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TJ DAX (1re ch.), 6 août 2025

Nature : Décision
Titre : TJ DAX (1re ch.), 6 août 2025
Pays : France
Juridiction : Dax (T. jud.)
Demande : 23/00586
Date : 6/08/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/04/2023, 24/04/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24489

TJ DAX (1re ch.), 6 août 2025 : RG n° 23/00586

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments de l’entrepreneur) : « Enfin elle indique que la clause d'exclusion de solidarité soulevée par le maître d’œuvre et son assureur ne peut trouver à s'appliquer. En effet, elle indique que telle qu'elle est rédigée dans le contrat d'architecte elle ne vise qu'à exclure la solidarité de ce dernier dans le cas d'une mise en cause d'une responsabilité décennale et pas contractuelle. Elle expose que dans tous les cas la clause ne doit pas trouver à s'appliquer, le contrat d'architecte étant un contrat d'adhésion car non négocié. Ainsi ladite clause créant un déséquilibre entre les co-obligés, elle doit être écartée en vertu de l'article 1171 du code civil. »

Extrait (motifs) : « La société ATELIER ARCAD soutient encore qu'il doit être fait application de la clause d’exclusion de solidarité contenue dans le contrat de maîtrise d’œuvre, selon laquelle :

« L’architecte n’assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du Code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d’autres intervenants à l’opération objet du présent contrat. »

Ce type de clause est régulièrement déclarée valable et applicable dans les cas où il est recherché la responsabilité contractuelle de l'architecte, la jurisprudence n'écartant son application que dans l’hypothèse de désordres de nature décennale.

La Cour d’appel de Paris et la 3ème chambre civile de la Cour de cassation se sont livrées à l’interprétation extensive de cette clause en acceptant son application à la responsabilité in solidum (Cass. civ. 3ème, 14 février 2019, n° 17-26.403).

En l'espèce, il convient de relever que l'architecte a commis des fautes personnelles distinctes de celles retenues à l'encontre de la société T., de sorte qu'il est possible, tout en faisant application de la clause d'exclusion de solidarité, de dire que l'architecte restera tenu à réparation dans la mesure de sa part de responsabilité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 6 AOÛT 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00586. N° Portalis DBYL-W-B7H-C42Q.

 

DEMANDEURS :

Monsieur P. J.

[Adresse 3], [Adresse 3], Rep/assistant : Maître Nicolas LACOMME de la SELARL LACOMME AVOCAT, avocat au barreau de DAX, Rep/assistant : Maître Emilie PECASTAING, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur S. J.

[Adresse 4], [Localité 2], Rep/assistant : Maître Nicolas LACOMME de la SELARL LACOMME AVOCAT, avocat au barreau de DAX, Rep/assistant : Maître Emilie PECASTAING, avocat au barreau de BORDEAUX

 

DÉFENDEURS :

SARL T. & FILS

immatriculée au RCS de DAX sous le numéro XXX, [Adresse 5], [Localité 2], Rep/assistant : Maître Aurélie VIAL de la SELARL VIAL AVOCATS, avocat au barreau de DAX

SARL ATELIER ARCAD

immatriculée au RCS de DAX sous le numéro YYY, [Adresse 6], [Adresse 6], Rep/assistant : Maître Pierre-Olivier DILHAC de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX

Rep/assistant : Maître Stéphane MILON, avocat au barreau de BORDEAUX

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro ZZZ, ès qualités d'assureur de la société ATELIER ARCAD, [Adresse 1], [Adresse 1], Rep/assistant : Maître Pierre-Olivier DILHAC de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX, Rep/assistant : Maître Stéphane MILON, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : JUGE UNIQUE

PRÉSIDENT : Elodie DARRIBÈRE, Vice-Présidente du Tribunal judiciaire de DAX, siégeant en qualité de juge unique,

GREFFIER : Sandra SEGAS, Greffier.

DÉBATS : L'affaire a été appelée à l'audience publique du 7 mai 2025, lors de laquelle les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis elle a été mise en délibéré au DEUX JUILLET DEUX MIL VINGT CINQ, délibéré prorogé au SIX AOUT DEUX MIL VINGT CINQ pour la décision être rendue par mise à disposition au greffe, les parties préalablement avisées, conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Messieurs S. et P. J., en qualité de maîtres d'ouvrage, ont fait construire un immeuble à usage d'habitation composé de deux maisons jumelées sur un terrain situé à [Adresse 7].

Pour cela ils ont fait appel à la société ATELIER ARCAD en qualité de maître d’œuvre, assurée auprès de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), selon contrat du 3 août 2012. Le lot gros œuvre – maçonnerie a été confié à la société T. selon marché du 12 mai 2014.

Le bureau d'étude structure IDC, intervenu avec le maître d’œuvre sur la conception du projet, a défini les principes de construction et les ratios d'acier. Le bureau d'étude ILE a établi les plans béton (coffrage et ferraillage) en phase d'exécution.

Pendant le chantier, des désordres et des non conformités avec les plans de conception et le DTU ont été relevés par le maître d'ouvrage. Le bureau d'étude IDC est alors intervenu le 9 septembre 2014 pour effectuer un audit et a rendu son rapport le 15 septembre 2014. Dans ce rapport, il confirme l'existence de désordres et non-conformités sur les fondations, les planchers haut sous-sol et haut rez-de-chaussée, et sur les matériaux.

La réception des travaux gros œuvre est intervenue le 31 juillet 2015. Un procès-verbal de réception établi à la même date mentionne de nombreuses réserves. Ce procès-verbal indique notamment la nécessité de réaliser les deux pissettes du balcon R+1 et mentionne la présence d'infiltrations dans la cave. Il constate également que les différentes réserves précédemment soulevées par les rapports de chantier du maître d’œuvre et par les bureaux d'étude ILE, IDC et SOCOTEC n'ont pas été reprises par le constructeur.

Le 4 mars 2015, les parties se sont réunies pour prévoir les modalités de reprise des réserves.

Face à l'inaction de la société T., cette dernière a été mise en demeure de lever les réserves par courrier recommandé du conseil des consorts X. du 18 janvier 2016.

Un constat dressé par Maître Y., huissier de justice, en date du 21 décembre 2016 a relevé la présence d'humidité dans la cave créant une dégradation et une insalubrité.

