T. COM. MONTARGIS, 15 janvier 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 230
T. COM. MONTARGIS, 15 janvier 1999 : RG n° 98/01020 et n° 98/02999
(sur appel CA Orléans (ch. com. et financ.), 4 mai 2000 : RG n° 99/01342 ; arrêt n° 772)
Extrait : « Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement de la somme en principal de 26.448,44 Francs, la Société SULLY SOLO a fait valoir que quelques semaines après la livraison par SMC du lecteur de chèques, l’appareil est tombé en panne sans que celle-ci n’intervienne pour remédier à la panne ; […] ; Attendu que de jurisprudence constante, le bénéfice de la protection, dérogatoire au droit commun, que le législateur a institué en 1978 au profit des consommateurs [N.B. : minute originale : « consommations »] ou non professionnels ne s’applique pas aux professionnels et SULLY SOLO ne peut être considérée comme un simple consommateur et se trouve mal fondée à s’y apparenter dès lors que l’objet du contrat dont s’agit avait un rapport direct avec son activité professionnelle et ce contrairement à ce qu’elle prétend ; Que c’est à tort qu’elle a conclu au caractère abusif de clauses qu’elle a parfaitement approuvées en janvier 1996 alors même qu’elle s’est abstenue de faire usage du mandat dont elle disposait pour agir à l’encontre de SMC ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTARGIS
JUGEMENT DU 15 JANVIER 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 98/01020 et n° 98/02999. Audience publique tenue le Vendredi Quinze Janvier Mil Neuf Cent Quatre Vingt Dix Neuf, au Palais de Justice de MONTARGIS, par le Tribunal de Commerce de ladite Ville ;
ENTRE :
La SOCIÉTÉ PREFI,
Société Anonyme dont le siège social est situé à [adresse], demanderesse à l’injonction de payer, défenderesse à l’opposition, plaidant par Maître NIZOU-LESAFFRE, Avocat au Barreau de LIMOGES, comparant par la SCP PIASTRA-MOLLET, Avocats au Barreau de MONTARGIS, d’une part
ET :
La Société SULLY SOLO,
SARL dont le siège social est situé à [adresse], défenderesse à l’injonction de payer, demanderesse à l’opposition, demanderesse à l’appel en garantie, comparant et plaidant par Maître ROUQUETTE, Avocat au Barreau d’ORLÉANS, d’autre part
ET :
La Société SÉCU MONÉTIQUE CENTRE,
SARL dont le siège social est situé à [adresse], défenderesse à l’appel en garantie, représentée par Maître ARNON, Avocat au Barreau de LYON, encore d’autre part ;
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : M. BRABANT, Président de Section, MM. PETIGNY, BASTY, Juges.
Lors du prononcé du jugement : M. BRABANT, Président de Section, MM. BEGUTAN, BASTY, Juges.
