TJ STRASBOURG (cont. com.), 22 août 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24258
TJ STRASBOURG (cont. com.), 22 août 2025 : RG n° 22/01350
Publication : Judilibre
Extrait : « Aux termes de l’article 1171 du Code civil, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Un contrat d’adhésion s’entend, selon l’article 1110 du même code, d’un contrat comportant un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.
En l’espèce, la société du Dr X. soutient, à titre subsidiaire, que l’article 8.1 des conditions générales du contrat de location conclu avec la défenderesse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ce contrat. En vertu de cette stipulation, « toute somme impayée à sa date d’exigibilité sera augmentée d’un intérêt de retard égal au taux d’intérêt légal applicable en France majoré de 5 points, sans pouvoir être inférieur au triple du taux de l’intérêt légal. Indemnité forfaitaire : 40,00 euros ».
Si la société GRENKE LOCATION écarte la qualification de contrat d’adhésion en avançant que certains éléments du contrat de location sont librement négociables, à savoir le montant du loyer, la périodicité du loyer, la durée totale du contrat de location, le choix du matériel, le choix du fournisseur, il ressort du contrat que les conditions générales qui comportent un nombre important de clauses, ne sont pas soumises à la négociation et que, déterminées à l’avance par la seule société bailleresse, elles sont imposées en la forme au locataire. Dès lors, le contrat de location doit être qualifié de contrat d’adhésion.
Sur la question du déséquilibre significatif de l’article 8.1 précité, le tribunal relève que les moyens développés par la demanderesse traitent de la question des conséquences financières de la résiliation anticipée, et spécifiquement de l’indemnité de résiliation augmentée de 10% mise à la charge du locataire. Or, cette indemnité de résiliation est prévue à l’article 10 des conditions générales de location, et non à l’article 8.1 comme indiqué dans la demande. À s’en tenir au dispositif des conclusions et donc à un éventuel déséquilibre significatif créé par l’article 8.1 des conditions générales de location, il y a lieu de considérer que la majoration de 5 points du taux légal pour calculer les intérêts en cas d’impayés se justifie par la défaillance du locataire, alors que le bailleur ayant déjà exécuté ses obligations contractuelles, il demeure en attente de sa contrepartie selon les échéances fixées au contrat.
Par conséquent, l’article 8.1 des conditions générales de location ne peut être analysé comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de location. La société du Dr X. sera déboutée de sa demande sur ce point. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
JUGEMENT DU 22 AOÛT 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01350. N° Portalis DB2E-W-B7G-LGNE.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats qui ont délibéré : - Delphine MARDON, Vice-Présidente, Président, - Jean-François HAMEL, Juge consulaire, Assesseur, - Jacky BANTZE, Juge Consulaire, Assesseur.
Greffier lors de l’audience : Inès WILLER
DÉBATS : À l'audience publique du 25 avril 2025 à l’issue de laquelle le Président a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 11 juillet 2025, prorogé à la date du 22 août 2025 ;
JUGEMENT : - déposé au greffe le 22 août 2025, - réputée contradictoire et en premier ressort, - signé par Delphine MARDON, Vice-Présidente, et par Isabelle JAECK, Greffier lors de la mise à disposition ;
DEMANDERESSE :
SELARL DR X.
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 9], [Adresse 10], [Localité 5], représentée par Maître Laurent SOMBRET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Maître Clémence RETHORE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat postulant
DÉFENDERESSES :
SARL VR SYS
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 3], [Localité 4], Non représentée,
SAS GRENKE LOCATION
[Adresse 6], [Localité 1], représentée par Maître Zahra AGBO-KHAFFANE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
* Exposé des faits et de la procédure
Le 30 mars 2021, la société du Dr X. a conclu un contrat de location n°68-43411 avec la société GRENKE LOCATION portant sur du matériel informatique pour un loyer mensuel de 528,04 euros HT, payable trimestriellement, et une durée initiale de 60 mois. La société VR SYS dont le nom commercial est AETIA INFORMATIQUE VENDÉE, apparaît au contrat comme fournisseur.
La locataire expose que le procès-verbal de livraison a été signé électroniquement le même jour que le contrat de location, sans livraison effective du matériel.
Par une mise en demeure en date du 05 avril 2022, le conseil de la société du Dr X. a informé la bailleresse de son opposition aux prélèvements à compter du second trimestre 2022 et d’une demande en justice à venir pour obtenir la rétrocession des loyers versés alors qu’elle ne disposait pas, selon ses dires et un constat d’huissier établi le 21 janvier 2022, du matériel objet de la location.
De son côté, constatant les impayés de loyers et après l’envoi de deux lettres de rappel, la société GRENKE LOCATION a, à son tour, mis en demeure la locataire de régulariser la situation par courrier recommandé du 09 juin 2022.
Le 22 juin 2022, la société VR SYS a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de la ROCHE-SUR-YON, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 27 juillet 2022.
Par actes délivrés par huissier de justice remis à personne morale à la SAS GRENKE LOCATION le 27 juin 2022 et à la SELARL D. prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL VR SY le 30 juin 2022, la SELARL Dr X. a saisi la chambre du contentieux commercial du Tribunal judiciaire de STRASBOURG afin notamment de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la caducité du contrat de location.
Le 09 juillet 2022, la société du Dr X. a déclaré à la procédure collective de la société VR SYS une créance pour un montant provisionnel de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts et de l’indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile qui feraient éventuellement l’objet d’une condamnation par la juridiction de céans.
Bien que régulièrement assignée, la SELARL D. prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL VR SY n’a pas constitué avocat dans le délai légal.
L’ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état le 03 décembre 2024.
L’affaire a été fixée pour plaidoirie à l’audience collégiale du 25 avril 2025, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 11 juillet 2025, prorogée au 22 août 2025, date du présent jugement.
* Prétentions et moyens des parties
Dans ses conclusions responsives, récapitulatives et additionnelles n°5 notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 15 novembre 2024, et au visa des articles 1103, 1224, 1229, 1130, 1131, 1169, 1171, 1186 et 1610 du Code civil, la SELARL DR X. demande au tribunal de :
- prononcer la résolution du contrat de vente et par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière n°06843411 du 30/3/21 faute de livraison du matériel et faute de cause ;
- condamner la SARL D. es qualités de mandataire judiciaire de VR SYS à verser la somme de 5.000 euros en guise de dommages et intérêts pour tromperie dans l’exécution du contrat de location ;
- condamner GRENKE LOCATION à rétrocéder les loyers prélevés au titre du second contrat de location du 30/3/2021 n°06843411 pour trois trimestres 2021 (avril, mai, juin ; juillet, août, septembre ; octobre, novembre, décembre) et un trimestre 2022 (janvier, février, mars) à savoir la somme de 7 603,76 euros TTC selon l’interdépendance des contrats ;
Subsidiairement,
À titre de demande additionnelle,
- dire la clause des conditions générales n°8.1 abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en vertu de l’article 1171 du Code civil ;
- rejeter en conséquence les demandes reconventionnelles de GRENKE ;
- condamner la SARL D. es qualités de mandataire judiciaire de la société VR SYS en fixant la créance à 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et GRENKE LOCATION à verser la même somme de 6.000 euros au même titre ainsi qu’aux entiers dépens dont frais des deux constats d’huissier ;
- statuer quant à l’exécution provisoire de droit selon l’article 514 du Code de procédure civile.
La société du Dr X. soutient la nullité du contrat de location en raison d’un vice du consentement. Elle estime, en effet, que la société VR SYS a commis un dol en lui promettant de livrer du matériel neuf au moment où le cabinet médical était fermé, ce qui était une manœuvre pour ne pas livrer ce matériel.
Elle argue également du manquement du fournisseur à son obligation de délivrance du matériel issue du contrat de vente conclu avec la société GRENKE LOCATION et en déduit la caducité du contrat de location financière du fait de l’interdépendance des contrats, et donc l’inapplicabilité de la clause de résiliation.
La demanderesse soutient encore que le contrat de location est dépourvu de cause en l’absence de livraison du matériel.
Concernant le procès-verbal de livraison, la société du Dr X., d’une part, souligne qu’il a été signé électroniquement, à la demande du fournisseur, alors même que le matériel n’était pas livré, d’autre part, renvoie à la jurisprudence relative aux matériels dits complexes pour estimer que la bailleresse ne peut pas s’en prévaloir.
Elle produit deux constats d’huissier de justice, datant des 21 janvier 2022 et 29 septembre 2023, ainsi que plusieurs témoignages indiquant que le matériel neuf du contrat de location litigieux n’a jamais été livré. Elle fait état de plaintes déposées contre la société VR SYS pour escroquerie.
Elle demande la condamnation de la société D., es qualités de liquidateur judiciaire de la société VR SYS au paiement de dommages et intérêts pour tromperie dans l’exécution du contrat de location.
Subsidiairement, elle soutient que l’article 8.1 des conditions générales du contrat de location crée un déséquilibre significatif tel que défini à l’article 1171 du Code civil et conclut au rejet des demandes reconventionnelles de la bailleresse fondées sur cette stipulation.
[*]
En réponse aux conclusions de la société GRENKE LOCATION qui mentionne un « avant-contrat », la demanderesse considère que le contrat de location et le contrat de financement sont insérés dans le même acte et qu’il y a bien un contrat de vente et non un avant-contrat s’inscrivant dans une opération de location.
Elle estime ne pas engager sa responsabilité en raison de la signature du bon de livraison, reprochant au fournisseur un défaut de livraison.
Dans ses dernières écritures récapitulatives n°3 du 26 novembre 2024 notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2024, la SAS GRENKE LOCATION demande au tribunal de :
Vu les articles 1709 et 1728-2 du Code civil,
Vu l’article 1182 du Code civil,
- déclarer la demande de la SELARL DU DOCTEUR X. irrecevable et en tous les cas infondée ;
- débouter la SELARL DU DOCTEUR X. de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ou toutes conclusions contraires ;
À TITRE RECONVENTIONNEL,
À TITRE PRINCIPAL, la responsabilité de la société demanderesse sur le fondement de la responsabilité contractuelle :
En conséquence,
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme principale de 28.294,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 26.019,59 euros à compter du 18.08.2022, date de la dernière sommation extrajudiciaire ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X. savoir un copieur le serveur NAS ainsi que le 4 baies, les disques SSD SAMSUNG 860 EVO, les 4 ordinateurs DELL, les outils MICROSOFT installés et tous les accessoires, un ordinateur portable DELL écran 14’’, une imprimante HP COLOR M552dn, une imprimante HP Laserjet M608dn, un smart switch NETGEAR, sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard après la signification du jugement à intervenir ;
- réserver au Tribunal le droit de liquider l’astreinte ;
À DÉFAUT de restitution,
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 1 500 euros HT au titre de l’indemnité de non-restitution ;
À TITRE SUBSIDIAIRE, en cas d’anéantissement du contrat de location prononcé en raison d’un manquement de la société DU DOCTEUR X. :
Vu l’article 1240 du Code civil,
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, en cas de résolution du contrat de vente et de caducité du contrat de location en raison des manquements de la demanderesse :
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X. à payer à la société GRENKE LOCATION les sommes suivantes :
• la somme de 30 759,61 euros TTC au titre du remboursement du prix du matériel,
• la somme de 6 049,39 euros HT au titre de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location,
avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;
- rappeler l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
À TITRE ÉMINEMMENT SUBSIDIAIRE, et en cas de manquements de la société VR SYS :
- fixer la créance au passif de la société VR SYS représentée par son mandataire judiciaire la SELARL D. comme suit :
• la somme de 30 759,61 euros TTC au titre du remboursement du prix du matériel,
• la somme de 6 049,39 euros HT au titre de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location ;
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X., respectivement la SELARL D. en sa qualité de mandataire judiciaire de la société VR SYS, à payer à la société GRENKE la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SELARL DU DOCTEUR X., respectivement la SELARL D. en sa qualité de mandataire judiciaire de la société VR SYS, aux dépens de l’instance.
Concernant la demande de caducité du contrat de location, la société GRENKE LOCATION soutient qu’il n’y a pas interdépendance entre ledit contrat et le contrat de vente puisque ce dernier est, selon elle, un avant contrat et non un contrat de prestation de service et que, par ailleurs, aucune prestation de maintenance n’a été conclue.