Par acte d'huissier du 24 janvier 2016, les consorts X. ont assigné la société ATELIER ARCAD et la société T. devant le juge des référés du tribunal judiciaire de DAX aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

Par décision du 19 mars 2019, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à Monsieur Z. qui a déposé son rapport le 30 septembre 2020. Il fait état de deux désordres majeurs :

- Infiltrations d'eau dans le sous-sol

- Revêtement de sol dans les chambres déformé

Les conclusions du rapport sont les suivantes :

« Les problèmes d'étanchéité du mur enterré relèvent presque exclusivement de la responsabilité de l'entreprise. L'architecte a bien noté ces malfaçons mais il a fait preuve d'un peu de laxisme ; il aurait du arrêter le chantier et vérifier les situations à payer avant communication au maître d'ouvrage (le libellé du type de plancher est différent d'une facture à l'autre pour le même ouvrage). L'entreprise T. n'a communiqué aucun plan, détail, justificatifs, et a pris la décision de changer de système porteur. Le bureau étude ILE n'a pas respecté le ratio d'aciers préconisé par IDC.

Montant du devis actualisé de l'entreprise SORREBA 32 575,62 euros TTC (TVA à 20%).

Reprise des revêtements de sols des chambres (conséquence de l'erreur de l'entreprise T. quant à l'oubli des évacuations des balcons) : 2 646 euros TTC. »

Par actes de commissaire de justice en date des 14 et 24 avril 2023, Monsieur P. J. et Monsieur S. J. ont assigné devant le tribunal judiciaire de DAX la société T., la société ATELIER ARCAD et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) aux fins d’obtenir notamment, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code de procédure civile, leur condamnation in solidum au paiement :

- de la somme de 45 183,22 euros TTC au total au titre des frais d’imperméabilisation de la réfection des sols des chambres et des frais indûment assumés par eux,

- de la somme de 10 790 euros TTC en raison de la distorsion entre le coût des factures et le coût des travaux effectivement réalisés,

- de la somme de 4.000 euros à chacun au titre du préjudice de jouissance,

- de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 5 636,74 euros.

[*]

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 décembre 2024, Messieurs S. et P. J. demandent au tribunal de :

Vu les articles 1231-1 et suivants du Code civil,

Vu l’article 514 du Code de procédure civile,

Vu le rapport d’expertise,

- Rejeter l’intégralité des demandes formées à leur encontre,

- Condamner in solidum la société T., la société ATELIER ARCAD et la MAF à payer à Messieurs S. et P. J. les sommes de :

- 42 199,20 euros TTC au titre des frais d’imperméabilisation de la cave suivant devis SORREBA du 4 juin 2024 qui devra être actualisé suivant l’indice BT01 au jour du jugement,

- 2 646 euros TTC au titre de la réfection des sols des chambres, qui devra être actualisé suivant l’indice BT01 au jour du Jugement,

- 2 500 euros TTC + 1 605,60 euros TTC + 5 856 euros TTC au titre des frais indûment assumés par Messieurs [P] et S. J.,

Soit un montant total de 54 806,80 euros TTC,

- Condamner en outre in solidum la société T., la société ATELIER ARCAD et la MAF à payer à Messieurs S. et P. J. la somme de 10 790 euros en raison de la distorsion entre le coût des travaux facturés et le coût des travaux effectivement réalisés,

- Condamner in solidum la société T., la société ATELIER ARCAD et la MAF à payer à Monsieur S. J. d’une part et à Monsieur P. J. d’autre part, la somme de 4.000 euros chacun à titre de préjudice de jouissance,

- Condamner in solidum la société T. et la société ATELIER ARCAD à payer à Messieurs S. et P. J. la somme totale de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de référé et de la présente instance en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 5 636,74 euros.

- Ordonner l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir qu'il existe différents désordres dans le bien. Ces désordres sont apparus en cours de chantier et ont fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception du 31 juillet 2015. Par conséquent, ils indiquent que la responsabilité contractuelle des entrepreneurs peut être retenue. Ils exposent que les désordres : infiltrations dans le sous-sol et déformation du revêtement dans les chambres, sont constatés par le rapport d'expertise. Ils exposent avoir réalisé les démarches amiables pour tenter de lever les réserves.

Ils font valoir que l'expertise retient la responsabilité de la société T. et de la société ATELIER ARCAD dans l'apparition des désordres. En effet, la société T. aurait commis des manquements importants à ses obligations contractuelles :

- non-respect du ratio d'aciers entre le radier et le mur contre la berlinoise prévu par le plan de conception,

- non-respect des préconisations du CCTP de l'architecte sur l'étanchéité des parois,

- exutoire d'eaux pluviales non réalisé sur le balcon.

Quant à la société ATELIER ARCAD, ils indiquent qu'elle a manqué à son devoir de conseil et de contrôle du chantier. En effet, ils exposent qu'elle aurait du arrêter le chantier lors de la découverte des désordres. Ils ajoutent qu'elle s'est contentée de les prévenir sans réaliser les diligences nécessaires pour mettre fin aux désordres alors que cette mission d'accompagnement était prévue dans le contrat de maîtrise d’œuvre. Ils ajoutent qu'ils ont dépensé des frais supplémentaires pour pallier les défauts d'étanchéité mais que cela s'est révélé inefficace. Enfin ils soutiennent qu'elle ne peut se désengager de ses responsabilités au titre de la clause exclusive de solidarité car elle a concouru à l'entier dommage.

Au titre de l'indemnisation de leur préjudice matériel, ils produisent un devis de la société SORREBA approuvé par le rapport d'expertise pour la reprise de l'étanchéité du sous-sol. Le devis est actualisé en date du 4 juin 2024 et fait état d'un montant de 42 199,20 euros TTC. Ils indiquent que le rapport d’expertise estime le remplacement des revêtements de sols abîmés dans les chambres au montant de 2 646,11 euros.

Ils exposent avoir engagé des frais sur le conseil du maître d’œuvre. Ces frais n'étant pas prévus dans le forfait des travaux et n'ayant pas permis de pallier les désordres, ils sollicitent leur remboursement :

- diagnostic complémentaire du bureau d'étude IDC pour la vérification des plans d'exécution de maçonnerie pour un montant de 2 500 euros,

- achat d'un déshumidificateur pour un montant de 1 605,60 euros,

- enduit d'imperméabilisation pour l'ensemble de la cave pour un montant de 5 856 euros.

Ils ajoutent enfin qu'il ressort du rapport d'expertise que le plancher posé n'est pas celui facturé et sollicitent le remboursement de la surfacturation. Cette dernière est estimée par le rapport d'expertise à la somme de 10 790 euros TTC.

