CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 8 juillet 2025

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 8 juillet 2025
Juridiction : Versailles (CA), ch. com. 3-2
Demande : 24/00037
Date : 8/07/2025
Nature de la décision : Réformation
Date de la demande : 23/12/2023
Décision antérieure : T. com. Versailles (3e ch.), 8 décembre 2023 : RG n° 2022F00721
Décision antérieure :
  • T. com. Versailles (3e ch.), 8 décembre 2023 : RG n° 2022F00721
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 24203

CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 8 juillet 2025 : RG n° 24/00037 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L'effectif social visé à ce texte doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail. »

2/ « Statuant sur la question préjudicielle d'une juridiction allemande, la Cour de justice de l'Union européenne a récemment (21 décembre 2023, C-38/21, C-47/21 et C-232/21, BMW Bank) éclairé le champ d'application de la directive de 2011, en examinant la nature d'un contrat de « leasing » se présentant (arrêt, §§46 à 49) comme un contrat de prêt affecté à l'achat d'une automobile acquise par une banque pour l'emprunteur, assorti d'un taux d'intérêt, sans option d'achat. La Cour de justice dit pour droit (§1 du dispositif de son arrêt ; §§126 à 156 de ses motifs) qu'un tel contrat relève du champ d'application de la directive 2011/83, en tant que contrat de service, au sens de l'article 2, point 6, de celle-ci ; corrélativement, qu'il ne relève du champ d'application ni de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, ni de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs.

Dès lors que la CJUE a dégagé cette solution à partir d'une convention se présentant comme un contrat de crédit affecté consenti par une banque, elle doit a fortiori être appliquée à toute situation contractuelle dans laquelle, par un contrat dit de « location financière », un professionnel finance l'utilisation d'un bien par un consommateur en en faisant lui-même l'acquisition et en le mettant à la disposition du consommateur moyennant le paiement d'échéances fixes, sans que le consommateur ne dispose d'une option d'achat. […]

Une location financière ne constitue pas une opération de crédit-bail ou plus généralement une opération de location associé d'une option d'achat assimilable à une opération de crédit-bail (Cass., Com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, publié). Cette solution est cohérente avec celle adoptée par la CJUE le 21 décembre 2023. Le contrat de « location financière » passé entre la société Agilease et la société Japomme a pour objet la mise à disposition de celle-ci d'un copieur acheté pour elle, moyennant le paiement de loyers. Ce contrat est un contrat de service au sens de l'article 2, 6), de la directive de 2011 et non un contrat portant sur des services financiers au sens de l'article 3, §3, d), de cette directive. Au reste, si l'appelante invoque les dispositions de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier, elle n'allègue pas et n'établit par aucune des pièces versées aux débats que la société Agilease, aux droits de laquelle elle vient, soit un établissement de crédit ou une société de financement au sens des dispositions précités du code monétaire et financier.

Le contrat litigieux a été signé au siège de la société Japomme, soit hors établissement ; il est suffisamment établi par la production d'une liasse fiscale que cette société n'avait pas de salarié à l'époque ; enfin, cette société exerce une activité principale de conseil en immobilier, dépourvue de lien avec l'objet du contrat. »

3/ « La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re civ., 24 janv. 2024, n° 22-16.115, publié, revenant sur la solution antérieure contraire, notamment exprimée dans Cass., 1re Civ., 31 août 2022, n° 21-12.968, publié).

Il n'est établi par aucune des pièces versées aux débats que la société Japomme avait connaissance de la cause de nullité relevée, de sorte qu'au sens de l'article 1182 du code civil, elle ne peut être considérée comme ayant tacitement confirmé le contrat en l'exécutant partiellement. »

4/ « Le contrat de location financière étant nul, la demande en paiement au titre des loyers échus formulée par le loueur doit être écartée ; le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a accueillie en partie.

Il est constant que le matériel a déjà été repris par le loueur.

