CA DIJON (ch. civ. B), 19 mai 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2256
CA DIJON (ch. civ. B), 19 mai 2009 : RG n° 08/01080
Extrait : « Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Madame Y., qui était employée en qualité d'Adjoint d'Enseignement musical à l'Ecole municipale de musique d'Autun entre 1984 et 1986, n'a pas d'activité professionnelle depuis 1986 ; qu'elle n'a jamais été professeur de piano, n'ayant aucun diplôme de conservatoire et ne disposant pas des compétences requises pour cette profession ; que le contrat litigieux ne saurait en conséquence être en rapport direct avec une quelconque activité professionnelle de Madame Y., laquelle peut se prévaloir de la qualité de consommatrice ».
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 19 MAI 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/01080. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 22 AVRIL 2008, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CHALON-SUR-SAONE. RG 1ère instance : 05/1462.
APPELANTS :
SA X.
Ayant son siège [adresse], représentée par la SCP AVRIL & HANSSEN, avoués à la Cour, assistée du cabinet FIDAL, avocats au barreau de REIMS.
Monsieur X.
Demeurant [adresse], représenté par la SCP AVRIL & HANSSEN, avoués à la Cour, assisté du cabinet FIDAL, avocats au barreau de REIMS.
[minute Jurica page 2]
INTIMÉS :
Madame Y.
Demeurant [adresse], (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DIJON) représentée par Maître Philippe GERBAY, avoué à la Cour, assistée de la SCP BLANVILLAIN - GALLAND - ANSEMANT-, avocats au barreau de CHALON-SUR-SAONE.
Monsieur Z.
Demeurant [adresse], (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DIJON) représenté par Maître Philippe GERBAY, avoué à la Cour, assisté de la SCP BLANVILLAIN - GALLAND - ANSEMANT, avocats au barreau de CHALON-SUR-SAONE.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 avril 2009 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur MUNIER, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport, Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, Madame VAUTRAIN, Conseiller, assesseur, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame GARNAVAULT,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. [minute Jurica page 3]
SIGNÉ par Monsieur MUNIER, Président de Chambre, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Par acte d'huissier en date du 16 juin 2005, Madame Y. et Monsieur Z. ont assigné la société X. devant le tribunal de grande instance de CHALON SUR SAONE aux fins de voir déclarer nulle la vente, conclue avec la Société X., d'un piano STEINGRAEBER 138 K, livré le 19 novembre 2003.
Monsieur X., Président du conseil d'administration de la société, est intervenu volontairement à la procédure par acte d'huissier en date du 26 novembre 2007.
Par un jugement en date du 22 avril 2008 le tribunal de grande instance de CHALON SUR SAONE a :
- constaté que le contrat de vente conclu entre la société X. d'une part et Monsieur Z. et Madame Y. d'autre part, n'a été conclu que le 14 juin 2003, et doit donc être soumis aux règles s'appliquant au démarchage à domicile ;
- déclaré en conséquence nul le contrat de vente survenu le 14 juin 2003 à défaut d'avoir fait l'objet d'un contrat écrit en présence d'un bordereau de rétractation, et compte tenu du versement d'un acompte de 2.700 euros ;
- condamné en conséquence la société X. à restituer à Madame Y. et Monsieur Z. la somme de 24.420 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2003, date de la livraison ;
- enjoint la société X. de se rendre au domicile des demandeurs pour reprendre, à ses frais, le piano de marque STEINGRAEBER 138 K Eucalyptus Pyramidal ;
- débouté Madame Y. et Monsieur Z. de leurs autres demandes ;
- débouté la société X. et Monsieur X. de leurs demandes reconventionnelles.
Le 20 juin 2008, la société X. et Monsieur X. ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions en date du 6 mars 2009, auxquelles il est fait référence par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, les appelants, la société X. et Monsieur X., demandent à la Cour d'appel :
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de CHALON SUR SAONE du 22 avril 2008,
- de débouter Madame Y. et Monsieur Z. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- de condamner solidairement les mêmes à verser à la société X. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et à verser à Monsieur X. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse.
A titre subsidiaire,
- de condamner Madame Y. et Monsieur Z. à payer solidairement à la SA X. la somme de 5 000 euros hors taxes, soit 5.980 euros TTC, outre 180 euros hors taxes par 3 mois du [minute Jurica page 4] 1er janvier 2006 jusqu'au jour de l'éventuelle restitution du piano.
En tout état de cause,
- de condamner Madame Y. et Monsieur Z. à payer à la Société X. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.
Sur le déroulement des faits, la société X. et Monsieur X. expliquent que Madame Y. et Monsieur Z., après avoir pris contact téléphonique avec Monsieur X., se sont rendus le 6 juin 2003 au magasin de la société X., et après de longs essais portant sur plusieurs pianos, ont décidé le même jour, avec certitude, d'acquérir le piano 138 K en finition eucalyptus, pour un prix proposé par la société X. de 24.400 euros TTC, qu'ils ont accepté. La vente était donc parfaite, et Monsieur X. a alors commandé le jour même le piano.
Ils soutiennent ensuite, qu'ayant proposé de prêter un piano YAMAHA à Madame Y. pendant le temps de la fabrication du piano commandé, ils ont offert à Madame Y. et à Monsieur Z. de transporter deux autres pianos par la même occasion, dont celui commandé, le modèle 138, aux fins de réaliser des essais à domicile et ainsi de les conforter dans leur choix. C'est dans ce cadre, selon les appelants, que Monsieur X. et Monsieur A., employé de la société X., se sont rendus le 14 juin 2003 chez Madame Y. et Monsieur Z. avec trois pianos, que Madame Y. a effectué des essais qui l'ont confortée dans son choix, et qu'ils sont repartis avec les deux pianos STEINGRAEBER ainsi que l'acompte, qui avait été fixé en magasin, de 2.700 euros.
Sur la demande d'annulation :
D'une part, les appelants soutiennent que les dispositions protectrices des consommateurs relatives au démarchage à domicile sont inapplicables.
D'abord ils exposent que le contrat en cause présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de Madame Y., qui ne peut dès lors se prévaloir de la qualité de consommateur bénéficiant des dispositions du Code de la consommation. Ils s'appuient sur plusieurs lettres de celle-ci, versées aux débats, pour affirmer que Madame Y. est une professionnelle en matière de piano qui dispose d'une expérience et d'une connaissance approfondie de cet instrument, et que le piano a été acquis à des fins professionnelles, tant pour le travail personnel de Madame Y. que pour les cours qu'elle donne à son domicile.
Ensuite, ils soutiennent que la vente ne procédait pas d'un démarchage à domicile, dans la mesure où la vente était parfaite dès le 6 juin 2003 en raison de l'accord sur la chose et le prix, et ce dans l'établissement commercial de Monsieur X. Ils s'appuient en particulier sur un courrier de Monsieur B., importateur des pianos STEINGRAEBER, confirmant que Monsieur X. avait commandé le piano dans le modèle et les finitions spécifiques choisies par Madame Y., dès le 6 juin 2003. Ils soulignent à cet égard que la plainte déposée par Madame Y. et Monsieur Z. contre Monsieur X. pour faux en écritures, faux témoignage et usage a fait l'objet d'une ordonnance de non lieu et que Monsieur B. a confirmé la commande du 6 juin 2003 ainsi que la pièce contestée dans le cadre de la procédure pénale. Ils ajoutent que la Société STEINGRAEBER a confirmé avoir reçu un appel téléphonique de Monsieur B. pour commander ledit piano, dont les caractéristiques correspondaient en tous points au modèle, tout à fait spécial, choisi par Madame Y. Ils font ensuite remarquer qu'ils n'auraient pas procédé au prêt gratuit d'un piano, si la vente du piano STEINGRAEBER 138 n'était pas sûre par ailleurs.
