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TJ NÎMES (1re ch. civ.), 18 février 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (1re ch. civ.), 18 février 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 23/03980
Date : 18/02/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/04/2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23778

TJ NÎMES (1re ch. civ.), 18 février 2025 : RG n° 23/03980 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L’article 1171 du code civil dispose que « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. ».

Aux termes de l’article 2 du même code « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 a modifié l’article 9 de l’Ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 comme suit : « Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public ». Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéa de l'article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l'entrée en vigueur de la présente ordonnance. Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. ». L’article 16 de la Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 dispose que « La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018. Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur. »

Il ressort de ces dispositions que ni l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ni sa loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018, n’ont prévu de dérogation au principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, ni disposé l’effet immédiat de la loi nouvelle aux contrats en cours. Elles n’ont pas davantage dérogé expressément au principe de l’effet immédiat en prévoyant la rétroactivité de l’article 1171 du code civil. Plus spécifiquement s’agissant de cette dernière disposition, la loi de ratification précise qu’elle ne sera applicable, dans sa rédaction résultant de la présente loi, qu’aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur. En l’absence de manifestation nette du législateur de dérogation à la règle constitutionnellement protégée de non-rétroactivité, celle-ci doit s’appliquer, conformément à l’article 2 du code civil, qui ne distingue pas selon la nature de l’acte juridique, contrat instantané ou à exécutions successives et répétées.

Il ne sera donc pas fait application au présent contentieux de l’article 1171 du code civil, invoqué par le défendeur, la conclusion du contrat de prêt étant antérieure à son entrée en vigueur.

Au surplus, il apparaît que le contrat présenté a été régularisé devant un notaire dont le devoir était de vérifier le consentement éclairé des parties sur la portée de leurs engagements. L’acte authentique critiqué du 15 octobre 2009 stipule en en-tête que les conventions ont été « arrêtées directement » entre les parties. Par ailleurs, le défendeur argue que M. X. a consenti un prêt aux mêmes conditions à la SCI vieilles pierres du chat, dont la gérante est Mme [N], sa compagne, ainsi qu’à cette dernière directement, sans produire les actes concernés. Il n'est ainsi nullement démontré que le contrat critiqué soit un contrat d’adhésion. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 23/03980 - N° Portalis DBX2-W-B7H-KDGJ.

JUGEMENT : Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

 

M. X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 6], demeurant [Adresse 1], représenté par la SELAS FIDAL, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant

à :

M. Y.

né le [Date naissance 3] à [Localité 4], demeurant [Adresse 7], représenté par Maître Marie-laure LARGIER, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

 

Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 17 décembre 2024 devant Antoine GIUNTINI, Vice-président, statuant comme juge unique, assisté de Aurélie VIALLE, greffière, et qu'il en a été délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 15 octobre 2009 monsieur X. a prêté à Monsieur Y. la somme principale de 238 000 € (deux cent trente-huit mille euros) selon acte dressé par maître Z. notaire à [Localité 8] (30).

Ce prêt était remboursable sous la forme d'une rente viagère annuelle de 11.500 euros, payable par mensualités égales le premier de chaque mois à compter du 1er novembre 2009. Le montant des échéances de remboursement a par la suite augmenté avec les indexations appliquées.

Ce contrat prévoit en outre « Qu’à défaut de paiement de deux termes de la rente à son échéance et 60 jours après une simple mise en demeure contenant déclaration par le crédirentier de son intention de se prévaloir du bénéfice de cette clause restée sans effet le crédirentier aurait le droit si bon lui semble de faire prononcer la résolution du présent prêt nonobstant l'offre postérieure de régulariser les arrérages ». Il stipule alors que dans cette hypothèse, « tous les termes d'arrérages touchés par le crédirentier lui demeureraient acquis de plein droit à titre d'indemnité sans que puissent être exercé aucun recours ni répétition quelconque contre lui de ce chef ».

Le 26 avril 2023, M. X. a fait délivrer un commandement de payer à M. Y. par commissaire de justice.