[*]

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 novembre 2024, la société ATELIER ARCAD et la MAF, ès qualités d'assureur de la société ATELIER ARCAD, demandent au tribunal de :

Vu l’article 1231-1 du Code civil

Vu l’article 1240 du Code civil

Vu le rapport d’expertise,

- Rejeter l’intégralité des demandes formées à leur encontre sur quelque fondement que ce soit,

A titre subsidiaire,

- Juger que la clause exclusive de solidarité prévue au contrat de maîtrise d’œuvre est applicable,

En conséquence,

- Limiter le montant des condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre à la seule part minoritaire de responsabilité susceptible d’être retenue à l’encontre de l’architecte laquelle ne saurait excéder 10 %,

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la société T. à les garantir et relever intégralement indemnes des condamnations prononcées à leur encontre et subsidiairement dans des proportions qui ne sauraient être inférieures à 90 %,

En tout état de cause,

- Rejeter la demande formée par les consorts X. au titre de la reprise des revêtements des sols,

- Rejeter la demande formée par les consorts X. au titre du remboursement des frais du bureau d’études IDC comme devant être compris dans les frais irrépétibles,

- Rejeter la demande formée par les consorts X. au titre de l’excédent de facturation,

- Rejeter la demande formée par les consorts X. au titre de leur préjudice de jouissance,

- Réduire la somme allouée aux consorts X. au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions,

- Juger la MAF fondée à faire valoir les conditions et limites de son contrat relativement à sa franchise et son plafond,

- Condamner toute partie succombante à payer à la société ATELIER ARCAD et la MAF son assureur 3.000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure,

- Rejeter toute autre demande plus ample ou contraire.

A l'appui de leur demande principale, elles font valoir que la responsabilité contractuelle de la société ATELIER ARCAD ne peut pas être recherchée. En effet, aucun manquement ne peut lui être imputé. Elles rappellent que l'obligation qui était à sa charge est une obligation de moyens et qu'elle a parfaitement rempli son devoir de contrôle du chantier et de conseil. Ainsi, elles produisent aux débats les différents comptes-rendus de chantier qui font état des différents désordres sur la construction. Elles indiquent que l'absence d'exutoire sur les balcons a fait l'objet d'une réserve dans le procès-verbal de réception du gros œuvre et que cette réserve a été levée par la suite. En ce qui concerne les infiltrations de la cave, elles indiquent que la société ATELIER ARCAD a conseillé au maître de l'ouvrage de ne pas régler la facture de la société T. tant que ce dernier n'avait pas repris les désordres. Elles indiquent que, contrairement à ce que dit l'expert, il n'aurait pas été de l'intérêt du demandeur d'arrêter le chantier.

En réponse aux moyens de la société T., qui reproche à la société ATELIER ARCAD de ne pas avoir remarqué l'incohérence entre le plan de conception du bureau d'étude IDC et le plan d'exécution du bureau d'étude ILE sur le ratio d'aciers, elles rappellent que le contrôle des plans d'une société spécialisée pour ce faire ne fait pas partie de ses obligations, mais qu'il appartenait en revanche à la société T. de suivre les préconisations du bureau d'étude.

A titre subsidiaire, si la responsabilité contractuelle de la société ATELIER ARCAD devait être recherchée, elles font valoir que le contrat contient une clause d'exclusion de solidarité. Elles indiquent que cette clause trouve à s'appliquer quand la responsabilité contractuelle de l'architecte est recherchée ainsi que cela a été rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence. Elles relèvent que la clause est donc licite et valable et qu'elle doit trouver à s'appliquer en vertu de l'article 1134 ancien du code civil. En l'espèce, elles font valoir que le rapport d'expertise mentionne une responsabilité quasi exclusive de la société T. dans l'apparition des désordres. A défaut d’application de la clause d'exclusion de solidarité, elles font valoir que la société T. doit les relever indemnes des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du fait des nombreuses fautes commises par l'entrepreneur.

En ce qui concerne le quantum des demandes, elles soutiennent qu'elles ne peuvent pas être condamnées pour la reprise du revêtement des sols des chambres, la société T. ayant reconnu sa responsabilité sur ce désordre. Elles rappellent que la mission de la société ATELIER ARCAD s'arrêtait à la réception du chantier et qu'elle n'avait pas à s'assurer de la levée des réserves. Elles indiquent que rien ne démontre que les 2 500 euros payés pour le diagnostic complémentaire du bureau d'étude IDC l'aient été indûment. Elles contestent l'excédent de facturation du plancher en indiquant que les sommes avancées par l'expert ne correspondent pas à la réalité. Elles indiquent enfin que les demandeurs ne peuvent se prévaloir d'un préjudice de jouissance, le bien n'étant pas leur résidence principale.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 novembre 2024, la société T. demande au tribunal de :

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu l’article L. 123-4 et L241-1 du code des Assurances,

Vu l’article 514 du code de procédure civile,

Vu le rapport d’expertise,

A titre principal,

- Rejeter l’ensemble des demandes dirigées à son encontre y compris les demandes de condamnation in solidum,

- Rejeter toutes prétentions contraires et en particulier tous appels en garantie formulés par le maître d'œuvre et son assureur, la MAF.

A titre subsidiaire,

- Retenir la responsabilité de la société ATELIER ARCAD sous la garantie de son assureur la MAF, à hauteur de 50 % de la charge finale du sinistre,

- Limiter les prétentions des demandeurs au titre des coûts réparatoires à la somme de 38 212,54 euros TTC,

- Débouter Messieurs P. et S. J. de l’intégralité de leurs demandes au titre du remboursement des factures réglées par ces derniers et de leurs préjudices de jouissance.

- Condamner in solidum la société ATELIER ARCAD et la MAF, à la garantir de l’intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

- Écarter l’application de la clause exclusive de solidarité visée par la société ATELIER ARCAD et la MAF,

- Condamner la partie demanderesse ou toute partie succombante à régler à la société T. la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de référé et de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise et au besoin ceux d’exécution forcée, lesquels seront distraits au profit de Maître Aurélie VIAL, avocat sur son affirmation de droit conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que la faute doit être prouvée dans le cadre d'une responsabilité contractuelle. Elle expose qu'en l'espèce, la preuve qu'elle ait commis une faute n'est pas si évidente. Elle indique tout d'abord que le fait qu'elle ait repris la cause des infiltrations dans les chambres ne vaut pas reconnaissance de culpabilité. Elle rappelle que la prise en charge des conséquences d'un dégât des eaux relève de l'assurance multirisque habitation. En ce qui concerne les infiltrations dans la cave, elle indique avoir réalisé les travaux dans le respect du DTU en vigueur. En effet, pour les locaux non habitables de catégorie 2 l'étanchéité n'a pas à être parfaite. Elle indique que l'expert ne rapporte pas que les infiltrations d'eaux dans la cave soit de proportions telles qu'elles dépassent les tolérances du DTU. Elle ajoute que la totale étanchéité des sous-sols n'était pas non plus mentionnée aux termes du contrat.

