T. COM. PARIS (ch. 1-13), 17 mars 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24183
T. COM. PARIS (ch. 1-13), 17 mars 2025 : RG n° 2023025645
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Le tribunal retient des échanges que l’acte d’achat s’est déroulé par téléphone et courriel. BOUYGUES TELECOM a envoyé à KDR un bon de commande par courriel. KDR a imprimé le bon de commande, l’a signé, scanné et retourné à BOUYGUES TELECOM par courriel. Aucun échange de document papier n’a eu lieu entre les parties.
En bas du bon de commande, signé par KDR, figure la déclaration suivante. « Je certifie exactes les informations figurant sur le présent bon de commande. En outre, je reconnais avoir pris connaissance des Conditions Générales et Particulières applicables aux Services souscrits, des éventuelles spécifications techniques d’accès aux dits Services et des Tarifs afférents, incluant les récapitulatifs contractuels de ces Services, également disponibles sur https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guidetarifs-entreprises.pdf [https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guidetarifs-entreprises.pdf]. En conséquence, je reconnais pouvoir m'engager en pleine connaissance de l'ensemble des éléments susmentionnés. »
Le tribunal retient que, par sa signature, KDR a reconnu avoir pris connaissance des Conditions Générales et particulières (CG). Elle porte donc la charge de démontrer que ces CG ne lui ont, en fait, pas été transmises. Or, KDR n’apporte aucun élément à l’appui de son affirmation.
En conséquence, le tribunal ne retient pas le moyen de KDR et dit que les CG lui sont opposables. »
2/ « L’article 15.3 des règlement UE 531/2012 et 2017/920 dispose que « Chaque fournisseur de services d’itinérance offre à tous ses clients en itinérance la possibilité d’opter délibérément et gratuitement pour une fonction qui fournit en temps utile des informations sur la consommation cumulée, exprimée en volume ou dans la devise dans laquelle la facture du client est établie pour les services de données en itinérance réglementés, et qui garantit que, sans le consentement explicite du client, les dépenses cumulées pour les services de données en itinérance réglementés pendant une période déterminée d’utilisation, à l’exclusion des MMS facturés à l’unité, n’excèdent pas un plafond financier déterminé.». L’article II « SERVICE MOBILE DEPUIS L’ETRANGER » des Conditions Particulières prévoit que : « … S’agissant des services de données en situation d’itinérance, le dispositif de blocage des communications prévu par le règlement européen n° 2015-2120 peut avoir des conséquences potentiellement préjudiciables pour un client professionnel à l’étranger. C’est pourquoi, le Client déclare renoncer au bénéfice du mécanisme d’information et de blocage tel que prévu par le règlement précité. »
BOUYGUES TELECOM soutient que l’article 15.3 n’étant pas d’ordre public, les parties au contrat peuvent y déroger en application de l’article 1162 du code civil.
Cependant, le tribunal retient que : - BOUYGUES TELECOM ne saurait ignorer les risques financiers que les communications à l’étranger font porter sur ses clients, lesquels peuvent voir leur coût mensuel augmenter fortement (multiplié par 340 dans le cas d’espèce), - BOUYGUES TELECOM ne saurait ignorer que la législation européenne, qu’elle mentionne dans ses CG, avait en particulier pour objet de protéger les consommateurs de ce risque, - BOUYGUES TELECOM a supprimé le blocage des coûts des communications au motif qu’il « peut avoir des conséquences potentiellement préjudiciables pour un client professionnel à l’étranger ».
L’article 1171 du code civil dispose que « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. ».
Le tribunal dit que « les conséquences potentiellement préjudiciable » du blocage sont facilement contournables par une opération de déblocage, telle que l’ont mis en place les autres opérateurs de communication mobile. L’avantage évoqué par BOUYGUES TELECOM est très limité voire nul, en regard du risque de surcout pris par le client. Il s’agit donc d’une clause déséquilibrée que le tribunal dira non écrite. »
3/ « L’article 1112-1 du code civil dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. » L’information du client sur les dépassements de ses consommations qui risquent de lui occasionner une dépense très importante est une information déterminante.
Le 27 septembre 2022, BOUYGUES TELECOM a envoyé un premier SMS libellé « Bienvenue … Depuis ce pays Maroc, vos appels, SMS et internet mobile sont décomptés de votre enveloppe incluses ou facturés selon des tarifs la zone business 2. A titre indicatif, depuis cette zone, le tarif des communications internet mobile en dépassement de votre offre peut s’élever jusqu'à 6?/Mo. (sic 6€/Mo) ». Jusqu’au 3 mars 2022, BOUYGUES TELECOM a ensuite envoyé 9 SMS (un par dépassement de seuil) libellés « Vous avez consommé xx Go d’Internet mobile (…) depuis la zone Business 2 au cours de votre cycle de facturation ».
Au regard de ces SMS, où ne figurent aucun élément précis de coût, le tribunal retient que les SMS envoyés par BOUYGUES TELECOM ne permettent pas d’informer clairement le client de l’information déterminante selon laquelle il est en train d’engager plus de 16.000 € de dépenses. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DE PARIS
CHAMBRE 1-13
JUGEMENT DU 17 MARS 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2023025645.
JUGEMENT PRONONCE LE 17/03/2025 par sa mise à disposition au Greffe
ENTRE :
SA BOUYGUES TELECOM
dont le siège social est [Adresse 1] - RCS B XXX, Partie demanderesse : comparant par Maître François DUPUY, avocat (B873)
ET :
SAS KDR « LA GUARIDA » [ou « LA GUARISA », V. infra dispositif]
dont le siège social est [Adresse 2] - RCS B YYY, Partie défenderesse : assistée de Maître Loïc GERARD, avocat au barreau des Pyrénées Orientales et comparant par Maître Philippe GERARD, avocat au barreau des Hauts-de-Seine
APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS :
La SAS KDR exerce une activité de débit de boissons.
Le 8 juin 2021, KDR a souscrit auprès de BOUYGUES TELECOM un forfait de téléphone mobile incluant un iphone 12 PRO pour un montant de 43 € par mois.
Le 13 octobre 2022, KDR a reçu une facture de 20.790,67 € correspondant essentiellement à des consommations hors forfait.
Elle a refusé de payer cette facture ainsi que la facture de résiliation et une facture complémentaire.
Le 23 mars 2023, BOUYGUES TELECOM a adressé à KDR une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception afin d’obtenir le paiement des sommes qu’elle estimait dues, en vain.
C’est ainsi que se présente le litige.
LA PROCÉDURE :
Par acte de commissaire de justice du 9 mai 2023 à personne se déclarant habilitée, BOUYGUES TELECOM a fait assigner KDR.
Par cet acte et aux audiences des 30 octobre 2023, 11 juin et 12 novembre 2024, BOUYGUES TELECOM dans le dernier état de ses prétentions, demande au tribunal de :
- DÉBOUTER la société KDR de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, formulées à l’encontre de la société BOUYGUES TELECOM,
- CONDAMNER la société KDR à payer à la société BOUYGUES TELECOM la somme de 24.703,02€ TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mars 2023,
- CONDAMNER la société KDR à payer à la société BOUYGUES TELECOM la somme de 5.000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER la société KDR aux entiers dépens.
[*]
Aux audiences des 3 octobre 2023, 23 janvier 2024 et 7 février 2025, KDR, dans le dernier état de ses prétentions, demande au tribunal de :
Vu l’article 48 du code de procédure civile, les articles 1101 et suivants et 1119 du code civil
IN LIMINE LITIS, Se déclarer incompétent, et par déclinaison de compétence. Ordonner, la compétence du tribunal de commerce de PERPIGNAN.
- SUR LE FOND,
Constater le manquement de la société BOUYGUES TELECOM à son obligation de loyauté lors de la conclusion du contrat et à son obligation d’information,
Ordonner l’inopposabilité des Conditions générales et particulières et du Guide tarifaire, non communiqués au moment de la rencontre des volontés et de la signature du Bon de commande valant contrat,
Ordonner la nullité des factures produites des 13 octobre 2022, 13 novembre 2022 et 13 décembre 2022 et des sommes y étant réclamées, à l’exception de la somme de 5,15€, Tenant notamment le défaut de consentement explicite à une dérogation de l’application de 50 € HT par inopposabilité des Conditions générales et particulières ainsi que par déloyauté et défaut d’information, Tenant par ailleurs l’inopposabilité des frais de résiliation anticipée prévue par les conditions générales et particulières inopposables et le comportement de BOUYGUES TELECOM ayant entraîné ladite résiliation au risque et à défaut de mettre en péril l’activité économique de la défenderesse et d’aggraver son préjudice.
