CA LYON (1re ch. civ. A), 6 juin 2024
- TJ Bourg-en-Bresse (ch. civ.), 8 juillet 2021 : RG n° 20/00560 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23051
CA LYON (1re ch. civ. A), 6 juin 2024 : RG n° 21/06558
Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-010376
Extrait : « C'est par des motifs pertinents, qui répondent aux moyens soulevés en appel et que la cour adopte, que le tribunal a considéré que le GAEC ne justifiait pas remplir l'ensemble des conditions d'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dont dépend la mise en œuvre des dispositions du même code relatives au droit de rétractation invoqué par l'appelant.
La cour approuve ainsi le premier juge d'avoir retenu, au vu notamment de l'activité du GAEC mentionnée dans l'extrait Kbis du RCS (exploitation de biens agricoles) et de la nature de la construction pour laquelle le contrat a été conclu, soit un « bâtiment agricole vaches allaitantes », que l'objet du contrat entrait dans le champ de l'activité principale du GAEC puisque de cette construction dépendait très directement l'exercice de cette activité principale.
Les dispositions du code de la consommation invoquées par le GAEC, tant pour écarter la demande en paiement de l'indemnité contractuelle que la restitution, en conséquence, de l'acompte versé, sont dès lors inapplicables. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 6 JUIN 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/06558. N° Portalis DBVX-V-B7F-NZVQ. Décision du TJ de BOURG EN BRESSE, Au fond du 8 juillet 2021 (chambre civile) : RG n° 20/00560.
APPELANTE :
GAEC DE L'AVENIR
[Adresse 3], [Localité 1], Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547, Et ayant pour avocat plaidant la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIN
INTIMÉE :
SA CONSTRUCTIONS BOIS EMG
[Adresse 4], [Localité 2], Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475, Et ayant pour avocat plaidant la SELARL BLANC LARMARAUD BOGUE GOSSWEILER, avocat au barreau d'AIN
Date de clôture de l'instruction : 17 mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 janvier 2024
Date de mise à disposition : 6 juin 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne WYON, président - Julien SEITZ, conseiller - Thierry GAUTHIER, conseiller, assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile 67BA63CADA2912FDAAAF1683C89BC94F.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par devis du 16 octobre 2017, le GAEC de l'avenir (le GAEC) a confié à la société Constructions bois EMG (la société) la fourniture et la pose d'un bâtiment à ossature bois lamellé-collé pour la somme de 216.000 euros HT.
Par lettre recommandée du 7 novembre 2017, le GAEC a indiqué à la société que le projet n'était plus d'actualité en raison de problèmes de financement et a annulé la commande, indiquant abandonner la somme de 2 500 euros versée à titre d'acompte.
Par lettre recommandée du 12 novembre 2018, la société a indiqué au GAEC que si le bâtiment était construit par une autre société qu'elle, il lui devrait une indemnisation de 10 % du montant du marché, soit 21.600 euros HT, conformément aux conditions générales de vente.
Par lettre recommandée du 3 juillet 2019, la société a mis en demeure le GAEC de lui régler la somme de 25.920 euros TTC, arguant de ce que le bâtiment avait été réalisé par une autre entreprise.
Par acte d'huissier de justice du 11 février 2020, la société a assigné le GAEC en paiement de cette somme devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
- débouté le GAEC de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société EMG constructions bois ;
- condamné le GAEC à payer à la société la somme de 21.600 euros HT ;
- condamné le GAEC à payer à la société la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté le GAEC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le GAEC aux entiers dépens, avec distraction au profit du conseil de la société, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration transmise au greffe le 10 août 2021, le GAEC a relevé appel de cette décision.
[*]
Dans ses conclusions déposées le 9 novembre 2021, le GAEC demande à la cour de :
- réformer le jugement ;
(à titre principal)
- déclarer irrecevables les demandes de la société formées contre lui ;
- condamner la société à lui rembourser la somme de 2 500 euros conservée ;
- subsidiairement, vu les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation,
- débouter la société de ses demandes ;
- la condamner à lui rembourser la somme de 2.500 euros ;
- à titre infiniment subsidiaire :
- débouter la société de sa demande à hauteur de 21.600 euros HT ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- réduire la somme allouée à la société et la déduire à celle de 2.500 euros qu'elle a conservée ;
(en tout état de cause)
- condamner la société à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Baufume Sourbe, sur son affirmation de droit.
