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CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 9 juin 2010

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 9 juin 2010
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 09/01751
Date : 9/06/2010
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 3/04/2009
Numéro de la décision : 284
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2317

CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 9 juin 2010 : RG n° 09/01751 ; arrêt n° 284

 

Extrait : « L'utilisation frauduleuse du chèque ne peut résulter du non respect des conditions du démarchage à domicile prévues par le Code de la consommation ni du non respect de la loi Hoguet, législations dont, en outre, l'applicabilité en la cause est contestée et ne peut relever des pouvoirs du juge des référés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 9 JUIN 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 09/01751. Arrêt N° 284. Décision déférée du 19 mars 2009 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2009R00036.

 

APPELANT(E/S) :

SARL SOCIÉTÉ ART CRÉATION

[minute Jurica page 2] [adresse], représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour, assistée de Maître Virginie COSMANO, avocat au barreau de TOULON.

 

INTIMÉ(E/S) :

SARL SOCIETE AVENGARDIS GROUPE

[adresse], représentée par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour, assistée de Maître Isabelle AUBERT, avocat au barreau de TOULOUSE.

BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR

[adresse], sans avoué constitué.

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 7 avril 2010 en audience publique, devant la Cour composée de : B. LAGRIFFOUL, président, C. BELIERES, conseiller, A. ROGER, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRÊT : Réputé contradictoire. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties. Signé par B. LAGRIFFOUL, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL ART CRÉATION signe le 10 septembre 2008 avec la SARL AVENGARDIS un « ordre de délégation » aux termes duquel cette dernière s'engage à promouvoir la cession d'un fonds de [minute Jurica page 3] commerce. En contrepartie de cette prestation d'assistance et de promotion la SARL ART CRÉATION remet un chèque de 4.305,60 € représentant un acompte venant, le cas échéant, en déduction des honoraires de résultats prévus dans le contrat en cas de concrétisation de la vente.

Par courrier en date 20 septembre 2008 M. LARCHER, gérant de la SARL ART CRÉATION, faisait savoir à son cocontractant qu'il avait la certitude d'avoir été dupé et qu'il demandait la résiliation du contrat et la restitution du chèque. Par lettre du même jour adressée à sa banque (la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR) il faisait opposition au chèque de 4.305,60 €.

Par acte d'huissier en date du 14 janvier 2009, la société AVENGARDIS GROUPE a assigné la SARL ART CRÉATION et la BANQUE POPULAIRE COTE D’AZUR à comparaître devant notre juridiction aux fins de l'entendre :

- Ordonner la main levée de l'opposition sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance,

- Condamner à lui payer par provision la somme de 4.305,60 €, outre intérêts au taux légal et accessoires,

- Rendre la présente décision opposable à la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR.

Par ordonnance de référé en date 19 mars 2009, le président du Tribunal de commerce de TOULOUSE a :

- Condamné la SARL ART CRÉATION à payer par provision à la SARL AVENGARDIS une somme de 4.305,60 € outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2009,

- Dit la présente décision opposable à la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR,

- Condamné la SARL ART CRÉATION à payer la somme de 500,00 € à la SARL AVENGARDIS par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SARL ART CRÉATION a interjeté appel le 3 avril 2009.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SARL ART CRÉATION s'oppose aux demandes de la SARL AVENGARDIS, les jugeant irrecevables et mal fondées, au motif que le chèque n'aurait été obtenu qu'à la suite de manœuvres frauduleuses et qu'il n'aurait été remis que pour garantir une transaction future.

Elle explique qu'elle pensait contracter pour un mandat de vente et qu'elle a été trompée par la présentation du «groupe» AVENGARDIS qui se présente sur Internet comme «agence immobilière» et par les termes du contrat volontairement imprécis.

Elle soutient qu'en raison de l'absence de validité du contrat et de la fausse qualité du contractant, il existe une contestation sérieuse qui interdisait au juge des référés de trancher le litige. Elle fait valoir que la gérante de la SARL AVENGARDIS a été condamnée pour exercice illégal de la profession d'agent immobilier et que le contrat ne respecte pas les conditions du démarchage à domicile.

La SARL ART CRÉATION demande à la Cour de :

- déclarer la société ART CRÉATION recevable et bien fondée en son appel,

- réformer en tous points l'ordonnance de référé prononcée par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de TOULOUSE en date du 19 mars 2009,

- déclarer le GROUPE AVENGARDIS irrecevable et mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,

- [minute Jurica page 4] condamner le GROUPE AVENGARDIS à verser à la société ART CRÉATION la somme de 4.305,60 €, majorée des intérêts au taux légal depuis la date du chèque, soit le 10 septembre 2008, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner le Groupe AVENGARDIS à verser à la société ART CRÉATION la somme de 10.000 euros au titre des frais liés à la publicité de la décision judiciaire à intervenir,

- ordonner la publication de la condamnation du Groupe AVENGARDIS sur le site Internet de la Cour d'appel de TOULOUSE, dans une publication de la société DAICI, ainsi que dans un journal d'annonces légales à diffusion nationale,

- condamner le GROUPE AVENGARDIS à payer à la société ART CRÉATION la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société GROUPE AVENGARDIS aux entiers dépens distraits au profit de la SCP BOYER LESCAT MERLE.

La Société GROUPE AVENGARDIS soutient que les éléments invoqués par l'appelante ne constituent pas une cause légale d'opposition au paiement du chèque ; la nullité éventuelle du contrat ne pourrait être invoquée que par une instance au fond que la Société ART CRÉATION n'a toujours pas engagée. L'applicabilité des dispositions de la loi Hoguet ne relève pas de la compétence du juge des référés et les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage ne sont pas applicables puisque le contrat a été passé par un professionnel et présente un lien direct avec l'activité commerciale de la SARL.

La Société GROUPE AVENGARDIS demande à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé,

- débouter en conséquence la Société ART CRÉATION de ses demandes,

- condamner la Société ART CRÉATION au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP RIVES PODESTA avoués.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Aux termes du Code monétaire et financier, « Il n'est admis d'opposition au paiement par chèque qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse du chèque, (...) Si, malgré cette défense, le tireur fait une opposition pour d'autres causes, le juge des référés, même dans le cas où une instance au principal est engagée, doit, sur la demande du porteur, ordonner la main levée de l'opposition ».

Le seul motif susceptible d'être invoqué en l'espèce pour justifier l'opposition réalisée par la société ART CRÉATION est l'utilisation frauduleuse du chèque qui n'a, ce n'est pas contesté, été ni perdu ni volé. Il appartient à l'opposant de rapporter la preuve de cette utilisation frauduleuse et il appartient au juge des référés de vérifier si l'opposant peut se prévaloir d'une telle utilisation frauduleuse du chèque qui la légitimerait.

L'utilisation frauduleuse du chèque ne peut résulter du non respect des conditions du démarchage à domicile prévues par le Code de la consommation ni du non respect de la loi Hoguet, législations dont, en outre, l'applicabilité en la cause est contestée et ne peut relever des pouvoirs du juge des référés.

Elle ne peut pas non plus résulter de l'éventuelle absence de validité du contrat qui ne se confond pas avec la fraude et dont l'appréciation ne relèverait que du juge du fond.

La Société ART CRÉATION soutient de manière plus appropriée que le chèque a été obtenu par des manœuvres frauduleuses qui résulteraient d'une part de la prise de fausse qualité par AVENGARDIS [minute Jurica page 5] qui se présenterait comme agent immobilier sur Internet, d'autre part de l'obtention du chèque par abus de confiance, celui-ci devant garantir une transaction future.

Sur ces deux points, la Cour relève que ART CRÉATION n'apporte pas la preuve de cette fausse qualité ni de la garantie d'une transaction future. L'allégation suivant laquelle le chèque n'aurait été remis que pour garantir une transaction future ne résulte dès lors que des déclarations de ART CRÉATION sur les propos tenus par le démarcheur alors qu'au contraire, la convention de mission porte sur l'assistance et la promotion de la cession d'un fonds de commerce. Bien que rédigé en termes imprécis et parfois abscons et redondants, cet « ordre de délégation non exclusif », doit être ainsi compris. En effet, les cases cochées sont « Action » et « Accompagnement » alors que la case « négociation » n'est pas cochée. De plus le fait qu'une gratification de 20.000 € est prévue dans le cas où le contact aura été communiqué par AVENGARDIS et le contenu des conditions générales figurant au verso devaient permettre à un contractant normalement avisé de comprendre que AVENGARDIS ne s'engageait pas à négocier la vente du fonds de commerce, ni même à trouver un acheteur mais seulement à diffuser l'offre de vente et à rechercher des acquéreurs potentiels.

Si la Société ART CRÉATION estimait avoir conclu un contrat nul ou excessivement déséquilibré, il lui appartenait d'engager une instance au fond pour contester cette convention mais elle ne pouvait détourner la procédure d'opposition au paiement du chèque émis en contrepartie.

L'ordonnance de référé sera donc confirmée en toutes ses dispositions et il sera fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'intimée obligée de se défendre en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

statuant publiquement par mise à disposition du présent arrêt au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,

- Confirme l'ordonnance de référé,

Y ajoutant,

- Condamne la Société ART CRÉATION au paiement de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP RIVES PODESTA avoués.

Le greffier,       Le président,