Elle rappelle les manquements de la société ATELIER ARCAD dans sa mission de maître d’œuvre, qui sont également mentionnés dans le rapport d'expertise :

- elle n'a pas relevé les incohérences entre les plans d'étude de IDC et de ILE

- elle n'a pas prévu l'arrêt du chantier en attente de la réparation des désordres

- elle n'a pas accompagné ses clients dans la levée des réserves

Elle fait valoir qu'à ce titre, elle doit être condamnée à la relever indemne des condamnations qui pourraient être retenues à son encontre.

Elle fait par ailleurs valoir qu'en vertu de l'article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas. Elle rappelle qu'il n'y a pas de solidarité légale prévue entre le constructeur et le maître d’œuvre. Elle expose que l'expert n'individualise pas les causes des désordres mais retient une responsabilité du constructeur et du maître d’œuvre. Elle indique donc que la responsabilité du constructeur ne peut pas être plus forte que celle du maître d’œuvre.

En ce qui concerne les évaluations des préjudices, elle expose que le prix du devis actualisé au 4 juin 2024 de la société SORREBA est injustifié. Elle rappelle que si les matières premières ont subi une inflation, ce n'est pas le cas de la main d’œuvre et que le nouveau prix de 42 199, 20 euros n'est pas justifié non plus au regard de l'indice BT01.

Sur les frais indûment réglés par les consorts X., elle indique que ces derniers n'ont pas réglé la retenue de garantie et ce, afin de compenser les travaux qu'ils ont dû réaliser en plus.

Sur le préjudice de jouissance elle indique que les montants ne sont pas justifiés et qu'il ne peut être retenue d'évaluation forfaitaire. Elle rappelle que les locaux qui ont fait l'objet d'un désordre ne sont pas habitables et que le bien ne constitue pas la résidence principale des demandeurs et qu'à ce titre ils ne peuvent pas faire valoir de préjudice de jouissance direct, certain et actuel.

Enfin elle indique que la clause d'exclusion de solidarité soulevée par le maître d’œuvre et son assureur ne peut trouver à s'appliquer. En effet, elle indique que telle qu'elle est rédigée dans le contrat d'architecte elle ne vise qu'à exclure la solidarité de ce dernier dans le cas d'une mise en cause d'une responsabilité décennale et pas contractuelle. Elle expose que dans tous les cas la clause ne doit pas trouver à s'appliquer, le contrat d'architecte étant un contrat d'adhésion car non négocié. Ainsi ladite clause créant un déséquilibre entre les co-obligés, elle doit être écartée en vertu de l'article 1171 du code civil.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2025, fixant l'affaire à plaider à l'audience du 7 mai 2025.

A cette date, les parties ont été entendues en leur plaidoirie et avisées de ce que l'affaire était mise en délibéré au 2 juillet 2025. Le délibéré a été prorogé au 06 août 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la responsabilité :

Les consorts X. recherchent la responsabilité contractuelle in solidum de la SARL T., titulaire du lot gros-œuvre, à raison des manquements aux règles de l'art en phase réalisation, et de la société ATELIER ARCAD, maître d’œuvre, à raison des manquements commis dans le suivi du chantier.

Il convient d'examiner successivement les responsabilités invoquées.

 

1) Sur la responsabilité de la SARL T. :

* Au titre des infiltrations d'eau dans le sous-sol

Il ressort en premier lieu du rapport d'expertise que l'expert a constaté « une quantité d'eau importante dans le sous-sol occupé par des celliers/caves ».

Il a procédé à des mesures à l'aide d'un PROTIMETER MINI qui a relevé des valeurs allant de 30 à 40% d'humidité. (page 15 du rapport)

Ces constatations viennent corroborer les observations déjà mentionnées dans le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 9 et le 21 décembre 2018, selon lesquelles :

« - Des traces d’humidité et de remontées capillaires importantes ont pu être observées sur les murs,

- Le sol d’une partie de la cave est inondé,

- Les palettes sur lesquelles ont été installées les appareils électroménagers sont gondolées, noircies et humides sur la partie touchant le sol, signifiant que le sol de la cave est régulièrement inondé. »

Il ne s'agit donc pas comme le soutient la société T. d'infiltrations limitées comme celles tolérées dans les locaux non-habitables tels que des caves au terme de l'article 5.2.2 de la Norme P 10-202 du DTU 20.1.

L’expert a clairement réfuté cet argument et rappelé que l’ampleur des infiltrations observées étaient incompatibles avec le DTU :

« 10 centimètres d’eau dans la cave, c’est inacceptable surtout si on considère que ce désordre provient d’une succession d’erreurs : manque d’étanchéité jusqu’au solin, delta MS mal posé et insuffisant, absence de double nappe de ferraillage etc… » (rapport page 35)

La société T. ne peut non plus soutenir qu’il ne ressort d’aucun document contractuel que l'étanchéité des sous-sols des immeubles d’habitation devait être parfaite, alors qu'il existe une différence entre des traces d'humidité et un phénomène quasi-permanent d'inondation du sous-sol.

L'expert a d'ailleurs répondu au dire présenté par la défenderesse en ces termes :

« 10 centimètres d'eau dans la cave, c'est inacceptable surtout si on considère que ce désordre provient d'une succession d'erreurs : manque d'étanchéité jusqu'au solin, delta MS mal posé et insuffisant, absence de double nappe de ferraillage etc... »

« On parle d’un mur enterré situé dans la nappe phréatique en présence d’eau de façon quasi permanente, il doit être étanche. » (rapport page 35)

S'agissant de la cause de ces désordres, l'expert judiciaire a là encore parfaitement décrit les manquements commis par l'entrepreneur en indiquant que le ratio d’acier entre le radier et le mur contre la berlinoise, tel que défini par la société IDC, n’a pas été respecté par la société T. ; qu'elle n’a pas non plus respecté les préconisations du CCTP de l’architecte concernant l’étanchéité des parois.

La preuve de l'existence des désordres et du lien de causalité avec les manquements contractuels commis par la société T. est donc parfaitement rapportée.

 

* Au titre des revêtements de sol dans les chambres

Le rapport d'expertise a mis en évidence l'existence d'un second désordre affectant le revêtement de sol dans les chambres de l'étage, dû à un problème d'évacuation des eaux pluviales des balcons.

L'expert explique qu'en « ce qui concerne les balcons, le manque d'exutoire des eaux pluviales a causé des dégâts dans les deux chambres de l'appartement. Le parquet flottant ayant pris l'eau est gondolé et doit être changé. » (page 21 du rapport)

La société T. ne peut s'exonérer de sa responsabilité concernant ce désordre alors qu'il est établi, comme le relève l'expert, que « les balcons ont été livrés sans aucune évacuation d'eau pluviale. L'architecte avait noté ce point et il était urgent de réaliser ces évacuations avant que d'autres dégâts plus importants n'apparaissent. » (page 34 du rapport)

L'expert ajoute que contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'absence d'exutoire figure explicitement sur le procès-verbal de réception. (page 2 point n°7 du PV de réception)

Ce désordre est donc bien imputable à une absence de réalisation des exutoires d'eau pluviale et engage la responsabilité contractuelle de la société T..

Celle-ci ne peut prétendre que les requérants ne seraient pas fondés à obtenir la réparation des conséquences de ces désordres, aux motifs que les embellissements et les conséquences d’un dégât des eaux doivent être indemnisés par l’assureur multirisque habitation du locataire ou l’assureur « propriétaire non occupant » du bailleur, dès lors que le maître d'ouvrage peut parfaitement faire le choix de rechercher la responsabilité du constructeur responsable des désordres.

 

* Au titre de la non-conformité des planchers

Il ressort enfin du rapport d'expertise que la société T. n’a pas respecté ses obligations contractuelles puisqu’elle a réalisé un plancher non conforme par rapport à ce qui était prévu, à savoir un plancher de type SEAC BOIS au lieu d'un plancher prédalles.

L'expert explique ainsi que sur la facture Point P il est fait état d'un plancher type SEAC BOIS 15+5 avec entrevous isolants sur le sous-sol et non isolants pour les planchers intermédiaires.

Il estime le coût d'un plancher SEAC BOIS à environ 50 euros HT le m², alors que la société T. a facturé un plancher prédalles à 90 euros HT le m², soit une différence de 40 euros au m².

Il évalue ainsi la surfacturation à la somme de de 6.960 euros HT, outre une prestation de ragréage des sous-faces qu'il estime facturée sans raison pour 2 x 1 016 euros HT, soit un total de 8 992 euros HT soit 10 790 euros TTC.

Il précise que le coût des différents planchers n'est pas comparable en tenant compte de tous les paramètres, notamment de l'engin de levage.

Il échet de relever par ailleurs que dans son rapport de diagnostic en date du 15 septembre 2014, le cabinet IDC avait indiqué qu'un plancher hourdis présentait des performances acoustiques bien inférieures à la prescription de la maîtrise d’œuvre et à la demande du bureau d'étude. Il avait également indiqué que « l'entreprise avait probablement retenu cette solution plus économique qu'un plancher prédalle et présentant des délais d’approvisionnement plus court. »

Il existe donc bien une différence de performance acoustique et de prix entre le plancher facturé par la défenderesse et le type de plancher effectivement mis en œuvre.

La société T., qui se borne à affirmer que les requérants ne justifient d'aucune surfacturation, sans répondre aux constatations et explications techniques données par l'expert, sera déclarée responsable de ce préjudice.

 

2) Sur la responsabilité de la société ATELIER ARCAD :

Il est constant qu'au terme du contrat signé le 3 août 2012, la société ATELIER ARCAD s'est vue confier une mission de maîtrise d’œuvre classique, comprenant les missions suivantes : avant-projet sommaire, avant-projet détaillé, dossier de permis de construire, projet de conception générale, assistance passation de marché, direction et comptabilité des travaux, assistance aux opérations de réception.

S'agissant de la mission de direction et comptabilité des travaux, le cahier des clauses générales annexé au contrat précise qu'à ce titre l'Architecte :

- Organise et dirige les réunions de chantier et en rédige des comptes-rendus, qu'il diffuse à tous les intéressés.

- Rédige les ordres de service éventuels et les avenants aux marchés.

- Examine la conformité des études d'exécution au projet.

- Vérifie l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché.

- Vérifie les situations et les décomptes mensuels de l'entrepreneur et établit les propositions de paiement.

- Vérifie les mémoires établis par les entreprises.

S'agissant de la mission d'assistance aux opérations de réception, il est indiqué que l'Architecte assiste le maître d'ouvrage pour la réception : il organise l'inspection des travaux en vue de la réception, rédige les procès-verbaux et liste des réserves éventuelles. Il suit le déroulement des reprises et constate, à la date prévue, la levée de réserves en présence du maître d'ouvrage.

Les requérants font grief au maître d’œuvre d'avoir failli à ses obligations, notamment de conseil vis-à-vis des maîtres de l’ouvrage et de ne pas avoir assuré un suivi consciencieux du chantier tout au long de celui-ci, ni au stade de la réception des travaux.

Dans son rapport, l'expert indique que s'agissant du problème d'étanchéité du mur enterré imputable à l'entreprise T., « l'architecte a bien noté ces malfaçons mais il a fait preuve d'un peu de laxisme ; il aurait dû arrêter le chantier et vérifier les situations à payer avant communication au maître d'ouvrage (le libellé du type de plancher est différent d'une facture à l'autre pour le même ouvrage).

Il n'est pas sérieusement contesté que le maître d’œuvre va être alerté rapidement par le cabinet SOCOTEC (fiche 4 du 4 juillet 2014) et par le BET ILE (rapport du 1er juillet 2014) des difficultés relatives à la réalisation des travaux des parois enterrées.

Il va notamment être informé et constater par lui-même les malfaçons commises par le maçon, comme en témoigne les rapports de chantier produits aux débats.

Ainsi, il ressort du rapport de chantier n°2 du 14 mai 2014 que le maître d’œuvre attire l'attention sur la « gestion particulière de l'étanchéité entre la berlinoise et le plancher HT sous-sol (delta MS) ».

