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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-1), 13 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-1), 13 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 1
Demande : 24/11085
Décision : 2025/201
Date : 13/05/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/09/2024
Décision antérieure : TJ Toulon (Jme), 3 septembre 2024 : RG n° 22/05662
Numéro de la décision : 201
Décision antérieure :
  • TJ Toulon (Jme), 3 septembre 2024 : RG n° 22/05662
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24189

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-1), 13 mai 2025 : RG n° 24/11085 ; arrêt n° 2025/201 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte de ces dispositions que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code. En l'occurrence, il ressort des pièces produites que Mme X., entrepreneur individuel qui exerce une activité de bureau d'études télécom, a souscrit le 18 novembre 2016, pour les besoins de son activité professionnelle, un bon de commande portant sur la fourniture et la location longue durée d'un photocopieur, outre un contrat de garantie et de maintenance, la SAS SIN s'engageant à lui fournir le matériel et à procéder à sa maintenance, tandis que la SAS Locam en était le bailleur et Mme X. la locataire.

Le matériel a été livré et installé le 25 novembre 2016. La SAS Locam a mis en demeure Mme X. de payer les échéances du prêt sous peine de déchéance du terme tandis que cette dernière sollicite la nullité des contrats pour irrespect des dispositions du code de la consommation et pour dol, soutenant avoir été trompée lors de la signature de ces contrats.

Tout d'abord, il convient de relever que les contrats de location établis par la SAS SIN sont des contrats de mise à disposition de matériel moyennant un loyer, sur une période déterminée ; ces contrats sont donc exclus du cadre des contrats portant sur un service financier permettant d'écarter d'office l'application du droit de la consommation. Certes, Mme X. a signé les contrats en apposant son tampon professionnel et le photocopieur loué constitue un matériel de bureau indispensable à son activité principale. Toutefois, l'activité principale de l'appelante n'a pas pour objet la réalisation et la vente de photocopie, le matériel loué étant un outil employé en appui à son activité de bureau d'études, mais n'en constituant pas l'essence même ; aussi, le contrat de location en cause ne peut être considéré comme entrant dans le champ de l'activité principale de Mme X., au demeurant entrepreneur individuel. L'appelante doit donc être considérée comme consommatrice au regard des dispositions sus-visées qui s'appliquent à elle.

Si la présente cour n'a pas pour office de déterminer si les contrats litigieux sont nuls ou non au regard du droit de la consommation, il lui appartient cependant d'apprécier si les irrégularités dénoncées par Mme X. à ces titres étaient connues ou non d'elle depuis plus de cinq ans au jour où elle a engagé son action, soit les 2, 3 et 4 novembre 2022.

D'une part, Mme X. soutient que les contrats du 18 novembre 2016 ne font pas état de son droit de rétractation. En effet, si le contrat de garantie et maintenance rappelle les dispositions de l'article L. 121-17 du code de la consommation au point 14 des conditions mentionnées en petits caractères, le contrat de location n'en fait aucunement état. Certes, ces indications ou manques sont contemporains de la signature du contrat. Cependant, il est désormais retenu que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance. Ainsi, la connaissance des mentions contractuelles exigées à peine de nullité du contrat ne résulte pas de la signature même du contrat potentiellement vicié, mais de la connaissance effective de ces vices par le consommateur, sauf à ce qu'il ait confirmé le contrat en pleine connaissance de ceux-ci. En l'espèce, Mme X. n'a pu avoir connaissance de l'absence de mention de son droit à rétractation lors de la signature du contrat du 18 novembre 2016, qui était totalement taisant, mais uniquement lorsqu'ont été caractérisés les manquements à ce titre, c'est-à-dire, à l'issue du jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023 qui condamne M. Y., gérant de la SAS SIN, notamment pour des faits de non remise au consommateur d'un contrat conforme conclu hors établissement, Mme X. étant reçue en sa constitution de partie civile. Aucune date antérieure ne peut être retenue à ce titre puisque le jour de consultation de son avocat par l'appelante n'est pas prouvé, et puisque le procès-verbal de déclaration établi par la DDPP le 15 octobre 2018 consigne les propos de Mme X., mais ne reprend pas les griefs précis liés à l'irrespect du droit de la consommation. Dès lors, s'agissant de ce premier grief, la prescription de l'action de Mme X. n'a pas commencé à courir avant qu'elle n'assigne dans le cadre de la présente procédure ; sa demande n'est donc pas prescrite.

D'autre part, Mme X. fait valoir que les contrats signé sont irréguliers au regard des dispositions du droit de la consommation interdisant la remise d'une contre-partie ou d'un paiement le jour de la signature du contrat. Ce grief, lié au premier, n'était pas davantage connu de Mme X. à la date du 18 novembre 2016. Le fait qu'elle se soit exécuté ne vaut pas confirmation de ce vice dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme X. avait conscience, alors, de la teneur de celui-ci. Or, de même, ce n'est qu'avec le prononcé du jugement du tribunal correctionnel que Mme X. a eu connaissance du vice affectant les contrats ; aucune prescription n'est encourue à ce titre.

Enfin, Mme X. soutient que le contrat ne comprend pas la mention des caractéristiques essentielles du bien, ni surtout son prix ainsi que le requiert l'article L. 221-5 du code de la consommation. Elle indique à ce titre ne pas avoir compris le prix de location et le coût des photocopies, donc ne pas avoir mesuré l'économie globale des contrats, ainsi que les factures émises par la SAS Locam mentionnant notamment un surcoût de 24,96 euros. Elle soutient ne pas voir compris si le prix comprenait ou non une TVA, ni le taux applicable, et n'avoir pas perçu le coût de l'assurance. A ce titre, le défaut de clarté initiale des contrats et l'émission de factures ultérieures sans lien avec ceux-ci ne permettent pas de considérer que Mme X. a pu avoir conscience de ces irrégularités dès la signature des contrats. En revanche, il résulte de la teneur du procès-verbal dressé par la DDPP le 15 octobre 2018 que Mme X. a fait état de son incompréhension quant au prix pratiqué à tout le moins à ce moment là. C'est donc à cette date que le point de départ de son action en nullité des contrats à raison de ce grief doit être fixé. Or, ayant agi moins de cinq ans plus tard, en novembre 2022, son action n'était pas davantage prescrite.

En définitive, l'action intentée par Mme X. contre la SAS SIN et la SAS Locam en nullité des contrats du 18 novembre 2016 au regard des dispositions du droit de la consommation, qui lui sont applicables, n'est pas prescrite ; la décision entreprise doit être infirmée de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-1

ARRÊT DU 13 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/11085. Arrêt n° N° 2025/201. N° Portalis DBVB-V-B7I-BNVEB. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état de TOULON en date du 3 septembre 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le RG n° 22/05662.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3], représentée et assistée par Maître Jacqueline MAROLLEAU de l'AARPI MAROLLEAU & TAUPENAS, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

né le [date] à, demeurant [Adresse 1], représenté et assisté par Maître Sarah GARANDET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS SOLUTION IMPRESSION NUMERIQUE (SIN)

ayant son siège social au [Adresse 1], prise en la personne de la SCP BR & ASSOCIES, prise en la personne de Maître W. R., Mandataire Liquidateur, dont l'Étude est sise [Adresse 2], es qualité de liquidateur judiciaire, représentée et assistée par Maître Sarah GARANDET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS LOCAM

demeurant [Adresse 4], représentée par Maître Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 mars 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre, Madame Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur, Madame Anne DAMPFHOFFER, Magistrate honoraire à titre juridictionnel, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025, Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 novembre 2016, Mme X., pour les besoins de son activité professionnelle, a signé un bon de commande et conclu un contrat de garantie et de maintenance portant sur la location d'un photocopieur Toshiba 305 CS avec la SAS Solution Impression Numérique (la SAS SIN). Le contrat de garantie et maintenance prévoyait une facturation à hauteur de 0,024 euros HT pour toute copie noir et blanc supplémentaire au-delà d'un forfait de 5 000 copies, facturation à hauteur de 0,1818 euros HT pour toute copie couleur supplémentaire au-delà d'un forfait de 4 000 copies couleur, outre la garantie du matériel comprenant les pièces détachées, la main d’'uvre, le déplacement sous 4 heures ouvrées, le toner noir et le photoconducteur, le tout sur une durée de 63 mois.

Le bon de commande comprenait également le versement à Mme X. par la SAS SIN d'une somme totale de 3 500 euros HT au titre d'une participation au solde d'un dossier précédent dont le versement était prévu en plusieurs échéances (1.050 euros HT à la livraison du matériel et 2 450 euros HT sous 45 jours après la livraison du matériel et réception facture).

Pour financer son acquisition, Mme X. a signé avec la SAS Locam un contrat de location de longue durée qui prévoyait un coût de 180 euros HT par mois sur 21 trimestres, soit 648 euros TTC hors assurance sur 21 trimestres.

Selon bon de livraison et procès-verbal d'installation du 25 novembre 2016, le matériel a été livré.

Par courrier du 30 novembre 2016, la SAS Locam a adressé une facture à Mme X. comprenant un échéancier de 21 échéances trimestrielles d'un montant de 24,96 euros au titre du contrat de location conclu avec la SAS SIN.

Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert la liquidation judiciaire de la SAS SIN.

Le 27 juillet 2021, la SAS Locam a adressé à Mme X. une lettre de mise en demeure emportant déchéance du terme, à raison de loyers impayés.

Le 6 janvier 2022, Mme X. s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel de Toulon devant lequel était poursuivi M. Y., président de la SAS SIN, des chefs de non remise au consommateur d'un contrat conforme conclu hors établissement, d'obtention d'un paiement ou d'une contrepartie avant la fin d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat conclu hors établissement et de pratique commerciale trompeuse.

