CA NANCY (2e ch. civ.), 29 mars 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2282
CA NANCY (2e ch. civ.), 29 mars 2010 : RG n° 08/03339
Extraits : 1/ « Attendu, au fond, qu'il convient de rappeler que l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier définit l'acte de démarchage bancaire ou financier d'une part, comme toute prise de contact non sollicitée par quelque moyen que ce soit avec une personne physique ou une personne morale en vue d'obtenir de sa part un accord sur des opérations financières, bancaires, d'investissement et d'autre part, comme de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits instruments et services financiers pour ces mêmes opérations ; Attendu qu'en l'espèce, les actes accomplis par Monsieur Z. s'analysent en un démarchage bancaire ou financier, tel que définit par le texte précité ; Que les articles L. 341-3 et suivants du même Code définissent les conditions que doit remplir toute personne se livrant à l'activité de démarchage financier ; Qu'il ressort de la réponse faite par Monsieur Z. à Maître P., huissier de justice chargé de lui délivrer une sommation interpellative de payer, en date du 14 février 2005, que Monsieur Z. ne remplit aucune des conditions prévues par les textes ci-dessus visés ».
2/ « Qu'en sa qualité de démarcheur financier, Monsieur Z. se devait de satisfaire aux conditions posées par le Code monétaire et financier ; Qu'en s'abstenant de le faire, il a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle ; Qu'il doit donc indemniser Madame X. de son préjudice, cette dernière ayant perdu le montant de son investissement qui s'est élevé à la somme de 3.715,11 euros, et ce peu important l'origine de la faillite de la société TUGRA HOLDING ; Que ce sont en effet les fautes personnelles de Monsieur Z., et notamment le démarchage de ce dernier au mépris du respect des dispositions légales, qui sont à l'origine du préjudice direct de Madame X. dont il doit réparation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 MARS 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/03339. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de SAINT DIE DES VOSGES, R.G. n° 11-08-000125, en date du 19 août 2008.
APPELANTE :
Madame Y., épouse X.
née le [date] en [pays] demeurant [adresse], représentée par la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués à la Cour.
INTIMÉ :
Monsieur Z.
demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avoué.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 8 février 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline BARBIER ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au [minute Jurica page 2] greffe le 29 mars 2010, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
ARRÊT : Réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 29 mars 2010, par Madame Céline BARBIER, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Céline BARBIER, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Dans le courant des années 1999 et 2000, Monsieur Z. a remis à Madame Y. épouse X. des titres au porteur de la société TUGRA HODLING pour un montant de 3.715,21 euros contre reçu.
Selon acte déclaratif du 23 mai 2007, Madame X. a formé des demandes contre Monsieur Z. devant la juridiction de proximité de Saint-Dié des Vosges.
Le 13 mai 2008, cette juridiction a soulevé d'office son incompétence au profit du Tribunal d'Instance de Saint-Dié des Vosges en raison du montant de la demande.
Par jugement du 19 août 2008, le Tribunal d'Instance de Saint-Dié des Vosges a statué ainsi :
- le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- se déclare compétent pour statuer,
- déboute Madame X. de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamne Madame X. aux dépens lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Madame Y. épouse X. a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour de statuer ainsi :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame X.,
- débouter Monsieur Z. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer la décision entreprise sur la compétence et en ce qu'elle a retenu une faute de Monsieur Z.,
- réformer pour le surplus,
- [minute Jurica page 3] condamner Monsieur Z. à réparer l'entier préjudice de Madame X.,
- condamner Monsieur Z. à payer à Madame X. la somme de 3.715,11 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1999,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,
- condamner Monsieur Z. au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- autoriser la société civile professionnelle MILLOT, LOGIER & FONTAINE, avouées aux offres de droit, à faire application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par exploit du 8 octobre 2009, Madame X. a fait assigner Monsieur Z. devant la Cour.
