CA VERSAILLES (13e ch.), 19 juin 1997
CERCLAB - DOCUMENT N° 1750
CA VERSAILLES (13e ch.), 19 juin 1997 : RG n° 7048/95 ; arrêt n° 453
Publication : Dalloz Affaires 1997, p. 1387
Extrait « … le contrat par lequel un commerçant confie à La Poste la distribution de dépliants publicitaires dans les boîtes aux lettres a un rapport direct avec l'activité de ce commerçant, de sorte que ce contrat ne relève pas de la législation sur les clauses abusives ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TREIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 19 JUIN 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 7048/95. Arrêt n° 453. Appel d’un jugement du 30 mai 1995 du Tribunal de Commerce de Nanterre.
Le DIX NEUF JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT, la Cour d'appel de Versailles, 13ème Chambre, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, prononcé en audience publique, la cause ayant été débattue le VINGT MAI MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT devant : Monsieur BESSE, Conseiller, chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'amide 786 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Assisté de Madame DUCLOS, Premier Greffier.
Le Magistrat rapporteur en a rendu compte à la Cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : Madame MONTEILS, Président, Monsieur BESSE, Conseiller, Madame BARDY, Conseiller, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, Dans l'affaire
ENTRE :
La Société HOME DEPOT SARL enseigne ELYSOLD
exerçant sous l'enseigne « ELYSOLD », dont le siège social est [adresse], domicilié de droit audit siège
La Société CANAL 2 SARL
exerçant sous l'enseigne « ELYSOLD » dont le siège est [adresse], agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié de droit audit siège
[minute page 2] CONCLUANT par Maître TREYNET, Avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître AMSELLEM, Avocat au barreau de PARIS
ET :
LA POSTE
[adresse] INTIMÉE, CONCLUANT par la SCP GAS, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître LEHMAN, Avocat au Barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Suivant contrat « Postcontact » en date du 18 novembre 1993, la SARL Home Dépôt a demandé à la poste de distribuer 179.737 dépliants publicitaires pour le prix de 352.28,45 Francs, entre le 23 novembre et le 1er déc. 1993.
Suivant contrat « Postcontact » en date du 18 novembre 1993, la SARL Canal 2 a demandé à La Poste de distribuer 97.555 dépliants publicitaires pour le prix de 19.120,78 Francs, entre le 23 novembre et le 1er déc. 1993.
Un certain nombre de dépliants ayant été distribué avec retard, les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ont fait assigner La Poste en demandant la résolution des contrats, et le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi.
La Poste a fait une demande reconventionnelle en paiement des factures, augmentées des indemnités de retard.
Par jugement en date du 30 mai 1995, le Tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné La Poste à payer à la SARL Home Dépôt la somme de 28.000 Francs en réparation de son préjudice, et la SARL Home Dépôt à payer à La Poste la somme de [minute page 4] 41.732,21 Francs, et dit que le solde portera intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1994,
- condamné La Poste à payer à la SARL Canal 2 la somme de 19.500 Francs en réparation de son préjudice, et la SARL Canal à payer à La Poste la somme de 22.652,59 Francs, et dit que le solde portera intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1994,
- condamné La Poste à payer à chacune des Sociétés Home Dépôt et Canal 2, la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l'art. 700 NCPC.
Les Sociétés HOME DEPOT et CANAL2 ont interjeté appel de ce jugement et demandent à la Cour de condamner la POSTE à payer :
- à la SARL HOME DEPOT la somme de 236.261 francs au titre de son préjudice commercial et la somme de 59.145,08 francs au titre des frais publicitaires,
- à la SARL CANAL2 la somme de 193.021 francs au titre de son préjudice commercial et la somme de 32.165 francs au titre des frais publicitaires,
- à chacune d'elles, la somme de 100.000 francs au titre du préjudice lié à l'atteinte à l'image de marque de son enseigne, et la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 5] Au soutien de leurs appels, les Sociétés HOME DEPOT et CANAL2 font notamment valoir :
- que par télécopie du 3 décembre 1993, elles se sont plaintes auprès de la POSTE du retard dans la distribution des imprimés,
- que par lettre recommandée avec avis de réception signé le 27 décembre 1993, elles ont constaté la résiliation des contrats,
- que la POSTE a reconnu dans ses conclusions de première instance qu'elle n'a distribué que 75 % des documents, tandis qu'il ressort du tableau comparatif versé aux débats que sur le contrat de la SARL CANAL2, la distribution a été défectueuse à plus de 50 % (52005 exemplaires sur 97550)
- que la non exécution par la POSTE d'obligations essentielles justifie la résiliation des contrats et l'attribution de dommages-intérêts,
- qu'une campagne publicitaire analogue au mois d'octobre 1993 a entraîné une majoration de 20 % par rapport au chiffre d'affaires du mois de septembre 1993,
- que le non respect des dates de distribution a au contraire entraîné en décembre 1993 une perte de chiffre d'affaires de 675.032 francs et de 551.489 francs par rapport au mois de décembre 1992,
- [minute page 6] que la fabrication des dépliants a entraîné, en pure perte, des frais de 59.145,08 francs et de 32.165,54 francs,
- que la distribution anarchique a eu une très mauvaise répercussion sur l'image de marque de l'enseigne sur la clientèle,
- que le jugement comporte une contradiction en ce qu'il reconnaît que le contrat a été mal exécuté, et en ce qu'il les condamne cependant à payer la totalité des factures,
- que les clauses du contrat concernant les modalités et les délais de protestation, ainsi que la limitation de responsabilité sont des clauses abusives qui doivent être réputées non écrites,
La POSTE, formant appel incident demande à la Cour de déclarer irrecevables les réclamations des Sociétés HOME DEPOT et CANAL2, subsidiairement de constater que la POSTE n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, plus subsidiairement de limiter l'indemnisation demandée au montant de la partie de la facture relative aux plis considérés comme distribués tardivement, en application de l'article 9 du contrat, et en toute hypothèse de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes reconventionnelles, et de condamner solidairement les Sociétés HOME DEPOT et CANAL2 à lui payer la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] DISCUSSION :
Considérant que la Poste fonde notamment ses moyens de défense sur les articles 8 et 9 des contrats « Post-contact » signés par les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ;
Considérant que les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ne soutiennent pas que ces clauses ne seraient pas entrées dans le champ contractuel ; que la cour observe à ce propos que les conditions générales font partie intégrante du document signé par les parties, et sont rédigées en caractères particulièrement clairs et lisibles ; que ces conditions générales font donc la loi des parties ;
Considérant que les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 soutiennent que les clauses 8 et 9 sont abusives et doivent être réputées non écrites ;
Mais considérant que l'art. L. 132-1 c. consomm., qui donne pouvoir à la juridiction de déclarer non écrites les clauses abusives n'a vocation à s'appliquer que pour les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ;
Considérant qu'en l'espèce le contrat par lequel un commerçant confie à La Poste la distribution de dépliants publicitaires dans les boîtes aux lettres a un rapport direct avec [minute page 8] l'activité de ce commerçant, de sorte que ce contrat ne relève pas de la législation sur les clauses abusives ;
Considérant qu'il échet dès lors de faire application des art. 8 et 9 du contrat ;
Considérant que la Poste soutient que les réclamations des Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ne sont pas recevables car elles auraient dû être faites, d'après l'art. 8, par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de 48 heures après la date prévue de fin de distribution, et qu'elles n'ont été faites que par télécopie en date du 3 déc. 1993 dont il n'est pas démontré qu'elle ait été reçue ;