Par assignations des 2, 3 et 4 novembre 2022, Mme X. a fait citer M. Y., la SAS SIN, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la SAS Locam devant le tribunal judiciaire de Toulon afin d'obtenir, notamment, à titre principal, la nullité du contrat signé avec la SAS SIN, à titre subsidiaire, la résolution de ce contrat, en tout état de cause, la constatation de l'interdépendance des contrats conclus avec la SAS SIN et la SAS Locam et la caducité du contrat conclu avec cette dernière, ainsi que la condamnation de la SAS Locam à lui rembourser la somme de 12 053,64 euros à parfaire, la condamnation in solidum de M. Y. et de la SAS SIN, à lui payer la somme de 6 000 euros pour son préjudice financier, et celle de 10 000 euros pour son préjudice moral.

Par jugement rendu le 18 septembre 2023, le tribunal correctionnel de Toulon a, notamment, sur l'action publique, condamné M. Y. à un emprisonnement délictuel de six mois assorti d'un sursis total et sur l'action civile, renvoyé l'affaire à une audience du 26 juin 2024 devant la chambre des intérêts civils.

Par dernières conclusions d'incident notifiées le 10 juin 2024, la SAS Locam a saisi le juge de la mise en état afin qu'il juge prescrite l'action en nullité de Mme X.

Par ordonnance rendue le 3 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon a :

- déclaré recevables les conclusions d'incident notifiées par la SAS Locam le 18 janvier 2024,

- déclaré recevable l'incident soulevé par la SAS Locam,

- rejeté la demande de Mme X. visant à voir renvoyer l'examen de l'incident par la formation collégiale du tribunal,

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en nullité des contrats conclus le 18 novembre 2016 formées par Mme X.,

- rejeté les plus amples demandes,

- dit que chaque partie conservera la charge des frais irrépétibles engagés,

- condamné Mme X. aux dépens,

- renvoyé la procédure à la mise en état électronique.

Le juge de la mise en état a estimé n'y avoir lieu d'écarter les conclusions d'incident de la SAS Locam, ne les considérant pas tardives, et estimant que Mme X. avait pu y répondre. Il a retenu que la SAS Locam avait qualité à agir et intérêt à agir au titre du contrat de financement souscrit avec Mme X.

Le juge de la mise en état a ensuite refusé le renvoi de l'incident devant la formation collégiale du tribunal, considérant que seule la question du point de départ de la prescription de l'action en nullité lui était soumise, sans que doive être tranchée au préalable une question de fond, telle notamment le bien-fondé de la demande en nullité ou l'applicabilité éventuelle du code de la consommation.

Ainsi, pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de Mme X., le juge de la mise en état a retenu sur le fondement de l'article 2224 du code civil, d'une part, que, sur le fondement invoqué de la violation des dispositions du code de la consommation, et sans préjuger de l'applicabilité ou non de ces dispositions, Mme X. avait connaissance des causes de nullité invoquées (absence de mention de la faculté de rétractation, absence de formulaire de rétractation, clauses contractuelles, fourniture d'un rib et signature d'une autorisation de prélèvement) dès la conclusion des contrats le 18 novembre 2016, la seule production de son procès-verbal d'audition devant la direction départementale de la protection des populations le 15 octobre 2018 ne permettant pas de décaler ce point de départ.

D'autre part, sur le fondement invoqué des vices du consentement, le juge de la mise en état a considéré que Mme X. ne démontrait pas en quoi le point de départ de la prescription devait être décalé à la date du 15 octobre 2018, jour de son audition, dès lors qu'il résultait de ses écritures que des difficultés dans l'exécution du contrat étaient apparues dès le mois de décembre 2016 (avec une facturation irrégulière à hauteur de 24,96 euros par mois), ni en quoi il devrait l'être au 28 septembre 2018 lors de son rendez-vous avec M. Y., dans la mesure où aucune preuve de l'existence de manœuvres dolosives caractérisant une pratique commerciale trompeuse n'était apportée, alors qu'un vice du consentement ne peut être caractérisé a posteriori. Le juge de la mise en état a estimé encore que le point de départ ne pouvait être décalé au jour du jugement correctionnel du 18 septembre 2023 ayant condamné M. Y., alors que Mme X. s'était constituée partie civile dès le 10 janvier 2022, que la décision n'est pas définitive et que les manœuvres dénoncées dans ce cadre seraient en tout état de cause postérieures à la signature du contrat. Le juge de la mise en état en a déduit que les irrégularités dénoncées et la mauvaise économie du contrat pouvaient être constatées dès sa signature, que le contrat a reçu exécution, de sorte que les demandes de nullité des contrats étaient tardives et prescrites.

Par déclaration transmise au greffe le 10 septembre 2024, Mme X. a relevé appel de cette décision en formant un appel nullité à titre principal, pour défaut de réponse à conclusions, et à titre subsidiaire, en vue de réformer la décision entreprise en visant chacun des chefs de dispositif de celle-ci.