La demande de l'appelante en condamnation du loueur à lui rembourser les loyers acquittés n'étant formulée qu'à titre subsidiaire, elle ne peut être examinée, dès lors que sa demande principale en annulation a été accueillie. La demande du loueur tendant au rejet de cette demande de remboursement en raison du fait que les sommes versées constitueraient une indemnité de jouissance est partant sans objet. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE COMMERCIALE 3-2

ARRÊT DU 8 JUILLET 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00037. N° Portalis DBV3-V-B7I-WINL. Code nac : 59B. PAR DEFAUT. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES (3e ch.) : R.G. n° 2022F00721.

LE HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

SARL JAPOMME

N° Siret XXX RCS BOURG-EN-BRESSE, Ayant son siège, [Adresse 7], [Localité 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Représentant : Maître Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122 -, Plaidant : Maître Julie CARNEIRO, avocat au barreau d'AIN, vestiaire : 102

 

INTIMÉS :

SASU FRANFINANCE LOCATION

Ayant son siège [Adresse 2], [Localité 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Représentant : Maître Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 - N° du dossier 24TB3380, Plaidant : Maître Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1119 -

SELARL J. I. ès qualité de liquidateur de la SARL PRESTATECH

dont le siège est sis [Adresse 4] [Localité 6], désigné en cette qualité suivant jugement de liquidation judiciaire rendu le 10 septembre 2019 par le Tribunal de commerce de LYON, représenté par Maître J. I., Ayant son siège [Adresse 3], [Localité 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Défaillante - déclaration d'appel signifiée à étude

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre, Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre, Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 4 juin 2018, la SARL Japomme a conclu avec la société Prestatech un contrat de maintenance d'un copieur multifonction Olivetti MF3100 et avec la société Agilease un contrat de location financière de ce matériel.

Le 1er octobre 2018, la société Agilease a cédé le contrat de location financière à la société Franfinance Location (le loueur).

Le 10 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Prestatech en liquidation judiciaire et désigné la société J. I. en qualité de liquidateur.

Le 7 juillet 2022, le loueur a résilié le contrat de location.

Le 7 septembre 2022, il a assigné la société Japomme en paiement devant le tribunal de commerce de Versailles.

Le 22 décembre 2022, la société Japomme a assigné le liquidateur de la société Prestatech, ès qualités, devant ce tribunal.

Le 17 mars 2023, la jonction des deux instances a été prononcée.

Le 8 décembre 2023, ce tribunal a :

- constaté l'absence de la société J. I., ès qualités ;

- condamné la société Japomme à payer à la société Franfinance Location la somme de 12 093 euros ;

- ordonné à la société Japomme de restituer à la société Franfinance Location à l'adresse de son siège social ([Adresse 2] [Localité 8]) le copieur multifonction Olivetti Dcolor MF3100 portant le numéro de série A6DT321102107 sous astreinte de 20 euros TTC par jour, passé un délai de deux mois après la signification du jugement et pendant deux mois, après quoi il appartiendra à la société Franfinance Location de faire une nouvelle demande d'astreinte, le cas échéant ;

- débouté la société Franfinance Location de ses autres demandes ;

- prononcé la résolution des contrats conclus le 4 juin 2018 entre la société Japomme et la société Prestatech à effet au 22 janvier 2023 ;

- débouté la société Japomme de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Japomme aux dépens dont frais de greffe de 89,66 euros.

Le 23 décembre 2023, la société Japomme a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer à la société Franfinance Location la somme de 12.093 euros ;

- a fixé la date de résolution des contrats conclus le 4 juin 2018 entre la société Japomme et la société Prestatech à la date du 22 janvier 2023 ;

- l'a déboutée de ses demandes ;

- a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens dont frais de greffe de 89,66 euros.

[*]

Par dernières conclusions du 20 septembre 2024, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement du 8 décembre 2023 en ce qu'il :

* l'a condamnée à payer à la société Franfinance Location la somme de 12 093 euros ;

* a fixé la date de résolution des contrats conclus le 4 juin 2018 entre elle et la société Prestatech à la date du 22 janvier 2023 ;

* l'a déboutée de ses autres demandes ;

* dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* l'a condamnée aux dépens dont frais de Greffe de 89,66 euros ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- prononcer la nullité des contrats intitulés « bon de commande » « conditions particulières » et « contrat de maintenance » conclus le 4 juin 2018 entre elle et la société Prestatech pour manquement à l'obligation d'information visée à l'article L. 221-5 du code de la consommation, notamment en l'absence de formulaire de rétraction détachable ;