[minute Jurica page 5] A titre subsidiaire, pour ce qui est du déplacement de Monsieur X. du 14 juin 2003, les concluants estiment qu'il ne saurait constituer un démarchage à domicile dès lors que ce sont les clients qui ont pris contact avec le vendeur, et qu'au demeurant l'accord sur les éléments de la vente avait eu lieu en magasin.
D'autre part, les appelants soutiennent encore, à titre encore plus subsidiaire, qu'un éventuel droit à renonciation aurait été inapplicable en la cause, et font remarquer que les acheteurs n'ont pas remis en question leur choix pendant les cinq mois situés entre la commande et la livraison, et que leur protestation, postérieure à la livraison, relevait de vice caché ou de garantie qu'un technicien envoyé sur place ne confirmait pas. Ils soulignent que c'est plus de deux ans après la commande que les acheteurs viennent remettre en cause la vente, ce qui démontre selon eux, leur totale mauvaise foi.
Enfin, à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à annuler la vente, les concluants demandent que Madame Y. et Monsieur Z. soient condamnés solidairement à verser à la SA X. une indemnité d'utilisation équivalent au coût de location dont ils exposent le détail.
Sur les demandes reconventionnelles :
Les concluants demandent des dommages et intérêts pour procédure abusive en faisant valoir que la société X. n'a jamais fait l'objet du moindre procès avant la présente procédure et qu'elle subit un préjudice du fait de ladite procédure alors qu'elle a fait de son mieux pour satisfaire ses clients; elle estime que la législation sur le démarchage à domicile est ici détournée de son but par Madame Y. et Monsieur Z.
Les concluants demandent encore des dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse au profit de Monsieur X. en se fondant sur l'article 91 du code de procédure pénale, en arguant d'un préjudice d'ordre moral, lié également à sa qualité de conseiller prud'homal.
Dans leurs dernières conclusions en date du 25 mars 2009, auxquelles il est pareillement fait référence par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, les intimés, Madame Y. et Monsieur Z., demandent à la Cour d'appel :
- de confirmer le jugement rendu le 22 avril 2008 par le tribunal de grande instance de CHALON SUR SAONE en toutes ses dispositions,
- de condamner solidairement la Société X. et Monsieur X. à verser à Madame Y. et Monsieur Z. la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner solidairement la société X. et Monsieur X. aux entiers dépens.
Sur le déroulement des faits, les concluants exposent qu'ils ont contacté téléphoniquement Monsieur X. pour l'achat éventuel d'un piano à la fin de l'année 2002, et que ce dernier s'est d'emblée proposé de venir à leur domicile pour leur faire essayer plusieurs pianos, leur réitérant par la suite avec insistance cette proposition, lors d'un nouvel entretien téléphonique du 13 mai 2003.
Ayant accepté cette proposition, ils affirment avoir profité d'un déplacement pour visiter le magasin de Monsieur X., ce dernier insistant de nouveau pour un essai des pianos à leur domicile.
Les concluants expliquent que lors du déplacement à domicile de Monsieur X. le 14 juin 2003, celui-ci a réclamé un acompte de 2.700 euros, refusant d'établir un contrat de vente, mais rédigeant néanmoins sur une de ses cartes professionnelles un reçu, libellé de la façon suivante : « reçu ce jour chèque de 2.700 euros de Madame Y. en acompte d'un piano [minute Jurica page 6] STEINGRAEBER 138 K finition loupe d'eucalyptus, satiné naturel. Prix fixé ce jour, 14/06/03, à 24 420 euros TTC, livré ». Monsieur X. leur a alors adressé un courrier le 16 juin 2003 afin de confirmer la commande.