Au terme du rapport de chantier n°31 du 10 mars 2015, il indique :

- qu'il y a lieu de lever les avis défavorables du bureau de contrôle (voir rapport du 09/02),

- qu'il y a un manque d'étanchéité bitume derrière le solin du delta MS en mur de cave et qu'il convient de refixer le solin en périphérie,

- qu'il y a lieu de réaliser la liaison entre le mur de l'escalier et la maison avec des goujons impérativement, traiter les murs de la cave avec delta pour éviter les infiltrations,

- qu'il y a lieu de réaliser les deux pissettes du balcon R +1

Puis dans son rapport de chantier n°47 du 30 juin 2015, le maître d’œuvre note expressément :

- qu'il y a lieu de lever les avis défavorables du bureau de contrôle (voir rapport du 09/02),

- que la pose du delta ne correspond pas à la préconisation de pose pour le drain (observations du 12/05),

- que le 18 avril, des infiltrations d'eau ont été signalées et observées côté S. et côté [P],

- que l'enduit bitume n'a pas été réalisé jusque sous le solin (observation des 20 et 21 avril)

- qu'il n'y a pas eu de préparation du support, bloc à bancher avant l'enduit bitume,

- que le solin est mal fixé,

- qu'il y a lieu de reprendre les étanchéités des murs des caves ou de réaliser un cuvelage des deux caves,

- que suite au refus du maçon d'ouvrir plus bas le soubassement ouest entre la terrasse et l'angle, il a été impossible de constater : la réalisation du delta MS jusqu'aux fondations, la présence et le raccordement du drain, le traitement des agglos avant l'imprégnation du bitume,

- qu'en juin 2014, il a pu être constaté de nouvelles fuites sur le réseau EU EV de la cave [P] et le raccordement de l'évacuation de la pompe de relevage.

Ce même rapport mentionne expressément au titre des réserves :

« La liaison entre le mur de l'escalier et la maison avec des goujons impérativement, traiter les murs de la cave avec delta pour éviter les infiltrations NON REALISE. »

« Le delta MS posé est interrompu en milieu avec un recouvrement de quelques cm. »

Il en résulte indiscutablement que malgré les malfaçons observées par l'architecte, le non-respect des consignes de reprise données à l'entrepreneur, et la persistance des désordres observés, notamment des infiltrations, le maître d’œuvre va faire le choix de ne pas arrêter le chantier et de laisser la société T. poursuivre les travaux, en prenant le risque, qui s'est finalement réalisé, de laisser s'aggraver les désordres.

La société ATELIER ARCAD, qui excipe du fait qu’elle n’était tenue qu’à une simple obligation de moyen, ne peut soutenir qu’elle aurait mis en œuvre l’ensemble des moyens à sa portée pour remédier à ces désordres, alors qu'il résulte de ses propres écrits qu'elle a manifesté manqué à ses obligations contractuelles « d'examiner la conformité des études d'exécution au projet », de « vérifier l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché ».

L'expert judiciaire a lui aussi répondu sur ce point en faisant observer que « lorsque beaucoup de points sont défaillants et non conformes, il s’agit d’expliquer à son client qu’il est nécessaire d’arrêter le chantier (même si cela est désagréable) et de mettre tous les intervenants en phase (Entreprises, Bureau de contrôle, Bureau d'études) » (rapport page 41).

Il a maintenu sa position s'agissant du défaut d'exécution des évacuations d'eaux pluviales sur les balcons, en indiquant : « Oui. L'erreur incombe bien à l'entreprise T., mais je reproche à la maîtrise d’œuvre d'avoir laissé passer cette bévue sans réagir efficacement. L'architecte savait très bien que le manque d'évacuation d'eau au niveau des balcons ne peut QUE déboucher sur des problèmes d'infiltration, l'eau de pluie ne pouvant pas s'évacuer. »

S'agissant de l'étendue de la mission dévolue à l'architecte, il a pu être jugé qu’un architecte qui s'était borné à signaler des désordres en cours de travaux sans exiger de l'entrepreneur qu'il arrête les travaux pour reprendre les malfaçons avait manqué à sa mission de contrôle. (Cass. Civ. 3ème, 8 avril 2008, n° 07-13.454)

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a quant à elle jugé que l'architecte devait être déclaré responsable de l’ensemble des dommages matériels et immatériels subis par M. et Mme W., en raison des imprécisions dans la conception de l’ouvrage et de son défaut de surveillance puisqu’il n’a pas mis l’entreprise en demeure de reprendre les défauts d’exécution et non-conformités. (CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 24 nov. 2022, n° 19/06623)

Il est par ailleurs établi que la société ATELIER ARCAD a conseillé, en cours de chantier, aux maîtres d’ouvrage de faire réaliser des travaux complémentaires afin de pallier les défauts d’étanchéité de la cave, à savoir la mise en œuvre d'un enduit d'imperméabilisation sur l'ensemble de la cave.

Ces travaux ont été assumés par les maîtres d’ouvrage alors même qu’ils avaient conclu avec la société T. un marché à forfait et donc intangible.

Ces frais ont été engagés sur les conseils de l’architecte en pure perte puisqu’ils n’ont pas permis de remédier aux problèmes d’étanchéité observés.

L'expert fait observer que « ce n'est pas au maître d'ouvrage à supporter le coût d'une malfaçon constatée au niveau de l'étanchéité des murs enterrés. »

Il en résulte que peut être relevé à l'encontre de la société ATELIER ARCAD un défaut de conseil ayant causé au maître d'ouvrage un préjudice financier.

S'agissant du problème de surfacturation du plancher, il convient de rappeler qu'au terme de sa mission, l'architecte vérifie l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché, ce qui implique notamment le fait de vérifier la conformité des matériaux mis en œuvre et l'adéquation entre les matériaux mis en œuvre et ceux facturés au maître d'ouvrage.

Il appartenait donc à la société ATELIER ARCAD de vérifier si le plancher mis en œuvre par la société T. correspondait bien au plancher prédalle prévu au marché et facturé.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'expert n'a pas indiqué qu'un plancher hourdis était plus onéreux qu'un planche prédalle et ne s'est donc pas contredit. En réalité, un plancher prédalle est plus onéreux qu'un plancher hourdis, d'une part parce qu'il présente des caractéristiques techniques plus avancées en termes d'acoustique et de prévention contre le feu, d'autre part parce qu'il nécessite l'utilisation d'engin de levage.

Enfin, si la société ATELIER ARCAD soutient que sa mission s’arrêtait à la réception des ouvrages et qu’il ne lui appartenait pas d’enjoindre à la société T. de se déplacer sur site pour lever les réserves dénoncées lors de la réception, il doit être rappelé qu'au terme de sa mission d’assistance aux opérations de réception, le maître d’œuvre est tenu d’organiser et de suivre la levée des réserves.

Il appartenait donc bien à la société ATELIER ARCAD d’enjoindre à la société T. de se déplacer sur site pour lever les réserves dénoncées lors de la réception et de vérifier que cette levée de réserves soit conforme.

La société ATELIER ARCAD tente de s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une immixtion fautive du maître d'ouvrage, qui aurait poursuivi le règlement des factures émises par la société T. malgré les problèmes de réalisation rencontrés.

Il convient de rappeler qu'en vertu d'une jurisprudence constante, une immixtion fautive suppose une compétence notoire du maître de l'ouvrage et des actes positifs d'immixtion fautive ou de maîtrise d’œuvre de ce dernier.

Or en l'espèce, la société ATELIER ARCAD n’apporte ni la preuve que les maîtres d’ouvrage auraient eu quelconque compétence en matière de construction, ni quels auraient été les actes positifs d'immixtion fautive de ces derniers, le règlement des factures ne pouvant, en l'absence de toute réaction efficiente du maître d’œuvre, constituer une faute.

Il convient d'observer que le seul courrier produit par l'architecte pour informer les maîtres d'ouvrage sur la situation et les mettre en garde sur les conséquences du règlement des factures est daté du 16 mars 2015, alors qu'au terme de ce même courrier, il indique avoir adressé au maçon plusieurs alertes écrites et orales, sans succès.

Il incombait au maître d’œuvre, en sa qualité de professionnel, d'une part de sommer la société T. d'interrompre ses travaux, d'autre part d'informer plus tôt les maîtres d'ouvrage du risque pris à régler directement les factures à l'entrepreneur, étant observé que les factures acquittées concernent la période du 9 mai 2014 au 28 octobre 2014, la facture du 5 janvier 2015 n'ayant pas été réglée.

L'argument opposé par la société ATELIER ARCAD est donc parfaitement inopérant.

Il résulte de tout ce qui précède que la société ATELIER ARCAD a manifestement commis plusieurs manquements de nature à engager sa responsabilité contractuelle, sans que ce dernier ne puisse s’en exonérer en invoquant une prétendue immixtion fautive du maître d’ouvrage.

 

3) Sur l'application de la clause exclusive de solidarité :

La société ATELIER ARCAD soutient encore qu'il doit être fait application de la clause d’exclusion de solidarité contenue dans le contrat de maîtrise d’œuvre, selon laquelle :

« L’architecte n’assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du Code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d’autres intervenants à l’opération objet du présent contrat. »

Ce type de clause est régulièrement déclarée valable et applicable dans les cas où il est recherché la responsabilité contractuelle de l'architecte, la jurisprudence n'écartant son application que dans l’hypothèse de désordres de nature décennale.

La Cour d’appel de Paris et la 3ème chambre civile de la Cour de cassation se sont livrées à l’interprétation extensive de cette clause en acceptant son application à la responsabilité in solidum (Cass. civ. 3ème, 14 février 2019, n° 17-26.403).

En l'espèce, il convient de relever que l'architecte a commis des fautes personnelles distinctes de celles retenues à l'encontre de la société T., de sorte qu'il est possible, tout en faisant application de la clause d'exclusion de solidarité, de dire que l'architecte restera tenu à réparation dans la mesure de sa part de responsabilité.

Compte-tenu de la nature des fautes commises respectivement par la société ATELIER ARCAD et la société T., et de leur incidence sur les préjudices subis par les requérants, il convient d'opérer le partage de responsabilité suivant :

* Pour les infiltrations :

- Société T. : 75%

- Société ATELIER ARCAD : 25%

* Pour les dommages causés aux revêtements de sol :

- Société T. : 75%

- Société ATELIER ARCAD : 25%

* Pour la surfacturation :

- Société T. : 90%

- Société ATELIER ARCAD : 10%

 

II - Sur l'indemnisation des préjudices :

1) Au titre du préjudice lié aux infiltrations :

Les requérants sollicitent l'indemnisation des préjudices matériels liés aux infiltrations, correspondant aux travaux d'imperméabilisation du cuvelage des caves en sous-sol, selon le devis SORREBA, actualisé au 4 juin 2024, soit la somme de 42 199,20 euros TTC.

Il convient d'observer que ce devis n'a pas pu être soumis à l'avis de l'expert, et qu'il ne correspond pas au montant du devis du 9 juin 2020 actualisé selon l'indice BT01 du coût de la construction.

En effet, le montant de ce devis actualisé est de 38 212,54 euros TTC.

Les requérants ayant droit à la réparation intégrale de leur préjudice, il convient de tenir compte de l'ancienneté du devis et de fixer le montant de la réparation au montant du devis du 9 juin 2020 actualisé au jour de la décision, soit :

32 595,54 € x 132,9 (JO du 13 7 2025) = 38 678,10 euros TTC

112 (JO du 16 9 2020)

La société T. et la société ATELIER ARCAD seront condamnées à indemniser les requérants de ce préjudice respectivement à hauteur de 75% et 25%.

 

2) Au titre de la reprise des revêtements de sol dans les chambres :

Il est constant que si la société T. a remédié à la cause des dommages causés aux revêtements de sol des chambres par la mise en œuvre des pissettes sur les balcons, la reprise des embellissements n'a pas été effectuée.

Le montant de ces travaux a été fixé par l'expert à la somme de 2 646,11 euros, qu'il convient d'actualiser selon l'indice BT01 du coût de la construction, soit :

2 646,11 € x 132,9 (JO du 13 7 2025) = 3 139,89 euros TTC

112 (JO du 16 9 2020)

Contrairement à ce que soutient la société T., il n'existe aucun motif légitime pour dire qu'elle devra être garantie et relevée indemne de cette condamnation par le maître d’œuvre, chacun ayant contribué à la réalisation de ces dommages et devant en répondre à hauteur de sa part de responsabilité.

La société T. et la société ATELIER ARCAD seront condamnées à indemniser les requérants de ce préjudice respectivement à hauteur de 75% et 25%.

 

3) Au titre des frais réglés en cours de chantier :

La société ATELIER ARCAD indique ne pas s'opposer au quantum sollicité au titre de la location des déshumidificateurs et de la mise en œuvre d'un enduit d'imperméabilisation sur l'ensemble de la cave.

Ces frais, d'un montant total de 7 461,60 euros TTC (1 605,60 euros + 5 856 euros), ont effectivement été avancés par les consorts X. en cours de chantier, sur les conseils de l'architecte, afin de tenter de pallier les problématiques d’étanchéité.

Ces frais ont toutefois été exposés en pure perte puisqu'ils n'ont pas permis de solutionner le problème.

Ils doivent donc être retenus à la charge tant de la société T., responsable des désordres initiaux, que de la société ATELIER ARCAD, qui a prodigué au maître d'ouvrage de mauvais conseils et lui a causé un préjudice financier, soit un partage de responsabilité à hauteur de 50% chacune.

Les requérants sollicitent également le remboursement des frais d'étude complémentaire de la société IDC pour vérifier les plans d’exécution des ouvrages de maçonnerie déjà réalisés, qu'ils auraient réglés pour un montant de 2 500 euros HT.

Ces frais n'ont pas été considérés comme injustifiés par l'expert. De plus, les requérants ne démontrent pas avoir réglé la somme de 2 500 euros à ce titre, étant observé qu'ils ne produisent pas les pièces annexées au rapport d'expertise.

Ils seront donc déboutés de cette demande.

 

4) Au titre de l'excédent de facturation :

L'expert a retenu sans être sérieusement contredit, notamment par la production de devis, que la société T. avait facturé un plancher hourdis au lieu du plancher prédalles prévu au marché, ce qui a entraîné une surfacturation de 40 euros le m², pour un total de 10 790 euros TTC.

Comme jugé précédemment, il convient de retenir sur ce poste de préjudice une responsabilité à hauteur de 90% pour la société T., et de 10% pour la société ATELIER ARCAD.

 

5) Au titre du préjudice de jouissance :

Les défenderesses ne sauraient sérieusement prétendre que les consorts X. ne subiraient aucun préjudice de jouissance comme n'habitant pas personnellement les lieux, alors qu'il est parfaitement établi que les deux caves situées en sous-sol sont régulièrement inondées depuis 10 ans.

Il existe une différence notable entre le fait de ne pas pouvoir occuper un local destiné à l'habitation, et le fait de ne pas pouvoir jouir de son bien dans son intégralité.

Or en l'espèce, il est évident que le fait de ne pas pouvoir jouir de la cave selon sa destination première, à savoir le stockage de biens, tels que des meubles, appareils électroménagers, vélos etc... cause nécessairement à son propriétaire un préjudice de jouissance.

La somme réclamée à ce titre n'est en outre pas forfaitaire mais est évaluée sur une base très raisonnable de 35 euros par mois qui ne correspond même pas à la valeur locative de ce type de local dans le secteur.

Il convient donc de faire droit à la demande présentée à hauteur de 4.000 euros pour chacun des requérants, soit un total de 8.000 euros qui sera supporté par les parties à hauteur de 75% pour la société T., et de 25% pour la société ATELIER ARCAD.

*****

La société T. sollicite la compensation entre les sommes mises à sa charge et la retenue de garantie non réglée par les consorts X.

Or d'une part, la société T. a précisé dans son dire à expert que « d'un commun accord, [elle] acceptait d'abandonner les retenues de garantie en compensation de la facture de l'entreprise Clément réglée par les consorts X. », d'autre part, elle ne justifie pas du montant des retenues de garantie dont elle se prévaut.

Elle sera donc déboutée de sa demande de compensation.

 

III - Sur la garantie de la MAF :

Il n'est pas contesté que la MAF est fondée à faire valoir les conditions et limites de son contrat relativement à sa franchise et son plafond.

 

IV - Sur les autres demandes :

La société T. et la société ATELIER ARCAD qui succombent au principal seront condamnées à supporter les entiers dépens de la présente instance et ceux de référé, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, à hauteur de leur part de responsabilité respective.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge des requérants la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour les besoins de la présente procédure, étant rappelé que si la procédure a été initiée il y a deux ans, le litige date de près de 10 ans et a nécessité une procédure de référé et des opérations d'expertise.

La société T. et la société ATELIER ARCAD seront donc condamnées à leur verser à ce titre une somme de 4.000 euros, qu'elles supporteront à hauteur de 75% pour la société T., et de 25% pour la société ATELIER ARCAD.

Il sera rappelé qu’en application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Dit que la clause exclusive de solidarité prévue au contrat de maîtrise d’œuvre est applicable.

Fixe comme suit les préjudices subis par Messieurs S. et P. J. :

- 38 678,10 euros TTC au titre des frais d’imperméabilisation de la cave,

- 3 139,89 euros TTC au titre de la réfection des sols des chambres,

- 7 461,60 euros TTC au titre des frais de location des déshumidificateurs et de mise en œuvre d'un enduit d'imperméabilisation sur l'ensemble de la cave,

- 10 790 euros au titre de la surfacturation des travaux relatifs au plancher,

- 4.000 euros chacun au titre de préjudice de jouissance.

Dit que la SARL T. & FILS et la SELARL ATELIER ARCAD devront supporter la charge de ces condamnations à hauteur de leur part de responsabilité respective, soit :

* Pour les travaux d'imperméabilisation de la cave et de réfection des sols des chambres :

- Société T. : 75%

- Société ATELIER ARCAD : 25%

* Pour les frais de location des déshumidificateurs et de mise en œuvre d'un enduit d'imperméabilisation sur l'ensemble de la cave.

- Société T. : 50%

- Société ATELIER ARCAD : 50%

* Pour la surfacturation :

- Société T. : 90%

- Société ATELIER ARCAD : 10%

* Pour le préjudice de jouissance :

- Société T. : 75%

- Société ATELIER ARCAD : 25%

Déboute Messieurs [P] et S. J. du surplus de leurs demandes indemnitaires.

Déboute la SARL T. & FILS de sa demande de compensation des condamnations prononcées à son encontre avec les retenues de garantie.

Dit que la MAF est fondée à faire valoir les conditions et limites de son contrat relativement à sa franchise et son plafond,

Condamne la SARL T. & FILS et la SELARL ATELIER ARCAD à payer à Messieurs S. et P. J. la somme totale de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qu'elles supporteront à hauteur de 75% pour la société T., et de 25% pour la société ATELIER ARCAD.

Condamne la SARL T. & FILS et la SELARL ATELIER ARCAD aux entiers dépens de référé et de la présente instance en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 5 636,74 euros, qu'elles supporteront à hauteur de 75% pour la société T., et de 25% pour la société ATELIER ARCAD.

Rappelle que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le présent jugement a été signé par Elodie DARRIBÈRE, Vice-Présidente du Tribunal judiciaire de DAX, et par Sandra SEGAS, Greffier, et porté à la connaissance des parties par remise au greffe.

LE GREFFIER,                                           LA PRÉSIDENTE,