TJ TOULOUSE (pôle civ. Fil 8), 25 août 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24281
TJ TOULOUSE (pôle civ. Fil 8), 25 août 2025 : RG n° 21/05461
Publication : Judilibre
Extrait : « Monsieur X. reproche à la société AVIVAVIE, après avoir « ponctionné » 2.881,37 € (167.324,09 € - 164.442,72 €) au titre du transfert du contrat article 83 vers le PERP, d’avoir prélevé à nouveau et sans aucun motif selon la somme de 8 287,08 euros au titre du transfert du PERP vers le contrat PERIN d’APICIL. En réponse aux moyens adverses, il soutient que les frais de transfert contractuels ne sont pas de 5% mais de 5% maximum de l'épargne constituée (article 13 de la notice d'information) sans que soient définies contractuellement les modalités de fixation de ce pourcentage et étant rappelé qu'il s'agit là d'un contrat d'adhésion. Il en conclut que cette clause étant abusive, ABEILLE VIE ne pouvait revendiquer ces frais de transfert. Il soutient que la clause doit être considérée comme abusive au sens de l’article 1171 du code civil, quand bien même l'article R. 132- 5-3 du Code des assurances prévoit-il que l'indemnité ne peut dépasser 5%, ce texte n'indiquant pas qu'elle doit être obligatoirement de 5 %. Il estime que le fait que les modalités de fixation du pourcentage ne soient pas définies contractuellement et dépendent de la seule volonté de l’assureur a bien pour effet de créer un déséquilibre significatif (1 % = 1 655,70 €), puisqu’il était dans l'incapacité de déterminer si « les frais de transfert contractuels » s'élevaient (par exemple) à 0,5% (827, 85 €) ou 5% (8 287, 08 €). Il se prévaut également de l'article 1190 du Code civil recommande d'interpréter le contrat contre celui qui l'a proposé.
Dans ses conclusions récapitulatives, la société anonyme ABEILLE VIE soutient pour sa part que la valeur de transfert versée le 04 novembre 2020, correspond à la valeur de l'épargne constituée au 23 octobre 2020 soit 165 570,32 €, nets de frais de gestion, diminuée des frais de transfert contractuels de 5 %. Elle se prévaut des dispositions des articles D. 132-7, R. 132-21-1 et R132-5-3 du code des assurances pour soutenir que la perception de frais de transfert est légalement prévue, ceux-ci ne pouvant excéder 5%. Elle ne conteste pas l'existence d'un contrat d'adhésion mais soutient que la clause relative au montant des frais applicables n’est pas abusive, l'assuré étant en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui.
Aux termes de l’article 1171 du code civil, « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »
En l’espèce, il n’est pas établi que la clause litigieuse n’était pas négociable, le taux maximun prévu permettant justement aux parties de la négocier pour chaque opération. Le déséquilibre significatif n’est pas établi dès lors que le taux appliqué par AVIVAVIE correspond au taux maximum, lequel n’est pas seulement contractuel mais surtout réglementaire, de sorte que l’assuré, qui n’avait pas négocié le taux, pouvait prévoir le montant réclamé sans reprocher un quelconque abus à la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE. La demande sera donc rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
PÔLE CIVIL FIL 8
JUGEMENT DU 25 AOÛT 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/05461. N° Portalis DBX4-W-B7F-QOFX. NAC : 56C.
PRÉSIDENT : Madame SEVELY, Vice-Présidente, Statuant à juge unique conformément aux dispositions des articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire
GREFFIER lors du prononcé : M. PEREZ
DÉBATS : à l'audience publique du 26 mai 2025, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.
JUGEMENT : Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
DEMANDEUR :
M. X.
né le [date] à [Localité 8], demeurant [Adresse 4] - [Localité 2], représenté par Maître Marie-Agnès TROUVÉ de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats postulant, vestiaire : 49, et Maître Maxime GAYOT, avocat plaidant au barreau du LOT
DÉFENDERESSES :
Compagnie d’assurance AVIVA VIE dont la nouvelle dénomination est ABEILLE VIE
RCS Nanterre XXX, dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 6], représentée par Maître Aurélie LACLAU de la SELARL T & L AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats postulant, vestiaire : 327, et Maître Isabelle GUGENHEIM, avocat plaidant au barreau de PARIS
SAS UFIFRANCE PATRIMOINE
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° YYY, dont le siège social est sis [Adresse 3] - [Localité 1], représentée par Maître Isabelle FAIVRE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, vestiaire : 287, et Maître Cyril BLAISE, avocat plaidant au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 31 janvier 2006, la SA GROUPE [Localité 7] a souscrit auprès d’AVIVA COURTAGE un contrat « NORWICH STRATEGIE RETRAITE 83 » n°61 10001735 au profit de ses cadres dirigeants dont faisait partie Monsieur X., lequel a donc été affilié à ce contrat avec effet au 1er décembre 2005. L’épargne évaluée s'élevait à 152.645,36 € au 10 mars 2017 puis à 167.324,09 euros au 23 janvier 2020.
Le 12 décembre 2019, Monsieur X. a adhéré par l’intermédiaire d’UFF, nom commercial de la société UFIFRANCE PATRIMOINE, société de courtage et de conseil en gestion de patrimoine, au contrat AVIVA RETRAITE PERP n° 178 003 78 15 auprès de AVIVA VIE sur lequel il a sollicité le même jour le transfert de son contrat article 83 (n° 61 10001 735). Selon relevé de situation du 29 février 2020, la valeur totale après ce transfert s'élevait à 164.442,72 euros.
Courant mars 2020, Monsieur X. a souhaité transférer les droits de son PERP vers un PERIN et Madame Y., son conseiller en gestion de patrimoine (UFIFRANCE PATRIMOINE - Agence Midi-Pyrénées) lui transmettait les documents à cet effet (documents AVIVA RETRAITE PLURIELLE).
Monsieur X. a adressé à son courtier UFIFRANCE PATRIMOINE, un formulaire de modification d’option de gestion pour bénéficier de l’option gestion libre, accompagné d’un courrier manuscrit daté du 7 avril 2020.
Selon courrier du 9 mai 2020, AVIVA VIE a accusé réception de la demande de Monsieur X. de modification de son option de gestion des supports sur son adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PERP vers une gestion libre et a confirmé l'enregistrement de cette opération.
Entre temps et par LRAR du 21 avril 2020, Monsieur X. a signé une demande individuelle d’adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE, contrat PER Individuel, demande transmise à la société AVIVA VIE par la société UFIFRANCE le 28 avril 2020.
Par courriels du 11 mai et du 14 mai 2020, la société ABEILLE VIE indiquait à UFIFRANCE que la demande de souscription ne pouvait être acceptée compte tenu de l’âge de Monsieur X..
Suivant courrier recommandé avec AR du 23 juin 2020, réceptionné le 24 juin 2020, Monsieur X. a demandé à AVIVA le transfert intégral de son contrat AVIVA RETRAITE PERP vers son contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE, en indiquant qu'il souhaitait que les nouvelles lignes ouvertes sur le PERIN le soient sur les fonds dynamiques choisis précédemment sur le PERP.
Par courriel du 6 août 2020, AVIVA VIE a informé Monsieur X. que sa demande de transfert vers son contrat PERIN avait été «classée sans suite » et que la souscription de son contrat « PETRIN » n’avait jamais été validée auprès des services d’AVIVA pour «non-conformité du dossier ».
Suivant LRAR du 28 août 2020, Monsieur X. a indiqué avoir fait parvenir en avril 2020 aux services de l’assureur deux demandes, à savoir une demande de changement de gestion de son PERP qui avait bien été prise en compte, et une demande d’arbitrage qui n’aurait pas été prise en considération.Il demandait la raison de l’oubli de prendre en considération les demandes d’arbitrage et d’appliquer le calcul des plus-values.
Par LRAR séparée du même jour, il l’a mise en demeure de procéder à sa demande d'arbitrage.
Par courriel du 8 septembre 2020, l’assureur indiquait ne pas avoir reçu de demande d’arbitrage, uniquement une demande de changement d’option de gestion.
Après relance, il lui a été répondu par courrier du 3 novembre 2020 d’UFIFRANCE PATRIMOINE que la non-conformité du dossier (refus d'ouverture du contrat PERIN) s'expliquait par l'âge d'ouverture concernant ce type de contrat, limité à 67 ans maximum.
Entre temps, et suivant courrier recommandé avec AR du 15 septembre 2020, Monsieur X. a demandé à AVIVA le transfert du contrat PERP incluant les plus-values latentes vers un contrat PERIN qu’il avait pu souscrire auprès d’APICIL.
Suivant courrier du 25 septembre 2020, AVIVA VIE prenait acte de la demande de transfert.
Suivant courriel du 5 octobre 2020, AVIVA VIE se rapprochait du groupe APICIL en confirmant que la provision mathématique du contrat n° 1780037915 s'élevait à 165 578,90 euros.
Suivant courrier du 6 novembre 2020, AVIVA Vie a indiqué avoir procédé au transfert pour un montant de 157 291, 82 euros.
Suivant courrier avec accusé de réception du 11 novembre 2020, Monsieur X. (a mis la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE en demeure de procéder à un transfert complémentaire, comprenant le différentiel manquant par rapport au relevé du 5 octobre 2020 (165 578,90 € - 157 291,82 € = 8 287, 08 €) et la réparation du préjudice issu du non-respect la demande d'arbitrage ( 31 773,80 €).
Suivant courrier du 4 janvier 2021, sur papier à en-tête UFF, le service Réclamation lui a notamment indiqué que si la demande de modification de gestion du 7 avril 2020 avait bien été reçue, UFIFRANCE GESTION ne lui avait pas fait compléter le formulaire spécifique aux demandes d'arbitrage. Il confirmait que la valeur transférée du contrat correspondait à la valeur contractuelle de ses droits au jour de l’opération, soit 157.291,82 euros.
Suivant courrier recommandé avec AR du 28 janvier 2021, COVEA assurance protection juridique de Monsieur X. mettait en demeure AVIVA VIE de procéder à la valorisation et à la restitution des actifs de Monsieur X.
Suivant courriel du 23 mars 2021, AVIVA VIE indiquait ne pas avoir encore répondu à la réclamation du 28 janvier 2021 car le dossier nécessitait une étude approfondie.
Par exploits de commissaire de justice délivrés les 1er et 2 décembre 2021, Monsieur X. a assigné devant le Tribunal Judiciaire de Toulouse, la société UFIFRANCE PATRIMOINE et la société AVIVA VIE sollicitant leur condamnation in solidum, au visa de l'article 1231 du Code civil, au paiement des sommes suivantes :
• 31.773,83 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier avec intérêts au taux légal à compter 28 août 2020, date de la mise en demeure,
• 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
• 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Entre temps, la société anonyme AVIVA VIE a changé de dénomination sociale selon décision d’assemblée générale du 19 novembre 2021, adoptant le nom ABEILLE VIE Société Anonyme d’Assurance Vie et de Capitalisation, en abrégé ABEILLE VIE.
Par ordonnance du 24 février 2022, le juge de la mise en état a enjoint les parties à rencontrer un médiateur.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2024 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 27 janvier 2025, puis reportée au 26 mai 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions n°4 notifiées par RPVA le 5 janvier 2024, et au visa des articles 1171, 1231 et suivants du code civil, et L 212-1 et suivants du code de la consommation, Monsieur X. demande au tribunal de :
« • Condamner in solidum les sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et ABEILLE VIE à payer à Monsieur X. une somme de 28 466,36 € (ou 28 280,22 €) à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 août 2020,
• Condamner in solidum les sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et ABEILLE VIE à payer à Monsieur X. une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,
• Juger que la clause figurant à l'article 13 de la notice d'information du contrat AVIVA RETRAITE PERP sur la base de laquelle ABEILLE VIE a prélevé une indemnité de 5 % est réputée non écrite et condamner la société ABEILLE VIE à rembourser et à payer à Monsieur X. une somme de 8 287,08 € correspondant au montant indûment retenu lors du transfert de son contrat PERP vers le contrat PERIN d’APICIL,
• Débouter les sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et ABEILLE VIE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
• Condamner in solidum les sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et ABEILLE VIE à payer à Monsieur X. une somme de 6 500 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
[*]
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 16 novembre 2023, la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE demande au tribunal, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, L520-1, D132-7 et R 132-5-3 du Code des assurances, de :
« - Juger que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des manquements qui auraient été commis par la société ABEILLE VIE, du préjudice allégué et du lien de causalité entre ces manquements et le préjudice,
- Débouter Monsieur X. de sa demande de condamnation de la société ABEILLE VIE au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
- Débouter Monsieur X. de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- Juger que la société ABEILLE VIE a parfaitement respecté les dispositions réglementaires et contractuelles lors du transfert de l’épargne constituée sur le contrat AVIVA RETRAITE PERP vers le contrat PER ouvert dans les livres d’APICIL,
- Débouter Monsieur X. de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 8.287,08 € au titre des frais prélevés lors du transfert de son contrat PERP vers le contrat APICIL,
- Débouter Monsieur X. et la société UFIFRANCE PATRIMOINE de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure Civile,
- Condamner toute partie succombant à payer à la société ABEILLE VIE la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
- Ecarter l’exécution provisoire du Jugement à intervenir».
[*]
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 16 novembre 2023, la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE demande au tribunal, au visa de l’article 1103 du code civil, de :
«A titre principal,
- DEBOUTER Monsieur X. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si la société UFIFRANCE PATRIMOINE devait être condamnée à régler
une quelconque somme à Monsieur X.,
- REDUIRE le montant des condamnations solidaires qui pourraient être prononcées à son encontre et à celle d’AVIVA VIE à la somme de 13.127,52 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice financier de son fait ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER tout succombant à verser à la société UFIFRANCE PATRIMOINE la
somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de
procédure civile ;
- CONDAMNER tout succombant à supporter l’intégralité des dépens.»