Ils soulignent qu'il est immédiatement apparu, après la livraison du 19 novembre 2003, que l'instrument livré n'avait pas les qualités de celui qui avait été essayé de façon satisfaisante par Madame Y. précédemment. Ils affirment avoir ensuite adressé de nombreuses lettres à Monsieur X. pour déplorer la mauvaise qualité de l'instrument et les conditions de la vente, tout en intervenant également auprès de la société STEINGRAEBER dont le siège est en Allemagne. En l'absence de résultat, ils se sont déterminés à assigner la SA X. en justice.
Ils soutiennent que la vente a été conclue le 14 juin 2003 dans le cadre d'un démarchage à domicile et que par conséquent les dispositions des articles L. 121-23 et L. 124-24 du Code de la consommation sont applicables et entrainent la nullité du contrat de vente faut d'avoir fait l'objet d'un contrat écrit avec présence d'un bordereau de rétractation.
Sur la date de conclusion de la vente :
Les concluants estiment que la lettre produite par les appelants, qui émanerait de Monsieur B., est un faux, la signature étant différente de celle qui est apposée sur une autre lettre de ce dernier produite aux débats. Le fait que Monsieur B. a reconnu être l'auteur de la signature contestée au cours de la procédure pénale, ne saurait avoir, selon les concluants, qu'une valeur relative, dans la mesure où Monsieur X. et Monsieur B. entretiennent depuis de nombreuses années des relations d'affaire étroites, voire amicales.
Selon eux, la vente a été conclue le 14 juin 2003 à leur domicile, ce dont attestent le paiement d'un acompte le même jour, ainsi que la lettre de Monsieur X. en date du 16 juin dans laquelle il précisait : « nous souhaitons, par la présente, confirmer votre commande du 14 courant ». Ils affirment que leur décision sur le modèle de piano n'était pas parfaitement arrêtée le 6 juin 2003 puisqu'un essai avait précisément été prévu au domicile des acquéreurs, et que si tel était le cas, il n'y avait en aucun cas de décision définitive sur l'achat ou la commande d'un piano. Quant à la commande du piano auprès de Monsieur B., ils considèrent qu'il est tout à fait possible que Monsieur X. ait, sans engagement définitif, commandé le piano litigieux, se disant qu'il trouverait probablement acquéreur.
Sur l'application des dispositions du Code de la consommation :
Les intimés dementent formellement les allégations de Monsieur X. selon lesquelles le contrat était conclu par un acheteur professsionnel, dont l'objet était en rapport direct avec son activité professionnelle. Ils affirment au contraire que Madame Y. n'a aucun diplôme de conservatoire et n'a qu'un niveau amateur, qu'elle n'exerce en outre aucune profession, étant en invalidité, et certainement pas celle de professeur de piano pour laquelle elle n'aurait aucune compétence. Ils versent notamment aux débats le détail des études de Madame Y., ainsi que son ancien contrat de travail qui ne lui permettait pas en tant qu'adjoint d'enseignement musical, d'exercer les fonctions de professeur de musique.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Motifs de la décision :
1) Sur la demande de nullité du contrat formée par Madame Y. et Monsieur Z. :
[minute Jurica page 7]
1-1) Sur le lieu et la date de formation du contrat :
Attendu qu'en vertu de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite dès lors que les parties sont convenues de la chose et du prix ;
Attendu que Madame Y. et Monsieur Z. ont acquis un piano STEINGRAEBER de modèle 138 K en finition ronce d'eucalyptus satiné auprès de la société X., la livraison ayant eu lieu le 19 novembre 2003 ; qu'ils considèrent que la vente a été formée le 14 juin 2003, lors du déplacement de Monsieur X. à leur domicile, tandis que ce dernier affirme avoir conclu la vente le 6 juin 2003, dans l'établissement commercial de la société X. ;
Attendu que Madame Y. et Monsieur Z. se sont rendus au magasin de la société X. le 6 juin 2003, après deux communications téléphoniques à la fin de l'année 2002, et au mois de mai 2003; qu'ils ont effectué des essais sur plusieurs modèles de piano, dont un piano STEINGRAEBER modèle 138 K ;
Attendu que par un fax en date du 5 décembre 2005, Monsieur B., distributeur exclusif des pianos STEINGRAEBER pour la France, a confirmé avoir reçu de Monsieur X., le 6 juin 2003, une commande ferme pour un piano de marque STEINGRAEBER, modèle 138 K avec option finition ronce d'eucalyptus satiné ; qu'il a également produit le bon de commande qu'il a rédigé le même jour, ainsi qu' un courrier, daté du 14 novembre 2006, émanant de la société STEINGRAEBER, lui confirmant avoir reçu de sa part un appel téléphonique pour commander ledit piano le 6 juin 2003, et avoir enregistré la commande dès le 7 juin 2003 ;
Attendu également que Monsieur X., accompagné de Monsieur A., employé de la Société X. et accordeur technicien de pianos, s'est rendu le 14 juin 2003 au domicile de Madame Y. et de Monsieur Z. avec deux pianos STEINGRAEBER, modèles 130 et 138 K, ainsi qu'un piano de marque YAMAHA modèle U3, ce dernier étant prêté par la société X. à Madame Y. dans l'attente de la réception de la commande du piano STEINGRAEBER prévue pour l'automne 2003 ; qu'un tel prêt ne saurait s'expliquer en l'absence de commande ferme et définitive de Madame Y. et de Monsieur Z. antérieurement à cette date ;
Attendu que le feuillet rempli par Monsieur X. le 6 juin 2003 fait état d'un acompte de 2.700 euros, calculé sur le prix initial du piano 138 K d'un montant de 27.500 euros, qui sera versé le 14 juin 2003 par Madame Y. et Monsieur Z. ; que ce feuillet fait également apparaître un prix total, après remise, de 24.420 euros, qui correspond exactement au prix qui sera réglé par Madame Y. et Monsieur Z. ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que Madame Y. et Monsieur Z. avaient, dès le 6 juin 2003 et dans l'établissement commercial de la Société X., arrêté leur choix sur le modèle de piano STEINGRAEBER 138 K finition eucalyptus et accepté le prix de 24 420 euros; que la vente était donc parfaite à compter de ce jour ;
1-2) Sur l'applicabilité des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation :
Attendu qu'en vertu des articles L. 121-21 et L. 121-23 du Code de la consommation, quiconque pratique ou fait pratiquer un démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services, doit établir un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat, et comportant, à peine de nullité, outre l'identification du bien et l'indication du bien et de son prix, la mention de la faculté de rétractation au bénéfice du consommateur ;
[minute Jurica page 8] Attendu que seules les personnes ayant la qualité de consommateurs au regard du contrat passé peuvent se prévaloir des ces dispositions protectrices du Code de la consommation ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Madame Y., qui était employée en qualité d'Adjoint d'Enseignement musical à l'Ecole municipale de musique d'Autun entre 1984 et 1986, n'a pas d'activité professionnelle depuis 1986 ; qu'elle n'a jamais été professeur de piano, n'ayant aucun diplôme de conservatoire et ne disposant pas des compétences requises pour cette profession ; que le contrat litigieux ne saurait en conséquence être en rapport direct avec une quelconque activité professionnelle de Madame Y., laquelle peut se prévaloir de la qualité de consommatrice ;
Attendu cependant, s'agissant de l'application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, que la signature au domicile du consommateur, d'un contrat dont le principe et les conditions essentielles ont été antérieurement arrêtés dans l'établissement commercial du vendeur, ne procède pas d'un démarchage à domicile ; qu'il en va ainsi même si le client a versé un acompte lors de la signature du contrat ;
Attendu que Monsieur X. lors de sa visite au domicile des acquéreurs, a rédigé sur une de ses cartes professionnelles un reçu, libellé de la façon suivante : « reçu ce jour chèque de 2.700 euros de Mme Y. en acompte d'un piano STEINGRAEBER 138 K finition loupe d'eucalyptus satiné naturel. Prix fixé ce jour, 14/06/03 à 24.420 euros TTC livré » ; qu'il a également par courrier daté du 16 juin 2003 confirmé « la commande du 14 courant » ; que cette rédaction ne fait en réalité que traduire la réalisation formelle de la vente du piano, l'accord sur la chose et le prix ayant eu lieu le 6 juin 2003, dans l'établissement commercial du vendeur ; que dès lors les dispositions relatives au démarchage au domicile ne sont pas applicables ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que Madame Y. et Monsieur Z. sont mal fondés à invoquer le non respect des articles L. 121-1 et L. 121-3 du Code de la consommation ; qu'ils doivent en conséquence être déboutés de leur demande d'annulation du contrat ;