Par acte de Commissaire de justice du 8 août 2023, M. X. a assigné M. Y. devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes afin de prononcer la résolution judiciaire du prêt et voir condamner le défendeur à lui rembourser le capital emprunté, en lui laissant les sommes déjà remboursées à titre d’indemnité de résolution contractuelle, outre la capitalisation des intérêts sur les échéances impayées et une indemnité de recouvrement.

* * *

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 2 décembre 2012, M. X. demande au Tribunal, sur le fondement des articles 2, 1134 du code civil (version antérieure au 1er octobre 2016), 1171, 1231-5, 1964 du même code, l’article 16 de la Loi N°2018- 287 du 20 avril 2018, de :

JUGER l’article 1771 inapplicable au cas d’espèce.

JUGER que le contrat liant les parties n’est pas un contrat d’adhésion.

JUGER que Monsieur Y. ne démontre pas l’existence d’un déséquilibre significatif.

DEBOUTER Monsieur Y. de sa demande tendant à voir juger la clause résolutoire manifestement abusive.

JUGER qu’en procédant à l’encaissement des chèques de M. Y. postérieurement à l’assignation Monsieur X. n’a pas renoncé à l’action résolutoire.

PRONONCER la résolution du prêt consenti à Monsieur Y. le 15 octobre 2009 ;

CONDAMNER Monsieur Y. à lui payer la somme de :

- 238 000 DEUX CENT TRENTE HUIT MILLE EUROS) portant intérêts au taux légal compter de l’assignation.

- 632.40 € au titre des intérêts mensuels de 2 % capitalisés mensuellement jusqu’au paiement, sur les échéances impayées de novembre 2022 à juin 2022.

DEBOUTER Monsieur Y. de sa demande tendant à voir juger que la clause prévoyant le versement d’une indemnité de recouvrement de 10% des sommes à recouvrer est une clause pénale.

CONDAMNER Monsieur Y. à lui payer la somme de :

- 23.800 € au titre d’indemnité de recouvrement

DEBOUTER M. Y. de sa demande tendant à voir juger que la clause prévoyant que les échéances payées par lui demeurent acquises à Monsieur X. à titre d’indemnité de résolution contractuelle est une clause pénale.

JUGER que les échéances payées par Monsieur Y. au jour de la résolution demeurent acquises à Monsieur X. à titre d’indemnité de résolution contractuelle.

A titre subsidiaire,

JUGER que l’indemnité due en vertu de cette clause ne saurait être inférieure à la somme de 20.000 €.

JUGER l’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire.

CONDAMNER Monsieur Y. à supporter les entiers dépens, en ce compris les frais de commandement du 6 avril 2023 qui se sont élevés à 157,95 € + 17,20 € au titre de l’article A 444-31 du code de commerce.

CONDAMNER Monsieur Y. à lui payer la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 28 novembre 2024, M. Y. demande au tribunal, sur le fondement des articles 1171 et 1231-5 du code civil, de :

Dire et juger que la clause de résiliation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Dire et juger cette clause non écrite au visa des dispositions de 1 article 1171 du code civil.

Dire et juger ces dispositions applicables la convention s’analysant en un contrat à exécution.

Débouter en conséquence Monsieur X. de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Dire et juger que Monsieur X. a renoncé à de prévaloir de la résolution de la clause résolutoire tenant la reprise des paiements acceptés par le crédirentier.

Le débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Dire et juger la demande de résolution manifestement abusive alors que Monsieur Y. a repris les règlements et régularisé les deux mensualités restant dues au titre du décalage des règlements.

A titre subsidiaire et si par impossible il était fait droit à la demande de remboursement,

Dire est juger que la demande de remboursement ne peut porter que sur le solde restant dû.

Dire et juger que la clause prévoyant que les échéances impayées resteront acquises à Monsieur X. en cas de résolution est une clause pénale.

La réduire au regard des dispositions de I’article 1231- 5 du code civil.

En l’absence de tout préjudices débouter Monsieur X. de toutes les demandes formulées sur le fondement de cette clause.