Mais considérant que le non-respect des formes prévues par l'art. 8 ne sont pas sanctionnées par une irrecevabilité, mais par la présomption que les réclamations ne sont pas fondées ; que, comme l'ont fait remarquer les premiers juge, il ne s'agit pas, à défaut de mention expresse, d'une présomption irréfragable ; qu'il en résulte que les réclamations des sociétés sont recevables, à charge par elles de démontrer leur bien fondé ;
Considérant que la Poste invoque également l'art. 9 qui limite l'indemnisation « à une réduction de la facturation au prorata des défectuosités dûment constatées, et qui stipule que toute indemnité autre que celle figurant à l'art. 9 est exclue » ;
[minute page 9] Considérant que cet article doit recevoir application puisqu'il régit le cas d'espèce d'une distribution défectueuse ; que les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ne peuvent donc prétendre qu'à une réduction de la facturation, et ne peuvent réclamer la résolution des contrats, ni la réparation de leur éventuel préjudice au titre de la perte de marge sur le chiffre d'affaires, des frais d'impression des dépliants distribués ou de l'atteinte à leur image de marque ;
Considérant que la Poste soutient que la distribution sur les communes de Bois d'Arcy Fontenay le Fleury, Montigny le Bretonneux, Saint-Cyr l'Ecole et Vélizy, a été retardée à la demande de la SARL Home Dépôt, car elle concernait le territoire d'achalandage du magasin de Bois d'Arcy qui venait de se créer, et qui n'a ouvert ses portes que dans les premiers jours du mois de décembre 1993 ;
Considérant qu'il ressort effectivement de la télécopie adressée le 14 décembre à la Poste qu'il avait été demandé à cette dernière de commencer la distribution le 8 déc. 1993 ; que toutefois cette date n'a pas été respectée, puisque la distribution a eu lieu entre le 20 et le 24 décembre ;
Considérant que la Poste fait également valoir que les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ne démontrent pas qu'elles ont subi un préjudice, car en définitive les dépliants ont tous été distribués à une date proche de celle qui avait été demandée, et qu'en tout cas les chiffres communiqués ne révèlent [minute page 10] aucune minoration du chiffre d'affaires obtenu par rapport à celui qui était normalement prévisible ;
Mais considérant que l'art. 9 ne soumet pas l'indemnisation prévue à la démonstration d'un préjudice, mais seulement à l'existence de défectuosités dans la distribution ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des attestations des agents de La Poste, qu'un certain nombre de dépliants publicitaires n'ont pas été distribués dans les délais prévus ;
Considérant qu'en ce qui concerne la SARL Canal 2 :
- 18790 dépliants n'ont été distribués sur la commune de Villejuif que du 1er au 3 décembre, et 33.215 dépliants n'ont été distribués sur l'arrondissement de Paris 17e que du 2 au 6 décembre,
- qu'ainsi la distribution a été défectueuse dans une proportion de 52.005 sur 97.555,
- que la facture de 19.120,78 Francs doit être réduite dans la même proportion, soit à la somme de 8.927,80 Francs.
Considérant qu'en ce qui concerne la SARL Home Dépôt :
- [minute page 11] les retards de distribution portent sur les communes de Bois d'Arcy (4175), de Fontenay le Fleury (5315), de Montigny le Bretonneux (3225), de Saint Cyr l'Ecole (5695) et de Vélizy (4745),
- qu'ainsi la distribution a été défectueuse dans une proportion de 23.155 sur 179.737,
- que la facture de 35.228,45 Francs doit être réduite dans la même proportion, soit à la somme de 30.690,07 Francs ;
Considérant que la réduction des factures constitue la seule indemnisation à laquelle les Sociétés Home Dépôt et Canal 2 ont droit, par application de l'art. 9 du contrat ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties la totalités des frais irrépétibles exposés en appel ;
Considérant que chacune des parties succombe partiellement ; que les dépens seront supportés par moitié par la Poste, et pour l'autre moitié, in solidum, par la SARL Canal 2 et par la SARL Home Dépôt ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 12] PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 30 mai 1995 par le Tribunal de commerce de Nanterre,
Statuant à nouveau, condamne la SARL CANAL2 à payer à la POSTE la somme de 8.927,80 francs, et la SARL HOME DEPOT à payer à la POSTE la somme de 30.690,07 francs,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par la POSTE, et pour l'autre moitié, in solidum, par la SARL CANAL2 et par la SARL HOME DEPOT et accorde aux Avoués de la cause, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procure Civile,
Et ont signé le présent arrêt : Madame MONTEILS, Président Madame DUCLOS, Premier Greffier.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5934 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Transport et courrier
- 6139 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Délai pour agir - Délai de réclamation