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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 6 juin 2024

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 6 juin 2024
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 23/00108
Date : 6/06/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 5/01/2023
Décision antérieure : T. com. Valenciennes, 22 février 2022 : RG n° 2021000130 ; Dnd
Décision antérieure :
  • T. com. Valenciennes, 22 février 2022 : RG n° 2021000130 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23029

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 6 juin 2024 : RG n° 23/00108

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La notion de contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (1ère Civ., 27 novembre 2019, pourvoi n°18-22.525). Toutefois, il est jugé qu'un contrat dont l'objet est en rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant ou qui a été conclu à la faveur exclusive de son activité professionnelle, n'entre pas nécessairement dans le champ de son activité principale (1ère civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-24.086). Il en va de même lorsque le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle du contractant (1ère civ., 13 avril 2023, n° 21-23.312).

En l'espèce, M. X. justifie par la production d'une attestation de l'Urssaf qu'il employait moins de cinq salariés en 2019, lors de la signature du contrat discuté du 19 septembre 2019. En outre, il n'a pas été contesté que ce contrat a été signé, par démarchage, à [Localité 4], dans les locaux de l'entreprise de M. X. et donc dans un lieu où la société Alliance, dont le siège est à [Localité 6], n'exerce pas son activité en permanence ou de manière habituelle. Il s'agit donc bien d'un contrat conclu « hors établissement » au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation.

Par ailleurs, l'activité de M. X. est la restauration rapide.

Ainsi, même si le contrat a été conclu pour les besoins de cette activité, son objet, qui porte sur la location de matériel de vidéo-surveillance, n'entre pas dans le champ d'activité principale de M. X.

Les dispositions du code de la consommation doivent donc s'appliquer au contrat conclu le 19 septembre 2019. »

2/ « Par courrier du 31 mars 2020, M. X. a adressé à la société Locam, un courrier ayant pour objet la « résiliation pour non-exécution des obligations contractuelles », dans lequel il indique que le matériel de vidéo-surveillance loué à la société Alliance Réseau a bien été installé, mais que cette dernière ne lui a pas transmis le dossier d'autorisation de vidéosurveillance à transmettre à la Préfecture. Il invite donc la société Locam à venir retirer son matériel. Les termes mêmes de ce courrier ne manifestent cependant pas une rétractation du contrat signé, qui intervient avant toute exécution du contrat, mais une demande de résiliation ou de résolution du contrat conclu pour non-respect des obligations contractuelles.

M. X. n'a donc pas fait valablement jouer son droit de rétractation par le courrier du 31 mars 2020 et l'ensemble de ses demandes de condamnation à paiement, à ce titre, de la société Locam, seront rejetées.

Par ailleurs la demande, formée à titre principal par M. X., en remboursement des frais de restitution du matériel, sera rejetée, faute pour ce dernier de justifier des frais qu'il aurait engagés à ce titre. »

3/ « Il doit être précisé en premier lieu que la nullité du contrat prévue par l'article L.242-1 susvisé est la sanction du non-respect des formalités prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-9, à savoir, notamment, l'information sur les conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que la fourniture du formulaire type afférent. Cette nullité est encourue du fait même du défaut de ces formalités, que M. X. ait ou non exercé valablement son droit de rétractation. »

4/ « La société Locam ne démontre pas avoir pour seule activité le financement des biens et n'intervenir qu'en qualité d'établissement financier. Son objet social vise diverses activités parmi lesquelles figurent aussi l'achat, la vente et la location de tous biens meubles ou immeubles.

En l'espèce, elle justifie du rachat du matériel de la société Alliance selon facture du 17 octobre 2019, mais ne produit pas le contrat de cession conclu avec cette société qui démontrerait, comme elle le soutient que ladite cession aurait été limitée à la seule location financière. En application de l'article 1216-2 du code civil, le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant. Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant.