[*]
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens comme l’autorise l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
A titre liminaire, la juridiction rappelle qu’en application des dispositions de l’article 768 du code de procédure civile « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert-hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, le tribunal ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la responsabilité de la société anonyme ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE :
Monsieur X. sollicite la condamnation in solidum de la société ABEILLE VIE et de la société UFIFRANCE à l’indemniser de son préjudice financier résultant de la perte de chance de valoriser son contrat entre la date de réception de son courrier du 7 avril 2020 et la date de transfert de son contrat dans les livres d’APICIL.
Il soutient que l'associée unique de la SASU UFIFRANCE PATRIMOINE est L'UNION FINANCIERE DE FRANCE, banque elle-même détenue à 74,3% par ABEILLE VIE, ce qui fait des défenderesses des partenaires. Il relève qu’elles reconnaissent leurs fautes et erreurs tout en se rejetant la responsabilité l’une sur l’autre.
En ce qui concerne la demande d’ouverture du contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE et le transfert de son PER sur se PERIN, il soutient ne jamais avoir été informé de l'impossibilité de formaliser cette opération, ni par son courtier (la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE) ni par l'assureur (la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE).
Il soutient ainsi que la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, en sa qualité de courtier tenu à son égard d’un devoir de conseil et d'information (L.520-1 et suivants du Code des assurances), a commis une faute en lui faisant renseigner une demande d’adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE, sans l’avertir que son âge ne pouvait lui permettre d’y prétendre.
Il estime que sans son erreur, il aurait pu ouvrir un autre PER individuel dès avril 2020 avec des fonds dynamiques.
Il reproche par ailleurs à la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE d’avoir manqué à son devoir de conseil, ce qu’elle avait su faire en revanche le 30 janvier 2020 à propos du contrat article 83.
En ce qui concerne la demande d’arbitrage, il reproche à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE d’avoir manqué à son devoir de conseil en ne lui faisant pas remplir le bon formulaire alors même qu’elle n’ignorait pas sa volonté de réaliser un arbitrage, pour le lui avoir elle-même conseillé.
En réponse au moyen soulevé par ABEILLE VIE, il soutient que les conditions qu’elle lui reproche de ne pas avoir respectées tant en ce qui concerne le changement d’option de gestion que la demande d’arbitrage ne figurent pas sur la notice d’information de son contrat PERP.
Il en conclut que la responsabilité de la société ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE est engagée, dès lors qu’il a perdu une chance, du fait de leurs manquements respectifs, de dynamiser l’épargne conformément à ses instructions non prises en compte.
Sur l’évaluation du préjudice, il se prévaut de la valorisation évaluée par le cabinet INVESTISSEMENT CONSEIL PATRIMOINE STRATEGIE ICPS, et plus spécialement son dirigeant, Monsieur [G] [K]. En réponse aux moyens qui lui sont opposés, il émet des critiques sur la contre-évaluation proposée par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, qui n’a pas retenu les mêmes dates de référence. Il soutient que doivent être prises en compte d’une part la date d’émission de sa demande et non celle de sa réception, et d’autre part la date du transfert effectif. Il ajoute que la société UFIFRANCE PATRIMOINE doit supporter les conséquences financières de son inertie entre le 8 avril 2020 et le 30 avril 2020 puisqu'elle aurait dû « transmettre les instructions du client » qu’elle a initié dans les plus brefs délais. Il relève par ailleurs que le dernier alinéa de l'article 12 de la notice d'information AVIVA RETRAITE PERP que lui oppose la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE n'est pas applicable au cas d’espèce puisqu'il est question de l'augmentation de l'épargne constituée sur un support en unités de compte, ce qui ne correspond pas à la situation.
En ce qui concerne la date de fin à prendre en compte, il soutient que sa demande était complète et qu’il avait demandé le transfert dès le 15 septembre 2020, demande reçue le 18 septembre 2020, de sorte que la valorisation devait être calculée au 22 septembre 2020.
En réponse aux moyens adverses, il soutient que les fonds choisis dans sa demande d’arbitrage auraient été éligibles au contrat PERIN et relève que son courtier lui aurait toujours indiqué que cet arbitrage était possible. Il soutient qu’en tout état de cause, cet arbitrage était réalisable sur le contrat AVIVA RETRAITE PERP et que, s'il avait été dûment effectué, les fonds transférés sur le contrat APICIL auraient intégré la plus-value. Il ajoute que les fluctuations ultérieures du marché au titre du contrat APICIL ne peuvent être invoquées par ABEILLE VIE étant rappelé qu'un contrat PERIN permet une sortie en capital.
Au visa notamment des articles L520-1 et suivants du code des assurances, la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE conteste tout manquement à ses obligations contractuelles expliquant que si elle avait pu conseiller Monsieur X. lors de son adhésion au contrat NORWICH UNION, parce qu’il n’était pas assisté d’un courtier, ce devoir de conseil incombait au seul courtier depuis son adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PERP. Elle ajoute que Monsieur X. ne peut lui reprocher d’avoir refusé son adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE dès lors qu’il ne remplissait pas la condition d’âge rappelée à l’article 2 de la notice, peu important qu’il ait pu ouvrir un autre contrat PERIN auprès d’un tiers.
En réponse aux moyens de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, elle soutient que celle-ci ne conteste ni avoir commis une erreur en proposant à Monsieur X. un contrat qui n’était pas adapté à sa situation, ni avoir été informée par la société ABEILLE VIE dès le 11 mai 2020 que l’adhésion de Monsieur X. ne pouvait être acceptée en l’état, ni enfin ne pas avoir répercuté cette information à Monsieur X.. Elle soutient qu’elle est libre de fixer contractuellement la limite d’âge et lui reproche de faire une confusion entre les contrats.
Par ailleurs, elle soutient que Monsieur X. n’a pas adressé de demande d’arbitrage, mais uniquement une demande de changement du mode de gestion afin d’opter pour le mode de gestion libre, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas en avoir tenu compte. Elle explique que le changement d’option de gestion ne s’applique que pour les versements futurs et non ceux antérieurs qui étaient soumis à un autre mode de gestion. Elle conteste que le courrier du 7 avril 2020 puisse être interprété comme une demande d’arbitrage, cette opération subordonnée, comme pour le changement d’option de gestion, à la rédaction d’un formulaire spécifique intitulé « Demande d’arbitrage » lequel doit être renseigné et signé par l’assuré avant d’être adressé au siège social de l’assureur. Elle affirme ainsi qu’il ne lui appartenait pas de procéder à l’interprétation éventuelle des instructions de l’assuré dès lors que celui-ci était assisté par un conseil en gestion de patrimoine, et ce quand bien même les dispositions contractuelles ne prévoiraient pas de disposition spécifique quant à la nécessité d’adresser une demande d’arbitrage sur formulaire distinct du changement de mode de gestion. Elle ajoute avoir accusé réception de la demande de changement de mode de gestion et ne pas avoir été saisie par la suite de demande d’arbitrage postérieure en l’absence de versements.
