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T. COM. NANTERRE (5e ch.), 30 mai 1995

Nature : Décision
Titre : T. COM. NANTERRE (5e ch.), 30 mai 1995
Pays : France
Juridiction : T. Com Nanterre 5e ch.
Demande : 94/01636
Date : 30/05/1995
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 18/02/1994
Décision antérieure : CA VERSAILLES (13e ch.), 19 juin 1997
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 235

T. COM. NANTERRE (5e ch.), 30 mai 1995 : RG n° 94/01636

(sur appel CA VERSAILLES (13e ch.), 19 juin 1997 : RG n° 7048/95 ; arrêt n° 453)

 

Extrait : « Elle ajoute ensuite que ses clients auraient dû, aux termes du contrat, formuler leur réclamation par lettre recommandée avec AR, dans les 48 heures suivant la date contractuelle de fin de prestation ; implicitement aussi, elle en tire la conséquence d’une déchéance des droits des requérantes ; Mais Elysold a protesté par fax, ce que La Poste ne nie pas, dès le 3 décembre ; dès lors, le mode de transmission important peu, l’obligation fut remplie ; Au surplus, la sanction de l’inexécution telle que prévue dans ce contrat d’adhésion est que les réclamations hors délais sont « réputées non fondées » toute indemnisation étant alors exclue ; il s’agit d’une présomption simple qui souffre la preuve contraire ici apportée puisque la distribution dans sept centres le fut largement hors délais, de sorte que la faute contractuelle de La Poste, qui peut d’ailleurs être qualifiée de lourde, entraînant ainsi l’inefficacité de telles clauses, entraînera aussi la responsabilité de La Poste si elle est la cause d’un préjudice ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE

CINQUIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 30 MAI 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94F01636.

 

DEMANDEURS :

- SARL HOME DÉPÔT Enseigne ELYSOLD

[adresse], comparant par Maître SCHERMANN [adresse] ET PAR Maître Michèle AMSELLEM [adresse]

- SARL CANAL 2 Enseigne ELYSOLD

[adresse], comparant par Maître SCHERMANN [adresse] ET PAR Maître MICHELE AMSELLEM [adresse]

 

DÉFENDEUR :

LA POSTE

[adresse], comparant par M. RICCARDI et par MLLE VERGNENEGRE DIRECTION DE LA POSTE DE HAUTS DE SEINE [adresse]

 

LE TRIBUNAL AYANT LE 7 Juin 1994 ORDONNÉ LA CLÔTURE DES DÉBATS, POUR LE JUGEMENT ÊTRE PRONONCÉ LE 30 Mai 1995, ET CE JOUR, APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Les sociétés CANAL 2 et HOME Dépôt, exercent toutes deux sous l’enseigne Elysold une activité de distribution de marchandises ;

Elle souscrivent chacune auprès de l’établissement public LA POSTE, le 18 novembre 1993, un contrat « Postcontact », prévoyant la distribution du 23 novembre au 1er décembre 1993 des dépliants publicitaires concernant de nombreux articles dans les boites à lettres des zones définies à la convention ;

Le 3 décembre 1993, Elysold fait part à La Poste de son mécontentement au sujet de la distribution de dépliants et les 6, 7 et 20 décembre 1993, la Poste informe Elysold des dates de distribution et répond le 5 janvier 1994, en opposant qu’elle aurait respecté les dispositions du contrat et, pour un centre de distribution, des instructions verbales contraires données par le gérant de ELYSOLD ;

C’est ainsi que, par acte du 18 février 1994, Home dépôt et Canal 2 font assigner La Poste devant ce tribunal pour demander à être reçues en leur action, voir constater l’inexécution par La Poste des obligations essentielles résultant du contrat du 18 novembre 1993, prononcer sa résiliation aux torts de la Poste, condamner celle-ci au paiement à Home dépôt des sommes de 236.261 francs au titre du préjudice commercial, de 60.924 francs pour frais publicitaires, de 100.000 francs pour atteinte à l’image de marque, de 7.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC, et à Canal 2 de 193.021 francs pour préjudice commercial, 33.924 francs pour frais publicitaires, de 100.000 francs pour atteinte à l’image de marque, de 7.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC, aux dépens avec exécution provisoire de la décision ;

La Poste conclut pour demander au Tribunal de débouter les sociétés de leurs demandes, de constater l’inexécution par elles et Elysold Canal diffusion de leurs obligations contractuelles, à titre reconventionnel de condamner Home Dépôt au paiement de la somme de 41.737,21 francs plus intérêts et majoration contractuels, Canal 2 à celles de 22.652,59 francs, d’accueillir la demande en intervention forcée de la société Elysold Canal Diffusion, de condamner in solidum les trois sociétés à 7.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC, avec exécution provisoire de la décision et aux dépens ;

De leur côté, les demanderesses demandent à cette juridiction de rejeter la demande en intervention forcée, de débouter La Poste de ses demandes ; elles réitèrent leurs écritures ;

Il est de bonne justice de statuer sur la demande principale et les conclusions reconventionnelles par un seul jugement ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] DISCUSSION :

Sur la demande principale :

Les demanderesses exposent que La Poste n’aurait pas respecté les dates contractuelles de distribution des documents publicitaires ; que cette faute, à la veille des fêtes de Noël leur aurait causé un grave préjudice ;

La Poste répond dans l’ordre de ses conclusions, que trois contrats, et non deux, auraient été souscrits ; que le troisième contrat aurait été signé par Elysold Canal Diffusion, appartenant au groupe Elysold ; qu’il conviendrait de considérer l’opération de distribution dans sa globalité ; que sur le total de 301.396 documents concernés, 75.160 seulement correspondent aux distributions litigieuses ; que la preuve de la carence ne serait pas apportée ; que, selon le contrat, l’engagement est rempli si 90% de la distribution est assurée, ce qui est le cas en l’espèce ; que, selon les dispositions contractuelles, Elysold aurait dû formuler sa réclamation 48 heures après la date prévue pour la fin de la distribution ; qu’en l’absence de cette réclamation, le prix serait dû ; que le préjudice allégué ne serait pas prouvé ; que le troisième contractant devrait être appelé dans la cause ;

 

SUR QUOI :

Sur l’intervention forcée :

Les documents versés aux débats montrent que La Poste a signé le même jour trois contrats de distribution avec Elysold Home Dépôt, Elysold Canal 2 et Elysold Canal Diffusion ; que le signataire de chaque contrat est le même pour chacune de ces trois sociétés ;

Par ailleurs, Elysold fait état de 300.000 documents à distribuer alors que le total prévu par les trois contrats s’élève à 301.396 ;

Il en résulte que l’opération de distribution est globale et devrait être appréciée dans son ensemble, mais le Tribunal constate que La Poste n’a pas assigné Canal Diffusion qui n’est pas dans la cause et à l’égard de qui il ne sera donc pas statué ;

 

Sur la réalisation des prestations :

Les contrats versés aux débats par les demanderesses font état de documents à déposer par elles le 19 novembre 1993 et à distribuer par La Poste du 23 novembre au 1er décembre 1993 (et non le 2 décembre comme indiqué par surcharge au carbone sur les documents communiqués par La Poste) ;

La correspondance de La Poste figurant au dossier (lettres des 6, 7, 20 décembre) et un compte rendu de distribution montrent sans conteste que la distribution eut lieu du 1er décembre au 3 Décembre au centre de Villejuif, à partir du 8 décembre dans quatre centres, du 2 au 6 décembre à Paris Nord et du 20 au 24 décembre au centre de Vélizy ;

[minute page 4] Dès lors, il appert que ces manquements constituent des fautes contractuelles ;

 

Sur les dispositions contractuelles alléguées par La Poste :

La Poste fait valoir que la prestation est valablement effectuée si 90% de la distribution a eu lieu ; implicitement, elle en tire la conséquence qu’elle aurait rempli ses obligations ; mais, la défenderesse n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’exception par elle soulevée, d’autant qu’elle fait elle même état de 75% de documents distribués ; Cette branche de son argumentation sera donc rejetée ;

Elle ajoute ensuite que ses clients auraient dû, aux termes du contrat, formuler leur réclamation par lettre recommandée avec AR, dans les 48 heures suivant la date contractuelle de fin de prestation ; implicitement aussi, elle en tire la conséquence d’une déchéance des droits des requérantes ;

Mais Elysold a protesté par fax, ce que La Poste ne nie pas, dès le 3 décembre ; dès lors, le mode de transmission important peu, l’obligation fut remplie ; Au surplus, la sanction de l’inexécution telle que prévue dans ce contrat d’adhésion est que les réclamations hors délais sont « réputées non fondées » toute indemnisation étant alors exclue ; il s’agit d’une présomption simple qui souffre la preuve contraire ici apportée puisque la distribution dans sept centres le fut largement hors délais, de sorte que la faute contractuelle de La Poste, qui peut d’ailleurs être qualifiée de lourde, entraînant ainsi l’inefficacité de telles clauses, entraînera aussi la responsabilité de La Poste si elle est la cause d’un préjudice ;

 

Sur la résolution des contrats :

La résolution demandée ne peut intervenir sur des contrats déjà exécutés et terminés ; la demande sera rejetée, seule la demande en réparation devant être examinée ;

 

Sur le préjudice :

Elysold fait état de trois postes de préjudice :

Une perte de bénéfice :

Les sociétés allèguent qu’une opération semblable réalisée en octobre 1993 aurait permis de réaliser un chiffre d’affaires supplémentaire de 20 % ; que, sur ces bases, la perte de chiffre d’affaires due au retard dans la publicité serait en chiffres arrondis de 1.230.000 francs avec sur la base d’une marge de 35 % une perte de 430.000 francs ;

Mais, tout d’abord, il ressort du dossier que la distribution a été effectuée à concurrence de 50 et 75% du nombre d’exemplaires prévu ;

Par ailleurs, les attestations versées aux débats montrent une baisse importante du chiffre d’affaires en 1993, par rapport à 1992, et notamment une baisse en octobre 1993 par rapport à octobre 1992, de sorte que Elysold ne démontre pas - en dépit d’un fax sans indication de destinataire, émanant de Elysold elle même - que l’opération publicitaire pour octobre 1993 a généré une augmentation du chiffre d’affaires et en conséquence que la campagne de novembre-décembre 1993 aurait entraîné une augmentation des ventes ; En conséquence, la preuve de la perte de bénéfice alléguée n’est pas apportée ;

[minute page 5] Des frais de publicité :

Les frais d’imprimerie pour tous les documents s’élèvent à 60.924 francs et 33.934 francs et Elysold demande leur remboursement ;

Mais, le coût des dépliants proprement dits, affiches exclues, est de 32.165,54 francs et 59.145,08 francs ;

Distribués en dehors des prévisions contractuelles dans les pourcentages indiqués ci-dessus, La Poste en devra le remboursement hauteur de 9.500 francs et 18.000 francs ;

Une atteinte à l’image de marque :

Chaque société réclame une somme de 100.000 francs pour ce chef de préjudice ;

Il est certain que la distribution des dépliants en dehors des dates y figurant n’a pas aidé à conforter l’image de marque de la société ;

Mais, la notoriété des demanderesses n’est pas telle que la somme réclamée soit justifiée et il sera de bonne justice de fixer à 10.000 francs l’indemnité qui sera attribuée à chacune d’elles ;

 

Sur la demande reconventionnelle :

Les factures émises par La Poste sont dues ; leur montant, non contesté, s’élève à 41.737,21 francs et 22.652,59 francs ; la pénalité et les intérêts contractuels ne sont pas dus en raison de la faute commise ;

Ces montants se compenseront à due concurrence avec ceux des condamnations à charge de La Poste ;

 

Sur l’exécution provisoire :

Eu égard à la nature de l’affaire, cette mesure sera ordonnée ;

 

Sur l’application de l’article 700 du NCPC :

Il est équitable de fixer à 2.000 francs l’indemnité qui sera versée par La Poste à ce titre ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par un seul jugement contradictoire en premier ressort sur la demande principale et les conclusions reconventionnelles :

Condamne LA POSTE à payer à SARL HOME DÉPÔT Enseigne ELYSOLD la somme de 28.000 francs et la SARL HOME DÉPÔT Enseigne ELYSOLD à verser à LA POSTE la somme de 41.732, 21 francs ; dit que ces sommes se compensent à due concurrence, le solde portant intérêts au taux légal à partir du 7 juin 1994, date du dépôt de ses conclusions par La Poste, valant mise en demeure de payer ;

Condamne LA POSTE à payer à SARL CANAL 2 Enseigne ELYSOLD la somme de 19.500 francs et SARL CANAL 2 Enseigne ELYSOLD à verser à LA POSTE la somme de 22.652,59 francs ; dit que ces sommes se compensent à due concurrence, le solde portant intérêts au taux légal à partir du 7 juin 1994 ;

Prononce l’exécution provisoire de la décision ;

Condamne LA POSTE à payer à chacune des sociétés SARL HOME DÉPÔT Enseigne ELYSOLD et SARL CANAL 2 Enseigne ELYSOLD la somme de 2.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne LA POSTE aux dépens ;

Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 271 Francs TTC (dont TVA 42,50 francs) ;

Délibéré par M. MARQUET, M. D’HOINE, Mme PIERRE-BLOCH ;

Prononcé à l’audience publique de la 5éme Chambre du Tribunal de Commerce de Nanterre, le 30 Mai 1995 composée en conformité avec l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La minute du jugement est signée par M. MARQUET, Président du délibéré et Mlle Valérie MOUSSAOUI, Greffier ;

Monsieur Pierre MARQUET, Juge-Rapporteur.