Dire et juger que l’indemnité de résiliation s'analyse également en une clause pénale et qu'elle devra pour les mêmes raisons être réduite.

Débouter sur ce point également Monsieur X. de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

SI PAR IMPOSSIBLE IL ETAIT FAIT DROIT AUX DEMANDES DE MONSIEUR X. :

Allouer à monsieur Y. les plus larges délais de paiement.

Dire et juger que reste à ce jour due la somme de 50.770 euros.

Débouter Monsieur X. de sa demande formulée au titre des dispositions de l’article 700.

Condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.

* * *

Pour un exposé complet des faits, prétentions et moyens des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures.

* * *

Une première clôture est intervenue le 1er octobre 2014 par ordonnance du juge de la mise en l’état en date du 6 juin 2024. L’affaire a alors été fixée à l’audience de juge unique du 15 octobre 2024 pour être plaidée.

A cette audience, un renvoi a été accordé par le juge avec révocation de l’ordonnance de clôture, réouverture des débats et nouvelle clôture de l’instruction au 3 décembre 2024. L’affaire a alors été fixée à l’audience de juge unique du 17 décembre 2024 pour être plaidée.

La décision a été mise en délibéré au 18 février 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il est rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater », « déclarer », « juger » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, mais des moyens invoqués par les parties. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

 

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :

Sur l’application de l’article 1171 du code civil :

L’article 1171 du code civil dispose que « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. ».

Aux termes de l’article 2 du même code « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

La loi no 2018-287 du 20 avril 2018 a modifié l’article 9 de l’Ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 comme suit : « Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public ».

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéa de l'article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. ».

L’article 16 de la Loi no 2018-287 du 20 avril 2018 dispose que « La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.

Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur. »

Il ressort de ces dispositions que ni l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, ni sa loi de ratification no 2018-287 du 20 avril 2018, n’ont prévu de dérogation au principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, ni disposé l’effet immédiat de la loi nouvelle aux contrats en cours. Elles n’ont pas davantage dérogé expressément au principe de l’effet immédiat en prévoyant la rétroactivité de l’article 1171 du code civil.

Plus spécifiquement s’agissant de cette dernière disposition, la loi de ratification précise qu’elle ne sera applicable, dans sa rédaction résultant de la présente loi, qu’aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur.

En l’absence de manifestation nette du législateur de dérogation à la règle constitutionnellement protégée de non-rétroactivité, celle-ci doit s’appliquer, conformément à l’article 2 du code civil, qui ne distingue pas selon la nature de l’acte juridique, contrat instantané ou à exécutions successives et répétées.

Il ne sera donc pas fait application au présent contentieux de l’article 1171 du code civil, invoqué par le défendeur, la conclusion du contrat de prêt étant antérieure à son entrée en vigueur.

Au surplus, il apparaît que le contrat présenté a été régularisé devant un notaire dont le devoir était de vérifier le consentement éclairé des parties sur la portée de leurs engagements. L’acte authentique critiqué du 15 octobre 2009 stipule en en-tête que les conventions ont été « arrêtées directement » entre les parties.

Par ailleurs, le défendeur argue que M. X. a consenti un prêt aux mêmes conditions à la SCI vieilles pierres du chat, dont la gérante est Mme [N], sa compagne, ainsi qu’à cette dernière directement, sans produire les actes concernés.

Il n'est ainsi nullement démontré que le contrat critiqué soit un contrat d’adhésion.

 

Sur l’acquisition de la clause résolutoire :

L’acte authentique de prêt du 15 octobre 2009 stipule en page 2 qu’« A défaut de paiement de deux termes de cette rente à son échéance et 60 jours après une simple mise en demeure contenant déclaration par le créditrentier de se prévaloir du bénéfice de cette clause et restée sans effet, celui-ci aura le droit si bon lui semble, de faire prononcer la résolution du présent prêt, nonobstant l’offre postérieure des arrérages. Dabs ce cas, tous les termes d’arrérages touchés par le créditrentier lui demeureront acquis de plein de droit, à titre d’indemnité sans qu’il puisse être exercé aucun recours ni répétition quelconque de ce chef. »

Par exploit d’huissier du 6 avril 2023, M. X. a adressé à M. Y. un commandement de payer dans les deux mois des échéances dues de novembre 2022 à mars 2023.

Si les parties conviennent que le débirentier a repris, avec l’assignation, le règlement régulier de la rente, et qu’il est désormais à jour des échéances, il n’est pas démontré par M. Y. qu’il s’est délivré de son obligation de paiement dans les temps impartis par le commandement de payer. Il apparaît d’ailleurs que le pièce 23 du défendeur comportant un courrier recommandé non réclamé par M. X. contient des chèques au nom de Mme [N] et de la SCI les vieilles pierres du chat, aux montants distincts des échéances dues par M. Y..

Il ne ressort en outre nullement de l’encaissement des échéances par le crédirentier après le commandement de payer ou même la présente assignation, de volonté ferme, certaine et univoque de renoncer au bénéfice de la clause résolutoire.

La tolérance de décalage de paiement de deux mois invoqués par le défendeur, concerne en réalité Mme [N], le courrier excipé en pièce 25 étant adressé à cette dernière et visant des mensualités différentes de celles dues par M. Y..

Il s’en suit que la clause résolutoire est acquise.

Sur les indemnités sollicitées

Aux termes de l’article 1152 du code civil dans sa version applicable au litige, « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. ».

L’article 1226 du même code dans sa version applicable à l’espèce précise que « La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. ».

L’article 1229 alors en vigueur du même code dispose que « La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale.

Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard. ».

Selon l’article 1231 alors applicable du code civil « Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. ».

En l’espèce, le requérant sollicite tout d’abord 632,40 euros au titre des intérêts mensuels de 2% capitalisés mensuellement jusqu’au paiement, sur les échéances impayées de novembre à juin 2023.

Ni le principe de cette indemnité, stipulée dans le paragraphe « remboursement – intérêt » du contrat, ni son montant ne sont discutés par la partie adverse. Il sera donc fait droit à ce chef de demande de M. X..

M. Y. sollicite par ailleurs la requalification de deux stipulations du contrat de prêt en clauses pénales et leur réduction. Il vise à cet effet l’acquisition des arrérages touchés par le crédirentier à titre d’indemnité et l’indemnité forfaitaire de recouvrement.

Sur l’acquisition des arrérages touchés par le crédirentier à titre d’indemnité

Le contrat offre la possibilité au crédit rentier de demander la résolution du contrat après défaut de paiement de deux termes de la rente. « Dans ces cas, tous les termes d’arrérages touchés par le crédirentier lui demeureront acquis de plein droit, à titre d’indemnité sans qu’il puisse être exercé aucun recours ni répétition quelconque contre lui de ce chef. ».

Cette stipulation ne comporte pas de contrepartie pour le débirentier. Elle vient sanctionner l’inexécution caractérisée de son obligation principale, à savoir le défaut de paiement de la rente. Son montant non plafonné et sans considération pour les sommes déjà remboursées, a pour finalité manifeste de contraindre le débiteur à l’exécution de son obligation. Elle évalue forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution contractuelle.

Cette stipulation présente donc un caractère comminatoire ayant pour objet de contraindre l'exécution du contrat à son terme de nature à justifier sa requalification en clause pénale.

La fixation d’une pénalité équivalente à la somme empruntée en cas de non-paiement par le débiteur de deux termes de ses échéances, sans considération des sommes déjà versées, et donc de l’exécution partielle du contrat, ressort manifestement excessive. Il convient ainsi de faire droit à la demande de M. Y. et de modérer cette clause.

Il n’est pas contesté que le débirentier est désormais à jour de ses arrérages et que la somme restant due est de 50.770 euros. Cette somme ne tient cependant pas compte des intérêts, de la rémunération nécessaire de l’agent ayant accordé le prêt, avec les risques encourus et la non disponibilité de son capital. Tenant compte notamment d’un prêt finalement sur 15 ans et des taux applicables en 2009, il y a lieu de majorer cette somme de 70.000 euros.

Il y a donc lieu de ramener de 238.000 euros à 120.770 euros le montant stipulé dans cette clause pénale, montant que M. Y. sera condamné à payer à M. X..

sur l’indemnité forfaitaire de recouvrement

Le contrat de prêt stipule dans le 4° de ses « conditions générales » que « Dans tous les cas où, pour arriver au recouvrement des intérêts, du principal de sa créance ou de ses accessoires, le CREDIRENTER se trouverait obligé d’exercer des poursuites, même par simple commandement, ou de produire à un ordre, il aurait droit à une indemnité forfaitaire de 10% des sommes du montant des sommes à recouvrer.

Contrairement à ce que soutient M. X., cette indemnité qui constitue à la fois un moyen de contraindre l'emprunteur à l'exécution de ses obligations et une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l'obligation d'engager une procédure, constitue là encore une clause pénale au sens des articles susvisés.

Néanmoins, l’évaluation de l’indemnité tient ici compte de l’exécution partielle du contrat en proposant un mode de calcul proportionnel aux sommes restant à recouvrer. La fixation d’une pénalité de 10%, équivalent ici à la somme de 12.077 euros, pour conséquente qu’elle puisse être estimée, ne ressort pas pour autant manifestement excessive, d’autant qu’elle concerne un prêt entre particuliers.

M. Y. sera ainsi condamné à payer à M. X. la somme de 12.077 euros à ce titre.

Sur les délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.

Cependant, M. Y. qui sollicite des délais de paiement, ne fournit aucun élément de nature à apprécier que sa situation nécessite l’octroi de délais de paiement. Ceux-ci sont de surcroît de nature à mettre en difficulté le requérant, qui ne disposerait dès lors ni de son capital, ni de la rente viagère. Il sera donc débouté de cette demande.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRESEn application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

En outre, il est constant que la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent de la loi ou du contrat et non de l'appréciation du juge porte intérêt dès la sommation de payer.

Il sera donc fait droit à la demande de M. X. de faire courir les intérêts au taux légale de la condamnation de M. Y. au paiement de l’indemnité en cas de résolution du contrat à compter de l’assignation, soit le 8 août 2023.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. Y. qui succombe à l’instance en supportera les dépens, en ce compris les frais d’émoluments des officiers publics ou ministériels, dont ceux du commandement du 6 avril 2023 d’un montant total de 175,15 euros.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations

L’équité commande en l’espèce de condamner M. Y. à payer à M. X. au titre des frais irrépétibles la somme de 3.000 €. En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L’article 514-1 du même code dispose que “le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée”.

En l'espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire attachée à la présente décision qui est compatible avec la nature de l'affaire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement contradictoire,

PRONONCE la résolution du prêt consenti par M. X. à M. Y. le 15 octobre 2009 ;

CONDAMNE M. Y. à payer à M. X. la somme de 632,40 euros au titre des intérêts mensuels sur les échéances impayées ;

REQUALIFIE en clause pénale la clause prévoyant que les échéances impayées resteront acquises à M. X. en cas de résolution,

DIMINUE à la somme de 120.770 euros le montant du par M. Y. à M. X. à ce titre ;

CONDAMNE M. Y. à payer à M. X. la somme de 120.770 euros au titre de la clause pénale prévoyant le paiement d’indemnité en cas de résolution du contrat, avec intérêts au taux légale à compter du 8 août 2023 ;

REQUALIFIE en clause pénale la clause prévoyant l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;

CONDAMNE M. Y. à payer à M. X. la somme de 12.077 euros au titre des indemnités contractuelles de recouvrement ;

DEBOUTE M. Y. de sa demande de délai de paiement ;

CONDAMNE M. Y. aux entiers dépens de l’instance, dont les frais du commandement du 6 avril 2023 d’un montant total de 175,15 euros ;

CONDAMNE M. Y. à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. Y. de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

Le présent jugement a été signé par Antoine GIUNTINI, Vice-président et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.

Le Greffier,                                       Le Président,