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CA LYON (1re ch. civ. A), 11 septembre 2025

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 11 septembre 2025
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 21/05582
Date : 11/09/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/07/2021
Décision antérieure : T. com. Saint-Étienne, 8 juin 2021 : RG n° 2016j00945
Décision antérieure :
  • T. com. Saint-Étienne, 8 juin 2021 : RG n° 2016j00945
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24295

CA LYON (1re ch. civ. A), 11 septembre 2025 : RG n° 21/05582 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Si le consommateur s'entend d'une personne physique, tel n'est pas nécessairement le cas du professionnel, qu'il s'agisse du professionnel fournissant le bien ou la prestation de service objet du contrat, ou du professionnel ayant commandé le bien ou la prestation de service, visé à l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation. La société Locam ne saurait en conséquence valablement conclure à l'inapplicabilité des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation en considération de la personnalité morale de l'intimée.

C'est, en outre, par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal de commerce de Saint-Etienne a retenu que le contrat de location litigieux avait été conclu « hors établissement », au sens de l'article L. 121-16 du code de la consommation, et que la société Assainissement hygiène pompage réunissait les conditions fixées par l'article L. 121-16-1 III du même code pour pouvoir prétendre au bénéfice des dispositions des dispositions relatives au droit de rétractation dans les mêmes conditions qu'un consommateur.

Il est indifférent, en particulier, que le site internet loué permette à la société locataire de promouvoir son activité professionnelle, dès lors que la fourniture d'un site internet ne participe pas du domaine de compétence de la locataire, dans lequel elle exerce son activité principale d'assainissement et de pompage, et qu'elle n'entre donc pas dans le champ de celle-ci au sens de l'article L. 121-16-1 III susvisé.

Reste à déterminer si la location du site internet participe, comme le soutient la société Locam, des services financiers exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement par application de l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation. La directive 2011/83/UE, dont les dispositions susvisées assurent la transposition, précise que les services financiers s'entendent de tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. Toutefois, l'exclusion des services financiers, prévue à l'article L 121-16-1 4° doit être interprétée strictement, en tant qu'elle conduit à réduire la protection légale accordée aux consommateurs. Elle ne s'entend en conséquence que des services de banque, de crédit, d'assurance, de pensions individuelles, d'investissement ou de paiement stricto sensu, à l'exclusion des services simplement connexes à ceux-ci. Il est donc indifférent à la solution du litige que l'article L. 311-2 du code monétaire et financier fasse entre la location simple de biens mobiliers dans la liste des opérations connexes aux opérations de banque. En outre, l'article L 511-21 du code monétaire et financier, définissant l'expression 'services bancaires' comme désignant une opération de banque ou l'une des activités connexes au sens de l'article L. 311-2, est inapplicable à la présente espèce, son objet étant de définir la notion de services bancaires 'pour l'application des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de services' et non point de donner la définition légale du service financier au sens de l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation.

Le contrat litigieux constitue un simple contrat de location et ne s'analyse point en tant que tel en une opération de banque. Il n'est pas assorti d'une option d'achat permettant de lui conférer la nature d'une opération de crédit. Il ne souffre donc pas l'exclusion prévue à l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation et les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation lui sont donc applicables en vertu de l'article L. 121-16-1 III du même code, dans leurs rédactions en vigueur le 10 mai 2016. »

2/ « L'article L. 121-21-8 3° dispose toutefois que ce droit ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

Force est de constater que le bon de commande du site internet conclu avec la société Visifrance, prévoit en son article 1.1 que le site sera élaboré selon une architecture définie par les parties, sur la base des besoins exprimés par le client, lequel devra définir et communiquer à la société Visifrance: - le nombre et les caractéristiques des pages web qui constitueront le site, - les modules et fonctionnalités particuliers qui seront offerts aux utilisateurs du site, - les informations qui permettront aux tiers de l'identifier, de le contacter et de le localiser, - les éléments sur la base desquelles la charte graphique sera établie, tels que plaquette commerciale, logo, codes couleurs, animations, forme et structure des menus de navigation, arborescence des pages. Ce bon de commande précise en son article 1.2 qu'une fois la maquette élaborée et réceptionnée sans réserve, le client devra fournir à la société Visifrance, en un seul envoi, les contenus complémentaires à intégrer au site.

Un tel site internet, sur lequel porte le contrat de location conclu avec la société Locam, doit être considéré comme confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé au sens de l'article L. 121-21-8 3°, peu important que la société Visifrance n'ait pas exécuté ses obligations de manière convenable ou que la fiche technique censée refléter les besoins du client ait été élaborée de manière rudimentaire. L'application de l'article L. 121-21-8 3° commande en effet de considérer le site tel qu'il a été contractuellement défini, plutôt que le site ou l'ébauche de site effectivement réalisé, sauf à faire dépendre l'existence du droit de rétractation non pas de la substance de la chose commandée et de l'accord des parties, mais de l'exécution du contrat et de la chose effectivement livrée.

Il s'ensuit que la société Assainissement hygiène pompage ne dispose pas du droit de rétractation et le jugement entrepris sera donc réformé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat litigieux en l'absence de délivrance à l'intimée des informations relatives au droit de rétractation prévue sà l'article L. 121-17 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/05582. N° Portalis DBVX-V-B7F-NXFM. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond du 8 juin 2021 : RG n° 2016j00945.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM

[Adresse 1], [Localité 3], Représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉE :

SASU ASSAINISSEMENT HYGIENE POMPAGE

[Adresse 4], [Localité 2] France, Représentée par Maître Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 829, Et ayant pour avocat plaidant la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST, toque : 1-1

 

Date de clôture de l'instruction : 17 décembre 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 8 janvier 2025

Date de mise à disposition : 3 avril 2025 prorogée au 11 septembre 2025 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président - Patricia GONZALEZ, président - Julien SEITZ, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Julien, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon bon de commande du 10 mai 2016, la société Assainissement hygiène pompage a commandé à la société Visifrance un site internet.

Selon contrat du même jour, la société Assainissement hygiène pompage a consenti à louer à la société Locam, spécialisée dans la location financière, le site internet commandé à la société Visifrance, contre paiement de 48 loyers mensuels de 210 euros HT (225 euros TTC) par mois, soit la somme totale de 10.080 euros HT (12.096 euros TTC).

Par lettres recommandées du 13 mars 2016, la société Assainissement hygiène pompage a fait connaître aux sociétés Locam et Visifrance qu'elle entendait exercer un droit de rétractation.

Par lettres des 20 et 24 mai 2016 les sociétés Visifrance et Locam ont indiqué à la société Assainissement hygiène pompage qu'elle ne bénéficiait d'aucun droit de rétractation légal.

Par lettre du 16 septembre 2016, la société Locam a mis la société Assainissement hygiène pompage en demeure de lui régler les loyers en souffrance, sous peine de résiliation du contrat de location.

Les échanges ultérieurs tripartites n'ont pas conduit au règlement amiable du litige.

* * *

Par acte d'huissier du 27 avril 2017, la société Assainissement hygiène pompage a fait citer la société Visifrance devant le tribunal de commerce de Nantes, pour obtenir, en autres demandes, la résolution du contrat de fourniture d'un site internet.

Par jugement du 06 juin 2019, le tribu,al de commerce de [Localité 5] a fait droit à cette demande et condamné la société Visifrance à payer à la société la somme de 13.511,26 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'aux frais irrépétibles et aux dépens de l'instance.

Par arrêt du 10 mai 2022, la cour d'appel a confirmé ce jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de fourniture, et l'a infirmé en ce qu'il a condamné la société Visifrance à payer à la société Assainissement Hygiène Pompage la somme de 13.511,26 euros, en rejetant la demande indemnitaire.

* * *

Par acte d'huissier du 14 novembre 2016, la société Locam a fait citer la société Assainissement hygiène pompage devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne pour obtenir paiement en principal de la somme de 13.511,26 euros, correspondant aux loyer échus impayés, ainsi qu'aux loyers à échoir.

Par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne s'est déclaré compétent pour connaître de l'affaire.

Par jugement du 8 juin 2021, cette juridiction a :

- dit que les dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation sont applicables au contrat objet du litige ;

- constaté que le contrat litigieux a été conclu entre professionnels ;

- dit que le contrat litigieux a été conclu « hors établissement » ;

- dit que le contrat litigieux n'entre pas dans le champ de l'activité de la société Assainissement hygiène pompage ;

- dit que cette société justifie remplir la condition visée à l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation relative à l'emploi d'un nombre de salariés égal ou inférieur à cinq ;

- prononcé la nullité du contrat conclu le 10 mai 2016 entre les parties ;

- débouté la société Locam de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la société Locam à verser à la société Assainissement hygiène pompage la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Assainissement hygiène pompage du surplus de ses demandes ;

- dit que les dépens, dont frais de Greffe taxés et liquidés à 147.77 euros, sont à la charge de la société Locam ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de sa décision.