2) Sur la demande d'indemnisation de la Société X. pour procédure abusive :
Attendu que Monsieur X. et la société X. sollicitent la condamnation de Madame Y. et de Monsieur Z. à payer à la société X. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de mauvaise foi, ou résulte d'une légèreté blâmable ; qu'en l'espèce, Madame Y. et Monsieur Z. n'ont fait qu'utiliser les voies de droit légalement prévues et organisées par la loi, au terme d'une appréciation inexacte de leurs droits qui n'est pas en soi constitutive d'une faute ; que les appelants doivent être déboutés de ce chef de demande ;
3) Sur la demande d'indemnisation pour dénonciation calomnieuse :
Attendu que toute action engagée sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale relève de la juridiction correctionnelle ; que néanmoins la victime d'une dénonciation calomnieuse peut demander réparation de son préjudice au juge civil sur la base de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que Madame Y. et Monsieur Z. ont porté plainte avec constitution de partie civile contre Monsieur X., pour faux et usage de faux en écritures privées, affirmant que le fax émanant de Monsieur B. en date du 5 décembre 2005 était un faux ; que l'instruction préparatoire a été clôturée par une ordonnance de non lieu, en date du 14 février 2007, devenue définitive, justifiée par l'absence de preuve permettant de remettre en cause le document [minute Jurica page 9] argué de faux dans la plainte ; que Monsieur B. n'a au demeurant jamais contesté qu'il était l'auteur dudit document ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que Madame Y. et Monsieur Z. ont saisi le juge d'instruction de façon téméraire, en l'absence de tout élément pouvant laisser penser à l'existence d'un faux ; qu'est ainsi caractérisée une faute à leur encontre ;
Attendu que Monsieur X., par suite de la plainte de Madame Y. et de Monsieur Z., a été entendu par le juge d'instruction comme témoin assisté ; qu'il a subi de ce fait un préjudice moral consistant à être suspecté à tort des agissements qui lui étaient reprochés, alors que son professionnalisme et son honnêteté sont accrédités par plusieurs attestations émanant de clients professionnels de longue date ; qu'il y a lieu dès lors de condamner Madame Y. et Monsieur Z. à lui verser la somme de 2.000 euros en réparation de ce préjudice ;
Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société X. la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de cette procédure ; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions du Code de procédure civile ; qu'en revanche, les intimés qui succombent en leurs prétentions ne peuvent bénéficier de ces mêmes dispositions et que pour les mêmes raisons, ils supporteront les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de CHALON SUR SAONE en date du 22 avril 2008,
Vu les articles 1382 et 1583 du Code civil,
Vu les articles L 121-21 et L 121-23 du Code de la consommation,
Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de CHALON SUR SAONE en date du 22 avril 2008 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Déboute Madame Y. et Monsieur Z. de leur demande en nullité de la vente conclue le 6 juin 2003 avec la Société X., du piano de marque STEINGRAEBER 138 K,
Déboute la Société X. de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive,
Condamne Madame Y. et Monsieur Z. à verser à Monsieur X. la somme de 2 000 euros pour dénonciation calomnieuse
Condamne Madame Y. et Monsieur Z. à verser à la Société X. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame Y. et Monsieur Z. aux entiers dépens,
[minute Jurica page 10] Accorde à la SCP AVRIL-HANSSEN, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,