Greffier en Chef : Maître PIDOU.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la Société Anonyme PREFI, sus-nommée et domiciliée, a déposé au Greffe de ce Tribunal en date du 7 octobre 1997, une requête en injonction de payer à l’encontre de la SARL SULLY SOLO, sus-nommée et domiciliée, pour obtenir le règlement de la somme de 26.448,44 Francs correspondant au montant restant dû d’un contrat de location résilié ;
Qu’à la suite de cette requête, une ordonnance d’injonction de payer y faisant droit, a été rendue le 16 octobre 1997 et régulièrement signifiée le 3 février 1998 à la SARL SULLY SOLO ;
Attendu que par lettre en date du 18 février 1998 reçue le 20 février au Greffe de ce Tribunal, la SARL SULLY SOLO a formé opposition à l’ordonnance sus-visée ;
Que ladite opposition ayant été formulée dans le délai d’un mois imparti par le décret du 12 mai 1981, elle sera déclarée recevable conformément aux articles 1415 et 1416 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que sur le fondement de l’article 1418 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ont été invitées à présenter leurs observations lors de l’audience du 10 avril 1998 ;
Attendu qu’au soutien de son opposition, la SARL SULLY SOLO a fait valoir que l’appareil de lecteur de chèques, objet du contrat de maintenance conclu le 18 février 1996 avec la Société SÉCU MONÉTIQUE CENTRE sus-nommée et domiciliée (ci-après SMC), était tombé en panne dès le mois de février 1998, les tentatives pour joindre SMC s’étant révélées vaines ;
Que dès lors et en raison de l’inexécution des obligations de SMC, la SARL SULLY SOLO a cessé de payer les loyers à compter du 30 août 1996 et manifesté son intention de résilier le contrat ;
Que selon elle, SMC lui a livré un produit recelant des vices cachés rédhibitoires empêchant l’usage de la chose ;
[minute page 3] Qu’en conséquence et compte tenu du fait qu’elle considérait SMC comme son bailleur, elle sollicite la résolution du contrat de location à compter du 30 août 1996 et du contrat de maintenance conformément à l’article 1184 du Code Civil ;
Que SULLY SOLO estime également que PREFI SA s’est attribuée un avantage excessif de par la clause de résiliation de plein droit dont elle dispose, clause constituant un abus de puissance économique lui attribuant un avantage excessif ;
Que par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, SULLY SOLO demande à ce Tribunal de constater la nullité de la clause sus-dite et de rejeter la demande de PREFI SA ;
Qu’elle sollicite également la condamnation de la Société SMC qui doit l’indemniser du préjudice subi en raison de l’annulation du contrat et ce à concurrence de 20.000,00 Francs outre les frais d’expédition ;
Qu’enfin, SULLY SOLO sollicite une indemnité de 8.000,00 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que par exploit d’huissier en date du 25 août 1998, la SARL SULLY SOLO a assigné en intervention forcée, la SARL SÉCU MONÉTIQUE CENTRE afin d’être garantie des condamnations auxquelles elle pourrait être amenée à répondre à l’égard de PREFI ;
Attendu que la SA. PREFI a pour sa part fait valoir que le contrat la liant à SULLY SOLO était un contrat à durée déterminée ne pouvant faire l’objet d’une résiliation en cours d’exécution de même que l’inexécution des obligations par la société assurant la maintenance du matériel loué ne pouvant justifier la suspension du paiement des loyers par le locataire ;
Que SULLY SOLO ne pouvait pas suspendre le paiement des loyers et encore moins résilier le contrat mais devait, conformément aux clauses du contrat de location, agir contre la société SMC ;
Que la possibilité de la mise en cause lui est maintenant fermée dès lors qu’en ne payant pas les loyers, elle a laissé se résilier à tort le contrat de location et perdu le bénéfice de la clause de subrogation prévue au contrat ;
Que PREFI SA ajoute que la règlement des clauses abusives que SULLY SOLO tente d’invoquer à son profit n’est pas applicable à une société commerciale et qu’ainsi son opposition à l’ordonnance d’injonction de payer doit être rejetée ;
[minute page 4] Attendu que la SARL SMC quant à elle, a rappelé la relation juridique contractuelle tripartite comportant le contrat d’abonnement liant l’abonné à SMC et le contrat de location du matériel liant l’abonné à PREFI SA. ;
Que suite à la résiliation du contrat dénoncée par SULLY SOLO le 25 juillet 1996, la Société PREFI a fait application de la clause résolutoire et engagé une procédure d’injonction de payer pour obtenir le recouvrement de sa créance ;
Que sur l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par SULLY SOLO, SMC a fait valoir qu’elle n’avait reçu aucune communication de pièces et que dans ces conditions, l’action de cette dernière à son encontre était irrecevable ;
Qu’elle était aussi irrecevable à l’appeler en garantie en raison de la rupture de contrat qui l’a privée de la possibilité d’exercer un recours ;
Que concluant au rejet des demandes de la Société SULLY SOLO, SMC demande à ce Tribunal de condamner cette dernière au paiement d’une somme de 6.000,00 Francs par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu’après avoir fait l’objet de respectivement de cinq et trois renvois, les présentes causes, jointes selon jugement en date du 11 septembre 1998, ont été évoquées au cours de l’audience du 11 décembre 1998 et retenues pour jugement au 15 janvier 1999 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LE TRIBUNAL :
SUR L’OPPOSITION A L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER :
Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement de la somme en principal de 26.448,44 Francs, la Société SULLY SOLO a fait valoir que quelques semaines après la livraison par SMC du lecteur de chèques, l’appareil est tombé en panne sans que celle-ci n’intervienne pour remédier à la panne ;
Qu’elle s’est donc considérée bien fondée à ne pas devoir déférer à la demande de PREFI SA. qui a financé ledit appareil compte tenu de l’exception d’inexécution de SMC qui lui a livré un produit affecté de vices cachés rédhibitoires le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné ;
Attendu que des pièces régulièrement présentées au débat, et précisément du contrat de location conclu le 18 janvier 1996, il ressort que la Société SULLY SOLO a reçu mandat par PREFI SA pour désigner le type et la marque du matériel répondant à ses besoins ainsi que le fournisseur de son choix ;
[minute page 5] Qu’elle a signé le 24 janvier 1996 le procès-verbal de livraison dudit matériel si bien que PREFI SA n’est plus tenue d’aucune responsabilité en cas de fonctionnement défectueux et aucun règlement ne peut être différé sous le prétexte d’une contestation quelconque entre le locataire et le fournisseur SMC ;
Que par ses engagements, SULLY SOLO s’est trouvée subrogée dans les droits de PREFI pour exercer tout recours nécessaire auprès du fournisseur ;
Que les circonstances de la cause révèlent que SULLY SOLO n’a entrepris aucune action à l’encontre de SMC cessant de verser les loyers convenus à compter du mois d’août 1996 ;
Que force est de constater qu’elle a conclu à l’exception d’inexécution et l’existence de vices cachés sans aucunement le démontrer pour ensuite manifester son intention de résilier le contrat ;
Que dans ces conditions et compte tenu de l’interruption du versement des loyers, PREFI SA a légitimement invoqué le bénéfice de la clause résolutoire figurant à l’article 6 du contrat de location ;
Que SULLY SOLO doit admettre qu’à supposer justifiée l’inexécution des obligations incombant à SMC, il lui appartenait malgré tout de poursuivre ses paiements auprès de PREFI, l’exception d’inexécution ainsi opposée ne l’autorisant pas à suspendre le paiement des loyers ;
Qu’elle n’a pas pris les mesures propres à faire prospérer ses prétentions à l’encontre de SMC pour faire tomber la vente et que dès lors, elle restait tenue à l’égard du bailleur PREFI qui a acquitté le prix du matériel ;
Que par ailleurs, elle a prétendu avoir des liens contractuels uniquement avec SMC qu’elle considérait même comme le bailleur alors que PREFI SA opérait des prélèvements mensuels ce qu’elle ne pouvait ignorer de par le contrat de location signé par elle ;
Que de même, SULLY SOLO a fondé son opposition sur l’abus de puissance économique à laquelle elle a été soumis et ce, sur le fondement de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
Attendu que de jurisprudence constante, le bénéfice de la protection, dérogatoire au droit commun, que le législateur a institué en 1978 au profit des consommateurs [N.B. : minute originale : « consommations »] ou non professionnels ne s’applique pas aux professionnels et SULLY SOLO ne peut être considérée comme un simple consommateur et se trouve mal fondée à s’y apparenter dès lors que l’objet du contrat dont s’agit avait un rapport direct avec son activité professionnelle et ce contrairement à ce qu’elle prétend ;
[minute page 6] Que c’est à tort qu’elle a conclu au caractère abusif de clauses qu’elle a parfaitement approuvées en janvier 1996 alors même qu’elle s’est abstenue de faire usage du mandat dont elle disposait pour agir à l’encontre de SMC ;
Qu’il s’ensuit que ses prétentions ne peuvent être accueillies et que c’est de toute justice qu’elle sera déclarée recevable mais mal fondée en son opposition à injonction de payer et condamnée à payer à PREFI SA la somme de 29.093,28 Francs en principal outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1996 date de réception de la mise en demeure et ce, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dus sur une année ;
Attendu que l’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et d’allouer à la SA PREFI, la somme de 3.000,00 Francs que devra lui payer la sar SULLY SOLO, le surplus réclamé ne se justifiant pas ;
Qu’enfin, l’exécution provisoire de la présente décision étant nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, elle sera ordonnée nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie ;
SUR L’APPEL EN INTERVENTION FORCÉE :
Attendu que la SARL SULLY SOLO a appelé en garantie la SARL SMC pour les condamnations qui pourraient être mises à sa charge et ce en raison de ses manquements qui lui ont causé préjudice et dont elle demande réparation à concurrence de la somme de 20.000,00 Francs outre ses frais d’expédition ;
Qu’elle estime que SMC lui a délivré un appareil recelant de vices cachés et dont elle n’a pas assuré la maintenance ce qui constitue à l’évidence une faute ;
Attendu que dans cette circonstance, si le vendeur SMC était effectivement tenu à garantie à raison des vices cachés, encore fallait-il que ceux-ci soient établis, SULLY s’étant abstenue d’entreprendre une action en responsabilité à l’encontre de SMC à cette fin ;
Qu’en l’espèce, SULLY SOLO ayant cessé de payer les mensualités au bailleur, le contrat de location s’est trouvé de plein droit résilié et faute par elle d’avoir exercé un recours contre SMC, ladite résiliation du contrat de location a mis fin au mandat dont elle disposait du bailleur pour agir contre SMC ;
Qu’en d’autres termes, de par la résiliation du contrat de location à ses torts, elle a perdu le bénéfice de la clause de subrogation qui lui avait été accordé et qu’ainsi elle se trouve mal fondée en sa demande de garantie à l’égard de SMC ;
[minute page 7] Attendu que pour sa part, SMC a conclu à l’irrecevabilité de la demande de SULLY SOLO faute pour elle de lui avoir communiqué les pièces produites dans l’instance ;
Attendu que le Tribunal observe que si les pièces sont parvenues tardivement au Conseil de SARL SMC, celle-ci a néanmoins été en mesure de présenter des conclusions précises et complètes s’agissant de l’assignation en intervention forcée dont elle a été l’objet et qu’en conséquence, l’action de SULLY SOLO ne sera pas déclarée irrecevable ;
Qu’enfin, l’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et d’allouer à la SARL SMC, la somme de 3.000,00 Francs que devra lui verser la SARL SULLY SOLO ;
Qu’il convient donc de statuer dans les termes ci-après ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, jugeant en audience publique, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 16 octobre 1997 ;
Vu le jugement du 11 septembre 1998 joignant les causes ;
DIT la SARL SULLY SOLO recevable mais mal fondée en son opposition à injonction de payer, l’en DÉBOUTE en toutes les fins qu’elle comporte ;
En conséquence :
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance d’injonction de payer entreprise ;
CONDAMNE la SARL SULLY SOLO à payer à la Société Anonyme PREFI, la somme de 29.093,28 Francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1996 ainsi que 3.000,00 Francs par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie ;
SUR L’APPEL EN INTERVENTION FORCÉE :
DIT la SARL SULLY SOLO mal fondée en son appel à garantie formé à l’encontre de la SARL SÉCU MONÉTIQUE CENTRE, l’en DÉBOUTE en toutes les fins qu’il comporte et la CONDAMNE à payer à cette dernière la somme de 3.000, 00 Francs en vertu des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Le Greffier. Le Président.
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