- prononcer la nullité du contrat de location financière conclu le 4 juin 2018 entre elle et la société Agilease (cédé à la société Franfinance Location) pour manquement à l'obligation d'information visée à l'article L. 221-5 du code de la consommation, notamment en l'absence de formulaire de rétraction détachable ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité pour dol des contrats intitulés « bon de commande » « conditions particulières » et « contrat de maintenance » conclus le 4 juin 2018 entre elle et la société Prestatech ;

- et prononcer la caducité subséquente du contrat de location financière conclu le 4 juin 2018 entre elle et la société Agilease (cédé à la société Franfinance Location) ;

- condamner la société Franfinance Location à lui payer la somme de 9 396 euros TTC, outre intérêts légaux de droit à compter du 4 novembre 2022, à capitaliser après une année d'intérêts légaux échus ;

- condamner la société Franfinance Location à lui rembourser les condamnations acquittées à hauteur de 12 093 euros ;

A titre très subsidiaire,

- prononcer la résolution des contrats intitulés « bon de commande » « conditions particulières » et « contrat de maintenance » conclus le 4 juin 2018 entre elle et la société Prestatech à compter du 11 août 2019, ou au plus tard le 10 septembre 2019 ;

- et prononcer la caducité subséquente du contrat de location financière conclu le 4 juin 2018 entre elle et la société Agilease (cédé à la société Franfinance Location) ;

- condamner la société Franfinance Location à lui payer la somme de 9 396 euros TTC, outre intérêts légaux de droit à compter du 4 novembre 2022, à capitaliser après une année d'intérêts légaux échus ;

- condamner la société Franfinance Location à lui rembourser les condamnations acquittées à hauteur de 12 093 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

- réduire sa condamnation envers la société Franfinance Location du prix de revente du matériel actuellement détenu par Me [W], commissaire-priseur à [Localité 9], et à défaut de justification, à titre de sanction ;

- condamner la société Franfinance Location à lui rembourser la somme de 21 489 euros ;

- condamner la société J. I., en sa qualité de liquidateur de la société Prestatech à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Par conséquent,

- fixer au passif de la liquidation de la société Prestatech les sommes de :

* 12.093 euros ;

* toute somme condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile fixée par la cour d'appel ;

- employer en frais privilégiés de liquidation judiciaire les dépens ;

En tout état de cause,

- condamner la société Franfinance Location à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de mise en cause du liquidateur de la société Prestatech ;

- débouter la société Franfinance Location de l'intégralité de ses demandes.

[*]

Par dernières conclusions du 1er avril 2025, la société Franfinance Location demande à la cour de :

- débouter la société Japomme de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment :

- constater et, à défaut, prononcer la résiliation du contrat de location financière n° 001571258-00 du 4 juin 2018, intervenue le 7 juillet 2022 ;

En conséquence de la résiliation,

- condamner la société Japomme à lui payer le montant de 12 984,04 euros au titre des sommes suivantes dues au 7 juillet 2022 :

- 8.199,04 euros TTC au titre des loyers échus impayés ;

- 4.785 euros HT au titre de l'indemnité de résiliation ;

A titre subsidiaire, si la cour devait constater la caducité ou la nullité du contrat de location financière,

- débouter la société Japomme de sa demande de restitution des loyers perçus au titre du contrat de location financière n°001571258-00 ;

- juger les loyers qu'elle a perçus lui restant acquis au titre de l'indemnité d'occupation due au titre de la jouissance des matériels financés ;

En tout état de cause,

- condamner la société Japomme à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Japomme aux entiers dépens.

[*]

La déclaration d'appel a été signifiée à la société J. I. le 11 mars 2024 par remise à l'étude de l'huissier instrumentaire. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées le 2 avril 2024 selon les mêmes modalités. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 avril 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du contrat de location financière :

La société Japomme fait valoir que le contrat a été conclu hors établissement, n'est pas dans le champ de son activité principale et qu'elle n'a pas de salarié, de sorte que selon l'article L. 221-3 du code de la consommation, sont applicables au contrat les dispositions de l'article L. 221-9 de ce code ; qu'elle n'a pas reçu de formulaire de rétractation.