Elle dénie à la demanderesse la preuve d’un dol commis par le fournisseur à son encontre et ajoute que le dol d’un tiers ne peut conduire à annuler un contrat auquel il n’est pas parti.
Elle estime que la société du Dr X. ne prouve pas plus l’absence de cause du contrat de location et rappelle qu’elle s’est assurée de la bonne livraison et installation du matériel.
Elle se prévaut de la confirmation de livraison signée par la locataire pour affirmer que, contrairement aux allégations de la demanderesse, le matériel a bien été livré et sans l’émission de réserves. En outre, elle conteste la valeur probante des constats d’huissier et attestations produits par la demanderesse.
Elle relève également que la locataire a réglé les loyers conformément au contrat, ce qui subsidiairement correspond à une exécution volontaire du contrat valant confirmation.
Sur la demande subsidiaire fondée sur le déséquilibre significatif, la défenderesse considère d’abord que le contrat de location n’est pas un contrat d’adhésion, et puis qu’il n’existe en l’espèce aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties, car l’indemnité de résiliation se justifie par le prix d’acquisition du matériel versé au fournisseur sur demande du locataire. Elle rappelle enfin que le déséquilibre significatif ne peut pas porter sur l’adéquation du prix à la prestation.
À titre reconventionnel, la société GRENKE LOCATION fait valoir que la société du Dr X. n’a pas respecté ses obligations contractuelles, à savoir le paiement des loyers et la restitution du matériel postérieurement à la résiliation du contrat, malgré l’envoi de mises en demeure. Elle sollicite donc, à titre principal, sa condamnation au paiement des conséquences financières de la résiliation anticipée telles que prévues au contrat, ainsi que la restitution du matériel loué ou, à défaut, le paiement d’une indemnité de non-restitution.
À titre subsidiaire, en cas d’anéantissement du contrat de location, la société GRENKE LOCATION recherche la responsabilité de la demanderesse qui a commis une faute en signant la confirmation de livraison alors qu’en réalité le matériel n’avait pas été livré et sollicite la réparation de son préjudice financier.
À titre éminemment subsidiaire, en cas de résolution du contrat de vente entraînant la caducité du contrat de location, elle conclut que les parties – elle-même et la société VR SYS –, devront être remises en l’état antérieur à ce contrat, impliquant la fixation au passif de la procédure collective du fournisseur du prix de vente et de sa perte de marge escomptée à titre de réparation.
[*]
En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur les demandes principales :
* Sur la nullité du contrat de location :
Aux termes de l’article 5 du Code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
En outre, en vertu du principe dispositif, les demandes des parties sont constituées par celles formulées dans le dispositif de leur assignation ou de leurs conclusions.
En l’espèce, si la demanderesse développe une argumentation relative au dol entraînant en principe la nullité du contrat, elle ne sollicite pas cette nullité dans le dispositif de ses conclusions ni d’ailleurs ne produit de pièce permettant d’établir le comportement reproché au fournisseur.
Par conséquent, le tribunal constate qu’il n’est pas saisi d’une demande de nullité du contrat de location litigieux.
* Sur la résolution du contrat de vente :
En cas d’inexécution contractuelle, l’article 1217 du Code civil permet au cocontractant envers lequel l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, de provoquer la résolution du contrat.
Aux termes de l’article 1224 du Code civil, la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
En toute hypothèse, et en vertu de l’article 1227 du même code, la résolution peut être demandée en justice. Pour prononcer la résolution judiciaire du contrat, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité du manquement contractuel.
En l’espèce, pour obtenir la résolution judiciaire du contrat de vente, la société du Dr X. expose qu’en l’absence de livraison du matériel, ce contrat n’a pas été exécuté par le fournisseur.
Au soutien de sa demande, elle produit deux constats d’huissier de justice, le premier réalisé le 21 janvier 2022 et le second le 29 septembre 2023, après convocation par lettre recommandée de la société GRENKE LOCATION et du liquidateur judiciaire de la société VR SYS.
En l’état, ces constats permettent d’établir que le matériel présent dans les locaux de la société du Dr X. n’est pas de marque DELL, alors même qu’il s’agit de la marque du matériel objet du contrat de location litigieux.
En revanche, ils ne permettent pas d’établir que le matériel en question de marque DELL n’a jamais été livré à la demanderesse, et ce d’autant plus qu’ils ont été réalisés plus de 10 mois après la conclusion du contrat de location pour le premier, et encore 20 mois après pour le second.
La demanderesse produit également trois attestations, l’une d’un autre médecin travaillant dans le même cabinet et les autres de ses salariées, selon lesquelles aucun matériel informatique n’a été installé suite à la conclusion du contrat de location litigieux. Leur valeur probante est cependant insuffisante à établir à elle seule l’absence de livraison.
En effet, et alors même que l’une des attestations évoque des relances du Dr X. auprès du fournisseur pour obtenir l’installation du matériel pendant l’été 2021, la demanderesse ne produit aucun échange direct avec la société VR SYS, sous la forme de lettres simples ou recommandées, de courriers électroniques ou encore de SMS et réclamant cette installation. Elle ne fait pas non plus état d’une mise en demeure de procéder à cette installation adressée au fournisseur, notamment avant la réalisation du premier constat d’huissier ou encore avant l’envoi à la bailleresse de son courrier du 5 avril 2022 tendant à l’informer de la cessation à venir des règlements des loyers.
Par ailleurs, il est versé aux débats une confirmation de livraison dûment signée par la société du Dr X. et mentionnant une livraison effectuée le 30 mars 2021.
Si la demanderesse avance que cette signature lui a été extorquée par une ruse du fournisseur, aucun élément de la procédure ne vient corroborer cette allégation.
Quant à la notion de matériel complexe qu’elle invoque, elle ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce, puisque le contrat porte sur du matériel informatique dont seule l’installation est nécessaire ; aucune prestation technique autre n’a été envisagée par les parties selon les éléments versés aux débats.
Ainsi, la société du Dr X. ne rapporte pas la preuve que le matériel informatique DELL, objet du contrat de location n°68-43411, n’a pas été livré le 30 mars 2021 comme cela ressort de la confirmation de livraison.
Quant à l’argumentation développée par la demanderesse et fondée sur l’absence de cause du contrat de financement, elle est justifiée par le défaut d’exécution du contrat de vente. Or, la preuve du défaut de livraison du matériel n’étant pas rapportée, cette argumentation ne peut prospérer.
En définitive, la société du Dr X. ne démontre aucune inexécution du contrat de vente justifiant sa résolution judiciaire. Sa demande à ce titre sera par conséquent rejetée.
* Sur la caducité du contrat de location :
L’article 1186 alinéa 2 du Code civil prévoit que, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution d’un contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
En l’espèce, en l’absence de résolution du contrat de vente conclu entre la société GRENKE LOCATION et la société VR SYS, la société du Dr X. ne peut pas se prévaloir de la disparition d’un contrat interdépendant avec le contrat de location litigieux, sans que la question de l’interdépendance ou non des contrats doive être traitée.
Dès lors, il n’y a pas lieu de constater la caducité du contrat de location n°68-43411. La demande formulée par la défenderesse de restitution de la somme de 7 603,76 euros en découlant sera donc rejetée.
* Sur les dommages et intérêts pour tromperie :
Aux termes de l’article L. 622-22 du Code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire par renvoi de l’article L. 641-3 du même code, une fois la déclaration de créance justifiée et le liquidateur attrait à la cause, l’instance ne peut tendre qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l’espèce, la société du Dr X. qui invoque une tromperie de la société VR SYS dans l’exécution du contrat de location, sollicite la condamnation au paiement de dommages et intérêts de la société D., es qualités de mandataire judiciaire de la société VR SYS.
Or, la société VR SYS ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, seule une demande de fixation au passif de cette procédure collective peut être formée devant la juridiction.
Par conséquent, la demande de dommages et intérêts de la société du Dr X. sera déclarée irrecevable.
* Sur le caractère abusif de l’article 8.1 des conditions générales du contrat de location :
Aux termes de l’article 1171 du Code civil, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Un contrat d’adhésion s’entend, selon l’article 1110 du même code, d’un contrat comportant un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.
