CA COLMAR (3e ch. civ. A), 13 octobre 2025
- TJ Colmar (Jcp), 6 décembre 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 24473
CA COLMAR (3e ch. civ. A), 13 octobre 2025 : RG n° 25/01217 ; arrêt n° 25/450
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En matière de locaux d'habitation, la validité d'une convention d'occupation précaire dérogatoire aux règles d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est subordonnée à la caractérisation de l'existence, au moment de sa signature, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une telle convention (Civ. 3ème, 29 avril 2009, pourvoi n° 08-10.506 ; Civ. 3ème, 23 juin 2015, pourvoi n° 14-12.007).
En l'espèce, selon acte notarié du 31 janvier 2023, M. X. a vendu à la Sas Spartim sa maison d'habitation avec faculté de rachat conformément à l'article 1659 du code civil, ladite faculté de rachat devant être exercée dans le délai de 16 mois. L'acte authentique liant les parties mentionne sous l'intitulé « convention d'occupation précaire » que le bien vendu restera occupé par le vendeur pour la période pendant laquelle il disposera de la faculté de rachat qui lui est réservée, soit une durée maximale de 16 mois à compter du 1er février 2023. Il mentionne également qu'en aucun cas, le vendeur ne pourra se prévaloir d'un bail d'habitation du bien vendu, l'occupation n'étant motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat. L'acte prévoit en outre que le vendeur sera redevable envers l'acquéreur d'une indemnité mensuelle d'occupation précaire d'un montant de 2.700 euros par mois.
Ainsi, la convention souscrite entre les parties est explicite et exprime clairement la volonté des parties de conclure une convention d'occupation précaire. Par ailleurs, la société démontre par la production de courriels émanant de M. X. et du notaire que la faculté de rachat était liée à l'obtention d'un prêt immobilier que M. X. n'a pu obtenir en raison de l'absence de versement de l'apport de 30.000 euros exigé par sa banque, de sorte qu'il existait des circonstances indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d'occupation précaire. S'agissant du moyen tiré du caractère non modique de la redevance, cet élément n'est pas suffisant pour caractériser l'existence d'un bail déguisé conclu en fraude des dispositions impératives du statut des baux d'habitation, étant relevé que si les conventions d'occupation précaire se caractérisent souvent par la modicité de la redevance, ce critère n'est pas déterminant.
Par conséquent, la demande de requalification de la convention en bail d'habitation sera rejetée. »
2/ « L'appelant soulève le caractère abusif de la clause de l'acte de vente selon laquelle « en aucun cas le vendeur ne pourra se prévaloir de l'existence d'un bail d'habitation du bien vendu, l'occupation n'étant motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat ainsi qu'il est stipulé ci-dessus ». A l'appui de sa prétention, M. X. invoque les articles L. 212-1 du code de la consommation et 1171 du code civil.
Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, […]. Selon l'article 241-1 du code de la consommation, les clauses abusives sont réputées non écrites. En l'espèce, la clause empêchant le vendeur de se prévaloir de l'existence d'un bail d'habitation ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dès lors que l'occupation précaire du bien vendu par M. X. n'est motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat et qu'il existe, comme indiqué précédemment, des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d'occupation précaire.
Par ailleurs, selon l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ». En l'espèce, l'appelant ne démontre pas que l'acte authentique de vente serait un contrat d'adhésion dont il n'aurait pu négocier le contenu, notamment celui de la clause litigieuse. A cet égard, la cour relève que l'acte authentique prévoit en page 17, sous l'intitulé « informations spécifiques du vendeur quant aux conséquences de la vente avec faculté de rachat et la régularisation d'une convention d'occupation précaire », les dispositions suivantes : « le vendeur déclare être parfaitement informé, tant par les informations qu'il a lui-même sollicitées que par les explications qui lui ont été fournies tant par le cabinet de négociation que par le notaire soussigné, des conséquences, notamment juridiques, financières et patrimoniales de sa décision de vendre son bien à l'acquéreur en conservant une faculté de rachat et une convention d'occupation précaire dans les conditions exposées aux présentes ». Il est donc établi que M. X. a été informé, notamment par le notaire instrumentaire, des conséquences juridiques de sa décision de vendre son bien immobilier avec faculté de rachat et de conclure une convention d'occupation précaire dans les termes de l'acte de vente. Par conséquent, il n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1171 du code civil.