M. X. se trouve donc en droit d'opposer à la société Locam la nullité du contrat conclu le 19 septembre 2019, faute de respect des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation, en application de l'article L. 242-1 de ce code.

En conséquence, le jugement sera infirmé dans sa totalité et la nullité du contrat du 19 septembre 2019, cédé à la société Locam, sera prononcée

Cette annulation du contrat impose de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion. Il sera en conséquence fait droit à la demande de M. X. visant à la restitution des loyers versés à la société Locam depuis le 10 novembre 2019, soit la somme de 338,08 euros.

En application de l'article 1352-7 du code civil, celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande. M. X. est donc bien fondé à obtenir paiement des intérêts à compter de chacun de ses paiements.

Il sera donc fait droit à sa demande visant à voir cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2020.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 6 JUIN 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00108. N° Portalis DBVT-V-B7H-UVTW. Jugement (RG n° 2021000130) rendu le 22 février 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes.

 

APPELANT :

Monsieur X.

en sa qualité d'entrepreneur individuel, demeurant [Adresse 1], représenté par Maître Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Maître Sophie Arnaud, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SAS Locam

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social, [Adresse 2], représentée par Maître Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Maître Éric Bohbot, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

 

DÉBATS à l'audience publique du 12 mars 2024 tenue par Anne Soreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Stéphanie Barbot, présidente de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 décembre 2023

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS :

M. X. exploite sous l'enseigne « [5] » une activité de restauration rapide à [Localité 4].

Il a été démarché le 19 septembre 2019 par la société Alliance Réseau IDF (la société Alliance), spécialisée dans le secteur de la surveillance humaine ou par système électronique de sécurité, et a signé avec elle un contrat d'abonnement de sécurité avec option de prestations de services ou de location portant sur la fourniture et l'entretien de deux caméras intérieure/extérieure, un enregistreur et un moniteur, pour un coût mensuel de 90 euros HT sur 60 mois, soit 5.400 euros HT.

Le procès-verbal de réception a été signé le 11 octobre 2019.

Le 17 octobre 2019, la société Alliance a cédé son matériel, objet du contrat, à la société Locam.

Le 22 octobre 2019, la société Locam a adressé à M. X. une facture unique des loyers fixant le montant du loyer à 108 euros TTC outre 4,36 euros au titre d'un contrat d'assurance.

Le 31 mars 2020 M. X. a adressé un courrier de rétractation à la société Locam et a cessé le paiement des échéances de loyer.

Par courrier du 7 mai 2020, la société Locam a mis en demeure M. X. de régulariser les loyers échus et impayés de février, mars et avril 2020 sous peine de résiliation du contrat en vertu de la clause résolutoire de plein droit figurant à l'article 10 des conditions générales du contrat.

Par requête du 19 octobre 2020, elle a sollicité et obtenu le 2 novembre 2011 du président du tribunal de commerce de Valenciennes une ordonnance faisant injonction à M. X. de lui payer la somme de 7 092,74 euros outre les dépens.

Le 18 novembre 2021, M. X. a formé opposition à cette décision.

Par jugement du 22 février 2022, le tribunal de commerce de Valenciennes a débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné :

- à payer à la société Locam la somme de 6.404,52 euros, celle de 636,97 euros au titre de la clause pénale, et celle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à restituer sous astreinte et à ses frais le matériel, au plus tard dans les quinze jours suivant la décision, au lieu qui lui sera indiqué par la société Locam, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- à assumer les entiers dépens.

Par déclaration du 5 janvier 2023, M. X. a interjeté appel de l'ensemble des chefs de la décision.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 septembre 2023, M. X. demande à la cour de :

Vu les dispositions d'ordre public des articles L. 221-3 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L. 511-1 et L. 112-2 et suivants du code des assurances,

Vu les articles L. 252-1 et suivants du code de la sécurité intérieure,

Vu les articles 1217, 1219 et 1231-1 du code civil,

Le DÉCLARER recevable et bien-fondé en son appel de la décision rendue le 22 février 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes,

Y faisant droit,

REFORMER la décision de première instance

Et statuant à nouveau,

A titre principal

CONSTATER qu'il s'est parfaitement rétracté de son engagement auprès de la société Locam, le 31 mars 2020 ;

CONDAMNER la société Locam à lui restituer le montant des loyers payés depuis le 10 novembre 2019, soit la somme de 338,08 euros, correspondant à 3 loyers, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir notamment eu égard à la mesure de saisie-attribution pratiquée le 8 août 2023 et majorée des intérêts légaux des articles L. 221-24 et L. 242-4 du code de la consommation, à compter du 31 mars 2020.

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER la société Locam sur le fondement de l'article L. 221-23 du code de la consommation à lui rembourser les frais de restitution du matériel litigieux, en denier ou quittance.

A titre subsidiaire,

PRONONCER la nullité des contrats établis entre lui-même et la société Locam venant aux droits de la société Alliance le 19 septembre 2019 ;

CONDAMNER la société Locam à lui restituer le montant des loyers payés depuis le 10 novembre 2019, soit la somme de 338,08 euros, correspondant à 3 loyers, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir notamment eu égard à la mesure de saisie attribution pratiquée le 8 aout 2023 et majorées des intérêts légaux à compter du 31 mars 2020 ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

PRONONCER la résolution du contrat du 19 septembre 2019, aux torts de la société Locam venant aux droits de la société Alliance, à la date du 31 mars 2020 ;

CONDAMNER la société Locam à lui verser la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

DEBOUTER la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

La CONDAMNER au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2023, société Locam la demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

- Débouter M. X. de toutes ses demandes ;

- Confirmer le jugement déféré ;

Y ajoutant,

- Condamner M. X. aux dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Observation préliminaire

A l'audience, le conseil de M. X. a été autorisé à produire l'accusé de réception ou bordereau accompagnant la lettre adressée par M. X. à la société Locam le 31 mars 2020 pour mettre fin à son contrat.

Par courrier du 25 mars 2024, M. X. a produit en délibéré un courriel du 31 mars 2020 accompagné d'une note de son avocat précisant qu'une somme de 3.195,93 euros avait été appréhendée par saisie-attribution sur demande de la société Locam, dont il est sollicité restitution.

Outre que cette dernière précision, relative à une saisie-attribution, n'est étayée d'aucune pièce, il convient de souligner que la note en délibéré, annexée au dossier, n'a été autorisée que pour obtenir l'accusé de réception du courrier du 31 mars 2020 et non, comme prétendu, un décompte des sommes dues au titre d'une saisie-attribution et une demande de restitution. Ces derniers éléments, non sollicités sont en conséquence irrecevables.

 

I - Sur la demande principale visant à l'application du droit de rétractation :

M. X. fait valoir à titre principal son droit de rétractation prévu aux articles L. 121-5 et L. 121-9 du code de la consommation tel qu'issu de la loi 2014-344 du 17 mars 2014 dite « loi Hamon ».

Il souligne que :

- le contrat d'abonnement et de location en cause a été conclu par démarchage dans son restaurant à [Localité 3], et donc « hors établissement » au sens de l'article L. 222-1 du code de la consommation ;

- il a été conclu entre professionnels, pour les besoins de son activité, mais l'objet du contrat (la location et la maintenance d'un système d'alarme) n'entre pas dans le champ de son activité principale et le critère relevant de la nécessité du matériel loué pour l'activité professionnelle est impropre à établir que le contrat entre dans le champ d'activité principale du professionnel démarché ;

- en conséquence, le contrat devait comporter les informations d'ordre public prévues par les articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation ; or, le contrat soumis à sa signature ne comportait pas d'information sur les délais et modalités du droit de rétractation, ni aucun bordereau de rétractation.

Il en conclut que la société Alliance n'ayant pas respecté les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, l'article L. 221-20 du même code, qui lui accorde une prolongation d'un an du délai de rétractation à l'issue du délai initial, doit s'appliquer, soit jusqu'au 26 octobre 2020.

Il expose avoir, dans un courrier du 31 mars 2020, clairement et sans équivoque, exprimé son souhait de se rétracter de son engagement, mis fin au règlement des échéances mensuelles et mis le bien loué à la disposition de la société Locam qui est donc mal fondée à prétendre que son courrier s'analyserait comme une résiliation de contrat et non comme une rétractation.

La société Locam réplique que :

- M. X. ne remplit pas les conditions pour bénéficier des dispositions protectrices de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dès lors qu'il n'établit pas que l'objet du contrat n'entrait pas dans le champ de son activité principale, ce qui doit être interprété de manière large comme l'a admis la jurisprudence ;

- lors de la signature du contrat, il a expressément reconnu que le contrat était en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière, clause qui lui est parfaitement opposable puisque le matériel loué était destiné à protéger la sécurité de son restaurant ; l'objet du contrat entrait bien dans le champ de l'activité professionnelle de M. X. ;

- M. X. ne s'est pas valablement rétracté : sa prétendue lettre de rétractation du 31 mars 2020 ne comporte aucun accusé-réception et il n'a à aucun moment été justifié de son envoi effectif ; ledit courrier n'évoque pas une rétractation mais une demande de résiliation de contrat en raison d'une exception d'inexécution.

Réponse de la cour

1/ sur l'application des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement :

Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, qu'un professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code aux sections 2 (Obligation d'information précontractuelle), 3 (dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement) et 6 (droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement).

Aux termes de l'article L. 221-1 du même code, est considéré comme un contrat hors établissement, tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

La notion de contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (1ère Civ., 27 novembre 2019, pourvoi n°18-22.525).

Toutefois, il est jugé qu'un contrat dont l'objet est en rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant ou qui a été conclu à la faveur exclusive de son activité professionnelle, n'entre pas nécessairement dans le champ de son activité principale (1ère civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-24.086).

Il en va de même lorsque le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle du contractant (1ère civ., 13 avril 2023, n° 21-23.312).

En l'espèce, M. X. justifie par la production d'une attestation de l'Urssaf qu'il employait moins de cinq salariés en 2019, lors de la signature du contrat discuté du 19 septembre 2019.

En outre, il n'a pas été contesté que ce contrat a été signé, par démarchage, à [Localité 4], dans les locaux de l'entreprise de M. X. et donc dans un lieu où la société Alliance, dont le siège est à [Localité 6], n'exerce pas son activité en permanence ou de manière habituelle.

Il s'agit donc bien d'un contrat conclu «  hors établissement » au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation.

Par ailleurs, l'activité de M. X. est la restauration rapide.

Ainsi, même si le contrat a été conclu pour les besoins de cette activité, son objet, qui porte sur la location de matériel de vidéo-surveillance, n'entre pas dans le champ d'activité principale de M. X.

Les dispositions du code de la consommation doivent donc s'appliquer au contrat conclu le 19 septembre 2019.

 

2/ sur la validité du droit de rétractation :

L'article L. 221-9 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, relatif aux dispositions particulières relatives aux contrats conclus hors établissement, dispose que :

Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

L'article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, prévoit quant à lui, que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

L'article L. 221-8 du même code dispose quant à lui que dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5.

Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

Or, il n'a pas été contesté que le contrat conclu entre M. X. et la société Alliance ne comportait pas le formulaire de rétractation exigé par les articles L. 221-5, 221-8 et 221-9 du code de la consommation.

L'article L. 221-20 du code de la consommation applicable en l'espèce prévoit dans son alinéa 1 que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.

L'article L. 221-21du même code dispose par ailleurs dans son alinéa 1 que le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

Par courrier du 31 mars 2020, M. X. a adressé à la société Locam, un courrier ayant pour objet la « résiliation pour non-exécution des obligations contractuelles », dans lequel il indique que le matériel de vidéo-surveillance loué à la société Alliance Réseau a bien été installé, mais que cette dernière ne lui a pas transmis le dossier d'autorisation de vidéosurveillance à transmettre à la Préfecture. Il invite donc la société Locam à venir retirer son matériel.

Les termes mêmes de ce courrier ne manifestent cependant pas une rétractation du contrat signé, qui intervient avant toute exécution du contrat, mais une demande de résiliation ou de résolution du contrat conclu pour non-respect des obligations contractuelles.

M. X. n'a donc pas fait valablement jouer son droit de rétractation par le courrier du 31 mars 2020 et l'ensemble de ses demandes de condamnation à paiement, à ce titre, de la société Locam, seront rejetées.

Par ailleurs la demande, formée à titre principal par M. X., en remboursement des frais de restitution du matériel, sera rejetée, faute pour ce dernier de justifier des frais qu'il aurait engagés à ce titre.

 

II - Sur la demande subsidiaire fondée sur la nullité du contrat en vertu de l'article L.242-1 du code de la consommation :

M. X. fait valoir que :

- le contrat de location du 19 septembre 2019 ne comporte pas les informations et le bordereau de rétractation prévus aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et doit donc être annulé en application de l'article L.242-1 du même code ;

- par application des articles 1186 du code civil et L. 221-27 du code de la consommation, l'annulation du contrat de location initial met fin à tous les contrats interdépendants ou accessoires.

La société Locam réplique que :

- le contrat n'étant pas soumis aux dispositions des articles L. 221-3 et suivants du code de la consommation, il n'avait pas à faire apparaître un bordereau de rétractation ;

- la lettre de rétractation aurait été adressée à la société Locam, alors qu'elle n'était intervenue qu'en qualité d'établissement financier et que c'est la société Alliance qui restait débitrice de toutes les obligations relatives au matériel installé conformément aux conditions générales du contrat; ce contrat comporte en effet deux types de conditions générales: celles qui concernent les obligations du fournisseur Alliance (abonnement et maintenance) et celles qui concernent les obligations de la société Locam en qualité de loueur; le courrier de rétractation aurait dû être envoyé à la société Alliance.

Réponse de la cour

Comme déjà démontré ci-dessus, M. X., dont le champ d'activité principal n'est pas la maintenance de matériel de sécurité, doit bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation en matière de contrat conclu hors établissement.

L'article L. 221-9 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, relatif aux dispositions particulières relatives aux contrats conclus hors établissement, dispose que :

Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

L'article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, prévoit quant à lui, que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

L'article L. 221-8 du même code dispose quant à lui que dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5.

Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

L'article L. 242-1 du même code précise que les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Or, il n'a pas été contesté que le contrat conclu entre M. X. et la société Alliance ne comportait pas le formulaire de rétractation exigé par les articles L. 221-5, 221-8 et 221-9 du code de la consommation.

La société Locam, estime cependant que, n'étant intervenue qu'en qualité d'établissement financier, la lettre de rétractation aurait dû être adressée à la société Alliance qui restait débitrice de toutes les obligations relatives au matériel loué.

Il doit être précisé en premier lieu que la nullité du contrat prévue par l'article L.242-1 susvisé est la sanction du non-respect des formalités prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-9, à savoir, notamment, l'information sur les conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que la fourniture du formulaire type afférent. Cette nullité est encourue du fait même du défaut de ces formalités, que M. X. ait ou non exercé valablement son droit de rétractation.

Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que :

- Le contrat initial du 19 septembre 2019 intitulé « contrat d'abonnement de sécurité avec option de prestation de services et/ou de location » a été conclu par M. X. uniquement avec la société Alliance ; il portait sur la location et la maintenance de matériel de sécurité ;

- La société Locam indique (ses conclusions page 3) que ce matériel lui a été cédé suivant facture du 17 octobre 2019 produite aux débats (pièce 3) qui porte sur l'achat par la société Locam à la société Alliance du système de vidéosurveillance (deux dômes intérieurs, un enregistreur, un écran) ;

La société Locam ne démontre pas avoir pour seule activité le financement des biens et n'intervenir qu'en qualité d'établissement financier. Son objet social vise diverses activités parmi lesquelles figurent aussi l'achat, la vente et la location de tous biens meubles ou immeubles.

En l'espèce, elle justifie du rachat du matériel de la société Alliance selon facture du 17 octobre 2019, mais ne produit pas le contrat de cession conclu avec cette société qui démontrerait, comme elle le soutient que ladite cession aurait été limitée à la seule location financière.

En application de l'article 1216-2 du code civil, le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant.

Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant.

M. X. se trouve donc en droit d'opposer à la société Locam la nullité du contrat conclu le 19 septembre 2019, faute de respect des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation, en application de l'article L. 242-1 de ce code.

En conséquence, le jugement sera infirmé dans sa totalité et la nullité du contrat du 19 septembre 2019, cédé à la société Locam, sera prononcée.

Cette annulation du contrat impose de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de M. X. visant à la restitution des loyers versés à la société Locam depuis le 10 novembre 2019, soit la somme de 338,08 euros.

En application de l'article 1352-7 du code civil, celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande.

M. X. est donc bien fondé à obtenir paiement des intérêts à compter de chacun de ses paiements.

Il sera donc fait droit à sa demande visant à voir cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2020.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

La société Locam, quant à elle, sera déboutée de ses demandes, au titre du contrat annulé, en paiement des sommes de :

- 6.404,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2020 ;

- 636,97 euros au titre de la clause pénale.

S'agissant de la restitution du matériel loué, la société Locam la sollicite sur le fondement de l'article 9 des conditions générales du contrat de location qui rappelle que, dès lors que le contrat est résilié pour quelque cause que ce soit, le locataire s'engage dans un délai de quinze jours à compter de la résiliation, à restituer le matériel, objet du contrat, sous sa responsabilité et à ses frais.

Cependant, le contrat n'étant pas résilié mais annulé, cette clause ne trouve plus à s'appliquer. La demande de restitution formée par la société Locam sur le fondement de l'article 9 du contrat sera donc rejetée.

 

III - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Locam, succombant, la décision déférée sera infirmée des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Locam assumera les entiers dépens d'instance et d'appel.

Elle sera condamnée à verser à M. X. une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sa propre demande d'indemnité procédurale sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau :

- DIT que le droit de la consommation est applicable au contrat conclu par M. X. avec la société Alliance Réseaux IDF le 19 septembre 2019 ;

- REJETTE les demandes de paiement formées à titre principal par M. X. à l'encontre de la société Locam en conséquence de l'exercice de son droit de rétractation ;

- REJETTE la demande de M. X. tendant au remboursement des frais de restitution du matériel ;

- ANNULE le contrat conclu entre M. X. et la société Alliance Réseaux IDF le 19 septembre 2019 ;

- CONDAMNE la société Locam à verser à M. X. la somme de 338,08 euros arrêtée au 10 novembre 2019 ;

- DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2020 ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;

- REJETTE les demandes de la société Locam en paiement, au titre du contrat du 19 septembre 2019, des sommes de 6.404,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2020 et de 636,97 euros au titre de la clause pénale ;

- REJETTE la demande de restitution du matériel loué, formée par la société Locam sur le fondement de l'article 9 du contrat annulé ;

- CONDAMNE la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de la société Locam et la CONDAMNE à verser à M. X. la somme de 4.000 euros.

Le greffier                                                    La présidente

Marlène Tocco                                             Stéphanie Barbot