Le loueur, invoquant un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2023, prétend que le contrat en cause porte sur un service financier au sens de l'article L. 221-2 du code de la consommation, de sorte que les dispositions de l'article L. 221-3 de ce code invoqué par la locataire sont inapplicables. Il soutient qu'en tout cas, le contrat a été confirmé au sens de l'article 1182 du code civil, si bien qu'il ne peut être annulé.

Réponse de la cour

La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs a notamment établi le droit des consommateurs à une information pré-contractuelle utile et à la rétractation dans les contrats hors établissement.

Il résulte de ses articles 2, 6), et 3 que la directive est notamment applicable aux contrats de service, c'est-à-dire à « tout contrat autre qu'un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de celui-ci ». Cette règle est aujourd'hui transposée à l'article L. 221-1, II, du code de la consommation.

En son article 3, §3, d), la directive exclut de son champ d'application les contrats portant sur les services financiers.

Est défini à l'article 2, 12), de la directive comme un service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. »

La directive a été transposée au code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Selon l'article L. 121-16-1, I, 4°, devenu L. 221-2, 4° du code de la consommation, les dispositions protégeant le consommateur lorsque le contrat est conclu hors établissement ne sont pas applicables aux contrats portant sur des services financiers.

Selon l'article L. 221-3, inséré au chapitre 1er du titre II du livre II du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la conclusion du contrat de prestation de services en cause, certaines des dispositions du code de la consommation relatives aux conditions de formation des contrats sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels, lorsque l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre des salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq (« les petits professionnels »).

L'effectif social visé à ce texte doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail.

Selon l'article L. 221-3 précité, les dispositions applicables aux contrats souscrits par les « petits professionnels » sont celles des sections 2, 3 et 6 de ce chapitre, parmi lesquelles les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 de ce code relatif à l'obligation d'information précontractuelle pesant sur le professionnel et aux mentions que doit contenir le contrat.

Selon l'article L. 221-9, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et accompagné d'un formulaire type de rétractation.

Selon l'article L. 221-5 de ce code, auquel il est ainsi renvoyé, dans sa rédaction ici applicable, préalablement à la conclusion d'un contrat de prestation de services, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible,

« 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 211-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Statuant sur la question préjudicielle d'une juridiction allemande, la Cour de justice de l'Union européenne a récemment (21 décembre 2023, C-38/21, C-47/21 et C-232/21, BMW Bank) éclairé le champ d'application de la directive de 2011, en examinant la nature d'un contrat de « leasing » se présentant (arrêt, §§46 à 49) comme un contrat de prêt affecté à l'achat d'une automobile acquise par une banque pour l'emprunteur, assorti d'un taux d'intérêt, sans option d'achat.

La Cour de justice dit pour droit (§1 du dispositif de son arrêt ; §§126 à 156 de ses motifs) qu'un tel contrat relève du champ d'application de la directive 2011/83, en tant que contrat de service, au sens de l'article 2, point 6, de celle-ci ; corrélativement, qu'il ne relève du champ d'application ni de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, ni de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs.

Dès lors que la CJUE a dégagé cette solution à partir d'une convention se présentant comme un contrat de crédit affecté consenti par une banque, elle doit a fortiori être appliquée à toute situation contractuelle dans laquelle, par un contrat dit de « location financière », un professionnel finance l'utilisation d'un bien par un consommateur en en faisant lui-même l'acquisition et en le mettant à la disposition du consommateur moyennant le paiement d'échéances fixes, sans que le consommateur ne dispose d'une option d'achat.

Le droit de rétractation n'est inapplicable que dans les contrats hors établissements prévus à l'article 16 de la directive, transposé à l'article L. 221-28 du code de la consommation.

L'article L. 311-1 du code monétaire et financier dispose que «'les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.'»

Selon l'article L. 311-2 de ce code, les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que :

« 6° Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail. »

Les établissements de crédit sont, aux termes de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, les entreprises définies à l'article 4, §1, 1) du règlement (UE) n°575/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire les entreprises dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte.

Les sociétés de financement, sont, aux termes du même texte, des personnes morales, autres que de établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément.

L'article L. 313-1 du même code prévoit :

« Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.

Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat. »

Une location financière ne constitue pas une opération de crédit-bail ou plus généralement une opération de location associé d'une option d'achat assimilable à une opération de crédit-bail (Cass., Com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, publié). Cette solution est cohérente avec celle adoptée par la CJUE le 21 décembre 2023.

Le contrat de « location financière » passé entre la société Agilease et la société Japomme a pour objet la mise à disposition de celle-ci d'un copieur acheté pour elle, moyennant le paiement de loyers.

Ce contrat est un contrat de service au sens de l'article 2, 6), de la directive de 2011 et non un contrat portant sur des services financiers au sens de l'article 3, §3, d), de cette directive.

Au reste, si l'appelante invoque les dispositions de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier, elle n'allègue pas et n'établit par aucune des pièces versées aux débats que la société Agilease, aux droits de laquelle elle vient, soit un établissement de crédit ou une société de financement au sens des dispositions précités du code monétaire et financier.

Le contrat litigieux a été signé au siège de la société Japomme, soit hors établissement ; il est suffisamment établi par la production d'une liasse fiscale que cette société n'avait pas de salarié à l'époque ; enfin, cette société exerce une activité principale de conseil en immobilier, dépourvue de lien avec l'objet du contrat.

En application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, un tel contrat, qui n'appartient à aucune des catégories prévues à l'article L. 221-28 de ce code, ne peut être valablement conclu que dans les formes prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du même code.

Or le contrat en cause ne comprend pas de formulaire de rétractation ni d'information sur les modalités d'exercice du droit de rétractation.

Il encourt donc la nullité en application des articles L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation.

Selon l'article 1182 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au contrat, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ; cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat ; l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re civ., 24 janv. 2024, n° 22-16.115, publié, revenant sur la solution antérieure contraire, notamment exprimée dans Cass., 1re Civ., 31 août 2022, n° 21-12.968, publié).

Il n'est établi par aucune des pièces versées aux débats que la société Japomme avait connaissance de la cause de nullité relevée, de sorte qu'au sens de l'article 1182 du code civil, elle ne peut être considérée comme ayant tacitement confirmé le contrat en l'exécutant partiellement.

Le contrat de location financière doit en conséquence être annulé ; le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

De là suit que les demandes tendant à l'annulation de ce contrat pour dol, à sa résiliation et à sa caducité présentées par l'appelante sont sans objet ; que les demandes en paiement formulées par le loueur doivent être écartées ; le jugement sera réformé de ces chefs.

Sur la validité du contrat de prestation de services

Il résulte des pièces produites que le contrat de prestation de services passé entre la société Japomme et la société Prestatech, dont le « bon de commande » et les « conditions particulières » sont des annexes, ne comporte pas de formulaire de rétractation, de sorte qu'il doit lui aussi être annulé.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

 

Sur la remise en état des parties :

Le contrat de location financière étant nul, la demande en paiement au titre des loyers échus formulée par le loueur doit être écartée ; le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a accueillie en partie.

Il est constant que le matériel a déjà été repris par le loueur.

La demande de l'appelante en condamnation du loueur à lui rembourser les loyers acquittés n'étant formulée qu'à titre subsidiaire, elle ne peut être examinée, dès lors que sa demande principale en annulation a été accueillie.

La demande du loueur tendant au rejet de cette demande de remboursement en raison du fait que les sommes versées constitueraient une indemnité de jouissance est partant sans objet.

En revanche, le présent arrêt constitue de plein droit un titre exécutoire pour la restitution des sommes versées par la société Japomme au loueur en exécution du jugement qu'il infirme.

 

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande d'allouer à la société Japomme l'indemnité de procédure prévue au dispositif.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant par défaut,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Japomme à restituer le matériel loué à la société Franfinance Location ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des contrats de location financière et de maintenance du 4 juin 2018 ;

Condamne solidairement les sociétés Franfinance Location et Prestatech aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Franfinance Location à verser à la société Japomme une somme de 2.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE                             LE PRÉSIDENT