[*]
Dans ses conclusions déposées le 1er février 2022, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner le GAEC à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la SCP Aguiraud et Nouvellet, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 17 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la société :
À titre infirmatif, le GAEC indique que le descriptif de travaux et le contrat de vente ont été signés par M. X., immatriculé comme entrepreneur individuel dans le secteur des activités de marchands de biens et non par la société. Il réfute les motifs du jugement sur ce point.
À titre confirmatif, la société approuve le jugement sur ce point, dans la mesure où il est justifié de la qualité d'agent commercial de la personne ayant régularisé le contrat.
Elle souligne que le bon de commande est à son nom comme le bordereau de détail de prix et souligne que c'est bien à elle que le GAEC s'est adressé, le 7 novembre 2017, pour annuler sa commande.
Sur ce,
Au vu des pièces versées au débats (n° 9, 10 et 11 de l'intimée), c'est par des motifs pertinents, qui répondent aux moyens soulevés en appel, et que la cour adopte, que le tribunal a constaté qu'il était produit par l'intimée le contrat d'agent commercial conclu avec M. Y., lequel justifiait avoir pour salarié M. X., signataire du contrat conclu avec le GAEC, ce dont il a déduit que la société était cocontractante et recevable à agir. En l'état du dossier, la qualité de salarié de ce signataire ne pouvant être considérée comme incompatible avec son immatriculation au RCS en qualité de marchands de biens, le moyen soulevé par le GAEC à ce titre doit être considéré comme inopérant.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'application des dispositions du code la consommation :
À titre infirmatif, le GAEC entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, le contrat litigieux n'entrant pas dans le champ de son activité principale et ayant été conclu hors établissement, alors qu'il n'emploie qu'un salarié, pour soutenir qu'il n'a pas disposé du délai de rétraction de 14 jours et que, à défaut, il disposait d'un délai de rétractation supplémentaire de 12 mois à compter de la conclusion du contrat. Il précise avoir annulé sa commande le 7 novembre 2017.
Il considère en conséquence que doit lui être restituée la somme de 2.500 euros, versée à titre d'acompte, dans la mesure où le vendeur professionnel ne pouvait percevoir de sommes avant l'expiration du délai de rétractation. Il indique que le versement de cette somme ne vaut pas acceptation de payer, au regard de la lettre de son assureur, du 11 juillet 2019, répondant à celle de la société du 3 juillet 2019.
À titre confirmatif, la société soutient que le contrat a été passé dans le cadre de l'activité habituelle du GAEC, alors que le bâtiment était destiné à son activité professionnelle.
Sur ce,
C'est par des motifs pertinents, qui répondent aux moyens soulevés en appel et que la cour adopte, que le tribunal a considéré que le GAEC ne justifiait pas remplir l'ensemble des conditions d'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dont dépend la mise en œuvre des dispositions du même code relatives au droit de rétractation invoqué par l'appelant.
La cour approuve ainsi le premier juge d'avoir retenu, au vu notamment de l'activité du GAEC mentionnée dans l'extrait Kbis du RCS (exploitation de biens agricoles) et de la nature de la construction pour laquelle le contrat a été conclu, soit un « bâtiment agricole vaches allaitantes », que l'objet du contrat entrait dans le champ de l'activité principale du GAEC puisque de cette construction dépendait très directement l'exercice de cette activité principale.
Les dispositions du code de la consommation invoquées par le GAEC, tant pour écarter la demande en paiement de l'indemnité contractuelle que la restitution, en conséquence, de l'acompte versé, sont dès lors inapplicables.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le versement de l'indemnité contractuelle :
À titre confirmatif, la société fait valoir que le GAEC a régularisé un contrat le 16 octobre 2017 et réitéré son engagement par lettre du 7 novembre 2017. Elle soutient avoir mis en œuvre l'agrément administratif du dossier et les études nécessaires mais que l'appelant ne l'a pas informée de l'évolution de son projet, jusqu'à ce qu'elle constate qu'il avait fait construire le bâtiment par une entreprise tierce. Elle considère que l'indemnité est ainsi due en vertu des dispositions du contrat.
Elle considère que, puisque le GAEC demande de déduire l'acompte de la somme demandée, celle-ci ne peut être considérée comme une clause pénale puisque l'acompte vient en déduction du prix et l'appelant devrait alors lui régler l'intégralité du prix.
À titre subsidiaire, le GAEC soutient que le montant de l'indemnité prévue vise à indemniser le vendeur du montant des prestations qu'il a réalisées et que la société ne justifie pas à ce titre de l'allocation de la somme de 21.600 euros HT. Il considère qu'il s'agit d'une clause pénale que le juge peut minorer, ce qui se justifie au regard de sa situation comptable.
Il demande la déduction de la somme de 2.500 euros.
Sur ce,
Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, tandis que la validité du contrat n'est pas discutable, il ressort de la lettre adressée par le GAEC à la société le 7 novembre 2017 que celui-ci, bien qu'engagé à l'égard de la société, a voulu mettre un terme au contrat (en se prévalant d'un droit de rétraction qui, comme cela a été envisagé, n'est pas fondé) en l'annulant.
Or, comme l'a justement analysé le premier juge, cette « annulation » conduit à l'application des dispositions de l'article 11 des conditions générales du contrat liant les parties et ouvre droit à un dédommagement pour la société d'un montant forfaitaire de 10 % du montant total du contrat de vente.
Selon l'article 1235-1 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
La clause pénale est ainsi celle par laquelle une partie à un contrat s'engage à payer à son cocontractant une somme prévue de manière forfaitaire en cas d'inexécution de ses obligations.
L'article 11 susvisé prévoit le versement d'un dédommagement par l'acquéreur, correspondant aux « frais d'études, de déplacement ou des travaux effectués par le vendeur ou les sous-traitants» en cas d'annulation du contrat.
En outre, en raison du caractère forfaitaire de l'indemnisation demandée, la société ne justifiant d'aucun des frais dont elle fait état, cette clause avait manifestement pour but de dissuader le client de tout renoncement au contrat, une fois celui-ci conclu, et, dès lors, d'assurer l'exécution de la convention.
Cette clause doit être considérée comme une clause pénale.
La société a mis le GAEC en demeure de verser cette somme le 3 juillet 2019.
En considération de la situation dont le GAEC fait état et justifie, particulièrement sur le plan financier (pièces n° 10, 11 et 12), il y a lieu de considérer que le montant sollicité est manifestement excessif et sera ramené à la somme de 10.800 euros.
En ce qui concerne l'acompte versé, dont la qualification juridique n'est pas discutée, il résulte de l'application de l'article 1590 du code civil qu'il ne peut être restitué au cocontractant défaillant en cas d'inexécution du contrat, ce qui est le cas en l'espèce.
Dès lors, il ne saurait être déduit du montant de l'indemnité mise à la charge du GAEC.
Cette demande sera rejetée.
Sur les autres demandes :
Le GAEC, qui perd en son recours, supportera les dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de l'intimé.
En outre, l'équité commande de le condamner à payer à l'intimée la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné le GAEC de l'Avenir à payer à la société Constructions bois EMG la somme de 21.600 euros HT ;
L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau,
Condamne le GAEC de l'Avenir à payer à la société Constructions bois EMG la somme de 10.800 euros ;
Y AJOUTANT,
Rejette la demande de restitution de l'acompte versé par le GAEC à la société Construction bois EMG ;
Rejette le surplus des demandes des parties ;
Condamne le GAEC de l’Avenir à supporter les dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Aguiraud et Nouvellet, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne le GAEC de l'Avenir à payer à la société Construction bois EMG la somme de 3.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles ;
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE