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TJ PARIS (Jcp), 2 septembre 2025

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (Jcp), 2 septembre 2025
Pays : France
Juridiction : Paris (T. jud.)
Demande : 25/02116
Date : 2/09/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/01/2025
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24491

TJ PARIS (Jcp), 2 septembre 2025 : RG n° 25/02116 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Selon l'article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions de ce code. Il convient donc, en l'espèce, d'appliquer d'office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 24 février 2021, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile. »

2/ « Selon l'article L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. De même l'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Le juge doit examiner d'office le caractère abusif d'une clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas du défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.476). La déchéance du terme ne peut être prononcée si la clause d'exigibilité immédiate est réputée non écrite (Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 21-25.823).

En l'espèce, l'article IV-9 du contrat de crédit stipule qu'il sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'emprunteur en cas de défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires quinze jours après mise en demeure. L'article 1225 du code civil ne fait pas référence à la condition d'une inexécution contractuelle grave.

Cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif au profit de la banque en ce qu'un délai de 15 jours apparait comme un délai suffisant d'avoir à régler des échéances impayées s'agissant d'un crédit à la consommation - en l'espèce 25.000 euros remboursable par mensualités de 262 euros. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme X., cette clause de déchéance du terme ne déroge ni à la jurisprudence de la CJUE ni au droit commun des contrats. La clause n'est ainsi pas abusive et ne peut être réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

PÔLE CIVIL DE PROXIMITÉ

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 2 SEPTEMBRE 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 25/02116. N° Portalis 352J-W-B7J-C7FRT.

 

DEMANDERESSE :

La société CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Maître Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0233

 

DÉFENDERESSE :

Madame X.

demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Sophie ETCHEGOYEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1227 (bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C-XXX du [date] accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 3])

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 5 juin 2025

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 02 septembre 2025 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant offre de contrat acceptée le 24 février 2021, la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Mme X. un crédit à la consommation d'un montant de 25000 euros, remboursable en 120 mensualités de 262,02 euros, moyennant un taux d'intérêt annuel nominal de 4,74 % et un taux annuel effectif global de 5,08 %.

Faisant valoir des mensualités restées impayées à leur échéance, la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er mars 2024, mis en demeure Mme X. de s'acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre du 24 avril 2024, la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE lui a notifié la déchéance du terme et l'a mise en demeure de rembourser l'intégralité du crédit.

[*]

Par acte de commissaire de justice du 14 janvier 2025, la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a fait assigner Mme X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes au titre de la déchéance du terme ou subsidiairement de la résiliation judicaire du contrat à la date de l'assignation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 21.145,30 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,08 % l'an à compter du 24 avril 2024 date de la mise en demeure portant déchéance du terme,

- 1.480,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2024 date de la mise en demeure au titre de l'indemnité contractuelle sur le capital restant dû ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts,

- 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

À l'audience du 5 juin 2025, la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE représentée par son conseil qui a déposé des conclusions soutenues oralement, maintient ses demandes et sollicite que celles de Mme X. soient rejetées.

[*]

Mme X., représentée par son conseil qui a déposé des conclusions soutenues oralement, demande :

A titre principal : juger que la déchéance du terme est invalide et débouter la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- Fixer la somme due à 21.145,30 euros,

- Des délais de paiement à hauteur de 500 euros pendant 23 mois et le solde au 24è mois,

- Condamner la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

[*]

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus reprises et soutenues oralement à l'audience pour l'exposé de leurs différents moyens.

L'affaire a été mise en délibéré jusqu'à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Selon l'article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l'espèce, d'appliquer d'office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 24 février 2021, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

 

Sur la forclusion :

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, il ressort de l'historique que cet événement est postérieur au 15 janvier 2023 de sorte que l'action introduite le 14 janvier 2025 n'est pas atteinte par la forclusion.

 

Sur la résiliation du contrat :

Aux termes de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes des articles 1224, 1227 et 1228 du code civil la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. L'article 1225 dispose que « La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »

 

Sur la déchéance du terme :

Aux termes de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Selon l'article L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. De même l'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Le juge doit examiner d'office le caractère abusif d'une clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas du défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.476).

La déchéance du terme ne peut être prononcée si la clause d'exigibilité immédiate est réputée non écrite (Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 21-25.823).

En l'espèce, l'article IV-9 du contrat de crédit stipule qu'il sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'emprunteur en cas de défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires quinze jours après mise en demeure.

L'article 1225 du code civil ne fait pas référence à la condition d'une inexécution contractuelle grave.

Cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif au profit de la banque en ce qu'un délai de 15 jours apparait comme un délai suffisant d'avoir à régler des échéances impayées s'agissant d'un crédit à la consommation - en l'espèce 25.000 euros remboursable par mensualités de 262 euros.

Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme X., cette clause de déchéance du terme ne déroge ni à la jurisprudence de la CJUE ni au droit commun des contrats. La clause n'est ainsi pas abusive et ne peut être réputée non écrite.

En outre, cette mise en demeure préalable lui a bien été adressée, la banque justifiant d'un envoi par lettre recommandée avec avis de réception, présentée le 8 mars 2024 et retournée « pli avisé et non réclamé » ; le fait que Mme X. n'ait pas retiré ce recommandé ne peut être imputé à la banque.

La mise en demeure, qui a informé Mme X. qu'elle n'a pas réglé des échéances impayées à hauteur de 609,12 euros et l'a mise en demeure de régler cette somme dans le délai de 15 jours sous peine de transmission du dossier au service contentieux en vue d'engager une procédure judiciaire pour le recouvrement de l'intégralité du solde du crédit, contient manifestement une interpellation suffisante.

Enfin le retard de paiement n'a pas été régularisé par la défenderesse dans le délai imparti.

La déchéance du terme a donc pu valablement intervenir le 24 avril 2024.

Les décomptes produits et non contestés montrent que la somme restant due au titre du capital et des échéances impayées s'élève à 21145,30 euros.

Mme X. sera donc condamnée à payer à la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 21145,30 euros, avec intérêts au taux contractuel annuel de 4,74 % - et non 5,08 % qui correspond au TAEG - à compter du 2 mai 2024 date de la présentation de la mise en demeure du 24 avril 2024.

Au regard du montant total cumulé des intérêts conventionnels, la clause pénale revêt un caractère manifestement excessif. Il convient donc de la réduire à la somme de 100 euros en application de l'article 1231-5 du code civil.

 

Sur la capitalisation des intérêts :

La capitalisation des intérêts est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées en application de l'article L. 312-38 du code de la consommation. La demande de capitalisation sera en conséquence rejetée.

 

Sur les délais de paiement :

En application de l'article 1343-5, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, au regard de la situation justifiée par Mme X. (bulletins de paie, quittances de loyer, justificatifs médicaux), il convient de lui accorder des délais de paiement, selon les modalités visées au dispositif de la présente décision.

 

Sur les frais du procès et l'exécution provisoire :

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme X., qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens.

En revanche, l'équité et la situation économique respective des parties commandent d'écarter toute condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Mme X. de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que la clause de déchéance du terme insérée au contrat de crédit du 24 février 2021 souscrit auprès de la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE est abusive et doit être réputée non écrite ;

DIT que la déchéance du terme a été valablement prononcée par la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE ;

CONDAMNE Mme X. à payer à la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE les sommes suivantes :

- 21.145,30 euros au titre du capital restant dû et des échéances impayées, avec intérêts au taux contractuel de 4,74% l'an à compter du 2 mai 2024,

- 100 euros au titre de la clause pénale ;

AUTORISE Mme X. à s'acquitter des sommes dues en 23 versements mensuels de 500 euros au minimum et un 24ème versement correspond au solde de la dette, payables le dixième jour de chaque mois suivant celui de la signification du présent jugement, le dernier versement étant majoré du solde de la dette, sauf meilleur accord entre les parties ou engagement d'une procédure de surendettement ;

DIT qu'en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date exacte, et après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, l'échelonnement qui précède sera caduc et la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;

RAPPELLE qu'aux termes de l'article 1343-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d'exécution et interdit la mise en œuvre de nouvelles procédures pendant le délai de grâce ;

REJETTE la demande de capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE la société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE Mme X. aux dépens ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi signé par la Juge des contentieux de la protection et la greffière susnommées et mis à disposition des parties le 2 septembre 2025.

La Greffière                          La Juge des contentieux de la protection