L'appelant soulève également le caractère abusif de la clause précitée, sur le fondement de l'article R. 212-2 du code de la consommation, au motif qu'elle ne tend qu'à entraver l'exercice de l'action en justice de l'occupant à titre précaire. L'article R. 212-2 du code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéa de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. En l'espèce, la clause litigieuse n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par M. X. A cet égard, la cour relève que M. X. a effectivement saisi les juridictions compétentes afin de faire valoir ses droits, en sollicitant notamment la requalification de la convention d'occupation précaire et l'application de la loi du 6 juillet 1989.
Au vu des développements qui précèdent, il convient de rejeter la demande de l'appelant tendant à voir déclarer abusive et non écrite la clause de la convention d'occupation précaire faisant interdiction aux parties de se prévaloir du régime des baux d'habitation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 25/01217. Arrêt n° 25/450. N° Portalis DBVW-V-B7J-IP5L. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 6 décembre 2024 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Colmar.
APPELANT :
Monsieur X.
[Adresse 2], Représenté par Maître Michel ROHRBACHER, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
SAS SPARTIM
prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], Représentée par Maître Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe LAETHIER, vice-président placé.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme DESHAYES, Conseillère, faisant fonction de présidente de chambre, M. LAETHIER, vice-président placé, Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme DESHAYES, conseillère, faisant fonction de présidente, la présidente de la 3ème chambre civile étant légitimement empêchée, et M. BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon acte authentique du 31 janvier 2023, M. X. a vendu à la Sas Spartim une maison à usage d'habitation située [Adresse 4] (68), moyennant le prix de 270.000 euros.
La vente a été consentie avec stipulation d'une faculté de rachat au profit du vendeur, prenant effet le 1er février 2023 et expirant le 1er juin 2024.
L'acte contient également une convention d'occupation précaire au bénéfice de M. X. qui pourra rester occupant du bien vendu jusqu'au 1er juin 2024, date d'expiration de la faculté de rachat, en contrepartie du versement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 2.700 euros, soit la somme totale de 43.200 euros prélevée sur le prix de vente.
Par acte de commissaire de justice du 28 juin 2024, la Sas Spartim a sommé M. X. de lui remettre les clefs de la maison en l'absence d'exercice de la faculté de rachat dans le délai contractuel.
Par acte de commissaire de justice délivré le 25 juillet 2024, la Sas Spartim a fait assigner M. X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Colmar aux fins de voir ordonner l'expulsion de M. X., le condamner à payer une indemnité d'occupation d'un montant de 2.700 euros par mois à compter du 1er juin 2024 jusqu'à la libération effective des lieux, outre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La Sas Spartim a soutenu que M. X. n'avait pas exercé sa faculté de rachat dans le délai contractuel et qu'il était occupant sans droit ni titre depuis le 1er juin 2024.
Assigné par dépôt de l'acte à l'étude du commissaire de justice instrumentaire, M. X. n'était pas présent, ni représenté à l'audience du 1er octobre 2024.
Par jugement réputé contradictoire du 6 décembre 2024, le juge des contentieux de la protection a :
- constaté que M. X. est occupant sans droit ni titre depuis le 1er juin 2024 de la maison d'habitation située [Adresse 3]),
- ordonné en conséquence son expulsion de corps et de biens, ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier à défaut d'exécution volontaire dans le délai légal de deux mois à compter de la signification du jugement d'avoir à libérer les lieux,
- rappelé que le sort des meubles est régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné M. X. à payer à la Sas Spartim une indemnité d'occupation mensuelle de 2.700 euros à compter du 1er juin 2024 et jusqu'à libération effective des lieux,
- condamné M. X. à payer à la Sas Spartim la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. aux dépens comprenant le coût de la sommation de restituer les clefs,
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu que M. X. n'avait pas exercé sa faculté de rachat dans le délai contractuel, de sorte qu'il était occupant sans droit ni titre depuis le 1er juin 2024 et que son expulsion devait être ordonnée.
M. X. a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration transmise par voie électronique le 14 mars 2025.
[*]
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 14 août 2025, M. X. demande à la cour de :
« - déclarer l'appel recevable et le dire bien fondé,
- déclarer l'intimée non fondée en toutes ses demandes,
en conséquence,
- débouter la société Sas Spartim de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
à titre principal,
- déclarer les demandes de M. X. régulières, recevables et bien fondées,
- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- déclarer que la clause de la convention d'occupation précaire consentie à M. X. faisant interdiction aux parties de se prévaloir du régime des baux d'habitation est réputée non écrite,
- déclarer que la convention au titre de laquelle M. X. s'est vu consentir le droit d'occuper la maison sise [Adresse 4] moyennant paiement d'un prix mensuel est un bail d'habitation est soumise au régime de la loi du 6 juillet 1989,
en conséquence,
- déclarer qu'il incombait à la Sas Spartim d'assigner également Mme X.,
- déclarer nulle la procédure d'expulsion entreprise contre M. X.,
- déclarer que les parties sont remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signification du commandement de payer fait à M. X.,
- ordonner la réintégration immédiate de M. X. dans la maison sise [Adresse 4] sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut,
- débouter la Sas Spartim de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
à titre subsidiaire,
- déclarer les demandes de M. X. régulières, recevables et bien fondées,
- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions précitées,
et, statuant à nouveau,
- déclarer que la clause de la convention d'occupation précaire consentie à M. X. faisant interdiction aux parties de se prévaloir du régime des baux d'habitation est réputée non écrite,
- déclarer que la convention au titre de laquelle M. X. s'est vu consentir le droit d'occuper la maison sise [Adresse 4] moyennant paiement d'un prix mensuel est un bail d'habitation est soumise au régime de la loi du 6 juillet 1989,
en conséquence,
- déclarer qu'il incombait à la Sas Spartim d'assigner également Mme X.,
- déclarer nulle la procédure d'expulsion entreprise contre M. X.,
- condamner la Sas Spartim au paiement de 51.300 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de jouissance du bien loué,
à titre infiniment subsidiaire,
- déclarer les demandes de M. X. régulières, recevables et bien fondées,
- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- fixer le montant de la redevance due par M. X. à 400 euros par mois ou tel montant qu'il plaira à la Cour de fixer, rétroactivement à compter de la date de signature par les parties de la convention d'occupation précaire consentie à M. X.,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par M. X. à 400 euros par mois ou tel montant qu'il plaira à la cour de fixer, rétroactivement à compter de la date de résiliation de la convention d'occupation précaire consentie à M. X.,
- condamner la société Spartim à restituer à M. X. toute somme versée par lui excédant le montant de la redevance fixé par la cour et perçue par la société Spartim à titre de redevance d'occupation précaire rétroactivement à compter de la date de signature de la convention d'occupation précaire par les parties,
- condamner la société Spartim à restituer à M. X. toute somme versée par lui excédant le montant de la redevance fixé par la Cour et perçue par la société SPARTIM à titre d'indemnité d'occupation rétroactivement à compter de la résiliation de la convention d'occupation précaire,
- ordonner la suspension des opérations d'expulsion pour une durée d'un an, ou toute durée qu'il plaira à la cour de fixer,
- débouter la Sas Spartim de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
en tout cas,
- débouter la Sas Spartim de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
- condamner la société Spartim aux entiers frais et dépens de la présente instance, et à verser à M. X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».
L'appelant fait valoir que la convention d'occupation précaire prévue dans l'acte notarié doit être requalifiée en bail d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 compte tenu du montant prohibitif de la redevance. Il soutient que la qualification de convention d'occupation précaire est soumise à deux conditions distinctes qui doivent être appréciées séparément, celle liée à la modicité de la redevance et celle relative à la précarité. M. X. indique que la convention d'occupation précaire est invalide puisqu'il n'existait aucune circonstance particulière indépendante de la volonté des parties au moment de la signature de la convention puisqu'il était dans l'attente du versement du capital d'une assurance vie et que l'obtention d'un prêt dans la perspective d'un refinancement ne figurait pas dans l'acte de vente.
L'appelant soulève le caractère abusif de la clause prévoyant l'impossibilité d'alléguer l'existence d'un bail, sur le fondement des articles L. 212-1 du code de la consommation et 1171 du code civil, faisant valoir qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties à son détriment puisqu'il est le seul à avoir intérêt à solliciter la requalification de la convention d'occupation précaire en bail d'habitation au régime plus protecteur. Il indique également, sur le fondement de l'article R. 212-2 du code de la consommation, que cette clause est abusive en ce qu'elle ne tend qu'à entraver l'exercice de l'action en justice de l'occupant à titre précaire.
M. X. affirme que la procédure d'expulsion est nulle dans la mesure où il vit dans la maison avec son épouse, qui est cotitulaire du bail, et que le commandement de payer ne lui a pas été signifié.
Subsidiairement, à défaut de réintégration, il sollicite l'indemnisation du préjudice subi du fait de son expulsion du logement.
A titre infiniment subsidiaire, sur le montant de la redevance et l'indemnité d'occupation, il soutient que la valeur moyenne d'un loyer, pour un bail d'habitation consenti sur un bien similaire et dans le même secteur géographique, est de 1 256 euros.
[*]
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 22 août 2025, la Sas Spartim demande à la cour de :
- juger irrecevables et/ou non fondées les demandes et arguments présentés par M. X.,
en conséquence,
- débouter M. X. de la totalité de ses demandes, fins et réclamations,
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- condamner M. X. à payer à la société Spartim la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
L'intimée fait valoir que l'acte authentique prévoit expressément que l'occupation du bien par le vendeur n'est motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat et que le vendeur ne pourra se prévaloir de l'existence d'un bail d'habitation, de sorte que la demande de requalification apparaît mal fondée.
Elle précise que l'absence de modicité de la redevance démontre que l'indemnité n'est pas un loyer déguisé mais bien une indemnité dont le montant vise à ne pas maintenir l'occupant dans les lieux et justifie par conséquent la qualification d'occupation précaire.
La société Spartim ajoute que la faculté de rachat est indépendante de la seule volonté des parties puisqu'elle est conditionnée notamment par le paiement du prix de rachat ce qui sous-entend l'obtention d'un financement que M. X. n'a pu obtenir, de sorte qu'il existe une cause objective à la convention d'occupation précaire indépendante de la seule volonté des parties excluant de fait sa requalification.
L'intimée précise que la clause du contrat n'est pas abusive dans la mesure où il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion mais d'un acte authentique dans lequel M. X. est vendeur et qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif mais vise à permettre au vendeur de rester dans les lieux dans le cadre d'une vente avec faculté de rachat.
La société Spartim soulève l'irrecevabilité des demandes de nullité de la procédure d'expulsion, de réintégration et de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance au motif qu'il s'agit de demandes nouvelles en cause d'appel.
Subsidiairement, sur le montant de la redevance, la société Spartim fait valoir que l'indemnité a été librement fixée par les parties et que rien ne justifie sa réduction. Elle indique que la somme de 2.700 euros est parfaitement justifiée s'agissant d'une maison classée 1 au niveau énergétique avec une surface habitable de 175 m², outre 200 m² de sous-sol, garage et terrasse et un jardin de 1.089 m² et qu'en tout état de cause, l'indemnité vise à contraindre l'occupant à quitter les lieux.
Sur les délais d'expulsion, l'intimée expose que M. X. a quitté les lieux semaine 28, qu'il n'a pas réglé son indemnité d'occupation, qu'il a déjà bénéficié de délais du seul fait de l'appel et que sa demande de logement social a été déposée postérieurement au commandement de quitter les lieux et à la signification de la décision d'expulsion.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
[*]
La clôture de la procédure a été prononcée le 25 août 2025.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 1er septembre 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'application de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
En matière de locaux d'habitation, la validité d'une convention d'occupation précaire dérogatoire aux règles d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est subordonnée à la caractérisation de l'existence, au moment de sa signature, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une telle convention (Civ. 3ème, 29 avril 2009, pourvoi n° 08-10.506 ; Civ. 3ème, 23 juin 2015, pourvoi n° 14-12.007).
En l'espèce, selon acte notarié du 31 janvier 2023, M. X. a vendu à la Sas Spartim sa maison d'habitation avec faculté de rachat conformément à l'article 1659 du code civil, ladite faculté de rachat devant être exercée dans le délai de 16 mois.
L'acte authentique liant les parties mentionne sous l'intitulé « convention d'occupation précaire » que le bien vendu restera occupé par le vendeur pour la période pendant laquelle il disposera de la faculté de rachat qui lui est réservée, soit une durée maximale de 16 mois à compter du 1er février 2023.
Il mentionne également qu'en aucun cas, le vendeur ne pourra se prévaloir d'un bail d'habitation du bien vendu, l'occupation n'étant motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat.
L'acte prévoit en outre que le vendeur sera redevable envers l'acquéreur d'une indemnité mensuelle d'occupation précaire d'un montant de 2.700 euros par mois.
Ainsi, la convention souscrite entre les parties est explicite et exprime clairement la volonté des parties de conclure une convention d'occupation précaire.
Par ailleurs, la société démontre par la production de courriels émanant de M. X. et du notaire que la faculté de rachat était liée à l'obtention d'un prêt immobilier que M. X. n'a pu obtenir en raison de l'absence de versement de l'apport de 30.000 euros exigé par sa banque, de sorte qu'il existait des circonstances indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d'occupation précaire.
S'agissant du moyen tiré du caractère non modique de la redevance, cet élément n'est pas suffisant pour caractériser l'existence d'un bail déguisé conclu en fraude des dispositions impératives du statut des baux d'habitation, étant relevé que si les conventions d'occupation précaire se caractérisent souvent par la modicité de la redevance, ce critère n'est pas déterminant.
Par conséquent, la demande de requalification de la convention en bail d'habitation sera rejetée.
Sur le caractère abusif de la clause contractuelle :
L'appelant soulève le caractère abusif de la clause de l'acte de vente selon laquelle « en aucun cas le vendeur ne pourra se prévaloir de l'existence d'un bail d'habitation du bien vendu, l'occupation n'étant motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat ainsi qu'il est stipulé ci-dessus ».
A l'appui de sa prétention, M. X. invoque les articles L. 212-1 du code de la consommation et 1171 du code civil.
Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier au regard de l'équilibre général du contrat, et le « déséquilibre significatif » peut être établi par l'absence de réciprocité ou la disproportion entre les obligations des parties et ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Selon l'article 241-1 du code de la consommation, les clauses abusives sont réputées non écrites.
En l'espèce, la clause empêchant le vendeur de se prévaloir de l'existence d'un bail d'habitation ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dès lors que l'occupation précaire du bien vendu par M. X. n'est motivée que par la condition résolutoire constituée par la faculté de rachat et qu'il existe, comme indiqué précédemment, des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d'occupation précaire.
Par ailleurs, selon l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ».
En l'espèce, l'appelant ne démontre pas que l'acte authentique de vente serait un contrat d'adhésion dont il n'aurait pu négocier le contenu, notamment celui de la clause litigieuse.
A cet égard, la cour relève que l'acte authentique prévoit en page 17, sous l'intitulé « informations spécifiques du vendeur quant aux conséquences de la vente avec faculté de rachat et la régularisation d'une convention d'occupation précaire », les dispositions suivantes : « le vendeur déclare être parfaitement informé, tant par les informations qu'il a lui-même sollicitées que par les explications qui lui ont été fournies tant par le cabinet de négociation que par le notaire soussigné, des conséquences, notamment juridiques, financières et patrimoniales de sa décision de vendre son bien à l'acquéreur en conservant une faculté de rachat et une convention d'occupation précaire dans les conditions exposées aux présentes ».
Il est donc établi que M. X. a été informé, notamment par le notaire instrumentaire, des conséquences juridiques de sa décision de vendre son bien immobilier avec faculté de rachat et de conclure une convention d'occupation précaire dans les termes de l'acte de vente.
Par conséquent, il n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1171 du code civil.
L'appelant soulève également le caractère abusif de la clause précitée, sur le fondement de l'article R. 212-2 du code de la consommation, au motif qu'elle ne tend qu'à entraver l'exercice de l'action en justice de l'occupant à titre précaire.
L'article R. 212-2 du code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéa de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
En l'espèce, la clause litigieuse n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par M. X..
A cet égard, la cour relève que M. X. a effectivement saisi les juridictions compétentes afin de faire valoir ses droits, en sollicitant notamment la requalification de la convention d'occupation précaire et l'application de la loi du 6 juillet 1989.
Au vu des développements qui précèdent, il convient de rejeter la demande de l'appelant tendant à voir déclarer abusive et non écrite la clause de la convention d'occupation précaire faisant interdiction aux parties de se prévaloir du régime des baux d'habitation.
Sur les demandes de nullité de la procédure d'expulsion, de réintégration et de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance du bien loué :
La société Spartim soulève l'irrecevabilité de ces demandes au motif qu'il s'agit de demandes nouvelles en cause d'appel.
Sur la recevabilité des demandes :
En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. ».
Aux termes de l'article 567 dudit code, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.
La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Elle n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant aux termes de l'article 70 du code de procédure civile.
En l'espèce, les demandes de nullité de la procédure d'expulsion, de réintégration et de dommages et intérêts pour perte de jouissance sont en lien avec les prétentions originaires de la société Spartim, visant à obtenir l'expulsion de M. X. et à le voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.
Par conséquent, ces demandes seront déclarées recevables.
Sur le fond :
La demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail d'habitation ayant été rejetée, il convient également de rejeter ces demandes qui visent à sanctionner le non-respect des dispositions impératives de la loi du 6 juillet 1989.
Sur l'expulsion :
L'occupant qui se perpétue dans les lieux postérieurement au terme convenu par les parties ou après dénonciation de la convention, est dépourvu de titre et s'expose à l'expulsion.
En l'espèce, M. X. est occupant sans droit ni titre depuis le 1er juin 2024 et la Sas Spartim l'a sommé de lui restituer les clefs de la maison par acte de commissaire de justice du 28 juin 2024.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné son expulsion, étant observé que M. X. a quitté les lieux, avec remise des clefs, le 17 juillet 2025.
Sur le montant de la redevance et de l'indemnité d'occupation :
L'appelant demande à la cour de fixer le montant de la redevance et le montant de l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 400 euros.
Cependant, le montant de la redevance résulte des stipulations expresses du contrat, qui font la loi des parties.
Par ailleurs, M. X. ne produit aucune estimation de la valeur locative de la maison située à [Localité 6] (68).
Il se réfère seulement à des annonces immobilières laconiques émanant du site « le bon coin », concernant des maisons situées dans le même secteur géographique, qui n'apportent aucune précision quant à l'état de l'immeuble proposé à la vente.
En outre, la cour relève que l'une des annonces fait ressortir une valeur locative de 12,76 euros par m² (maison de 4 pièces, 94 m², proposé au loyer mensuel de 1.200 euros) alors que la société Spartim indique, sans être démenti sur ce point par l'appelant, que son bien immobilier présente une surface habitable de 175 m², outre 200 m² de sous-sol, garage et terrasse, ainsi qu'un jardin de 1.089 m².
Il en résulte une valeur locative de la surface habitable de 2.234 euros (175 m [Immatriculation 5],76 euros), à laquelle il convient d'ajouter la valorisation du sous-sol, du garage, de la terrasse et du jardin.
Par conséquent, le caractère excessif de la redevance et de l'indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 2.700 euros n'est pas démontré.
Dans ces conditions, la redevance et l'indemnité d'occupation mensuelle doivent être fixées au montant de la redevance acceptée par les parties dans la convention d'occupation précaire, soit 2.700 euros à compter du 1er février 2023 jusqu'à la complète libération des lieux.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de suspension des opérations d'expulsion :
M. X. n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de sa demande de suspension des opérations d'expulsion qui, en tout état de cause, est devenue sans objet dans la mesure où il a quitté les lieux le 17 juillet 2025.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions de l'ordonnance déférée quant aux frais et dépens seront confirmées.
Succombant, M. X. sera condamné aux dépens de l'instance d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il sera fait droit à la demande de la société Spartim sur le même fondement dans la limite de la somme de 1 200 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONSTATE que M. X. a quitté les lieux et restitué les clefs le 17 juillet 2025,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989,
DÉBOUTE M. X. de sa demande tendant à voir déclarer non écrite la clause faisant interdiction aux parties de se prévaloir du régime des baux d'habitation,
DECLARE recevables les demandes présentées par M. X. de nullité de la procédure d'expulsion, de réintégration et de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance du bien loué,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de nullité de la procédure d'expulsion,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de réintégration sous astreinte,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de dommages et intérêts pour perte de jouissance du bien loué,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de fixation de la redevance à la somme mensuelle de 400 euros à compter de la date de la signature de la convention,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 400 euros à compter de la date de la résiliation de la convention,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de restitution de l'excédent versé,
DÉBOUTE M. X. de sa demande de suspension des opérations d'expulsion,
DÉBOUTE M. X. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. à payer à la Sas Spartim la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier La conseillère
- 6152 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Articulation avec d’autres dispositions
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application