En l’espèce, la société du Dr X. soutient, à titre subsidiaire, que l’article 8.1 des conditions générales du contrat de location conclu avec la défenderesse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ce contrat.
En vertu de cette stipulation, « toute somme impayée à sa date d’exigibilité sera augmentée d’un intérêt de retard égal au taux d’intérêt légal applicable en France majoré de 5 points, sans pouvoir être inférieur au triple du taux de l’intérêt légal. Indemnité forfaitaire : 40,00 euros ».
Si la société GRENKE LOCATION écarte la qualification de contrat d’adhésion en avançant que certains éléments du contrat de location sont librement négociables, à savoir le montant du loyer, la périodicité du loyer, la durée totale du contrat de location, le choix du matériel, le choix du fournisseur, il ressort du contrat que les conditions générales qui comportent un nombre important de clauses, ne sont pas soumises à la négociation et que, déterminées à l’avance par la seule société bailleresse, elles sont imposées en la forme au locataire. Dès lors, le contrat de location doit être qualifié de contrat d’adhésion.
Sur la question du déséquilibre significatif de l’article 8.1 précité, le tribunal relève que les moyens développés par la demanderesse traitent de la question des conséquences financières de la résiliation anticipée, et spécifiquement de l’indemnité de résiliation augmentée de 10% mise à la charge du locataire. Or, cette indemnité de résiliation est prévue à l’article 10 des conditions générales de location, et non à l’article 8.1 comme indiqué dans la demande.
À s’en tenir au dispositif des conclusions et donc à un éventuel déséquilibre significatif créé par l’article 8.1 des conditions générales de location, il y a lieu de considérer que la majoration de 5 points du taux légal pour calculer les intérêts en cas d’impayés se justifie par la défaillance du locataire, alors que le bailleur ayant déjà exécuté ses obligations contractuelles, il demeure en attente de sa contrepartie selon les échéances fixées au contrat.
Par conséquent, l’article 8.1 des conditions générales de location ne peut être analysé comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de location. La société du Dr X. sera déboutée de sa demande sur ce point.
* Sur les demandes reconventionnelles :
* Sur les demandes de paiement :
Selon les articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de l’obligation.
À l’appui de sa demande à l’encontre de la société du Dr X., la société GRENKE LOCATION produit le contrat de location n°68-43411 auquel il est annexé les conditions générales, la confirmation de livraison signée le 30 mars 2021 par la locataire, ainsi que la mise en demeure de respecter ses obligations réceptionnée par la locataire le 18 juin 2022.
Alors que la locataire était tenue de payer les loyers selon les conditions prévues au contrat, la bailleresse lui reproche une défaillance dans l’exécution de cette obligation.
La société du Dr X. ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du règlement des sommes litigieuses ou de tout autre fait ayant entraîné l’extinction de son obligation de paiement. Au contraire, selon le courrier de son conseil daté du 05 avril 2022, elle a indiqué cesser tout règlement trimestriel à compter de cette date.
Invoquant l’article 9 des conditions générales, la société GRENKE LOCATION a pu valablement résilier le contrat de location par courrier recommandé réceptionné le 23 août 2022 par la locataire.
En conséquence, au regard du contrat de location et notamment de son article 10, la société GRENKE LOCATION est bien fondée à solliciter les sommes de :
- 3 801,88 euros au titre des loyers échus impayés,
- 56,88 euros au titre des intérêts courus sur ces impayés jusqu’au 18 août 2022,
- 22 177,68 euros au titre de l’indemnité de résiliation,
- 40 euros au titre des frais de recouvrement.
Les impayés de loyers produiront intérêts au taux contractuel, c’est-à-dire le taux d’intérêt légal majoré de 5 points, à compter du 23 août 2022, date de réception de la dernière mise en demeure.
En outre, le taux d’intérêt contractuel venant sanctionner le retard de paiement, ne s’applique pas à l’indemnité de résiliation, constituée de l’ensemble des loyers à échoir jusqu’à échéance du terme initialement convenu, ni à l’indemnité forfaitaire de recouvrement.
Les intérêts, au taux légal, relatifs à ces indemnités commenceront à courir à compter du 23 août 2022.
En revanche, il y a lieu de considérer que la majoration de 10% de l’indemnité de résiliation en ce qu’elle va au-delà de la rentabilité espérée de l’opération financière, est manifestement excessive et doit être écartée.
Ainsi, la société du Dr X. sera condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION les sommes de :
- 3 801,88 euros au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 23 août 2022,
- 56,88 euros au titre des intérêts courus sur ces impayés jusqu’au 18 août 2022,
- 22 177,68 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022,
- 40 euros au titre des frais de recouvrement, avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022.
En application de l’article 1343-2 du Code civil, il convient de dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts au taux légal, à la condition qu’il s’agisse d’intérêts dus pour une année entière.
* Sur la demande de restitution du matériel :
Selon l’article 11 des conditions générales du contrat de location, au terme du contrat, le locataire doit restituer les produits, objets de la location.
En l’absence de restitution, le locataire est redevable d’une indemnité de non-restitution dont le calcul du montant est précisé à l’alinéa 4 de l’article 11.
En l’espèce, la société du Dr X. argue que le matériel n’a jamais été livré par le fournisseur, mais comme il a été précédemment constaté, aucun élément versé aux débats ne permet de certifier cette absence de livraison.
Dans tous les cas, la demanderesse ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’exécution de l’obligation contractuelle de restitution à laquelle elle est tenue vis-à-vis du bailleur.
Dès lors, la société GRENKE LOCATION est fondée à solliciter la restitution du matériel informatique loué, et la société du Dr X. sera condamnée à le lui restituer à ses frais, mais sans qu’il y ait lieu à ordonner une astreinte, dont l’utilité n’est pas établie à ce stade par la défenderesse.
À défaut de restitution, et conformément à la demande reconventionnelle, la société du Dr X. sera condamnée au paiement d’une indemnité de non-restitution d’un montant de 1 500 euros qui n’est pas soumise à la TVA en ce qu’elle tend exclusivement à la réparation d’un préjudice commercial et ne constitue pas la contrepartie d’une prestation de service.
* Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :
La société du Dr X. succombant en ses demandes, elle sera condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
La partie demanderesse étant condamnée aux dépens, il serait inéquitable de laisser à la charge de la défenderesse les frais engagés par elle à l’occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.
La société du Dr X. sera donc condamnée à régler à la société GRENKE LOCATION la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE ne pas être saisi d’une demande de nullité du contrat de location n°68-43411 ;
DÉCLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts de la SELARL DU DOCTEUR X. ;
DÉBOUTE la SELARL DU DOCTEUR X. de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE la SELARL DU DOCTEUR X. à payer à la SAS GRENKE LOCATION au titre du contrat de location n°68-43411, les sommes de :
- 3 801,88 euros (trois mille huit cent un euros et quatre-vingt-huit centimes) relative aux loyers impayés, augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 (cinq) points, à compter du 23 août 2022 ;
- 56,88 euros (cinquante-six euros et quatre-vingt-huit centimes) relative aux intérêts sur les loyers impayés courus jusqu’au 18 août 2022 ;
- 22 177,68 euros (vingt-deux mille cent soixante-dix-sept euros et soixante-huit centimes) relative à l’indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022 ;
- 40 euros (quarante euros) relative aux frais de recouvrement, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022 ;
DIT que les intérêts échus dus pour une année complète seront capitalisés ;
CONDAMNE la SELARL DU DOCTEUR X. à restituer à la SAS GRENKE LOCATION le matériel objet du contrat de location n°68-43411 ;
DIT que cette restitution devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement et aux frais de la SELARL DU DOCTEUR X. ;
DÉBOUTE la SAS GRENKE LOCATION de sa demande d’astreinte ;
CONDAMNE la SELARL DU DOCTEUR X., à défaut de restitution du matériel loué dans le délai fixé, à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros), au titre de l’indemnité de non-restitution ;
CONDAMNE la SELARL DU DOCTEUR X. aux dépens ;
CONDAMNE la SELARL DU DOCTEUR X. à payer à la SAS GRENKE LOCATION une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes ;
RAPPELLE le caractère exécutoire à titre provisoire du présent jugement.
Le Greffier, Le Président,
Isabelle JAECK Delphine MARDON