Elle conteste en tout état de cause tout lien de causalité entre le préjudice allégué par Monsieur X. et les fautes qu’il lui impute. Elle critique l’évaluation du préjudice, faisant notamment valoir que les dates proposées par Monsieur X. ne peuvent être retenues et soutient que l’indemnisation d’une perte de chance ne peut correspondre à la totalité du préjudice prétendument subi mais seulement à une fraction de ce préjudice. Elle ajoute enfin que le préjudice allégué reste purement hypothétiques.
La S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE conteste toute responsabilité dans les préjudices allégués par Monsieur X. en faisant valoir qu’il ne peut lui être reproché d’avoir refusé l’ouverture d’un contrat PERIN au demandeur dès lors qu’il n’en remplissait pas les conditions, notamment d’âge, précisant que la limite d’âge et fixée contractuellement et que l’abaissement du critère d’age à 67 ans est en réalité une nouveauté des contrats de la société AVIVA VIE, ces derniers étant jusqu’en novembre jusqu’en 2019 ouverts aux personnes âgées de 69 ans.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, Monsieur X. n’a en réalité pas souffert financièrement du refus d’AVIVA VIE, puisqu’informée de ce refus, la société UFIFIFRANCE PATRIMOINE a orienté son client vers un autre assureur appliquant des conditions moins strictes. Elle relève que les fonds investis sur son contrat AVIVA Retraite PERP ont bien été transférés in fine vers un contrat PERin et qu’en outre les fonds étaient pendant toute cette durée placés et dès lors susceptibles de produire des intérêts.
En ce qui concerne la demande d’arbitrage, elle soutient que la société ne peut lui opposer l’obligation de remplir le formulaire dédié alors que les instructions écrites de Monsieur X. étaient claires. La S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE estime pour sa part avoir rempli ses obligations, n’ayant, en tant que courtier, que la seule responsabilité de transmettre les instructions du client, ce qu’elle a fait. Elle soutient que l’assureur disposait de toutes les informations nécessaires. Enfin, elle affirme que contrairement à ce qu’indique Monsieur X. dans ses écritures, elle ne reconnaît nullement avoir commis une erreur en faisant compléter à Monsieur X. le formulaire adressé à l’assureur et en lui indiquant d’y joindre ses instructions par courrier annexe.
Sur le préjudice, elle reproche à Monsieur X. de ne pas rapporter la preuve des montants réclamés. Elle propose une estimation et se réfère à la notice d’information du contrat AVIVA Retraite PERP pour retenir une date d’arbitrage au 30 avril 2020 et une date de valorisation au 8 mai 2020, et une date de transfert au 23 octobre 2020 et une date de valorisation au 25 octobre 2023.
Sur ce, le tribunal rappelle qu’aux termes de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’article L. 511-1 du code des assurances dispose que « I.-La distribution d'assurances ou de réassurances est l'activité qui consiste à fournir des recommandations sur des contrats d'assurance ou de réassurance, à présenter, proposer ou aider à conclure ces contrats ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre.
Est également considérée comme de la distribution d'assurances la fourniture d'informations sur un ou plusieurs contrats d'assurance selon des critères choisis par le souscripteur ou l'adhérent sur un site internet ou par d'autres moyens de communication et l'établissement d'un classement de produits d'assurance comprenant une comparaison des prix et des produits, ou une remise de prime, lorsque le souscripteur ou l'adhérent peut conclure le contrat directement ou indirectement au moyen du site internet ou par d'autres moyens de communication.
II.-Les activités suivantes ne sont pas considérées comme de la distribution d'assurances ou de réassurances au sens du I :
1° La fourniture d'informations à titre occasionnel dans le cadre d'une autre activité professionnelle lorsque :
a) Le fournisseur ne prend pas d'autres mesures pour aider à conclure ou à exécuter un contrat d'assurance ;
b) Ces activités n'ont pas pour objet d'aider le souscripteur ou l'adhérent à conclure ou à exécuter un contrat de réassurance ;
2° L'activité consistant exclusivement en la gestion, l'évaluation et le règlement des sinistres ;
3° La simple fourniture de données et d'informations sur des preneurs d'assurance potentiels à des intermédiaires d'assurance ou de réassurance, des entreprises d'assurance ou de réassurance, lorsque le fournisseur ne prend pas d'autres mesures pour aider le souscripteur ou l'adhérent à conclure un contrat d'assurance ou de réassurance ;
4° La simple fourniture d'informations sur des produits d'assurance ou de réassurance, sur un intermédiaire d'assurance ou de réassurance, une entreprise d'assurance ou de réassurance à des preneurs d'assurance potentiels, lorsque le fournisseur ne prend pas d'autres mesures pour aider le souscripteur ou l'adhérent à conclure un contrat d'assurance ou de réassurance.
III.-Est un distributeur de produits d'assurance ou de réassurance tout intermédiaire d'assurance ou de réassurance, tout intermédiaire d'assurance à titre accessoire ou toute entreprise d'assurance ou de réassurance.
Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne physique ou morale autre qu'une entreprise d'assurance ou de réassurance et son personnel et autre qu'un intermédiaire d'assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l'activité de distribution d'assurances ou de réassurances ou l'exerce.
Est un intermédiaire d'assurance à titre accessoire toute personne autre qu'un établissement de crédit, qu'une entreprise d'investissement ou qu'une société de financement qui, contre rémunération, accède à l'activité de distribution d'assurances ou l'exerce pour autant que les conditions suivantes soient remplies :
1° La distribution d'assurances ne constitue pas l'activité professionnelle principale de cette personne ;
2° La personne distribue uniquement des produits d'assurance qui constituent un complément à un bien ou à un service ;
3° Les produits d'assurance concernés ne couvrent pas de risques liés à l'assurance vie ou de responsabilité civile, à moins que cette couverture ne constitue un complément au bien ou au service fourni dans le cadre de l'activité professionnelle principale de l'intermédiaire.
IV.-Pour l'activité de distribution d'assurances, l'employeur ou mandant est civilement responsable, conformément aux dispositions de l'article 1242 du code civil, du dommage causé par la faute, l'imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire.
V.-Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.»
L’article L521-1 du code des assurances dispose que « I.-Les distributeurs de produits d'assurance agissent de manière honnête, impartiale et professionnelle et ce, au mieux des intérêts du souscripteur ou de l'adhérent.
II.-Sans préjudice des dispositions des articles L. 121-1 à L. 121-5 du code de la consommation, toutes les informations, y compris les communications publicitaires adressées par le distributeur de produits d'assurance à un souscripteur éventuel ou à un adhérent éventuel doivent être claires, exactes et non trompeuses. Les communications publicitaires doivent être clairement identifiables en tant que telles.
III.-Les distributeurs de produits d'assurance ne sont pas rémunérés ou ne rémunèrent pas ni n'évaluent les performances de leur personnel d'une façon qui contrevienne à leur obligation d'agir au mieux des intérêts du souscripteur ou de l'adhérent. Un distributeur de produits d'assurance ne prend en particulier aucune disposition sous forme de rémunération, d'objectifs de vente ou autre qui pourrait l'encourager ou encourager son personnel à recommander un produit d'assurance particulier à un souscripteur éventuel ou à un adhérent éventuel alors que ce distributeur pourrait proposer un autre produit d'assurance correspondant mieux aux exigences et aux besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel.»
L’article L. 522-5 applicable au litige dispose que « I.-Avant la souscription ou l'adhésion à un contrat mentionné à l'article L. 522-1, l'intermédiaire ou l'entreprise d'assurance ou de capitalisation précise par écrit les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur éventuel ou l'adhérent éventuel, ainsi que les raisons justifiant le caractère approprié du contrat proposé. Il ou elle lui fournit des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme claire, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause.
L'intermédiaire ou l'entreprise d'assurance ou de capitalisation conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil. A cette fin, cet intermédiaire ou cette entreprise s'enquiert auprès du souscripteur ou de l'adhérent de sa situation financière et de ses objectifs d'investissement, ainsi que de ses connaissances et de son expérience en matière financière.
Les précisions mentionnées au premier alinéa sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance ou de capitalisation proposé et permettent de déterminer le caractère approprié pour le souscripteur éventuel ou l'adhérent éventuel du contrat proposé.
II.-Sans préjudice des dispositions du I, avant la souscription ou l'adhésion à un contrat mentionné à l'article L. 522-1, et lorsqu'un service de recommandation personnalisée est fourni par l'intermédiaire ou l'entreprise d'assurance ou de capitalisation au souscripteur éventuel ou à l'adhérent éventuel, ce service consiste à lui expliquer en quoi, parmi différents contrats ou différentes options d'investissement au sein d'un contrat, un ou plusieurs contrats ou options sont plus adéquats à ses exigences et besoins et en particulier plus adaptés à sa tolérance aux risques et à sa capacité à subir des pertes.»
Il est ainsi constant que le courtier est tenu, en qualité de distributeur d’assurances au sens de l’article L. 511-1 du code des assurances, à un devoir d'information et de conseil envers l’assuré qu’il assiste. Il revient ainsi au courtier, en exécution de cette obligation qui ne peut qu’être de moyen, d'examiner l'ensemble des données de fait et de droit particulières à la situation de l'assuré.
Il appartient alors au courtier, débiteur d’une obligation de conseil tant au moment de la conclusion du contrat que lors de son exécution, de rapporter la preuve de son respect, étant relevé qu’en matière d'assurance, plus l'acte à accomplir est précis, plus les diligences attendues de l'intermédiaire se renforcent, jusqu'à constituer, parfois, une obligation de résultat quand l'acte influe sur l'existence même de la garantie.
* Sur les fautes reprochées à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE
En l’espèce, la société ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE feignent l’absence de lien entre elles alors que Monsieur X. soutient qu’elles sont « partenaires », se prévalant notamment des en-têtes des courriers, leurs noms figurent côte à côte.
Il est en tout état de cause constant que la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE a agi à l’égard de Monsieur X. en qualité de distributeur d’assurance pour la distribution de contrats d’assurance retraite offerts par la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE.
Il résulte des pièces versées aux débats que :
- Monsieur X. n’est pas un souscripteur averti disposant de compétences particulières en matière de contrat d'assurance ;
- il a adhéré au contrat NORWICH STRATEGIE RETRAITE 83 le 31 janvier 2006 sans l’assistance d’un courtier et était lié contractuellement avec la société AVIVA VIE depuis la prise d’effet de ce contrat ;
- assisté de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, il a souscrit un contrat AVIVA RETRAITE PERP qui a pris effet le 20 décembre 2019 sur lequel il a fait transférer son contrat article 83 initial ;
- après signature du contrat PERP, la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, ès qualité d'intermédiaire en assurance ou de courtier d'assurance était tenue de continuer à prodiguer des conseils à son client pour toute question liée à son contrat, en cas de sinistre ou suite à une demande de renouvellement / modification / nouveau contrat ;
- l’ouverture d’un PER individuel AVIVA RETRAITE PLURIELLE et le transfert de son contrat AVIVA RETRAITE PERP vers ce PERIN lui ont été conseillés par son courtier, prise en la personne de Madame [N] Y., laquelle lui a expressément indiqué que c’était une opération un peu « borderline » par mail du 30 mars 2020 mais lui a tout de même communiqué les documents à remplir pour y procéder ;
- le courtier était parfaitement informé de la volonté de Monsieur X. de valoriser son épargne dans le cadre d’un contrat PER individuel sur des fonds dynamiques.
En l’espèce, Monsieur X. réussit à démontrer que la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE a manqué à son obligation de conseil dès lors qu’il lui appartenait, en exécution de cette obligation de conseil, de s’assurer de la cohérence du contrat proposé avec les informations et attentes recueillies auprès de son assuré et de lui délivrer des conseils adaptés ou à tout le moins personnalisés.
Or en lui proposant un montage qu’elle reconnaissait elle-même comme « borderline », qui impliquait au départ la souscription à un contrat PERIN dont il ne remplissait pas la condition d’âge, celui-ci était voué à l’échec. Elle ne peut minimiser sa négligence en évoquant un abaissement récent de la limite d’âge dont elle aurait été informée tardivement, dès lors que la condition d’âge, variable selon les contrats, fait partie des vérifications élémentaires qui lui incombait.
La S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE a également commis une faute en tardant à informer Monsieur X. de l’impossibilité de souscrire le contrat PER individuel initialement proposé, alors même qu’elle avait été informée par la société AVIVA VIE dès le 11 mai 2020, de ce que le contrat n’était pas adapté à la situation de son client, ce qui a privé ce dernier de la chance de trouver rapidement une autre solution.
En ce qui concerne la demande d’arbitrage dans le cadre de la gestion de son PERP en cours, non prise en compte par AVIVA VIE, il ressort clairement des échanges de mails de mars et avril 2020, que celle-ci lui a été conseillé par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, par l’intermédiaire de Mme Y., laquelle lui a également conseillé la marche à suivre. Elle l’a ainsi invité à remplir un formulaire de demande de changement d’option de gestion et son annexe, en lui précisant, s’agissant de la répartition des fonds : il faut « joindre un courrier précisant qu’il s’agit bien des sommes en compte que vous souhaitez arbitrer, celles qui sont aujourd’hui sur le fond EURO PERP comme précisé ci-dessous. (...) Avec ça, ça devrait marcher ».
Dès lors qu’elle agissait en qualité de courtier, il appartenait à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE de s’assurer de l’efficacité de l’opération convenue avec Monsieur X. et de ne pas se contenter d’envisager une solution qui « devrait marcher », sans se renseigner auprès de l’assureur des modalités requises, tant sur le fond que sur la forme, pour que la demande de son client soit prise en compte. Elle ne peut se prévaloir du fait que les instructions manuscrites d’arbitrage de Monsieur X., datées et signées du 7 avril 2020, étaient jointes au formulaire « Annexe Gestion Libre » daté et signé du 7 avril 2020 pour dire que l’assureur disposait de tous les éléments nécessaires à l’arbitrage demandé et qu’il n’aurait simplement pas prêté suffisamment d’attention aux instructions formulées, alors même qu’elle n’ignorait pas ou n’aurait pas dû ignorer l’existence de formulaires dédiés. A supposer même que l’assureur ait été négligent, la faute de ce dernier n’efface pas sa faute initiale.
En indiquant que la démarche « devrait marcher », elle reconnaît implicitement un risque de non prise en compte du courrier du 7 avril 2020 par l’assureur, étant au surplus relevé que sur le document « ANNEXE GESTION LIBRE », il est expressément mentionnée « Je détermine pour mes versements la répartition entre les différents supports financiers suivants », ce qui ne pouvait concerner que les versements futurs. La S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE ne peut donc soutenir avoir « parfaitement rempli ses obligations » au motif qu’elle aurait « indiqué la marche à suivre à son client et que ses instructions ont bien été relayées à la société AVIVA VIE », dès lors précisément qu’elle n’a précisément pas indiqué à Monsieur X. la bonne marche à suivre, qu’elle seule pouvait connaître. Il importe peu ainsi que l’exigence d’un formulaire dédié ne figure pas dans la notice du contrat à destination du client, dès lors qu’il appartenait au courtier de connaître les process mis en place par l’assureur. L’exigence d’un formulaire dédié pour le changement d’option de gestion n’y figure pas plus et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE avait pourtant en sa possession les formulaires et annexes nécessaires pour que la demande du client soit prise en compte. Il aurait donc dû en être de même pour la demande d’arbitrage. Dès lors qu’elle avait un doute sur les modus operandi, il lui appartenait de se renseigner auprès d’AVIVAVIE directement et de ne pas se contenter d’une solution qui « devrait marcher » sans certitude qu’elle serait prise en compte par l’assureur.
Dans ces conditions et en l’absence de plus amples preuves mises aux débats par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, celle-ci ne démontre pas avoir satisfait, au cours de l’exécution du contrat, à l’obligation de conseil dont elle était redevable envers Monsieur X. Sa faute contractuelle est donc établie
* Sur les fautes reprochées à la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE
Monsieur X. ne fait nulle référence à l’article L. 511-1, IV du code des assurance et agit sur le seul fondement de la responsabilité contractuelle de la société ABEILLE VIE, en sa qualité d’assureur auquel elle reproche des fautes personnelles, à commencer celle de ne pas avoir exercé son devoir de conseil lors de la souscription du contrat AVIVA RETRAITE PLURIELLE, comme elle avait su le faire au dans le cadre de la souscription et de la gestion du contrat initial article 83. Or dès lors que ce contrat a été proposé par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE en sa qualité d’intermédiaire, il ne peut être reproché une faute contractuelle personnelle de la société anonyme ABEILLE VIE qui n’a été informée de la demande de souscription qu’à sa réception, étant au surplus relevé qu’il ne peut lui être a fortiori reproché d’avoir refusé cette adhésion dès lors que Monsieur X. n’en remplissait pas les conditions contractuelles, et notamment la condition d’âge. Aucune faute personnelle de la société ABEILLE VIE ne pourra donc être retenue à ce titre.
Monsieur X. reproche également à la société ABEILLE VIE de ne pas avoir tenu compte de sa demande d’arbitrage alors qu’elle disposait de tous les éléments pour le faire.
Il ressort de sa demande d’adhésion au contrat AVIVA RETRAITE PERP signée le 12 décembre 2019 que Monsieur X. a reconnu avoir pris connaissance de la notice et de la note d’information. L’article 2 de cette note définit les modes de gestion de l’épargne, distinguant trois modes, la gestion évolutive « décret », la gestion évolutive « Aviva » et la gestion libre. Dans les deux premiers modes, la répartition est proposée par AVIVA, elle est investie au seul choix de l’assuré dans le dernier cas. Cet article prévoit la possibilité de changer d’option en cours de contrat, sous réserver d’adresser une demande écrite comprenant notamment la mention obligatoire de renonciation à la sécurisation requise par le même article. Cet article ne fait certes aucune référence à l’existence d’un formulaire dédié aux demandes de changement d’option, mais force est de constater que celui-ci a été communiqué à Monsieur X., ce qui a permis à ce dernier d’adresser un écrit comprenant l’ensemble des mentions requises, conformément aux exigences de l’article 2.
Il est constant que le changement d’option ne peut s’analyser en un versement, de sorte que la répartition mentionnée sur l’« Annexe gestion libre » ne pouvait nécessairement valoir, à elle seule, que pour les versements futurs, ce qui ressort de ses propres termes, rappelés plus haut. Dès lors, à lui seul, ce document ne permettait pas à AVIVAVIE de se considérer saisie d’une demande d’arbitrage.
En revanche, ABEILLE VIE ne conteste pas avoir reçu un courrier manuscrit daté du 7 avril 2020 avec la demande de changement d’option de Monsieur X. et force est de constater qu’elle en dénature la portée de ce courrier en soutenant qu’il ne donnait lui aussi que des instructions pour le futur alors que l’assuré y exprimait en des termes parfaitement clairs et précis qu’il souhaitait appliquer la répartition figurant sur l’annexe aux « fonds placés aujourd’hui en fonds euros ». Le seul fait que le formulaire ait été accompagné d’un courrier manuscrit aurait dû attirer précisément son attention et force est de constater qu’elle ne peut de bonne foi continuer à feindre qu’elle n’était pas en mesure de connaître la volonté réelle de Monsieur X. à la lecture de ce courrier pourtant dénué d’ambiguïté.
Il ne ressort pas des conditions du contrat, et notamment de la note d’information, que Monsieur X. était tenu de remplir un formulaire dédié, l’article 12 n’exigeant qu’une demande expresse envoyée à l’adresse de l’assureur. Son écrit qui se référait à la répartition figurant en annexe de sa demande de changement d’option permettait à AVIVAVIE de connaître l’arbitrage souhaité pour les fonds actuellement détenus en fonds euros.
Dès lors, la société ABEILLE VIE ne peut se retrancher derrière l’absence de formulaire dédié non prévu par la notice pour contester tout manquement à ses obligations, alors qu’il lui appartenait, si elle avait un doute sur la volonté de Monsieur X., de lui demander des explications (ce qu’elle aurait pu faire dans le courrier par lequel elle a accusé réception de la demande de changement d’option) ou de se rapprocher de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE qui lui avait transmis la demande sans respecter la démarche habituelle. La faute commise par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE n’efface pas sa propre faute, alors qu’elle est tenue d’une obligation de loyauté dans l’exécution du contrat.
L’existence d’une faute contractuelle de la société anonyme ABEILLE VIE est donc suffisamment établie.
* Sur le lien de causalité entre le préjudice allégué par Monsieur X. et les fautes commises par la société anonyme ABEILLEVIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE
Monsieur X. soutient avoir perdu une chance de valoriser son épargne, du fait de l’absence de prise en compte de sa demande d’arbitrage.
Il importe peu que Monsieur X. n’ait pas pu adhérer au contrat PERIN proposé par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, ni qu’il démontre ou pas les performances du contrat APICIL pour lequel il a opté, dès lors que le préjudice allégué concerne que l’épargne investie sur le contrat PERP et que le lien de causalité entre les fautes des défenderesses est suffisamment établi, puisque c’est bien en raison de l’absence de prise en compte de sa demande d’arbitrage que son épargne, maintenue en fonds euros, a été valorisée dans des proportions inférieures à celle dont il aurait pu bénéficier si l’arbitrage sollicité avait mis en œuvre.
* Sur le préjudice allégué
Monsieur X. évoque une perte de chance de bénéficier de la valorisation de son épargne entre le 8 avril 2020, date de la transmission de son courrier à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE.
Il sera rappelé que pour être indemnisable, la perte de chance, même faible, doit être certaine.
Il est constant que :
- si Monsieur X. a transmis son mail à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE par mail, il restait tenu par les termes de la notice qu’il a reconnu avoir reçue et qui est entrée dans le champ contractuel,
- en application de l’article 12, le désinvestissement total ou partiel de l’investissement sur un support en euros est valorisé au dernier jour ouvré de la semaine précédant la réception de la demande d’arbitrage à l’adresse postale de l’assureur
- le fait que le courtier ait demandé à Monsieur X. de lui adresser la demande d’arbitrage par mail et de doubler son envoi par courrier ne saurait dispenser ce dernier de respecter les conditions contractuelles, étant au surplus relevé que contrairement à ce que le demandeur soutient, le mail du 7 avril 2020 adressé par Mme [P] ne mentionnait pas l’adresse à laquelle le courrier devait être envoyé ;
- Monsieur X. à qui incombe la charge de la preuve de la date d’envoi qu’il allègue ne démontre pas avoir envoyé la demande d’arbitrage à la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE le 08 avril 2020, ni a fortiori que celle-ci l’ait reçue le même jour, alors précisément que celle-ci le conteste. La S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE justifie de la réception de la demande arrivée à son siège le 29 avril 2020 et ABEILLE VIE soutient ne l’avoir reçu que le 30 avril 2020.
Dans ces conditions, la prétendue inertie de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE entre le 8 avril 2020 et le 30 avril 2020 n’étant pas démontrée, il sera retenu que la demande est parvenue à l’assureur le 30 avril 2020.
En application de l’article 12 qui précise les conditions de l’arbitrage, lequel s’opère en deux temps, il y aura lieu de retenir que la demande ayant été réceptionnée le 30 avril 2020, la date de valorisation à prendre en compte sera le 24 avril 2020.
Quant à l’opération d’investissement sur des unités de compte, l’augmentation s’effectue à la valeur liquidative du 1er jour de cotation qui suit la mise à disposition des fonds désinvestis sur le support d’origine. Il y a donc lieu de retenir la date du 8 mai 2020 la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE.
Par ailleurs, il est constant que le préjudice a cessé à la date du transfert du PERP vers APICIL. Il convient là encore de se reporter à la notice pour apprécier la date de dernière valorisation.
Il résulte de la notice que le transfert du PERP vers un autre organisme est possible mais que la valeur de transfert des droits acquis sera communiquée dans un délai de trois mois après la réception de la demande à l’adresse postale de l’assureur et que l’assuré dispose d’un délai de 15 jours à compter de cette notification pour renoncer au transfert. Il est enfin précisé qu’à l’expiration de ce délai, le transfert sera effectué directement vers le nouvel organisme dans un délai de 15 jours, sous réserve de la communication de la réception du certificat d’adhésion, de la justification de l’adhésion à un plan d’épargne retraite soumis aux mêmes règles fiscales et des coordonnées du compte bancaire destinataire du transfert de l’organisme d’assurance d’accueil.
Il est établi que Monsieur X. a sollicité le transfert par courrier du 15 septembre 2020, reçu par la société AVIVAVIE le 18 septembre 2020 (courrier et accusé de réception produits aux débats). Il signait sa demande de « transfert entrant » auprès d’APICIL le même jour.
La société AVIVAVIE a accusé réception de la demande de transfert par courrier du 25 septembre 2020, aux termes duquel elle proposait à Monsieur X. un autre plan d’épargne retraite individuel (Aviva Retraite Plurielle), confirmait que la valeur de transfert était de 165.592,04 euros et lui indiquait qu’il disposait d’un délai de 15 jours à compter de la présente lettre pour se rétracter. Dans l’hypothèse où la demande serait maintenue, elle sollicitait la communication préalable d’une pièce d’identité en cours de validité.
Le délai de rétractation, qui est un délai légal, a donc expiré le 10 octobre et Monsieur X. a communiqué la copie de son passeport par courrier du 16 octobre 2020, reçu le 21 octobre 2020.
Il a confirmé le 21 octobre 2020, par LRAR reçue le 23 octobre 2020, sa volonté de maintenir le transfert.
Il n’est pas établi à quelle date la société ABEILLE VIE a reçu les informations requises d’APICIL, qu’elle a réclamées par courrier du 05 octobre 2020 et dont la réception conditionnait le point de départ du délai de 15 jours pour procéder au transfert.
La société AVIVAVIE a procédé au transfert le 6 novembre 2020.
Dans ces conditions, et peu important que la société AVIVAVIE disposait déjà de la copie d’une pièce d’identité en cours de validité, communiquée effectivement à la date d’ouverture du PERP, il est établi qu’elle a procédé au transfert en respectant les délais stipulés à l’article 13 de la notice, si bien qu’il y a aura lieu de juger que la date de valorisation à retenir sera celle du 25 octobre 2020 comme retenu par les défenderesses.
La différence entre la valeur de transfert effectivement appliquée avec une épargne investie en fonds euros et la valeur qui aurait été celle de l’épargne investie si la demande d’arbitrage avait été traitée est donc de 13.127,52 euros, conformément au calcul proposé par la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, contre laquelle le demandeur n’émet pas de critique convaincante. Le document qu’il communique ne peut en aucun cas être retenu, dès lors qu’il propose une date initiale erronée. Le demandeur ne communique aucune autre évaluation tenant compte des dates retenues par le tribunal conformément à la demande du courtier, à savoir du 08 mai 2020 au 25 octobre 2020.
Dès lors que cette perte est liée non seulement à l’absence de prise en compte de sa demande d’arbitrage mais également au retard pris dans l’ouverture d’un PERIN du fait de la proposition inadaptée de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, il est établi que du fait des fautes de la société anonyme ABEILLE VIE et de la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, Monsieur X. a perdu une chance de pouvoir valoriser son épargne dans de meilleures conditions avant le 27 octobre 2025, date à laquelle la perte en l’absence d’arbitrage, était de 13.127,52 euros.
Il y aura lieu de retenir ce montant et de constater qu’il correspond bien non pas à l’avantage escompté mais à une perte de chance, celle-ci étant par ailleurs certaine dès lors qu’il est établi par le propre calcul de Monsieur X. sur la base de dates différentes et plus favorables, que la perte aurait pu être plus importante.
La société anonyme ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE ayant toutes deux contribué à la réalisation du dommage, elles seront condamnées in solidum à indemniser Monsieur X. à hauteur de 13.127,52 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de ce jour, s’agissant d’une créance indemnitaire fixée par la présente décision.
Sur la demande au titre des frais prélevés lors du transfert du contrat PERP vers le contrat PER APICIL :
Monsieur X. reproche à la société AVIVAVIE, après avoir « ponctionné » 2.881,37 € (167.324,09 € - 164.442,72 €) au titre du transfert du contrat article 83 vers le PERP, d’avoir prélevé à nouveau et sans aucun motif selon la somme de 8 287,08 euros au titre du transfert du PERP vers le contrat PERIN d’APICIL.
En réponse aux moyens adverses, il soutient que les frais de transfert contractuels ne sont pas de 5% mais de 5% maximum de l'épargne constituée (article 13 de la notice d'information) sans que soient définies contractuellement les modalités de fixation de ce pourcentage et étant rappelé qu'il s'agit là d'un contrat d'adhésion.
Il en conclut que cette clause étant abusive, ABEILLE VIE ne pouvait revendiquer ces frais de transfert.
Il soutient que la clause doit être considérée comme abusive au sens de l’article 1171 du code civil, quand bien même l'article R. 132- 5-3 du Code des assurances prévoit-il que l'indemnité ne peut dépasser 5%, ce texte n'indiquant pas qu'elle doit être obligatoirement de 5 %. Il estime que le fait que les modalités de fixation du pourcentage ne soient pas définies contractuellement et dépendent de la seule volonté de l’assureur a bien pour effet de créer un déséquilibre significatif (1 % = 1 655,70 €), puisqu’il était dans l'incapacité de déterminer si « les frais de transfert contractuels » s'élevaient (par exemple) à 0,5% (827, 85 €) ou 5% (8 287, 08 €). Il se prévaut également de l'article 1190 du Code civil recommande d'interpréter le contrat contre celui qui l'a proposé.
Dans ses conclusions récapitulatives, la société anonyme ABEILLE VIE soutient pour sa part que la valeur de transfert versée le 04 novembre 2020, correspond à la valeur de l'épargne constituée au 23 octobre 2020 soit 165 570,32 €, nets de frais de gestion, diminuée des frais de transfert contractuels de 5 %. Elle se prévaut des dispositions des articles D. 132-7, R. 132-21-1 et R132-5-3 du code des assurances pour soutenir que la perception de frais de transfert est légalement prévue, ceux-ci ne pouvant excéder 5%.
Elle ne conteste pas l'existence d'un contrat d'adhésion mais soutient que la clause relative au montant des frais applicables n’est pas abusive, l'assuré étant en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui.
Aux termes de l’article 1171 du code civil, « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »
En l’espèce, il n’est pas établi que la clause litigieuse n’était pas négociable, le taux maximun prévu permettant justement aux parties de la négocier pour chaque opération. Le déséquilibre significatif n’est pas établi dès lors que le taux appliqué par AVIVAVIE correspond au taux maximum, lequel n’est pas seulement contractuel mais surtout réglementaire, de sorte que l’assuré, qui n’avait pas négocié le taux, pouvait prévoir le montant réclamé sans reprocher un quelconque abus à la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE.
La demande sera donc rejetée.
Sur la demande au titre du préjudice moral :
Monsieur X. soutient subir depuis trois ans « les affres des sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et ABEILLE VIE qui ne veulent pas reconnaître les erreurs et se renvoient la balle ». Il explique qu’étant à la retraite, le fait de se voir privé de sommes lui revenant l’a affecté psychologiquement.
La SAS UFIFRANCE PATRIMOINE conclut au rejet de cette demande à son égard, excluant toute responsabilité dans la survenance du dommage.
La société ABEILLE VIE conclut également au rejet en faisant valoir que Monsieur X. ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral distinct du préjudice financier allégué.
Il est constant que Monsieur X. était client d’AVIVA VIE depuis de nombreuses années et que les fautes commises tant par l’assureur que par le courtier ont nécessairement trompé la confiance qu’il avait en elles et entraîné des contrariétés. La confusion et la lassitude face à l’absence de prise en compte de ses demandes ressortent de ses propres courriers ou courriels depuis la naissance du litige en avril 2020 (mail notamment du 16 septembre 2020 à Mme Y.) jusqu’à ses dernières conclusions.
La longueur de la procédure, près de 4 ans, affecte nécessairement également le demandeur en justice qui se heurte à la résistance de défenderesses qui tentent chacune de s’exonérer en se prévalant des fautes de l’autre.
Sans qu’il y ait lieu d’exiger par exemple la production d’un certificat médical pour le retenir, ce type de préjudice moral n’impliquant pas nécessairement de symptomatologie médicalement évaluable, il y aura lieu de juger que Monsieur X. a subi un préjudice moral tenant au stresse causé par le comportement des défenderesses depuis la naissance du litige, mais dès lors qu’il succombe toutefois en une partie de ses prétentions, il y aura lieu de ramener l’indemnisation de son préjudice moral à la somme de 2.000 euros.
Sur les mesures accessoires :
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE et la société ABEILLE VIE, qui succombent principalement à l'instance seront condamnées in solidum aux aux dépens.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent. La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.»
En l’espèce, parties perdantes condamnées aux dépens, la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE et la société anonyme ABEILLE VIE seront condamnées, en équité, à verser à Monsieur X. la somme de 6.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Les demandes adverses seront rejetées.
Sur l’exécution provisoire :
Il sera en tant que de besoin rappelé qu’en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa redaction applicables aux instances introduites à compter du 1er Janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Compte tenu de l’ancienneté du litige, la demande tendant à écarter l’exécution provisoire sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Condamne in solidum la société ABEILLE VIE Société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation, en abrégé ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, chacune prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur X. une somme de 13.127, 50 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne in solidum la société ABEILLE VIE Société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation, en abrégé ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, chacune prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboute Monsieur X. de sa demande de remboursement de la somme de 8 287,08 euros correspondant aux frais du transfert de son contrat PERP vers le contrat PERIN d’APICIL,
Condamne in solidum la société ABEILLE VIE Société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation, en abrégé ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, chacune prise en la personne de son représentant légal, aux dépens ;
Condamne in solidum la société ABEILLE VIE Société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation, en abrégé ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE, chacune prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur X. une somme de 6.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes formées par la société anonyme d’assurance-vie et de capitalisation ABEILLE VIE et la S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE sur le même fondement :
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit et rejette la demande tendant à l’écarter :
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE