CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 4 juin 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2389
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 4 juin 2009 : RG n° 08/00404
Publication : Jurica
Extrait : « Mais attendu que selon les termes de l'offre préalable « (...) le montant maximum du découvert global pouvant être autorisé par le prêteur est fixé à 140.000 francs soit 21.342,86 € ; le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 40 000 francs(...)», mais que les époux X. avaient sollicité lors de la signature de l'offre préalable un crédit de 10.000 francs soit 1.524,50 € ; Attendu que les termes : « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 40.000 francs. Ce montant est révisable par la société Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse. Ce montant peut être augmenté sur simple demande de votre part après acceptation par la société Cofinoga (...) le montant du financement ne devra en aucun cas conduire à un dépassement du montant du découvert autorisé ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga (...) » détournent les dispositions de l'article L. 311-10 du Code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que ces termes qui permettent une augmentation du crédit sans nouvelle offre préalable privent l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ; Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer ces termes abusifs et réputés non écrits ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 4 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n°08/00404. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D’AMIENS du 26 février 2007.
APPELANTE :
Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Maître CREPIN, avocat au barreau d'AMIENS. Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS
INTIMÉS :
Monsieur X.
[adresse], assigné à sa personne suivant exploit de la SCP MARUSIAK - CASTANIE Huissiers de Justice Associés à AMIENS en date du 15 avril 2008 à la requête de Madame Y. [minute Jurica page 2] Non comparant.
Société COFINOGA
[adresse], représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître GUERREIRO, avocat au barreau d'AMIENS
DÉBATS : Audience publique du 24 mars 2009
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : M. DE LAGENESTE, Président, M. FLORENTIN et Madame SIX, entendue en son rapport, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 4 juin 2009
GREFFIER : Madame HAMDANE
ARRÊT : PRONONCÉ PUBLIQUEMENT le 4 juin 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. DE LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Madame HAMDANE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Selon une offre préalable en date du 18 janvier 1999 la société Cofinoga a consenti aux époux X. une ouverture de crédit utilisable par fractions, le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte étant de 10.000 francs soit 1.524,50 € et assorti d'un taux effectif global de 14,48 %.
Par acte du 8 septembre 2006 la société Cofinoga a fait assigner Cofinoga devant le tribunal d'instance d'Amiens aux fins de condamnation solidaire au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 26 février 2006 le tribunal d'instance d'Amiens a :
- condamné les époux X. solidairement à payer à la société Cofinoga la somme de 13.346,82 € avec intérêts au taux de 16,38 % à compter du 13 juin 2006 et la somme de 100 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile avec intérêt au taux légal à compter du jugement,
- accordé à Mme Y. des délais de paiement et dit que le non respect des modalités de paiement entraînera la déchéance du terme,
- ordonné l'exécution provisoire,
- [minute Jurica page 3] rejeté les surplus des demandes,
- condamné les époux X. solidairement aux entiers dépens qui seront recouvrés le cas échéant comme en matière d'aide juridictionnelle.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 avril 2007 Mme Y. a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 5 juin 2008 Mme Y. demande à la cour, au visa des articles L. 311-9 et suivants du Code de la consommation et 1244-1 du Code civil, de :
- à titre principal :
* dire constitutive d'une clause abusive, les termes du contrat qui disposent que « ce montant est révisable par Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse (...), le montant du financement ne devra en aucun cas conduire à un dépassement du montant du découvert autorisé ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga » ;
* déclarer la société Cofinoga irrecevable en son action pour cause de forclusion,
* infirmer le jugement,
- à titre subsidiaire :
* réduire le montant de la clause pénale à une somme qui ne pourrait être supérieure à 1 €,
* l'autoriser à s'acquitter du paiement des sommes qui pourraient être mises à sa charge par le versement d'une mensualité de 100,00 €,
* réduire les intérêts au taux légal ou tout au plus à 14,33 %,
* dire que M. X. devra la garantir de toutes les sommes mises à sa charge relatives aux emprunts postérieurs au mois d'août 2003,
- en tout état de cause condamner la société Cofinoga à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages pour procédure abusive et injustifiée,
- condamner la société Cofinoga aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 21 mars 2008 la société Cofinoga demande à la cour de confirmer le jugement, de statuer ce que de droit sur la demande en garantie formée par Mme Y. et de condamner Mme Y. à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de l'instance.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR,
Attendu que M. X., assigné à sa personne par acte du 15 avril 2008 n'a pas constitué avoué ; qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites par Mme Y. qu'elle s'est séparée de son époux en août 2003 et qu'une procédure de divorce a été engagée ;
Sur la clause abusive :
Attendu que Mme Y. soutient que les termes du contrat qui disposent que « ce montant est révisable par [minute Jurica page 4] Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse (...), le montant du financement ne devra en aucun cas conduire à un dépassement du montant du découvert autorisé ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga » constituent une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et doivent être déclarés réputés non écrits en ce qu'ils prévoient l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ;
Attendu que la société Cofinoga réplique que cette clause permet à l'emprunteur, qui n'a pas forcément besoin de l'intégralité du crédit consenti dès l'origine de la relation contractuelle, d'utiliser une fraction du crédit consenti comme le prévoit l'article L. 311-9 du Code de la consommation ;
Qu'elle soutient qu'il n'y a pas lieu d'exiger l'émission d'une nouvelle offre préalable en cas de dépassement du découvert utile par l'emprunteur tant que le crédit consenti au travers du découvert maximum autorisé n'est pas dépassé ; que dès la signature du contrat le montant de 10.000 francs ne correspondait qu'à la première fraction disponible du crédit, découvert utile et que le montant maximal du crédit s'élevait à la somme de 140.000 francs soit 21.342,86 € ;
Mais attendu que selon les termes de l'offre préalable « (...) le montant maximum du découvert global pouvant être autorisé par le prêteur est fixé à 140.000 francs soit 21.342,86 € ; le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 40 000 francs (...) », mais que les époux X. avaient sollicité lors de la signature de l'offre préalable un crédit de 10.000 francs soit 1.524,50 € ;
Attendu que les termes : « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 40.000 francs. Ce montant est révisable par la société Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse. Ce montant peut être augmenté sur simple demande de votre part après acceptation par la société Cofinoga (...) le montant du financement ne devra en aucun cas conduire à un dépassement du montant du découvert autorisé ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga (...) » détournent les dispositions de l'article L. 311-10 du Code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que ces termes qui permettent une augmentation du crédit sans nouvelle offre préalable privent l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer ces termes abusifs et réputés non écrits ;
Sur la forclusion :
Attendu que Mme Y. soutient que l'action en paiement de la société Cofinoga est forclose en ce qu'elle est intervenue plus de deux ans après le premier incident non régularisé constitué par le dépassement du découvert maximum autorisé de 40.000 francs, au mois de juillet 2002 ;
Attendu que la société Cofinoga réplique que le montant du découvert autorisé contractuellement fixé à 140.000 francs n'a jamais été dépassé de sorte que la forclusion n'est pas acquise ;
Mais attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, que les actions engagées en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;
Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du dépassement du découvert autorisé ou en l'absence de dépassement, et compte tenu des termes du contrat à compter de toute échéance impayée non régularisée ;
Attendu qu'en l'espèce, aux termes de l'offre préalable d'ouverture de crédit consentie le 18 janvier 1999, le montant du découvert maximum autorisé n'était pas, contrairement aux prétentions de la société Cofinoga ni d'un montant de 140.000 francs mais [minute Jurica page 5] d'un montant de 40.000 francs, quelque soit la formulation utilisée ;
Attendu qu'il ressort de l'historique du compte versé aux débats que le montant de 40 000 francs soit 6.097,96 € a été dépassé en juillet 2002, sans que la société Cofinoga ne justifie de la demande des emprunteurs ou d'une proposition du prêteur exigée par la clause précitée du contrat, étant en outre observé que le solde du compte est depuis cette date demeuré constamment supérieur à 6.097,96 € ;
Que dans ces conditions ce dépassement constitue l'événement qui a donné naissance à l'action au sens des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; que l'action introduite par la société Cofinoga par assignation du 8 septembre 2006, au-delà du délai de deux ans précité, est donc forclose ; que la société Cofinoga doit être déboutée de toutes ses demandes ;
Sur les autres demandes :
Attendu que Mme Y. étant accueillie en sa demande principale il n'y a pas lieu de statuer sur ses demandes subsidiaires ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la société Cofinoga, succombant en ses demandes, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Déclare abusifs et réputés non écrits les termes du contrat qui disposent que « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 40 000 francs. Ce montant est révisable par Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse (...), le montant du financement ne devra en aucun cas conduire à un dépassement du montant du découvert autorisé ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga »,
Déclare la société Cofinoga forclose en son action à l'égard de Mme Y. et de M. X. et la déclare irrecevable en toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Cofinoga aux dépens de première instance et d'appel et autorise le recouvrement de ces derniers conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives