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CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 4e ch.
Demande : 23/02450
Date : 27/05/2025
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 4/05/2023
Décision antérieure : T. com. Bordeaux, 16 mai 2023 : RG n° 2022F00599
Décision antérieure :
  • T. com. Bordeaux, 16 mai 2023 : RG n° 2022F00599
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24074

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 mai 2025 : RG n° 23/02450

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 10- En l'espèce, le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 30 juillet 2019 à [Localité 4], à la suite d'un démarchage de Mme X. par d'un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 5].

11- Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que Mme X. exerce une activité principale (code APE: 01.28 Z) de culture de plantes à épices, aromatiques, médicinales et pharmaceutiques.

12- Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de Mme X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses produits par une meilleure visibilité et à favoriser leur vente mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui est celle de la culture.

13- Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 16 mars 2022 par le directeur de la MSA Marne-Ardennes-Meuse que « Le safran des Ardennes (enseigne de l'activité de Mme X.) n'est pas connu comme employeur de main-d'œuvre » ; il n'est pas contesté que l'appelante n'avait pas de salarié à la date de conclusion du contrat.

14- Il en résulte que Mme X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement). »

2/ « 34- Au titre des conséquences de la nullité, la société Locam, cessionnaire du contrat, doit pour sa part être condamnée à restituer les loyers perçus, soit 8893.60 euros, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation par année entière (étant précisé à cet égard que les dispositions de l'article L. 242-4 du code de la consommation ne sont applicables que dans le cadre de la mise en œuvre du droit de rétractation, et non en ce qui concerne la restitution des sommes versées par suite du prononcé de la nullité du contrat).

35- Compte tenu de la nullité du contrat, la société Locam doit être déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Mme X., et de celle en paiement de loyers. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/02450. N° Portalis DBVJ-V-B7H-NIYB. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mai 2023 (R.G. 2022F00599) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 24 mai 2023.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [Date naissance] à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], Représentée par Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bassirou KÉBÉ de la SAS PROCESCIAL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉES :

SAS INCOMM

exerçant son activité sous le nom commercial INCOMM, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 7], Représentée par Maître Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS LOCAM

immatriculée au RCS de Saint Etienne sous le numéro YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3], Représentée par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application 1er dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie MASSON, Conseiller, Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 30 juillet 2019, Mme X., agricultrice à [Localité 4] (Ardennes), spécialisée dans la production d'épices, a conclu avec la société Incomm un contrat de licence d'exploitation de site Internet pour une période de 4 ans, moyennant le versement de 48 échéances mensuelles de 280 euros HT, outre une somme de 645,60 euros de frais d'adhésion.

Elle a choisi à cette occasion l'option référencement. Le 5 septembre 2019, elle a signé avec la société Incomm le procès-verbal de livraison et de conformité.

Le contrat a été cédé par la société Incomm à la société Locam (Location Automobiles Matériels).

Mme X. a contesté la validité et la bonne exécution du contrat, et après mise en demeure infructueuse, elle a fait assigner les sociétés Incomm et Locam devant le tribunal de commerce de Bordeaux, le 31 mars 2022, pour voir constater l'anéantissement du contrat par l'effet de l'exercice de son droit de rétractation, subsidiairement pour voir prononcer l'annulation de ce contrat, et plus subsidairement encore sa résolution avec effet rétroactif, et restitution des loyers versés.

Par jugement du 16 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a, pour l'essentiel :

- débouté Mme X. de toutes ses demandes,

- condamné Mme X. à payer à la société Locam la somme de 9.231,38 euros outre intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2021, date de distribution de la mise en demeure,

- condamné Mme X. à payer à chacune des sociétés Locam et Incomm la somme de 1.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X. aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 24 mai 2023, Mme X. a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués en intimant les sociétés Incomm et Locam.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 11 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme X. demande à la cour de :

Vu les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation

Vu l'article L. 242-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil,

Vu les articles 1194 et suivants du code civil,

Vu les articles 1178, 1128, 1163 du code civil,

Vu le Règlement général sur la protection des données personnelles,

Vu les articles 226-16 et suivants du code pénal,

- Annuler le jugement dont appel,

- ou à défaut, de l'infirmer ou de le réformer dans toutes ses dispositions et dans la limite de la dévolution,

Statuant à nouveau,

- Déclarer applicables les dispositions visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation,

A titre principal

- Annuler toute l'opération contractuelle litigieuse pour les motifs suivants :

Violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation,

Violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison,

Violation de l'obligation d'information sur le total des coûts mensuels,

Violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du site web et des prestations,

Stipulation d'obligations sans contrepartie,

Contenu indéterminé,

En conséquence,

- Débouter les sociétés Incomm et Locam de toutes leurs demandes,

-Condamner les sociétés Incomm et Locam à restituer respectivement à Mme X., la somme de 645,60 euros et la somme de 8.893,60 euros, avec intérêts :

* calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation à compter de l'assignation, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation,

* au taux légal avec capitalisation, à compter de l'assignation, en l'absence de violation du code de la consommation.

Premier niveau de subsidiarité

- Prononcer la résolution du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa conclusion,

En conséquence,

- Débouter les sociétés Incomm et Locam de toutes leurs demandes,

- Condamner les sociétés Incomm et Locam à restituer respectivement à Mme X., la somme de 645,60 euros et la somme de 8.893,60 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, à compter de l'assignation,

En tout etat de cause

- Débouter la société Locam de toutes ses demandes et la condamner à restituer à Mme X. la somme de 8 893,60 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de l'assignation.

- Condamner in solidum les sociétés Incomm et Locam à verser à Mme X., la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

[*]

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 23 août 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Locam demande à la cour de :

Vu les articles L. 221-3, L. 221-5, L. 221-28 et L. 121-20.12 du code de la consommation

Vu les articles 1101, 1231.2 et suivants du code civil

Vu l'article 463 du code de procédure civile

Vu les stipulations contractuelles notamment les articles 12.02, 17.1 et 17.3

- Juger Mme X. recevable mais mal fondée en son appel,

- Débouter Mme X. de sa demande d'annulation du jugement du 16 mai 2023,

- Débouter Mme X. de sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a :

Déboutée de sa demande de condamnation de la société Locam - Location Automobiles Materiels SAS à lui restituer la somme de 8.893,60 euros au titre des loyers indûment perçus, en raison de la nullité de la cession,

Déboutée de sa demande de voir le contrat déclaré anéanti sur le fondement des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation,

Déboutée de sa demande de voir le contrat déclaré nul, tant sur le fondement des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation que sur les dispositions des articles 1130 et suivants du code civil,

Déboutée de sa demande de voir le contrat résolu sur le fondement de l'article 1224 du code civil,

Déboutée de sa demande de condamnation de la société Incomm SAS à lui restituer la somme de 645,60 euros, et la société Locam - Location Automobiles Materiels SAS à lui restituer la somme de 8 893,60 euros, outre intérêts calculés selon les dispositions de l'article L. 242-4 du code de commerce, en raison de l'anéantissement du contrat, de son annulation ou de sa résolution,

Condamnée à payer à la société Locam - Location Automobiles Materiels SAS la somme de 9 231,38 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2021, date de distribution de la mise en demeure,

Condamnée à payer à chacune des sociétés Incomm SAS et Locam - Location Automobiles Materiels SAS la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnée aux entiers dépens

- Débouter Mme X. de l'ensemble de ses fins et prétentions,

- En conséquence confirmer le jugement du 16 mai 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- En tant que de besoin, prononcer formellement la résiliation du contrat du 30 juillet2019 aux torts exclusifs de Mme X. en raison de l'inexécution de ses obligations à paiement,

- Condamner Mme X. à payer à la SAS Locam la somme de 9.231,38 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2021, date de la mise en demeure,

- Condamner Mme X. à payer à la SAS Locam une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Mme X. aux entiers dépens d'instance et d'appel.

[*]

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 7 mars 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Incomm demande à la cour de

Vu les articles susvisés, vu les conditions générales

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 16 mai 2023

- Déclarer recevable et bien fondée la SAS Incomm dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement du 16 mai 2023 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- Juger qu'en l'état la législation consumériste ne peut recevoir application à la présente espèce,

- Juger que le contrat n° 30092019STQMM002 a été résilié aux torts exclusifs de Mme X.

- Débouter Mme X. de sa demande d'annulation du jugement du 16 mai 2023

- Débouter Mme X. de sa demande d'infirmation du jugement du 16 mai 2023

- Débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de la société Incomm

En toute hypothèse

- Condamner Mme X. à verser la somme de 5000 euros à la sociétéIncomm en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement :

Moyens des parties :

1- Au dispositif de ses conclusions notifiées le 11 février 2025, l'appelante demande à la cour d'annuler le jugement.

2- les intimés n'ont formulé aucune observation concernant cette prétention.

Réponse de la cour :

3- Selon les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

4- En l'espèce, dans la partie discussion de ses conclusions, Mme X. n'a présenté aucun moyen au soutien de sa demande tendant à l'annulation du jugement.

Il convient en conséquence de rejeter cette demande.

 

Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'opération contractuelle pour violation des dispositions du code de la consommation :

Moyens des parties :

5- Mme X. soutient que le contrat signé le 30 juillet 2019, à la suite d'un démarchage sur son lieu de travail à [Localité 4], constitue un contrat conclu hors établissement, dont l'objet n'entrait pas dans son champ d'activité principale, pour laquelle elle n'employait aucun salarié, de sorte que les conditions de l'article L. 221- sont réunies.

Elle ajoute qu'en toutes hypothèses, la société Incomm a volontairement soumis la relation contractuelle aux dispositions du code de la consommation, compte tenu des clauses figurant aux conditions générales.

Elle fait ensuite valoir que la nullité du contrat est encourue sur le fondement du code de la consommation pour violation par la société Incomm de son obligation d'information sur le droit de rétractation, sur le total des coûts mensuels, le délai d'exécution des prestations et les caractéristiques essentielles du site Web.

6- La société Incomm réplique que le site Internet constitue un bien nettement personnalisé, de sorte que le droit de rétractation ne peut être exercé en application des dispositions de l'article L. 221-28 du code de la consommation.

Elle conteste toute soumission volontaire des parties au droit de la consommation.

7- La société Locam soutient également que la législation consumériste n'est pas applicable au cas d'espèce dès lors que l'appelante est incontestablement une professionnelle qui a contracté pour les besoins de son activité et que le site Internet est un produit confectionné selon les spécifications du consommateur et nettement personnalisé.

Elle ajoute qu'il n'a jamais été convenu de s'assujettir volontairement aux droits de la consommation.

Réponse de la cour :

8- Il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 I a) du code de de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat, issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, que pour l'application du Titre II (Règles de formation et d'exécution de certains contrats), est considéré comme un contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

9- Selon les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

10- En l'espèce, le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 30 juillet 2019 à [Localité 4], à la suite d'un démarchage de Mme X. par d'un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 5].

11- Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que Mme X. exerce une activité principale (code APE: 01.28 Z) de culture de plantes à épices, aromatiques, médicinales et pharmaceutiques.

12- Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de Mme X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses produits par une meilleure visibilité et à favoriser leur vente mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui est celle de la culture.

13- Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 16 mars 2022 par le directeur de la MSA Marne-Ardennes-Meuse que « Le safran des Ardennes (enseigne de l'activité de Mme X.) n'est pas connu comme employeur de main-d'œuvre » ; il n'est pas contesté que l'appelante n'avait pas de salarié à la date de conclusion du contrat.

14- Il en résulte que Mme X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement).

15- Selon les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 30 juillet 2019, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire-type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

16- La société Incomm soutient, à tort, que le contrat de licence d'exploitation de site internet ne pourrait donner lieu à l'exercice du droit de rétractation, en invoquant les dispositions de l'article L. 221-28 3° du code de la consommation, selon lesquelles le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

17- En effet, les dispositions précitées doivent être d'interprétation stricte, dès lors qu'elles ont pour conséquence de limiter les droits octroyés à un professionnel, qui, par l'effet de la loi, se trouve assimilé à un consommateur pour l'exercice de certains droits dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement.

18- En l'espèce, le contrat du 30 juillet 2019 ne concerne pas la fourniture d'un bien, au sens de l'article 528 du code civil, à savoir un objet mobilier corporel, mais une prestation de services à savoir la conception, la création, la réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement et la location du site web.

L'exception prévue par l'article L. 221-28 3° du code de la consommation ne peut donc trouver à s'appliquer.

19- En toutes hypothèses, si elle estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'opération contractuelle envisagée, il incombait à la société Incomm de respecter les dispositions de l'article L. 221-5-5° du code de la consommation, et d'en aviser préalablement Mme X. de manière compréhensible, ce qui n'a pas été fait, ainsi que détaillé ci-après.

20- Il est donc incontestable que préalablement à la conclusion du contrat de licence d'exploitation du site internet, et par application des articles L. 221-9, L. 221-5 et L.111-1 du code de la consommation, la société Incomm devait donc communiquer à Mme X. de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

- En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;

- Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

21- L'appelante fait valoir que le contrat conclu le 30 juillet 2019 ne comporte pas d'information exacte et compréhensible sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit de rétractation.

22- Il convient de rappeler que l'exercice du droit de rétractation doit seulement répondre aux conditions prévues par l'article L. 221-21 du code de la consommation qui énonce: Le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

23 - En l'espèce, l'article 17.1 des conditions générales stipule : « sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 121-20-12 et suivants du code de la consommation, notamment lorsque l'effectif du partenaire est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la signature du présent contrat pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. Si le partenaire souhaite se rétracter, il lui appartient de notifier sa décision au fournisseur par tout moyen, le cas échéant au moyen du bordereau de rétractation ci-dessous, au plus tard le quatorzième jour suivant la signature du contrat, et de joindre un document officiel type récépissé DADSU de l'année en cours, justifiant l'effectif de son entreprise au jour de signature du contrat, étant entendu que la charge de la preuve de l'exercice du droit de rétractation dans les conditions légales pèse sur le partenaire. (...) À défaut d'exercice par le partenaire de la faculté légale de rétractation ou si la demande de rétractation ne respecte pas les conditions exposées ci-dessus (souligné par la cour) et en cas de résiliation à l'initiative du partenaire avant la signature du procès-verbal de livraison du site Internet, le partenaire versera au fournisseur une indemnité égale à 40 % de la totalité des échéances dues en vertu du contrat.

24- Il sera relevé en premier lieu que la référence faite à l'article L.121-20-12 du code de la consommation est erronée, puisque cet article n'existait pas à la date du contrat, le 30 juillet 2019, de sorte que Mme X. n'était pas en mesure de saisir, à la lecture de la clause, si sa situation lui permettait ou non d'exercer le droit de rétractation. Les dispositions d'ordre public du code de la consommation applicables en matière d'exercice du droit de rétractation n'étaient pas rappelées, ni leur contenu.

25- Par ailleurs, la rédaction ambiguë de l'article 17.1 précitée, et la formulation soulignée par la cour au paragraphe 23, laisse à penser que pour être régulier et éviter au contractant le paiement d'une indemnité de 40 % du montant des échéances, le droit de rétractation doit obligatoirement s'accompagner de l'envoi concomitant d'un justificatif concernant l'effectif de l'entreprise.

26- Il en résulte que l'information donnée à Mme X. sur les conditions d'exercice du droit de rétractation, avant qu'elle s'engage par signature du contrat le 30 juillet 2019, n'était pas compréhensible.

La nullité du contrat est donc encourue de ce chef.

27- Par ailleurs, la société Incomm devait fournir à Mme X., de manière lisible et compréhensible, les informations relatives à la date à laquelle elle s'engageait à fournir le service.

28- En l'espèce, seul le délai de mise en ligne du site est indiqué avec précision à l'article 5 des conditions générales de vente (à savoir dans un délai de 30 jours ouvrés).

29- En revanche, au sein des conditions générales, ni l'article 7 (Promotion par référencement) ni de l'article 14 (Recette), ne donne d'information sur la date à laquelle seraient finalisées les principales actions de référencement naturel de l'adresse URL du site créé auprès du moteur de recherche Google, alors qu'il s'agissait d'une option choisie par Mme X., qui présente un intérêt commercial particulièrement important pour la visibilité du site créé.

30- En conséquence, et sans qu'il soit besoin d'entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties, il convient de constater que le contrat du 30 juillet 2019 n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L. 221-5 en ce qui concerne l'information due à Mme X., sur les conditions d'exercice du droit de rétractation, et les délais de fourniture du service optionnel qu'elle avait choisi.

31- La clause figurant en page 1 du contrat (Information précontractuelle), par laquelle Mme X. reconnaît avoir reçu du fournisseur avant la signature du contrat les informations prévues par les articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation constitue seulement un indice qu'il incombait à la société Incomm de corroborer par plusieurs éléments complémentaires ce qui n'est pas le cas en l'espèce, au regard des circonstances précédemment rappelées.

32- En application de l'article L. 242-1 du code de la consommation, il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat de licence du 30 juillet 2019.

33- En application de l'article 1178 du code civil, l'annulation du contrat du 30 juillet 2019 oblige la société Incomm à restituer à Mme X. la somme perçue au titre des frais d'adhésion et mise en ligne, soit 645.60 euros TTC.

34- Au titre des conséquences de la nullité, la société Locam, cessionnaire du contrat, doit pour sa part être condamnée à restituer les loyers perçus, soit 8893.60 euros, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation par année entière (étant précisé à cet égard que les dispositions de l'article L. 242-4 du code de la consommation ne sont applicables que dans le cadre de la mise en œuvre du droit de rétractation, et non en ce qui concerne la restitution des sommes versées par suite du prononcé de la nullité du contrat).

35- Compte tenu de la nullité du contrat, la société Locam doit être déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Mme X., et de celle en paiement de loyers.

36- Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

 

Sur les demandes accessoires :

37- Echouant toutes deux en leurs prétentions, aux termes de l'instance, la société Incomm et la société Locam aux dépens d'instance et d'appel et supporteront leurs frais irrépétibles.

Il est équitable d'allouer à Mme X. une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Rejette la demande formée par Mme X., tendant à voir prononcer la nullité du jugement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 mai 2023,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de licence d'exploitation de site Internet conclu le 30 juillet 2019 entre Mme X. et la société Incomm, cédé ensuite à la société Locam,

Condamne en conséquence la société Incomm à restituer à Mme X. la somme de 654.60 euros,

Condamne la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 8.893,60 euros au titre des loyers,

Dit que ces condamnations produisent intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 31 mars 2022,

Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière ;

Rejette le surplus des demandes de Mme X.,

Déboute la société Incomm et la société Locam de l'ensemble de leurs demandes,

Condamne in solidum la société Incomm et la société Locam aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société Incomm et la société Locam à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                                        Le Président