La société Locam a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 1er juillet 2021.

* * *

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 21 octobre 2024, la société Locam demande à la cour de :

- juger son appel bien fondé,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner la société Assainissement hygiène pompage à lui régler la somme principale de 13.511,25 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 17 septembre 2016,

- débouter la société Assainissement hygiène pompage de toutes ses demandes,

- la condamner à lui régler une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Assainissement hygiène pompage en tous les dépens d'instance et d'appel.

La société Locam soutient en premier lieu que la société Assainissement hygiène pompage ne bénéficie pas du droit de rétractation prévu à l'article L. 121-16 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 10 mai 2016, dès lors qu'elle n'a pas la qualité de consommateur au sens des dispositions consuméristes alors applicables, que le site internet fourni a un lien avec son activité principale, au sens du III du même article, que ce site a été confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé au sens de l'article L. 121-20-2 ancien du même code et que la location financière litigieuse constitue un service financier expressément exclus du champ d'application de l'article L. 121-16 ancien du même code.

Elle en déduit qu'aucune nullité du contrat de location financière n'est encourue à raison de la méconnaissance des dispositions légales relatives au droit de rétractation prévu à l'article L. 121-16 ancien du code de la consommation et qu'aucun anéantissement du contrat n'a pu résulter de l'exercice de ce droit inexistant.

Elle soutient en second lieu que la société Assainissement hygiène pompage a ratifié le procès -verbal de livraison et de conformité et déclenché ce faisant le prélèvement des loyers, sans qu'aucune faute ne soit imputable à la société Locam, de nature à justifier la résolution du contrat à ses torts. Elle ajoute qu'elle ne saurait être tenue du défaut d'exécution éventuel des * * *

***

Par conclusions récapitulatives déposées le 12 août 2024, la société Assainissement hygiène pompage demande à la cour de :

- confirmer la décision rendue le 8 juin 2021 par le tribunal de commerce de Saint-Etienne en toutes ses dispositions,

subsidiairement :

- à défaut de prononcer la nullité, constater qu'elle s'est valablement rétractée du contrat par courrier du 13 mai 2016,

- par conséquent, débouter la société Locam de ses demandes,

à titre très subsidiaire :

- constater la caducité du contrat conclu entre la société assainissement hygiène pompage et la société Locam le 10 mai 2016,

- par conséquent, débouter la société Locam de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire :

- prononcer la résolution du contrat conclu avec la société Locam le 10 mai 2016,

- par conséquent, débouter la société Locam de ses demandes,

en tout état de cause :

- débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Locam aux entiers dépens d'appel.

La société Assainissement hygiène pompage soutient qu'en application des dispositions des articles L. 121-1, L. 121-16 et L. 121-16-1 III du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à l'espèce, elle disposait d'un droit de rétractation, le contrat ayant été conclu hors établissement, pour un objet n'entrant pas dans le champ de son activité principale, alors qu'elle employait un nombre de salarié inférieur ou égal à 5.

Elle estime que le contrat est nul, faute pour la société Locam de l'avoir informée de l'existence de ce droit conformément aux dispositions des articles L. 121-17 et L. 121-18 du même code.

Elle conteste à cet égard que le contrat de location litigieux puisse participer de la catégorie des services financiers et se trouver exclus, en vertu des dispositions de l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation alors en vigueur, de l'application des articles L. 121-16 et L. 121-16-1 III précédemment évoqués.

La société Assainissement hygiène pompage conclut subsidiairement à l'anéantissement du contrat par l'effet de sa rétractation. Elle explique en effet avoir exercé son droit de rétractation dans le délai imparti à l'article L. 121-1 du code de la consommation. Elle conteste sur ce point le moyen tiré de l'application de l'article L. 121-21-8 du code de la consommation, en faisant valoir que la preuve n'est pas apportée de ce que le site loué aurait été « confectionné selon les spécifications du client ou nettement personnalisé » au sens de ces dispositions.

Elle soutient très subsidiairement qu'en application de l'article 1186 du code civil, le contrat de location se trouve frappé de caducité par suite de l'anéantissement du contrat de fourniture de biens et de services conclu avec la société Visifrance.

Elle conclu à titre encore plus subsidiaire à la résiliation du contrat sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil, aux torts de la société Locam, en reprochant à celle-ci de ne s'être pas assurée de la conformité du matériel loué à la commande et d'avoir exigé le paiement des loyers en amont de la livraison d'un matériel conforme. Elle conteste à cet égard avoir signé le 18 mai 2016 le procès-verbal de conformité du matériel loué, en se prévalant en cela de l'analyse du tribunal de commerce de Nantes et de la cour d'appel de Rennes.

* * *

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de ces prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 17 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 07 janvier 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 03 avril 2025. Le délibéré a été prorogé au 11 septembre 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'existence d'un droit de rétractation au profit de la société Assainissement hygiène pompage :

Vu l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Vu l'article L. L. 121-16 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Vu l'article L. 121-16-1 III du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Vu l'article L. 121-16-1 4° du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Vu l'article L. 121-21-8 3° du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Vu l'article L. 121-17 2° du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du 10 mai 2016 ;

Conformément au premier de ces textes, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.

En vertu du second, sont considérés comme « Contrat hors établissement » tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

En application du troisième, les dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-16 susvisés sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Aux termes du quatrième, sont exclus du champ d'application de ces dispositions, les contrats portant sur les services financiers.

En application du cinquième, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

En vertu du sixième, lorsque le droit de rétractation existe, le professionnel communique au consommateur, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, de manière lisible et compréhensible, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Si le consommateur s'entend d'une personne physique, tel n'est pas nécessairement le cas du professionnel, qu'il s'agisse du professionnel fournissant le bien ou la prestation de service objet du contrat, ou du professionnel ayant commandé le bien ou la prestation de service, visé à l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation.

La société Locam ne saurait en conséquence valablement conclure à l'inapplicabilité des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation en considération de la personnalité morale de l'intimée.

C'est, en outre, par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal de commerce de Saint-Etienne a retenu que le contrat de location litigieux avait été conclu 'hors établissement', au sens de l'article L. 121-16 du code de la consommation, et que la société Assainissement hygiène pompage réunissait les conditions fixées par l'article L. 121-16-1 III du même code pour pouvoir prétendre au bénéfice des dispositions des dispositions relatives au droit de rétractation dans les mêmes conditions qu'un consommateur.

Il est indifférent, en particulier, que le site internet loué permette à la société locataire de promouvoir son activité professionnelle, dès lors que la fourniture d'un site internet ne participe pas du domaine de compétence de la locataire, dans lequel elle exerce son activité principale d'assainissement et de pompage, et qu'elle n'entre donc pas dans le champ de celle-ci au sens de l'article L. 121-16-1 III susvisé.

Reste à déterminer si la location du site internet participe, comme le soutient la société Locam, des services financiers exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement par application de l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation.

La directive 2011/83/UE, dont les dispositions susvisées assurent la transposition, précise que les services financiers s'entendent de tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

Toutefois, l'exclusion des services financiers, prévue à l'article L 121-16-1 4° doit être interprétée strictement, en tant qu'elle conduit à réduire la protection légale accordée aux consommateurs.

Elle ne s'entend en conséquence que des services de banque, de crédit, d'assurance, de pensions individuelles, d'investissement ou de paiement stricto sensu, à l'exclusion des services simplement connexes à ceux-ci. Il est donc indifférent à la solution du litige que l'article L. 311-2 du code monétaire et financier fasse entre la location simple de biens mobiliers dans la liste des opérations connexes aux opérations de banque.

En outre, l'article L 511-21 du code monétaire et financier, définissant l'expression 'services bancaires' comme désignant une opération de banque ou l'une des activités connexes au sens de l'article L. 311-2, est inapplicable à la présente espèce, son objet étant de définir la notion de services bancaires 'pour l'application des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de services' et non point de donner la définition légale du service financier au sens de l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation.

Le contrat litigieux constitue un simple contrat de location et ne s'analyse point en tant que tel en une opération de banque. Il n'est pas assorti d'une option d'achat permettant de lui conférer la nature d'une opération de crédit. Il ne souffre donc pas l'exclusion prévue à l'article L. 121-16-1 4° du code de la consommation et les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation lui sont donc applicables en vertu de l'article L. 121-16-1 III du même code, dans leurs rédactions en vigueur le 10 mai 2016.

Ces dispositions prévoient en leur article L. 121-21 que le consommateur, auquel il a été précédemment retenu que devait être assimilée la société Assainissement hygiène pompage, bénéficie d'un droit de rétractation de 14 jours.

L'article L. 121-21-8 3° dispose toutefois que ce droit ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

Force est de constater que le bon de commande du site internet conclu avec la société Visifrance, prévoit en son article 1.1 que le site sera élaboré selon une architecture définie par les parties, sur la base des besoins exprimés par le client, lequel devra définir et communiquer à la société Visifrance:

- le nombre et les caractéristiques des pages web qui constitueront le site,

- les modules et fonctionnalités particuliers qui seront offerts aux utilisateurs du site,

- les informations qui permettront aux tiers de l'identifier, de le contacter et de le localiser,

- les éléments sur la base desquelles la charte graphique sera établie, tels que plaquette commerciale, logo, codes couleurs, animations, forme et structure des menus de navigation, arborescence des pages.

Ce bon de commande précise en son article 1.2 qu'une fois la maquette élaborée et réceptionnée sans réserve, le client devra fournir à la société Visifrance, en un seul envoi, les contenus complémentaires à intégrer au site.

Un tel site internet, sur lequel porte le contrat de location conclu avec la société Locam, doit être considéré comme confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé au sens de l'article L. 121-21-8 3°, peu important que la société Visifrance n'ait pas exécuté ses obligations de manière convenable ou que la fiche technique censée refléter les besoins du client ait été élaborée de manière rudimentaire.

L'application de l'article L. 121-21-8 3° commande en effet de considérer le site tel qu'il a été contractuellement défini, plutôt que le site ou l'ébauche de site effectivement réalisé, sauf à faire dépendre l'existence du droit de rétractation non pas de la substance de la chose commandée et de l'accord des parties, mais de l'exécution du contrat et de la chose effectivement livrée.

Il s'ensuit que la société Assainissement hygiène pompage ne dispose pas du droit de rétractation et le jugement entrepris sera donc réformé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat litigieux en l'absence de délivrance à l'intimée des informations relatives au droit de rétractation prévues à l'article L. 121-17 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable.

 

Sur la caducité du contrat de location :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

En vertu de l'article 1134 susvisé, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutés de bonne foi.

Il en résulte que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant location financière, sont interdépendants, toute clause des contrats inconciliables avec cette interdépendance étend réputée non écrite.

Dès lors, l'anéantissement de l'un des contrats interdépendants provoque la caducité des autres.

Doivent être considérés interdépendants les contrats nécessaires à la réalisation d'une même opération dont la disparition de l'un rend l'exécution de l'autre impossible ou dont l'exécution de l'un constitue une condition déterminante du consentement d'une partie à la conclusion de l'autre.

Cette solution prétorienne se trouve désormais consacrée à l'article 1186 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 10 février 2016.

Il est constant et non contesté en la présente espèce, que le contrat de location conclu entre la société Locam et la société Assainissement hygiène pompage porte sur le site commandé par celle-ci auprès de la société Visifrance et que son existence n'a de sens qu'à raison de l'existence de cette commande. Le bon de commande et le contrat de location particpent donc d'une même opération et l'exécution du premier a constitué une condition déterminante de la souscription du second.

Il s'ensuit que l'anéantissement rétroactif du bon de commande passé par la société Assainissement hygiène pompage auprès de la société Visifrance, résultant de sa résolution prononcée par jugement du 06 juin 2019, confirmé par arrêt du 10 mai 2022, rend le contrat de location caduc dès sa conclusion.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Locam de ses demandes.

 

Sur les frais et les dépens :

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

La société Locam succombe pour l'essentiel à l'instance d'appel et il convient de confirmer les dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, en la condamnant en sus aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité commande de la condamner en outre à payer à la société Assainissement hygiène pompage la somme de 3.500 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

Elle commande enfin de rejeter sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de location conclu le 10 mai 2016 entre la société Assainissement hygiène pompage et la société Locam ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

- Rejette la demande d'annulation du contrat de location ainsi que la demande visant à faire constater l'anéantissement du contrat par suite de l'exercice du droit de rétractation ;

- Constate la caducité du contrat de location ensuite de la résolution judiciaire du bon de commande conclu entre la société Assainissement hygiène pompage et la société Visifrance ;

- Condamne la société Locam aux dépens de l'instance d'appel ;

- Condamne la société Locam à payer à la société Assainissement hygiène pompage la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette le surplus des demandes.

La greffière,              Le Conseiller pour le Président empêché,


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