Ordonner reconventionnellement la résiliation du contrat de téléphonie aux torts de BOUYGUES TELECOM à compter du 2 novembre 2022 en raison de son manquement à ses obligations d’information, de loyauté et de bonne foi,
À titre subsidiaire, Ordonner toute compensation entre ces factures et les sommes allouées à la Société KDR à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause, Condamner reconventionnellement la Société BOUYGUES TELECOM au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts,
Ce faisant, et en conséquence, Débouter la société BOUYGUES TELECOM de toutes ses demandes, fins et prétentions, Débouter la société BOUYGUES TELECOM de sa demande de paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner la société BOUYGUES TELECOM au règlement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des entiers dépens.
[*]
L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions ; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte à la procédure ou ont été régularisées à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire.
L’affaire est appelée à l’audience du 1er juin 2023 et après plusieurs renvois, à l’audience de mise en état du 10 décembre 2024 l’affaire a été confiée à l'examen d'un juge chargé de l’instruire en application de l’article 871 du code de procédure civile et les parties sont convoquées à son audience du 7 février 2025, à laquelle elles se sont présentées par leur conseil respectif.
Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire a clos les débats, a mis l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 17 mars 2025, par sa mise à disposition au greffe du tribunal en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
LES MOYENS DES PARTIES :
Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, le tribunal les résumera ci-dessous en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. Ils seront plus amplement développés en même temps qu’ils seront discutés.
BOUYGUES TELECOM fait valoir que :
Les factures sont conformes aux consommations effectuées, et à l’application du contrat.
KDR quant à elle, rétorque que :
Les Conditions Générales ne lui sont pas opposables, car elles n’ont pas été transmises à KDR.
Le TC de [Localité 3] est compétent.
Le lien hypertexte vers les tarifs ne fonctionne pas.
Les SMS d’alerte n’alertaient sur rien de précis ni rien de compréhensible pour un usager « moyen ».
La clause supprimant le dispositif de blocage est déséquilibrée (bas page 24). Cette suppression s’apparente à de la déloyauté.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur l’exception d’incompétence soulevée par KDR :
Dans ses conclusions KDR soulève in limine litis une exception d’incompétence du tribunal de commerce de Paris.
Sur la recevabilité :
L’exception d’incompétence a été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, elle est motivée et désigne la juridiction qui, selon KDR, serait compétente.
Le tribunal déclarera donc l’exception d’incompétence recevable.
Sur le mérite :
BOUYGUES TELECOM soutient que l’article 20 des conditions générales et particulières attribue compétence au tribunal de commerce de Paris.
L’article 1103 du code civil dispose que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ».
L’article 9 du code de procédure civile dispose que « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. ».
L’article 1119 du code civil dispose que « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées... ».
Le tribunal retient des échanges que l’acte d’achat s’est déroulé par téléphone et courriel. BOUYGUES TELECOM a envoyé à KDR un bon de commande par courriel. KDR a imprimé le bon de commande, l’a signé, scanné et retourné à BOUYGUES TELECOM par courriel.
Aucun échange de document papier n’a eu lieu entre les parties.
En bas du bon de commande, signé par KDR, figure la déclaration suivante. « Je certifie exactes les informations figurant sur le présent bon de commande. En outre, je reconnais avoir pris connaissance des Conditions Générales et Particulières applicables aux Services souscrits, des éventuelles spécifications techniques d’accès aux dits Services et des Tarifs afférents, incluant les récapitulatifs contractuels de ces Services, également disponibles sur https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guidetarifs-entreprises.pdf [https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guidetarifs-entreprises.pdf]. En conséquence, je reconnais pouvoir m'engager en pleine connaissance de l'ensemble des éléments susmentionnés. »
Le tribunal retient que, par sa signature, KDR a reconnu avoir pris connaissance des Conditions Générales et particulières (CG). Elle porte donc la charge de démontrer que ces CG ne lui ont, en fait, pas été transmises. Or, KDR n’apporte aucun élément à l’appui de son affirmation.
En conséquence, le tribunal ne retient pas le moyen de KDR et dit que les CG lui sont opposables.
L’article 20 des CG « Loi applicable et attribution de juridiction » rédigé en gras, majuscule et sous-ligné stipule que « En cas de litige … compétence est attribuée au tribunal de commerce de Paris … ».
L’article 48 du code de procédure civile dispose que « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée. ».
Le tribunal constate que les parties ont contracté en qualité de commerçant, et que la clause d’attribution de juridiction a été rédigée de façon très apparente.
En conséquence, le tribunal se déclarera compétent sur la présente affaire, et rejettera l’exception d’incompétence de KDR la déclarant recevable mais mal fondée.
Sur la demande de BOUYGUES TELECOM de
« CONDAMNER la société KDR à payer à la société BOUYGUES TELECOM la somme de 24.703,02 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mars 2023. »
A l’appui de sa demande, BOUYGUES TELECOM produit 3 factures.
Sur les consommations hors forfait de la 1ère facture :
La première facture de 17.326,56 € inclut 16.518,26 € de communications hors forfait.
KDR conteste le montant des communications hors forfait aux motifs que :
- les communications hors forfait auraient dû être bloquées dès que leur coût atteignait 50 €, et ceci conformément à l’article 15.3 de la législation européenne,
- que l’article qui autorise BOUYGUES TELECOM à déroger à la législation européenne est déséquilibré,
- que les SMS envoyés par BOUYGUES TELECOM ne permettaient pas à KDR de comprendre qu’elle engageait des sommes importantes.
L’article 15.3 des règlement UE 531/2012 et 2017/920 dispose que « Chaque fournisseur de services d’itinérance offre à tous ses clients en itinérance la possibilité d’opter délibérément et gratuitement pour une fonction qui fournit en temps utile des informations sur la consommation cumulée, exprimée en volume ou dans la devise dans laquelle la facture du client est établie pour les services de données en itinérance réglementés, et qui garantit que, sans le consentement explicite du client, les dépenses cumulées pour les services de données en itinérance réglementés pendant une période déterminée d’utilisation, à l’exclusion des MMS facturés à l’unité, n’excèdent pas un plafond financier déterminé.».
L’article II « SERVICE MOBILE DEPUIS L’ETRANGER » des Conditions Particulières prévoit que : « … S’agissant des services de données en situation d’itinérance, le dispositif de blocage des communications prévu par le règlement européen n° 2015-2120 peut avoir des conséquences potentiellement préjudiciables pour un client professionnel à l’étranger. C’est pourquoi, le Client déclare renoncer au bénéfice du mécanisme d’information et de blocage tel que prévu par le règlement précité. »
BOUYGUES TELECOM soutient que l’article 15.3 n’étant pas d’ordre public, les parties au contrat peuvent y déroger en application de l’article 1162 du code civil.
Cependant, le tribunal retient que :
- BOUYGUES TELECOM ne saurait ignorer les risques financiers que les communications à l’étranger font porter sur ses clients, lesquels peuvent voir leur coût mensuel augmenter fortement (multiplié par 340 dans le cas d’espèce),
- BOUYGUES TELECOM ne saurait ignorer que la législation européenne, qu’elle mentionne dans ses CG, avait en particulier pour objet de protéger les consommateurs de ce risque,
- BOUYGUES TELECOM a supprimé le blocage des coûts des communications au motif qu’il « peut avoir des conséquences potentiellement préjudiciables pour un client professionnel à l’étranger ».
L’article 1171 du code civil dispose que « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. ».
Le tribunal dit que « les conséquences potentiellement préjudiciable » du blocage sont facilement contournables par une opération de déblocage, telle que l’ont mis en place les autres opérateurs de communication mobile. L’avantage évoqué par BOUYGUES TELECOM est très limité voire nul, en regard du risque de surcout pris par le client.
Il s’agit donc d’une clause déséquilibrée que le tribunal dira non écrite.
L’article 1112-1 du code civil dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
L’information du client sur les dépassements de ses consommations qui risquent de lui occasionner une dépense très importante est une information déterminante.
Le 27 septembre 2022, BOUYGUES TELECOM a envoyé un premier SMS libellé « Bienvenue … Depuis ce pays Maroc, vos appels, SMS et internet mobile sont décomptés de votre enveloppe incluses ou facturés selon des tarifs la zone business 2. A titre indicatif, depuis cette zone, le tarif des communications internet mobile en dépassement de votre offre peut s’élever jusqu'à 6?/Mo. (sic 6€/Mo) ».
Jusqu’au 3 mars 2022, BOUYGUES TELECOM a ensuite envoyé 9 SMS (un par dépassement de seuil) libellés « Vous avez consommé xx Go d’Internet mobile (…) depuis la zone Business 2 au cours de votre cycle de facturation ».
Au regard de ces SMS, où ne figurent aucun élément précis de coût, le tribunal retient que les SMS envoyés par BOUYGUES TELECOM ne permettent pas d’informer clairement le client de l’information déterminante selon laquelle il est en train d’engager plus de 16.000 € de dépenses.
Sur les tarifs applicables :
Enfin, BOUYGUES TELECOM établit sa facture en référence à une première grille tarifaire figurant page 21 de la pièce n°8 « tarifs », laquelle fait référence à une tarification page 18, sachant que les tarifs de dépassement de forfait figurent page 19.
Le tribunal retient que le lien indiqué dans le bon de commande et qui renvoie aux tarifs : https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guide-tarifsentreprises.pdf [https://www.espaceclient.bouyguestelecom-entreprises.fr/files/files/guide-tarifsentreprises.pdf] ne fonctionne pas.
BOUYGUES TELECOM ne démontre ni que ce lien fonctionnait à l’époque de la signature, ni que la pièce fournie correspond au catalogue de tarifs de l’époque.
En conséquence de ce qui précède, le tribunal dit que la grille de tarif en cas de dépassement de forfait n’est pas applicable. Il limitera le dépassement facturé de 16.518,26 € à 50 € et donc la facture de 17.326,56 € à 858,30 €.
Sur la deuxième facture de résiliation :
BOUYGUES TELECOM produit une facture de résiliation anticipée en date du 13 décembre 2022 et d’un montant de 3.907,20 € TTC.
L’article 12.3 des CG « Résiliation anticipée par le Client » stipule que « Si le Client souhaite résilier le Contrat ou le cas échéant un Service de façon anticipée avant son échéance, il est redevable vis-à-vis de BOUYGUES TELECOM de frais de résiliation anticipée calculés sur la base : (i) du nombre de mois restant à courir jusqu’au terme de la période minimale d’engagement multiplié par (ii) le montant moyen facturé au titre du Service (abonnements et consommations, hors Equipements et primes), évalué sur les six (6) derniers mois, ainsi que des éventuels autres frais de résiliation applicables au Service, prévus par les Conditions Particulières. (…) ».
Le tribunal retient que KDR a demandé le 2 novembre 2022 la portabilité de ses lignes vers un autre opérateur, laquelle a entraîné la résiliation du contrat (article 12.3).
Le tribunal déboutera donc KDR de sa demande de résolution du contrat aux torts de BOUYGUES TELECOM, et appliquera l’article 12.3 précité.
Sur le quantum :
Pour justifier les frais de résiliations, BOUYGUES TELECOM produit la pièce 14 qui précise
les éléments suivants : Le montant moyen à facturer : 162,80 € Le nombre de mois restants : 20
Compte tenu du fait que : le tribunal n’a pas retenu la facture de 20.790,67€ TTC qui a permis d’établir le montant moyen à facturer, BOUYGUES TELECOM n’a pas produit les factures des six derniers mois,
le tribunal ne dispose donc pas des éléments pour établir le montant de la facture de résiliation anticipée.
En conséquence, il limitera à 20 fois 43 € soit 860 € le montant de la résiliation anticipée.
Sur la troisième facture :
Cette facture de 5,15 € n’est pas contestée par KDR.
En conséquence, le tribunal condamnera KDR à payer à BOUYGUES TELECOM la somme totale de (858,30+860+5,15) soit 1 723,15€ déboutant pour le surplus.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Attendu que pour faire reconnaître ses droits, BOUYGUES TELECOM a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le tribunal condamnera KDR à payer à BOUYGUES TELECOM la somme de 1.000€ au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus.
Sur les dépens :
Les dépens seront mis à la charge de KDR qui succombe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant, par jugement contradictoire en premier ressort :
Déclare l’exception d’incompétence recevable mais mal fondée.
Condamne la SAS KDR « LA GUARISA » à payer à la SA BOUYGUES TELECOM la somme de 1.723,15€ HT au titre des factures impayées.
Condamne la SAS KDR « LA GUARISA » à payer à la SA BOUYGUES TELECOM la somme de 1.000€ à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Condamne la SAS KDR « LA GUARISA » aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86€ dont 11,60€ de TVA.
En application des dispositions de l'article 871 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 février 2025, en audience publique, devant M. François BLANC, juge chargé d'instruire l'affaire, les représentants des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : M. Gérard SUSSMANN, M. François BLANC et M. Guillaume MONTEUX
Délibéré le 28 février 2025 par les mêmes juges.
Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La minute du jugement est signée par M. Gérard SUSSMANN président du délibéré et par M. Jérôme COUFFRANT, greffier.
Le greffier. Le président.