsieur X. à lui verser une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les entiers dépens, avec distraction au bénéfice de son avoué.
Selon ses dernières écritures récapitulatives déposées le 10 novembre 2006, auxquelles il est également renvoyé, la société Debuquoy Automobiles, formant appel incident, conclut également à l'infirmation du jugement du 17 décembre 2003 et demande à la Cour de juger qu'elle a failli à aucune de ses obligations contractuelles et qu'aucune des stipulations contractuelles ne relève d'une clause abusive. Elle prétend que Monsieur X. ne peut prétendre à aucune indemnité pour l'immobilisation à la perte de jouissance du véhicule non plus que pour l'annulation d'un voyage en Libye. Elle ajoute que le remplacement du filtre gasoil était parfaitement justifié et que Monsieur X. ne peut se prétendre créanciers de la somme de 111,19 euros au titre de frais de location d'un véhicule. Elle demande en conséquence à ce que Monsieur X. soit débouté de l'ensemble de ses prétentions et condamné à lui verser une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de son avoué.
Suivant ses dernières écritures récapitulatives en réplique déposées le 13 décembre 2006, auxquelles il est une fois encore renvoyé, Monsieur X. conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel interjeté à titre principal par la société FMC Automobiles et au rejet de ses prétentions et de celle de la société Debuquoy [minute Jurica page 4] Automobiles. Formant appel incident en ce que le jugement du 17 décembre 2003 a limité à la somme de 700 euros l'indemnisation de la perte de jouissance de son véhicule et l'a débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'annulation de son voyage en Libye, il demande la condamnation solidaire de la société Debuquoy Automobiles et de la société Land Rover France à lui verser la somme de 4.824,80 euros au titre de la privation de jouissance et la somme de 1.000 euros au titre de l'annulation de son voyage. Il réclame en outre leur condamnation sous la même solidarité à lui verser une indemnité de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de son avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Monsieur X. invoque l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société FMC Automobiles sans toutefois développer aucun moyen au soutien de sa fin de non-recevoir, alors que l'appel litigieux apparaît régulier en la forme. Il sera donc déclaré recevable.
Sur l'origine des dysfonctionnements du véhicule et la responsabilité de son immobilisation :
La société FMC Automobiles et la société Debuquoy prétendent qu'il n'y aurait pas lieu en l'espèce à application de la garantie contractuelle en faisant valoir que les dysfonctionnements successifs de la pompe à gasoil du véhicule étaient imputables à la présence de sable introduit du fait de Monsieur X. dans le réservoir de carburant, lequel n'était pas le réservoir d'origine.
La société Debuquoy Automobiles produit au soutien de cette explication les attestations régulières en la forme établies par l'un de ses mécaniciens, Monsieur Y. et par son chef d'atelier, Monsieur Z., lesquelles s'avèrent convaincante en dépit de leurs liens de subordination avec celle-ci.
Monsieur X. indique au demeurant à hauteur d'appel ne pas contester la présence de sable dans le réservoir et la pompe mais affirme n'en avoir jamais été informé par la société Land Rover France ou par la société Debuquoy lors de leurs investigations pour déterminer l'origine des pannes successives. Il conteste par ailleurs toute utilisation de ce véhicule de façon abusive au mépris des recommandations du constructeur.
Sur ce, la présence - établie à hauteur d'appel - de sable dans le réservoir de carburant du véhicule de Monsieur X. ne peut être imputée ni à la société Land Rover France, ni à la société Debuquoy Automobiles. Il convient d'observer à cet égard que, d'une part, la pompe à gasoil n'aurait pu fonctionner durant 11 mois si du sable s'était trouvé dès l'origine dans le réservoir et que, d'autre part, le réservoir en cause n'était justement pas celui d'origine, Monsieur X. reconnaissant expressément avoir fait procéder à son remplacement par un tiers avant son départ en Afrique.
Par contre et contrairement à ce que prétendent la société FMC Automobiles et la société Debuquoy Automobiles, rien ne permet effectivement de retenir que Monsieur X. avait connaissance de la présence de sable dans le réservoir de carburant de son véhicule et a fortiori qu'il se serait volontairement abstenu d'en informer la société Debuquoy Automobiles. La Cour observe à cet égard qu'il serait absurde que Monsieur X., s'il avait eu connaissance de cet élément, ait pris le risque, en le dissimulant au réparateur, de reprendre possession de son véhicule en sachant que l'efficacité de la réparation ne serait que temporaire et qu'il serait à nouveau immobilisé. Il y a tout lieu au contraire de considérer que s'il en avait été informé, [minute Jurica page 5] Monsieur X. aurait fait nettoyer le réservoir par un tiers avant de le confier à la société Debuquoy Automobiles pour obtenir de cette dernière une remise en état durable de son véhicule au titre de la garantie contractuelle. Il ne porte donc aucune responsabilité dans la tardiveté de la détermination de l'origine des pannes successives ayant affecté son véhicule.
D'autre part, si la présence de sable dans le réservoir exclut effectivement l'application de la garantie contractuelle au titre des dégradations qu'elle peut engendrer, s'agissant d'un événement extérieur au véhicule dont la responsabilité n'incombe ni au vendeur, ni à l'importateur, il n'en reste pas moins que la société Debuquoy Automobiles, liée contractuellement à Monsieur X. par l'ordre de réparation signé par ce dernier, a en revanche manqué à son obligation contractuelle de résultat en procédant à trois reprises à un changement de la pompe d'alimentation sans entreprendre en temps utile les investigations nécessaires pour rechercher l'origine de ces défaillances. La cour retiendra qu'elle aurait dû procéder à la vérification et au nettoyage du réservoir de carburant dès sa première intervention, qui est donc restée inefficace du fait de sa négligence.
La tardiveté tout à fait anormale de ce diagnostic engage donc bien la responsabilité contractuelle de la société Debuquoy Automobiles, qui était tenue de l'obligation de résultat de déterminer l'origine de la panne et d'y remédier dans un délai raisonnable.
En revanche, la société FMC Automobiles objecte à juste titre que la tardiveté du diagnostic n'est en rien imputable à la société Land Rover France dès lors qu'elle n'était pas contractuellement liée par l'ordre de service signé le 20 octobre 2001 entre Monsieur X. et la société Debuquoy Automobiles et que l'intervention de ses services techniques lors de la troisième immobilisation a permis de détecter rapidement l'origine de la panne et d'y remédier efficacement. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que la société Land Rover France avait manqué à son obligation en n'ayant pas mis en œuvre la garantie contractuelle à laquelle elle était tenue dans un délai raisonnable.
Sur le préjudice :
Les immobilisations successives du véhicule étant imputables à un événement extérieur excluant l'application de la garantie contractuelle, la société Debuquoy Automobiles ne peut se prévaloir de l'exclusion de l'indemnisation résultant de l'immobilisation du véhicule stipulée par l'article 7-4 des conditions générales de vente de la société Land Rover France, ce au demeurant en faveur de cette dernière. Il s'ensuit qu'il est sans intérêt de rechercher si cette clause revêt ou non un caractère abusif au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
Il est constant que le véhicule de Monsieur X. a été immobilisé à trois reprises :
- du 20 octobre au 6 novembre 2001,
- du 9 au 24 novembre 2001,
- de fin novembre 2001 au 29 mars 2002.
Si la première immobilisation du véhicule est dépourvue de caractère anormal et ne justifie donc aucune indemnisation, il n'en est pas de même des deux suivantes, qui sont imputables à un manquement de la société Debuquoy Automobiles à ses obligations contractuelles lors de sa première intervention et qui ont donc fautivement et anormalement privé Monsieur X. de la jouissance de son véhicule durant 130 jours, lui faisant subir un préjudice dont il est fondé à obtenir réparation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
Quant à la détermination de ce préjudice d'immobilisation, le premier juge a justement retenu que des [minute Jurica page 6] véhicules de remplacement avaient été mis gracieusement à la disposition de Monsieur X. durant les périodes d'indisponibilité de son véhicule, à l'exception de celle comprise entre le 30 octobre et le 6 novembre 2001, et que la privation de jouissance que celui-ci avait subi du fait que ces véhicules de remplacement (Citroën Xantia, Citroën Saxo et Rover 200) n'offraient pas les mêmes prestations que son 4x4 Land Rover Defender TD 5 110 devait être évaluée à la somme de 700 euros.
Rien ne permettant de considérer en revanche que la durée de l'immobilisation du véhicule au cours de la première intervention du garage Debuquoy Automobiles avait eu un caractère anormal eu égard à la nature de la panne, Monsieur X., qui ne peut en outre sérieusement prétendre que la société Land Rover France l'aurait par sa négligence contraint à louer un véhicule de remplacement, sera débouté de sa demande de remboursement des frais afférents à la location d'un véhicule pour les 5 et 6 novembre 2001. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Selon des motifs topiques que la Cour fait siens, le premier juge a débouté à bon droit Monsieur X. de sa demande d'indemnisation du préjudice moral qu'il prétend avoir subi du fait de l'annulation d'un voyage en Libye qu'il avait projeté d'effectuer avec son véhicule en mars 2002 et qu'il a d'ailleurs finalement réalisé en novembre 2002.
Il est tout aussi justement considéré que la société Debuquoy Automobiles devrait rembourser à Monsieur X. le remplacement d'un filtre à gasoil en octobre 2001 dès lors qu'elle en avait pris l'initiative sans justifier de la nécessité de cette opération.
Il convient de fixer à la somme de 800 euros le montant des frais irrépétibles exposés en appel par Monsieur X. qui seront mis à la charge de la société Debuquoy Automobiles en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société FMC Automobiles, qui ne démontre pas le caractère abusif de la procédure engagée à l'encontre de la société Land Rover France par Monsieur X., sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Eu égard aux circonstances de la cause, il n'apparaît pas inéquitable de laisser entièrement à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement,
Déclare recevable en la forme et bien fondé l'appel interjeté à titre principal par la société FMC Automobiles, venant aux droits de la société Land Rover France ;
Infirmant dans la mesure utile le jugement rendu en la cause le 17 décembre 2003 par le Tribunal d'instance de Senlis et statuant à nouveau,
Déboute Monsieur François X. de toutes ses prétentions à l'encontre de la société Land Rover France ;
Déboute Monsieur François X. de sa demande de remboursement de la somme de 111,19 euros qu'il a exposée au titre des frais de location d'un véhicule en novembre 2001 ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions non afférentes aux dépens ;
Condamne la société Debuquoy Automobiles à verser à Monsieur François X. une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
[minute Jurica page 7] Déboute la société FMC Automobiles de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnisation de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Debuquoy Automobiles aux dépens de première instance et d'appel, sauf en ce qui concerne les dépens afférents aux demandes dirigées contre la société Land Rover France qui resteront à la charge de Monsieur François X. ; Autorise la SCP Le Roy et la SCP Sélosse-Bouvet & André, avoués, à les recouvrer directement dans les conditions fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT