CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 9 février 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2376
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 9 février 2007 : RG n° 05/02721 ; arrêt n° 2007/54
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant au moment du contrat à toutes les circonstances entourant la conclusion de l'acte critiqué de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; Attendu que la promesse d'achat en date du 24 avril 2001 liant les époux X., candidats à l'acquisition du lot n° 5 du lotissement les Prés Verts, ne comporte aucune clause prévoyant leur indemnisation en cas de retard dans la passation de la vente prévue initialement au plus tard le 30 novembre 2001, mais leur offre la faculté de renoncer à l'acquisition projetée en recouvrant leur acompte de 40.000 F. versé lors de la réservation, sans dommages intérêts de part ni d'autre ; Attendu que l'absence de clause indemnitaire du retard susceptible de survenir dans la réalisation de la vente ne saurait être regardée comme une clause abusive au sens des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation, alors que l'option donnée aux acquéreurs d'y renoncer, dès le dépassement du délai de passation de l'acte authentique de vente prévu, avec restitution de l'acompte versé, remettait les parties en leur situation d'origine, sans qu'un déséquilibre significatif ne se crée au détriment des acquéreurs, qui savaient que l'arrêté de lotir autorisant l'opération n'était pas encore délivré, entre les droits et les obligations des parties à la promesse d'achat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/02721. Arrêt n° 2007/54. ARRÊT : AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 janvier 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 04/4277.
APPELANTS :
Monsieur X.
[adresse],
Madame Y. épouse X.
[adresse], représentés par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour, [minute Jurica page 2] assistée de Maître Jean Claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
SARL LES PRÉS VERTS,
[adresse], représentée par Maître Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, assisté de Maître Guy KAROUBY, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 décembre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Christian CADIOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Christian CADIOT, Président, Madame Laure BOURREL, Conseiller, Madame Catherine DURAND, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER : Lors des débats : Madame Michèle GOUREL DE SAINT PERN
ARRÊT : Contradictoire. Prononcé en audience publique le 9 février 2007 par Madame Catherine DURAND, Conseiller. Signé par Monsieur Christian CADIOT, Président et Madame Michèle GOUREL DE SAINT PERN, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les époux X. ont signé le 24 avril 2001 avec la société SOFUP CONSEIL une convention portant offre d'achat du lot n°5 d'une superficie de 1.800 m² environ situé dans le lotissement « Résidence les Près Verts » situé à [ville G.] comportant 5 lots, devant faire l'objet d'un arrêté de lotir, le prix de vente était fixé à 800.000 Francs, soit 121.959,21 euros, et les acquéreurs versant un acompte de 40.000 Francs.
Cette promesse prévoyait que l'autorisation de lotir devrait être obtenue au plus tard le 31 juillet [minute Jurica page 3] 2001, les travaux de viabilité réalisés par le vendeur au plus tard le 30 septembre 2001, l'autorisation de vente par anticipation obtenue au plus tard le 30 septembre 2001 et la vente devait intervenir au plus tard le 30 novembre 2001.
Au-delà de cette date les acquéreurs pouvaient reprendre leur entière liberté, le dépôt de réservation de 40.000 Francs leur étant alors intégralement remboursé.
L'arrêté de lotir a été délivré le 19 mars 2002 et transféré le 10 février 2003 à la société LES PRÉS VERTS, puis modifié les 18 février 2003 et 30 décembre 2003, les travaux de viabilité étant achevés le 24 avril 2003 et l'acte authentique de vente signé le 25 avril 2004.
Se plaignant du retard ainsi apporté à la livraison du terrain, les époux X. ont assigné le 21 avril 2004 la société LES PRÉS VERTS par-devant le Tribunal de Commerce d'AIX-en-PROVENCE en paiement d'une somme de 60.000 euros à titre de dommages intérêts.
Par jugement en date du 17 janvier 2005 cette juridiction a rejeté comme injustifiées les demandes présentées par les époux X. et les a condamnés à verser à la société LES PRÉS VERTS la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par acte en date du 8 février 2005 les époux X. ont interjeté appel de cette décision.