[*]

Par conclusions transmises le 23 décembre 2024 au visa des articles L. 221-3, L. 221-5 à L. 221-7, L. 211-8 à L. 211-18 et L. 221-18 à L. 221-28 du code de la consommation, des articles 1103 et suivants, 1131 et suivants, 1231-1 et suivants, 1240 et suivants, 1352 et suivants et 1347 du code civil et des articles 15, 16, 32, 74, 122, 123, 378, 455, 458, 789, 791 du code de procédure civile, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme X. sollicite de la cour qu'elle :

A titre principal :

- annule l'ordonnance entreprise pour défaut de réponse à conclusions,

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- déclare ses demandes de prononcer la nullité des contrats du 18 novembre 2016 formés entre elle et la SAS SIN et la SAS Locam, recevables comme n'étant pas prescrites,

A titre subsidiaire :

- sursoit à statuer en attendant le sort de la procédure d'appel du jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023, pendante devant la chambre 5-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

En tout état de cause :

- condamne la SAS Locam à la somme de 10 000 euros, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, pour procédure d'incident abusive et dilatoire sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,

- condamne la SAS Locam à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 1 800 euros pour la procédure d'appel et aux entiers dépens de la première instance et d'appel,

- déboute M. Y. et la SAS SIN, prise en la personne de son liquidateur, et la SAS Locam de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire :

- infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- déclare ses demandes de prononcer la nullité des contrats du 18 novembre 2016 formés entre elle et la SAS SIN et la SAS Locam, recevables comme n'étant pas prescrites,

A titre subsidiaire :

- sursoit à statuer en attendant le sort de la procédure d'appel du jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023, pendante devant la chambre 5-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

En tout état de cause :

- condamne la SAS Locam à la somme de 10 000 euros, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, pour procédure d'incident abusive et dilatoire sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,

- condamne la SAS Locam à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 1 800 euros pour la procédure d'appel et aux entiers dépens de la première instance et d'appel,

- déboute M. Y. et la SAS SIN, prise en la personne de son liquidateur, et la SAS Locam de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

Sur la nullité de l'ordonnance querellée, Mme X. invoque les articles 455 et 458 du code de procédure civile et soutient que le juge de la mise en état a omis de répondre à deux de ses moyens s'agissant, d'une part, de l'application des dispositions du code de la consommation, dans la mesure où il a statué « sans préjuger de l'applicabilité ou non de ces dispositions », alors que ces dispositions permettaient de caractériser le point de départ de la prescription quinquennale et qu'il appartenait aux professionnels de démontrer qu'elles avaient été porté à sa connaissance ; d'autre part, s'agissant de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, au soutien de laquelle étaient formulés des moyens qui n'ont pas reçu de réponse de la part du juge de la mise en état.

A titre subsidiaire, elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée en reprenant à l'identique les moyens développés au soutien de sa demande de nullité de l'ordonnance, à savoir, la recevabilité de son action en nullité du fait de la violation des dispositions du code de la consommation, du fait d'un vice d'un consentement, à titre subsidiaire, un sursis à statuer, et, en tout état de cause, la condamnation de la SAS Locam à une somme provisionnelle.

Sur la recevabilité de son action en nullité des contrats interdépendants sur le fondement des dispositions du code de la consommation, Mme X. soutient :

- qu'il convenait de faire application des dispositions du code de la consommation en précisant que la clause attributive de compétence insérée au contrat ne peut lui être imposée dès lors qu'elle n'a pas la qualité de commerçante, de sorte qu'elle est réputée non écrite,

- qu'elle possède bien la qualité de consommateur au sens de ces dispositions dans la mesure où, dans le cadre de son activité professionnelle, elle n'emploie aucun salarié et que le contrat conclu avec la SAS SIN l'a été hors établissement et n'entrait pas dans le champ de son activité principale,

- que le contrat ne porte pas sur un service financier, de sorte que l'exclusion de l'article L. 221-9 du code de la consommation ne peut s'appliquer à l'espèce,

- que le point de départ du délai quinquennal de prescription ne se situe pas à la date de signature du contrat dans la mesure où il ne contenait aucune reproduction des textes du code de la consommation, de sorte qu'elle ne pouvait avoir connaissance des irrégularités tenant à l'irrespect des dispositions sur le droit de rétractation, le prix du bien ou du service et l'interdiction de remise d'une contrepartie ou d'un paiement le jour de la signature du contrat ; qu'elle en déduit qu'elle ne pouvait avoir connaissance du vice affectant le bon de commande que lors de la consultation de son conseil en octobre 2022, ou, en tout état de cause au jour du jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023.

Sur la recevabilité de son action en nullité sur le fondement du vice du consentement, Mme X. fait valoir :

- que le contrat litigieux encourt la nullité du fait d'un dol constitué par les manquements volontaires à l'obligation d'information et de conseil et aux pratiques commerciales trompeuses de la SAS SIN qui lui ont été révélées lors de son entretien avec la direction départementale de la protection des populations le 15 octobre 2018 ou, à titre subsidiaire, du fait d'une erreur sur les qualités substantielles du bien, considérant dans les deux cas que le grief est constitué par le coût conséquent de plus de 30 000 euros du produit vendu qui ne fonctionne plus,

- que le point de départ de son action en nullité doit être reporté à la date de sa connaissance du vice soit le 15 octobre 2018, ou, en tout état de cause, le 18 septembre 2023, date du jugement du tribunal correctionnel de Toulon.

A titre subsidiaire, sur la demande de sursis à statuer, d'une part, elle soutient que cette demande est recevable dès lors qu'elle a évoqué cette procédure pénale en première instance et qu'elle constitue l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes de recevabilité de la demande de nullité des contrats.

D'autre part, elle fait valoir que, dans la mesure où le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023 a retenu la culpabilité de M. Y. au regard des violations des dispositions du code de la consommation concernant des éléments relatifs à la formation du contrat, elle est fondée à solliciter le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit tranché sur le sort de la procédure d'appel qui statuera sur la culpabilité de M. Y..

Sur la demande de condamnation de la SAS Locam à une somme provisionnelle d'un montant de 10 000 euros à valoir sur son indemnisation sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, elle fait valoir que la notification des conclusions d'incident soulevant l'irrecevabilité pour prescription de sa demande de nullité constitue une manoeuvre dilatoire, dès lors qu'elle a été réalisée à trois jours de la clôture, alors que l'irrecevabilité avait déjà été soulevée dans les conclusions au fond de la SAS Locam et n'avait ainsi que pour but de retarder la procédure, ce qui lui cause un préjudice dans la mesure où elle continue à régler les échéances dues aux termes des contrats.

[*]

Par conclusions transmises le 3 décembre 2024 au visa des articles L. 221-3, L. 221-5 à L. 221-7, L. 211-8 à L. 211-18 et L. 221-18 à L. 221-28 du code de la consommation, des articles 1103 et suivants, 1131 et suivants, 1231-1 et suivants, 1352 et suivants et1347 du code civil, de l'article 4 du code de procédure pénale et des articles 15, 16, 32, 74, 122, 123 789 et 791 du code de procédure civile, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SAS SIN, prise en la personne de la SCP BR & associés, elle-même prise en la personne de Me [W] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire, et M. Y. demandent à la cour de :

In limine litis :

- déclarer irrecevable comme nouvelle par devant la cour d'appel la demande de sursis à statuer formulée par Mme X.,

Sur le fond :

- dire et juger que :

l'ordonnance d'incident dont appel est parfaitement motivée, et répond en tous points à l'argumentation et à chacune des demandes émises par Mme X.,

les conclusions d'incident notifiées le 18 janvier 2024 par la SAS Locam, soit plusieurs jours avant l'ordonnance de clôture, sont parfaitement recevables,

en l'état du renvoi à une audience d'incident, Mme X. a disposé du temps nécessaire afin d'en prendre connaissance et d'y répliquer, et en conséquence, le principe du contradictoire est dûment respecté,

le contrat principal d'une opération contractuelle de location de photocopieur est le contrat de location de photocopieur régularisé avec le bailleur,

la SAS Locam a parfaite qualité à agir,

aucune question au fond n'est nécessaire à l'appréciation de la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Locam,

le bon de commande étant daté du 18 novembre 2016, Mme X. disposait d'un délai courant jusqu'au 18 novembre 2021 afin de les attraire en justice,

Mme X. ne rapporte aucunement la preuve de ce qu'elle n'aurait pas été en mesure de connaître la portée de son engagement dès signature des documents contractuels,

a contrario, les documents contractuels sont clairs et dénués d'ambiguïté, et lui permettaient parfaitement de connaître dès leur régularisation la teneur et la portée de ses engagements,

rien ne permet de décaler le point de départ de prescription de l'action en nullité de Mme X.,

En conséquence :

- débouter Mme X. de sa demande d'annulation de l'ordonnance déférée pour défaut de réponse à conclusions,

- confirmer l'ordonnance déférée sur le fond,

- déclarer prescrite l'action en nullité de Mme X.,

- débouter Mme X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme X. à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la nullité de l'ordonnance déférée pour défaut de réponse à conclusions, la SAS SIN et M. Y. soutiennent que le juge de la mise en état a répondu à chacune des demandes de Mme X. dès lors que, d'une part, il a répondu à la problématique de l'application des dispositions du code de la consommation, d'ordre public, en considérant que si elles étaient applicables, Mme X. avait connaissance des causes de nullité dès la signature du contrat, ce qui a fondé le prononcé de l'irrecevabilité de son action pour prescription (page 8 de l'ordonnance).

D'autre part, sur la demande de dommages et intérêts, ils font valoir que le juge de la mise en état y a répondu en rejetant le surplus des demandes et en l'indiquant au sein des motifs.

Sur la recevabilité de l'action de Mme X., ils soutiennent que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé au jour de la signature des contrats le 18 novembre 2016 dès lors qu'à ce jour, l'appelante disposait de l'ensemble des éléments lui permettant de connaître la teneur et la portée de ses engagements, et considèrent qu'elle n'en apporte pas la preuve contraire en sollicitant la fixation de points de départ du délai de prescription contradictoires, démontrant sa mauvaise foi. Ainsi, ils font valoir que son action devait être introduite avant le 18 novembre 2021, de sorte qu'elle est prescrite.

En outre, sur l'application des dispositions du code de la consommation, ils considèrent que Mme X. a conclu les contrats objets du litige en qualité de professionnelle, de sorte que ces dispositions sont inapplicables, et qu'en tout état de cause, cela ne modifie pas le point de départ du délai de prescription.

Sur la demande de sursis à statuer, ils soutiennent d'une part qu'elle est irrecevable car nouvelle en cause d'appel et d'autre part, sur le fond, qu'elle n'est pas fondée dans la mesure où les procédures civiles ne sont plus suspendues par la mise en mouvement de l'action publique, de sorte que le juge civil peut se prononcer même en l'absence de décision pénale alors que la procédure est toujours en cours.

[*]

Par conclusions transmises le 3 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SAS Locam demande à la cour de :

- confirmer la prescription de l'action en nullité du 3 novembre 2022 concernant le contrat souscrit le 18 novembre 2016,

- débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme X. aux dépens.

Sur la recevabilité de l'action de Mme X., elle fait valoir que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé à la signature du contrat du 18 novembre 2016, de sorte que son action est prescrite.

Sur la demande de sursis à statuer et la demande de condamnation provisionnelle, la SAS Locam fait valoir, d'une part, qu'elles sont irrecevables car nouvelle en cause d'appel et,d'autre part, qu'elles sont infondées.

[*]

L'affaire a été fixée à l'audience du 3 mars 2025 suivant la procédure à bref délai de l'article 905 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 février 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La recevabilité des conclusions d'incident de la SAS Locam, et la qualité à agir de la SAS Locam ne sont plus des moyens de critique de l'action développés par l'appelante en appel, de sorte que la cour n'examinera pas ces points, n'en étant pas saisie.

 

1. Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état :

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 du même code précise que ce qui est prescrit par les articles 447,451,454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 (alinéas 1 et 2) doit être observé à peine de nullité.

En l'occurrence, les reproches formés par Mme X. contre la décision entreprise tiennent au fait pour le juge de la mise en état d'avoir omis de répondre à deux de ses moyens :

- s'agissant, d'une part, de l'application des dispositions du code de la consommation, dans la mesure où il a statué « sans préjuger de l'applicabilité ou non de ces dispositions », alors que ces dispositions permettaient de caractériser le point de départ de la prescription quinquennale et qu'il appartenait aux professionnels de démontrer qu'elles avaient été porté à sa connaissance ;

- d'autre part, s'agissant de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, au soutien de laquelle étaient formulés des moyens qui n'ont pas reçu de réponse de la part du juge de la mise en état.

Or, ces reproches sont des critiques sur l'appréciation des prétentions des parties faite par le juge de la mise en état qui a répondu à chaque demande formée, au sens d'une prétention juridique, à la fois dans ses motifs et dans le dispositif de son ordonnance. Les préconisations de l'article 455 du code de procédure civile ont donc été respectées et aucune procédure pour omission de statuer n'a été intentée.

Mme X. manifeste son désaccord avec les choix procéduraux et l'appréciation juridique faite par le juge.

Néanmoins, elle ne fait état d'aucune violation manifeste d'une règle de droit fondamentale, tel le principe de la contradiction, par le premier juge, tout comme il n'est allégué, ni justifié, d'aucun excès de pouvoir de sa part.

Ainsi, les critiques formulées par Mme X., si elles sont éventuellement susceptibles d'entraîner l'infirmation de la décision entreprise, ne sont pas pour autant des causes d'annulation de l'ordonnance contestée.

La demande d'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état de Toulon du 3 septembre 2024 doit donc être rejetée.

 

2. Sur la recevabilité des demandes de nullité des contrats de vente formées par Mme X. :

Par application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

 

Au regard du droit de la consommation

Sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs, qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière. Par ailleurs sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.

En l'espèce, les contrats de location longue durée et de maintenance successivement conclus par les parties sont des contrats interdépendants.

Par application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L. 221-9 du code de la consommation dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Il résulte de ces dispositions que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code.

En l'occurrence, il ressort des pièces produites que Mme X., entrepreneur individuel qui exerce une activité de bureau d'études télécom, a souscrit le 18 novembre 2016, pour les besoins de son activité professionnelle, un bon de commande portant sur la fourniture et la location longue durée d'un photocopieur, outre un contrat de garantie et de maintenance, la SAS SIN s'engageant à lui fournir le matériel et à procéder à sa maintenance, tandis que la SAS Locam en était le bailleur et Mme X. la locataire.

Le matériel a été livré et installé le 25 novembre 2016.

La SAS Locam a mis en demeure Mme X. de payer les échéances du prêt sous peine de déchéance du terme tandis que cette dernière sollicite la nullité des contrats pour irrespect des dispositions du code de la consommation et pour dol, soutenant avoir été trompée lors de la signature de ces contrats.

Tout d'abord, il convient de relever que les contrats de location établis par la SAS SIN sont des contrats de mise à disposition de matériel moyennant un loyer, sur une période déterminée ; ces contrats sont donc exclus du cadre des contrats portant sur un service financier permettant d'écarter d'office l'application du droit de la consommation.

Certes, Mme X. a signé les contrats en apposant son tampon professionnel et le photocopieur loué constitue un matériel de bureau indispensable à son activité principale. Toutefois, l'activité principale de l'appelante n'a pas pour objet la réalisation et la vente de photocopie, le matériel loué étant un outil employé en appui à son activité de bureau d'études, mais n'en constituant pas l'essence même ; aussi, le contrat de location en cause ne peut être considéré comme entrant dans le champ de l'activité principale de Mme X., au demeurant entrepreneur individuel. L'appelante doit donc être considérée comme consommatrice au regard des dispositions sus-visées qui s'appliquent à elle.

Si la présente cour n'a pas pour office de déterminer si les contrats litigieux sont nuls ou non au regard du droit de la consommation, il lui appartient cependant d'apprécier si les irrégularités dénoncées par Mme X. à ces titres étaient connues ou non d'elle depuis plus de cinq ans au jour où elle a engagé son action, soit les 2, 3 et 4 novembre 2022.

D'une part, Mme X. soutient que les contrats du 18 novembre 2016 ne font pas état de son droit de rétractation. En effet, si le contrat de garantie et maintenance rappelle les dispositions de l'article L 121-17 du code de la consommation au point 14 des conditions mentionnées en petits caractères, le contrat de location n'en fait aucunement état. Certes, ces indications ou manques sont contemporains de la signature du contrat. Cependant, il est désormais retenu que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.

Ainsi, la connaissance des mentions contractuelles exigées à peine de nullité du contrat ne résulte pas de la signature même du contrat potentiellement vicié, mais de la connaissance effective de ces vices par le consommateur, sauf à ce qu'il ait confirmé le contrat en pleine connaissance de ceux-ci.

En l'espèce, Mme X. n'a pu avoir connaissance de l'absence de mention de son droit à rétractation lors de la signature du contrat du 18 novembre 2016, qui était totalement taisant, mais uniquement lorsqu'ont été caractérisés les manquements à ce titre, c'est-à-dire, à l'issue du jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 18 septembre 2023 qui condamne M. Y., gérant de la SAS SIN, notamment pour des faits de non remise au consommateur d'un contrat conforme conclu hors établissement, Mme X. étant reçue en sa constitution de partie civile. Aucune date antérieure ne peut être retenue à ce titre puisque le jour de consultation de son avocat par l'appelante n'est pas prouvé, et puisque le procès-verbal de déclaration établi par la DDPP le 15 octobre 2018 consigne les propos de Mme X., mais ne reprend pas les griefs précis liés à l'irrespect du droit de la consommation. Dès lors, s'agissant de ce premier grief, la prescription de l'action de Mme X. n'a pas commencé à courir avant qu'elle n'assigne dans le cadre de la présente procédure ; sa demande n'est donc pas prescrite.

D'autre part, Mme X. fait valoir que les contrats signé sont irréguliers au regard des dispositions du droit de la consommation interdisant la remise d'une contre-partie ou d'un paiement le jour de la signature du contrat. Ce grief, lié au premier, n'était pas davantage connu de Mme X. à la date du 18 novembre 2016. Le fait qu'elle se soit exécuté ne vaut pas confirmation de ce vice dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme X. avait conscience, alors, de la teneur de celui-ci. Or, de même, ce n'est qu'avec le prononcé du jugement du tribunal correctionnel que Mme X. a eu connaissance du vice affectant les contrats ; aucune prescription n'est encourue à ce titre.

Enfin, Mme X. soutient que le contrat ne comprend pas la mention des caractéristiques essentielles du bien, ni surtout son prix ainsi que le requiert l'article L. 221-5 du code de la consommation. Elle indique à ce titre ne pas avoir compris le prix de location et le coût des photocopies, donc ne pas avoir mesuré l'économie globale des contrats, ainsi que les factures émises par la SAS Locam mentionnant notamment un surcoût de 24,96 euros. Elle soutient ne pas voir compris si le prix comprenait ou non une TVA, ni le taux applicable, et n'avoir pas perçu le coût de l'assurance. A ce titre, le défaut de clarté initiale des contrats et l'émission de factures ultérieures sans lien avec ceux-ci ne permettent pas de considérer que Mme X. a pu avoir conscience de ces irrégularités dès la signature des contrats. En revanche, il résulte de la teneur du procès-verbal dressé par la DDPP le 15 octobre 2018 que Mme X. a fait état de son incompréhension quant au prix pratiqué à tout le moins à ce moment là. C'est donc à cette date que le point de départ de son action en nullité des contrats à raison de ce grief doit être fixé. Or, ayant agi moins de cinq ans plus tard, en novembre 2022, son action n'était pas davantage prescrite.

En définitive, l'action intentée par Mme X. contre la SAS SIN et la SAS Locam en nullité des contrats du 18 novembre 2016 au regard des dispositions du droit de la consommation, qui lui sont applicables, n'est pas prescrite ; la décision entreprise doit être infirmée de ce chef.

 

Au titre des vices du consentement

Par application de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1132 du même code ajoute que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Par ailleurs, l'article 1137 ajoute que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

S'agissant du reproche formé par Mme X. à raison de manquements volontaires à l'obligation légale d'information et de conseil qu'elle impute à ses cocontractants, la SAS SIN et la SAS Locam, et du fait de pratiques commerciales trompeuses, les intimées soutiennent que Mme X. a fait valoir des manquements à ce titre au travers de ses contestations à l'encontre de la facture du 30 novembre 2016, dès le mois de décembre 2016. Or, il n'est produit aucune pièce contemporaine à ces dates permettant de démontrer que l'appelante mettait en cause un manquement des intimées à leur devoir de conseil. En revanche, il résulte des propos recueillis de sa part par la DDPP dans le procès-verbal du 15 octobre 2018 que Mme X. était alors consciente des manquements qu'elle impute désormais aux intimées en termes de défaut d'information et de tromperies, l'ayant conduite à signer le contrats concernés.

De même, s'agissant du grief relatif à l'erreur sur les qualités substantielles du servce rendu, il apparaît que Mme X. n'en a pas pris immédiatement conscience, mais a émis des contestations à ce titre, invoquant un potentiel vice de son consentement dès son audition le 15 octobre 2018 par les services de l'Etat saisis.

Aussi, la prescription de l'action en nullité des contrats litigieux exercée par Mme X. n'a pas commencé à courir à compter de leur signature, mais dès le 15 octobre 2018. L'assignation ayant été délivrée moins de cinq ans après, aucune prescription n'est davantage encourue.

Ainsi, l'ordonnance entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a déclarée prescrite l'action intentée par Mme X. tant au regard du droit de la consommation qu'au regard des vices du consentement allégués.

L'instance se poursuivra devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon.

 

3. Sur la demande de sursis à statuer :

Cette prétention, formulée à titre subsidiaire, se trouve sans objet en l'état de l'infirmation de la décision entreprise quant à la prescription écartée de l'action intentée par Mme X.

 

4. Sur la demande de provision contre la SAS Locam :

Sur la recevabilité de cette demande :

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Mme X. soutient que cette demande est nouvelle en appel.

Or, il résulte du dispositif de décision entreprise que le juge de la mise en état a « rejeté les plus amples demandes », certes sans plus de précision, mais après avoir motivé en page 9 de sa décision le rejet de la demande de dommages et intérêts présentée par Mme X. contre la SAS Locam.

Cette prétention n'est donc pas nouvelle en cause d'appel ; elle est donc recevable.

 

Sur le bien-fondé de la demande :

En vertu de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En l'occurrence, le fait pour la SAS Locam d'avoir formé un incident tendant au constat de la prescription de l'action entreprise par Mme X. n'est pas en soi constitutif d'un abus procédural. De plus, au vu de la nature de l'affaire et de la complexité des règles applicables, ainsi que de l'évolution de leur mise en oeuvre et de leur marge d'appréciation, il ne peut être reproché à la SAS Locam aucun manquement dans l'évocation de cette fin de non recevoir, accueillie en première instance et rejetée en appel. Aucune manoeuvre dilatoire n'est démontrée.

Cette demande d'indemnisation doit être rejetée ; la décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

 

5. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

En l'état de l'infirmation de la décision entreprise, et donc de la poursuite de la procédure initiée par Mme X. devant le tribunal judiciaire de Toulon, il y a lieu de réserver les dépens de cette instance d'incident qui suivront le sort des dépens au fond, ainsi que les prétentions émises au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déboute Mme X. de sa demande d'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 septembre 2024 ;

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme X. en nullité des contrats conclus le 18 novembre 2016, ainsi qu'en ce qu'elle a condamné Mme X. au paiement des dépens ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables car non prescrites les demandes formées par Mme X. en nullité des contrats conclus le 18 novembre 2016 ;

Réserve les prétentions émises par Mme X., la SAS SIN et la SAS Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le sort des dépens d'incident suivra le sort des dépens de l'instance au fond,

Renvoie l'examen de l'affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon, dans le cadre de a mise en état électronique.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT