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TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 24/00993
Date : 13/05/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 4/07/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24246

TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 24/00993 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L’article R. 632-1 du Code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause de réserve de propriété ; l’emprunteur pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties et réputée non écrite. »

2/ « En exécution de cette clause illicite, le véhicule a été rendu par M.X. au commissaire de justice mandaté par la SA CA CONSUMER FINANCE en janvier 2023, ce que ne conteste pas la demanderesse. M.X. a été privé de la jouissance de son véhicule depuis le mois de janvier 2023 en exécution d’une clause contractuelle imposée dans le cadre d’un contrat d’adhésion, alors qu’il était lors de la remise du véhicule dans l’incapacité d’appréhender le caractère illicite de la clause en sa qualité de simple consommateur. La SA CA CONSUMER FINANCE, professionnel emprunteur, ne pouvait ignorer le caractère illicite de la clause, laquelle a créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et engage envers l’emprunteur sa responsabilité contractuelle.

La SA CA CONSUMER FINANCE reconnaît avoir revendu le véhicule en juin 2023 moyennant un prix de 17.000 euros qu’elle a imputé au crédit des sommes restant dues. La restitution du véhicule en nature est donc impossible et M.X. ne liquide aucune demande indemnitaire en réparation de son préjudice matériel. Il allègue avoir racheté un véhicule de marque Citroën pour pouvoir se déplacer et travailler, sans toutefois justifier de la date de cet achat et du montant de la dépense exposée. Il en résulte un préjudice de jouissance pour M.X. caractérisé par la perte de l’usage de son véhicule qu’il convient d’indemniser sur la période de janvier 2023 à juin 2023 moyennant la somme indemnitaire de 3 448,38 euros (574,74 euros x 6).

M.X. ne démontre pas la réalité du préjudice moral allégué et sera débouté en conséquence du surplus de sa demande.

La compensation entre les sommes auxquelles sont condamnées les parties sera ordonnée, conformément aux dispositions de l’article 1348 du Code civil. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 13 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00993 - N° Portalis DBX2-W-B7I-KSFJ.

 

DEMANDERESSE :

SA CA CONSUMER FINANCE.

RCS D'EVRY N° XXX. [adresse], représentée par Maître Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON substituée par Maître Isabelle VIGNON, avocat au barreau de NIMES

 

DÉFENDEUR :

M. X.

né le [date] à [ville], [adresse], représenté par Maître Laurence BOURGEON de la SELARL CABANES BOURGEON MOYAL VIENS, avocats au barreau de NIMES substituée par Maître Mireille BRUN, avocat au barreau de NIMES

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laurence ALBERT, Vice-présidente exerçant les fonctions de juge des contentieux de la protection, en présence de G. C., auditeur de justice, lors des débats,

Greffier : Stéphanie RODRIGUEZ, lors des débats et de la mise à disposition au greffe, en présence de B. H., greffier stagiaire, lors des débats.

DÉBATS :

Date de la première évocation : 17 septembre 2024

Date des Débats : 18 mars 2025

Date du Délibéré : 13 mai 2025

DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 13 Mai 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 14 février 2022, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à M.X. un prêt affecté à l’achat d’un véhicule d’occasion de marque VOLKSWAGEN modèle Golf Blue Motion, immatriculé XXX, d’un montant de 35 772 euros, moyennant un taux contractuel annuel fixe de 4,78 %.

Le véhicule a été livré le 21 février 2022.

A la suite d’impayés, une lettre recommandée non réclamée, valant mise en demeure d’avoir à régler sous quinze jours les échéances impayées a été envoyée le 24 octobre 2022.

La déchéance du terme a été prononcée le 24 novembre 2022.

[*]

Par acte du 4 juillet 2024, la SA CA CONSUMER FINANCE a fait citer M.X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes.

Elle sollicite que la déchéance du terme soit déclarée acquise en application de la clause résolutoire insérée au contrat et demande la condamnation de M.X. à lui payer :

- la somme de 20.638,94 euros, avec intérêts contractuels au taux de 4,78 % à compter du 24 novembre 2022 et jusqu’au règlement complet,

- la somme de 350 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule en exécution de la clause de réserve de propriété insérée au contrat.

A l’audience du 17 septembre 2024, les parties ont comparu, représentées par leurs avocats.

En application de l’article R.632-1 du Code de la consommation, le juge a soulevé d’office le moyen de droit tiré de l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application des articles L.341-1 et suivants du code de la consommation pour l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations et le défaut de consultation du fichier FICP. Il soulevait le caractère abusif de la clause de réserve de propriété.

L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure.

A l’audience du 19 novembre 2024, l’affaire a été retenue pour être plaidée.

La SA CA CONSUMER FINANCE a comparu, représentée par son avocat. Elle sollicitait le bénéfice de son assignation et s’opposait à l’octroi de délais de paiement.

[*]

M.X. a comparu, représenté par son avocat.

Il concluait au caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat et demandait qu’elle soit jugée réputée non-écrite. Il alléguait avoir remis le véhicule au prêteur en janvier 2023 et sollicitait en conséquence que le véhicule lui soit restitué dans un état conforme à celui dans lequel il se trouvait lors de la remise (kilométrage identique et contrôle technique à jour) ; il demandait à défaut de remise que le prêteur l’indemnise de sa perte de valeur.

Il sollicitait que le prêteur soit condamné à lui payer les sommes de :

- 13.218,79 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de jouissance du véhicule subie depuis fin janvier 2023 et jusqu’au jour de la restitution du véhicule, soit la somme mensuelle de 574,73 euros par mois,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

Il concluait à la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels et demandait que soit ordonnée avant-dire droit la production d’un décompte de la dette expurgé des intérêts contractuels. Il ajoutait que le décompte produit par le prêteur ne mentionnait pas l’intégralité des versements du débiteur.

Il demandait que la compensation avec les sommes dues au prêteur soit ordonnée.

Il sollicitait l’octroi de larges délais de paiement.

Il demandait la condamnation de la S.A CA CONSUMER FINANCE à lui verser la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens de l’instance restant à la charge du prêteur.

L’affaire a été mise en délibéré.

[*]

Par jugement mixte rendu le 11 février 2025, le juge des contentieux de la protection a :

- jugé recevable l’action de la SA CA CONSUMER FINANCE,

- jugé que la déchéance du terme est acquise,

- jugé que la SA CA CONSUMER FINANCE est déchue de son droit aux intérêts contractuels au titre du contrat,

- sursis à statuer sur les autres demandes des parties et ordonné la production par le prêteur d’un décompte actualisé de la dette faisant état des sommes versées par le débiteur et comprenant le cas échéant la mention du prix de cession du véhicule restitué par M.X. en janvier 2023.

La réouverture des débats était ordonnée à l’audience du 18 mars 2025.

A cette audience, la SA CA CONSUMER FINANCE comparaît, représentée par son avocat.

Elle se désiste de sa demande en restitution du véhicule dont elle reconnaît qu’il a été revendu moyennant le prix de 17.000 euros. Elle produit un décompte de la dette et sollicite la condamnation de M.X. au paiement de la somme de 20 586,91 euros.

M.X. comparaît, représenté par son avocat qui dépose son dossier de plaidoiries.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande en paiement du prêteur :

La SA CA CONSUMER FINANCE est totalement déchue de son droit aux intérêts contractuels.

Il ressort de l’historique du compte et des relevés bancaires de M.X. que depuis la conclusion du contrat de prêt, M.X. a réglé la somme de 2 786,13 euros, outre la somme de 260 euros entre le 12 décembre 2023 et le 10 janvier 2024, soit la somme totale de 3.046,13 euros.

A l’audience du 18 mars 2025, la SA CA CONSUMER FINANCE justifie avoir vendu le véhicule le 13 juin 2023, moyennant le prix de 17.000 euros, qu’il convient d’imputer sur le montant des sommes restant dues.

M.X. reste donc à devoir la somme de 15.725,87 euros (35.772 euros – 3.046,13 euros - 17.000 euros), au paiement de laquelle il sera condamné.

Afin d'assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65), il convient d'écarter toute application des articles 1153 (devenu 1231-6) du Code civil et L 313-3 du Code monétaire et financier), qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, il convient de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

 

Sur la demande reconventionnelle en paiement de l’emprunteur :

L’article R. 632-1 du Code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause de réserve de propriété ; l’emprunteur pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.

Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.

La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties et réputée non écrite.

En exécution de cette clause illicite, le véhicule a été rendu par M.X. au commissaire de justice mandaté par la SA CA CONSUMER FINANCE en janvier 2023, ce que ne conteste pas la demanderesse.

M.X. a été privé de la jouissance de son véhicule depuis le mois de janvier 2023 en exécution d’une clause contractuelle imposée dans le cadre d’un contrat d’adhésion, alors qu’il était lors de la remise du véhicule dans l’incapacité d’appréhender le caractère illicite de la clause en sa qualité de simple consommateur.

La SA CA CONSUMER FINANCE, professionnel emprunteur, ne pouvait ignorer le caractère illicite de la clause, laquelle a créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et engage envers l’emprunteur sa responsabilité contractuelle.

La SA CA CONSUMER FINANCE reconnaît avoir revendu le véhicule en juin 2023 moyennant un prix de 17.000 euros qu’elle a imputé au crédit des sommes restant dues.

La restitution du véhicule en nature est donc impossible et M.X. ne liquide aucune demande indemnitaire en réparation de son préjudice matériel.

Il allègue avoir racheté un véhicule de marque Citroën pour pouvoir se déplacer et travailler, sans toutefois justifier de la date de cet achat et du montant de la dépense exposée.

Il en résulte un préjudice de jouissance pour M.X. caractérisé par la perte de l’usage de son véhicule qu’il convient d’indemniser sur la période de janvier 2023 à juin 2023 moyennant la somme indemnitaire de 3 448,38 euros (574,74 euros x 6).

M.X. ne démontre pas la réalité du préjudice moral allégué et sera débouté en conséquence du surplus de sa demande.

La compensation entre les sommes auxquelles sont condamnées les parties sera ordonnée, conformément aux dispositions de l’article 1348 du Code civil.

 

Sur les délais de paiement :

Selon l’article 1244-1 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut notamment dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, compte tenu la situation de l’emprunteur évoquée lors de l’audience, il convient d’échelonner le paiement de la somme due sur 23 mensualités de 511euros chacune, la 24ième soldant la dette en principal.

 

Sur les autres demandes :

Succombant partiellement à l’instance, M.X. sera condamné à supporter par moitié les dépens de l’instance.

Il convient en équité de rejeter les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 514 du Code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, statuant par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe le 13 mai 2025,

Vu le jugement mixte rendu le 11 février 2025 et la réouverture des débats à l’audience du 18 mars 2025,

Statuant sur le surplus des demandes,

Juge abusive la clause contractuelle litigieuse de réserve de propriété,

Condamne M.X. à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 15.725,87 euros, sans intérêt,

Condamne la SA CA CONSUMER FINANCE à payer à M.X. la somme de 3.448,38 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ordonne la compensation entre les sommes auxquelles sont condamnées les parties,

Autorise M.X. à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 12.277,49 euros en 23 mensualités de 511euros chacune au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la 24ième mensualité étant constituée du solde de la dette,

Dit qu’à défaut de paiement d’une mensualité, l’intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse,

Rappelle qu’au cours du délai fixé pour apurer la dette, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues,

Condamne M.X. à payer la moitié les dépens de l’instance,

Rejette les demandes de la SA CA CONSUMER FINANCE et de M.X. en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le greffier                             Le juge des contentieux de la protection