Par uniques conclusions déposées et notifiées le 1er juin 2005, tenues ici pour intégralement reprises, ils demandent à la Cour d' :
Infirmer le jugement entrepris,
Vu les articles 1134, 1147, 1589, 1611, 1792 du Code civil,
Vu les articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances,
Dire que la clause relative à la date limite de vente en ce qu'elle exonère la société LES PRÉS VERTS de tous dommages intérêts est réputée non écrite en vertu des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation,
Condamner la société LES PRÉS VERTS à leur payer la somme de 60.000 euros de dommages intérêts toutes causes confondues, ave intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en raison du retard de livraison du terrain vendu le 25 mars 2003 (sic),
Dire que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de la décision à intervenir,
Constater que l'assurance de garantie décennale ou dommage ouvrage a été souscrite le 6 mai 2004 après leur assignation,
Condamner la société LES PRÉS VERTS au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Ils font valoir que le vendeur qui a fait signer aux candidats acquéreurs des promesses de vente avant la délivrance de l'autorisation de lotir en méconnaissance des dispositions de l'article L. 315-1 du Code de l'urbanisme, a accumulé les causes de retard de livraison, notamment en raison du fait qu'il n'était pas propriétaire de la totalité des terrains d'assiette inclus dans le périmètre de l'opération ce qui a imposé de solliciter un arrêté modificatif pris le 30 décembre 2003, pour réduire la superficie [minute Jurica page 4] du lot n° 1.
Ils précisent n'avoir nullement renoncé à solliciter l'indemnisation à laquelle ils ont droit et soutiennent que la signature de l'acte authentique de vente ne les prive pas du droit à demander réparation de leur préjudice.
Ils indiquent être fondés à se retourner contre la société LES PRÉS VERTS, cessionnaire de la promesse de vente, et que ne peut leur être opposée la clause abusive exclusive de la responsabilité de cette société en cas de manquement à son obligation de livraison à la date convenue.
Ils estiment avoir subi un préjudice résultant de la perte de la jouissance de leur habitation qu'ils ont dû vendre en septembre 2001 pour financer leur achat de terrain et une charge de loyers inutiles.
Par ailleurs ils exposent avoir subi un préjudice moral compte tenu des nombreuses démarches qu'ils ont dû effectuer pendant deux ans et de l'ignorance dans laquelle les a entretenus le vendeur de mauvaise foi.
Par conclusions déposées et notifiées le 24 juin 2005, tenues ici comme intégralement reprises, la SARL LES PRÉS VERTS demande à la Cour de,
Vu les articles 1134 et 1315 du Code civil,
Confirmer le jugement entrepris,
Constater qu'aucun préjudice et aucune créance ne sont établis, ni prouvés, ni même sérieux dans cette affaire,
Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des appelants,
Condamner les appelants à lui verser 5.000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Les condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que les appelants tentent en réalité d'obtenir un rabais sur le prix de leur terrain et que ceux-ci le jour de la vente, assistés de leur notaire et de leur conseil, ont signé sans réticence ni observation l'acte authentique de vente, persistant dans cette volonté malgré l'information donnée par le notaire rédacteur sur l'absence d'assurance décennale et dommage d'ouvrage du vendeur, pour acquérir au même prix que celui fixé dans la promesse de vente de 2001.
Elle précise que, ce faisant, ils ont renoncé à exercer tout recours à l'encontre de leur vendeur pour le retard de livraison et qu'en tout état de cause ils ne peuvent raisonnablement se prévaloir d'un quelconque préjudice.
L'affaire a été clôturée en cet état le 15 novembre 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'existence de clause abusive :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de consommation Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
[minute Jurica page 5] Que selon les dispositions, de l'article R. 132-1 du même Code Dans les contrats de vente conclus entre des professionnels, d'une part, et des non-professionnels ou des consommateurs, d'autre part, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;
Attendu que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant au moment du contrat à toutes les circonstances entourant la conclusion de l'acte critiqué de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;
Attendu que la promesse d'achat en date du 24 avril 2001 liant les époux X., candidats à l'acquisition du lot n° 5 du lotissement les Prés Verts, ne comporte aucune clause prévoyant leur indemnisation en cas de retard dans la passation de la vente prévue initialement au plus tard le 30 novembre 2001, mais leur offre la faculté de renoncer à l'acquisition projetée en recouvrant leur acompte de 40.000 F. versé lors de la réservation, sans dommages intérêts de part ni d'autre ;
Attendu que l'absence de clause indemnitaire du retard susceptible de survenir dans la réalisation de la vente ne saurait être regardée comme une clause abusive au sens des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation, alors que l'option donnée aux acquéreurs d'y renoncer, dès le dépassement du délai de passation de l'acte authentique de vente prévu, avec restitution de l'acompte versé, remettait les parties en leur situation d'origine, sans qu'un déséquilibre significatif ne se crée au détriment des acquéreurs, qui savaient que l'arrêté de lotir autorisant l'opération n'était pas encore délivré, entre les droits et les obligations des parties à la promesse d'achat ;
Sur la demande de réparation du préjudice résultant du retard de livraison :
Attendu qu'en vertu de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;
Attendu que la promesse d'achat ne contenait aucune clause attribuant aux époux X. d'indemnité à raison du retard de livraison du lot acquis ;
Attendu que les acquéreurs n'ont pas cru devoir user de la faculté de rétractation qui leur était possible de mettre en œuvre et ce, en toute connaissance de cause, ayant au contraire manifesté leur intention de poursuivre cette acquisition au prix convenu, notamment par courriers en date des 19 juillet et 2 août 2002 ;
Attendu qu'ils ont ainsi accepté de reporter la date prévue pour la signature de l'acte authentique de vente, choix qui n'apparaît pas étranger au contexte de flambée des prix de l'immobilier ;
Attendu qu'ils ont signé l'acte authentique de vente en date du 25 mars 2004 portant sur l'acquisition du lot n° 5 du lotissement « les Prés Verts » pour le prix fixé à la promesse d'achat du 24 avril 2001, vente leur permettant de commencer l'édification de la construction de 222 m² de SHON autorisée par permis de construire en date du 22 septembre 2003, ayant clairement affirmé leur intention de persister dans leur volonté d'acquérir le lot en cause devant le notaire rédacteur, après avoir reçu toute information et tous renseignements utiles sur l'obligation pesant sur le lotisseur de souscrire une assurance décennale et une assurance dommage d'ouvrage, inexistantes lors de la vente ;
Attendu qu'en tout état de cause ils ne démontrent pas avoir au final supporté un quelconque préjudice du fait du retard survenu dans la signature de l'acte de vente ;
Attendu qu'il s'ensuit que c'est à bon droit qu'ils ont été déboutés de leurs demandes, fins et conclusions par les premiers juges ;
[minute Jurica page 6]
Sur les dommages intérêts pour procédure abusive :
Attendu que le caractère abusif de la procédure intentée par les époux X. à l'encontre de la SARL LES PRÉS VERTS n'est pas établi ;
Que l'intimée sera, en conséquence, déboutée de sa demande de dommages intérêts présentée de ce chef ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu qu'il serait inéquitable que la société intimée supporte la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
Que les époux X. seront par suite condamnés à lui verser une indemnité de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Attendu que, parties perdantes, ils seront condamnés aux entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en matière commerciale,
CONFIRME le jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-en-PROVENCE en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les époux X. de leurs demandes, fins et conclusions,
Déboute la SARL LES PRÉS VERTS de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,
Condamne les époux X. à verser à la SARL LES PRÉS VERTS une indemnité de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Les condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de Maître JAUFFRES avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE PRÉSIDENT. LE GREFFIER.