Bien qu'assigné à sa personne, Monsieur Z. ne comparaît pas devant la Cour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu qu'il y a lieu en la cause de statuer par arrêt réputé contradictoire ;
Attendu, au fond, qu'il convient de rappeler que l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier définit l'acte de démarchage bancaire ou financier d'une part, comme toute prise de contact non sollicitée par quelque moyen que ce soit avec une personne physique ou une personne morale en vue d'obtenir de sa part un accord sur des opérations financières, bancaires, d'investissement et d'autre part, comme de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits instruments et services financiers pour ces mêmes opérations ;
Attendu qu'en l'espèce, les actes accomplis par Monsieur Z. s'analysent en un démarchage bancaire ou financier, tel que définit par le texte précité ;
Que les articles L. 341-3 et suivants du même Code définissent les conditions que doit remplir toute personne se livrant à l'activité de démarchage financier ;
Qu'il ressort de la réponse faite par Monsieur Z. à Maître P., huissier de justice chargé de lui délivrer une sommation interpellative de payer, en date du 14 février 2005, que Monsieur Z. ne remplit aucune des conditions prévues par les textes ci-dessus visés ;
Que c'est ainsi, notamment, qu'il ne justifie d'aucun mandat précis et nominatif de la part de la société TUGRA HOLDING ;
Qu'il est toutefois établi qu'il était le représentant en France de cette société, ce qu'il confirme lui-même dans la sommation du 14 février 2005, et par la production d'une traduction d'un livret décrivant l'activité de cette société ;
Qu'en outre, les attestations produites par Monsieur Z. en première instance établissaient également que le président de la société TUGRA HODLING est venu à Saint-Dié des Vosges à plusieurs reprises pour faire connaître sa société ;
Que le premier juge a d'ailleurs retenu que l'attestation de Monsieur X. établit que Monsieur Z. a tenu des permanences dans différentes associations d'origine turque sur toute la région, afin de récolter des fonds pour la société TUGRA HOLDING ;
[minute Jurica page 4] Que le premier juge a également relevé que c'est bien la signature de Monsieur Z. qui apparaît sur les quittances de perception ;
Qu'or, à aucun moment Monsieur Z. ne s'est fait enregistrer auprès de l'autorité des marchés financiers ;
Que pourtant, au terme de l'article 9 de la loi du 28 décembre 1966, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, cette activité de démarchage est interdite dès lors, comme en l'espèce, qu'elle est pratiquée par une personne agissant pour le compte d'une société qui n'est pas autorisée à faire souscrire des valeurs mobilières spécialement, comme c'est le cas dans des lieux ouverts au public et non réservés à cette fin ;
Que Monsieur Z. ne justifie donc pas avoir été muni d'un mandat de démarchage nominatif et conforme aux dispositions de l'article L. 341-4 du Code monétaire et financier (ancien article 11 de la loi du 29 décembre 1966) ni même avoir été couvert par une assurance telle que prévue par l'article L. 341-5 du même Code (ancien article 12 de la loi du 29 décembre 1966), ni même avoir été enregistré auprès de l'autorité des marchés financiers tel que prévu par l'article L. 341-6 du même Code (ancien article 13 de la loi du 29 décembre 1966) ;
Que c'est donc à bon droit que Madame X. entend se prévaloir des fautes ainsi commises par Monsieur Z. pour engager sa responsabilité ;
Attendu que c'est à tort que le premier juge a débouté Madame X. de ses demandes en retenant qu'il lui appartenait de démontrer que les fautes de Monsieur Z. avaient un lien direct avec la déconfiture de la société TUGRA HOLDING ;
Qu'en effet, Madame X. entend se prévaloir d'une action en responsabilité délictuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil et voir engager la responsabilité de Monsieur Z. envers elle ;
Attendu qu'il y a lieu de rappeler qu'en contrepartie des sommes réglées par Madame X., Monsieur Z. lui a délivré un reçu et des titres au porteur de la société TUGRA HOLDING, laquelle est par la suite tombée en déconfiture ;
Qu'il s'en suit que Madame X. n'a pas perçu les dividendes annoncés lors de la souscription des titres ;
Que le préjudice de Madame X. est donc réel et certain et résulte de la faute personnelle de Monsieur Z. qui représentait la société TUGRA HOLDING et organisait les rencontres, et a signé les reçus délivrés à Madame X. à laquelle il a remis les titres ;
Que Monsieur Z. n'a jamais contesté que les fonds lui ont été remis par Madame X. ;
Qu'il est donc établi qu'il a bien agi en qualité de démarcheur pour le compte de la société, sans avoir respecté les règles légales d'ordre public ci-avant rappelées ;
Que Madame X. pour sa part a été spoliée des fonds qu'elle a remis à Monsieur Z. ;
Qu'en sa qualité de démarcheur financier, Monsieur Z. se devait de satisfaire aux conditions posées par le Code monétaire et financier ;
Qu'en s'abstenant de le faire, il a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle ;
Qu'il doit donc indemniser Madame X. de son préjudice, cette dernière ayant perdu le montant de [minute Jurica page 5] son investissement qui s'est élevé à la somme de 3.715,11 euros, et ce peu important l'origine de la faillite de la société TUGRA HOLDING ;
Que ce sont en effet les fautes personnelles de Monsieur Z., et notamment le démarchage de ce dernier au mépris du respect des dispositions légales, qui sont à l'origine du préjudice direct de Madame X. dont il doit réparation ;
Attendu en conséquence de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame X. de sa demande et de condamner Monsieur Z. à lui payer la somme de 3.715,11 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1991, en application des articles L. 341-1 et suivants du Code monétaire et financier ;
Qu'en outre il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du Code civil ;
Attendu qu'il est équitable en la cause d'allouer à Madame X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'enfin Monsieur Z. succombant tant en première instance qu'en cause d'appel en supportera les entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Déclare recevable et bien fondé l'appel de Madame X. née Y. ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu sa compétence ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau :
Déclare Monsieur Z. entièrement responsable du préjudice subi par Madame X. ;
Condamne Monsieur Z. à payer à Madame X. la somme de TROIS MILLE SEPT CENT QUINZE EUROS ET ONZE CENTIMES (3.715,11 €) avec les intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1999 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;
Condamne Monsieur Z. à payer à Madame X. la somme de MILLE EUROS (1.000 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Condamne Monsieur Z. aux entiers dépens de première instance ;
Le condamne en outre aux entiers dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle d'avoués MILLOT, LOGIER & FONTAINE à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller à la Cour d'Appel de NANCY, faisant fonction de Président, et par Madame BARBIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[minute Jurica page 6] LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages.