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CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 octobre 2025

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 octobre 2025
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 4e ch.
Demande : 23/05581
Date : 27/10/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/12/2023
Décision antérieure : T. com. Bordeaux, 6 novembre 2023 : RG n° 2022F01896
Décision antérieure :
  • T. com. Bordeaux, 6 novembre 2023 : RG n° 2022F01896
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24499

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 27 octobre 2025 : RG n° 23/05581

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel du jugement) : « Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir écarté les demandes de M. X. tendant à l'annulation du contrat sur le fondement des dispositions du code de la consommation, a fait droit à sa demande de nullité du contrat pour erreur sur les qualités essentielles du site. »

Extrait (motifs) : 1/ « 10. Selon les dispositions de l'article 1133 du code civil, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. Il est constant par ailleurs que l'erreur doit être démontrée par comparaison entre la croyance initiale du demandeur à l'action, en ce qui concerne la qualité essentielle attendue d'une chose ou d'une prestation, et la réalité, appréciée elle-même à la date de conclusion du contrat.

11. Le fait, allégué par M. X., que le site internet conçu et paramétré par la société Incomm (www.[04].com) collecte de manière illégale les données personnelles des internautes qui s'y connectent, ne peut constituer un motif d'annulation pour cause d'erreur, puisque le grief concerne exclusivement les conditions dans lesquelles la société Incomm a exécuté ses prestations. Or, il n'est pas démontré que le mode opératoire habituellement mis en œuvre par la société Incomm dans la conception des sites impliquait nécessairement, pour le contrat conclu avec M. X. comme pour les autres, une réalisation finale non conforme aux règles de protection des données personnelles des internautes. 12. Il en résulte que la demande en nullité du contrat doit être rejetée pour ce motif. »

2/ « 17. En l'espèce, il est constant que le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 10 juin 2021, à la suite d'un démarchage de M. X. sur son lieu de travail par un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 2]. 18. Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que M. X. exerce une activité principale d'ingénierie, études techniques (code APE: 71.12B). Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de M. X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses services auprès de la clientèle potentielle, par une meilleure visibilité, mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui est celle de dessinateur de maisons individuelles. 19. Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 4 juillet 2022 par l'URSSAF Normandie et de la fiche Insee que M. X. n'employait pas plus de 5 salariés à la date de signature du contrat.

20. Il en résulte que M. X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement). »

3/ « 22. La société Incomm soutient, à tort, que le contrat de licence d'exploitation de site internet ne pourrait donner lieu à l'exercice du droit de rétractation, en invoquant les dispositions de l'article L. 221-28 3° du code de la consommation, selon lesquelles le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

23. En effet, les dispositions précitées doivent être d'interprétation stricte, dès lors qu'elles ont pour conséquence de limiter les droits octroyés à un professionnel, qui, par l'effet de la loi, se trouve assimilé à un consommateur pour l'exercice de certains droits dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement. 24. En l'espèce, le contrat du 10 juin 2021 ne concerne pas la fourniture d'un bien, au sens de l'article 528 du code civil, à savoir un objet mobilier corporel, mais une prestation de services à savoir la conception, la création, la réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement et la location du site web. 25. L'exception prévue par l'article L. 221-28, 3° du code de la consommation ne peut donc trouver à s'appliquer.

26. En toutes hypothèses, si elle estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'opération contractuelle envisagée, il incombait à la société Incomm de respecter les dispositions de l'article L. 221-5-5° du code de la consommation, et d'en aviser préalablement M. X. de manière compréhensible, ce qui n'a pas été fait, ainsi que détaillé ci-après. »

4/ « 35. En application des articles L. 221-24 et L. 221-27 du code de la consommation, l'exercice régulier du droit de rétractation par M. X. a mis fin aux obligations des parties d'exécuter le contrat, et les professionnels ont l'obligation de rembourser les sommes reçues. 36. Le tribunal a fait droit à la demande de nullité du contrat et condamné la société Incomm à restituer à M. X. la somme de 2.848,80 euros au titre des frais d'adhésion et des prélèvements opérés, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 10 novembre 2022. M. X. conclut à la confirmation du jugement entrepris. 37. La décision déférée sera donc confirmée par motifs substitués. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/05581. N° Portalis DBVJ-V-B7H-NRLT. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 6 novembre 2023 (R.G. n° 2022F01896) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 décembre 2023.

 

APPELANTE :

SAS INCOMM

inscrite au RCS de [Localité 3] sous le numéro XXX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5], Représentée par Maître Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

exerçant la profession de dessinateur de maisons individuelles sous l'enseigne X. CONCEPTION, né le [date] à [Localité 7] (14), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], Représenté par Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Bassirou KÉBÉ de la SAS PROCESCIAL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie MASSON, Conseiller, Madame Bérengère VALLEE, Conseiller.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Par acte du 10 juin 2021, M. X., exerçant la profession de dessinateur de maisons individuelles sous l'enseigne X. Conception, a conclu avec la société Incomm un contrat de licence d'exploitation de site Internet, pour une période de 48 mois, moyennant le versement de 48 échéances mensuelles de 367,20 euros, outre une somme de 645,60 euros TTC de frais d'adhésion.

Le 22 juillet 2021, un procès-verbal de livraison et de conformité du site internet a été signé.

Par courriel du 16 mars 2022, M. X. a informé la société Incomm de la suspension des prélèvements en raison de son insatisfaction quant au référencement du site.

Le 13 avril 2022, la société Incomm a adressé à M. X. une mise en demeure d'avoir à régler les échéances impayées, restée vaine.

Par courrier recommandé du 22 juin 2022, M. X. a, par l'intermédiaire de son conseil, notifié à la société Incomm sa volonté de faire valoir son droit de rétractation et sollicité l'anéantissement du contrat.

2. Par acte du 10 novembre 2022, M. X. a assigné la société Incomm devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins, à titre principal, de déclarer le contrat anéanti par l'effet de la rétractation et condamner la société Incomm à lui restituer la somme de 3.216 euros.

3. Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Prononcé la nullité du contrat conclu le 10 juin 2021 entre la société Incomm et M. X.,

- Condamné la société Incomm à payer à M. X. la somme de 2 848,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022,

- Ordonné à la société Incomm de désactiver le site internet accessible à l'adresse roussin-conception.com,

- Débouté la société Incomm de ses demandes,

- Condamné la société Incomm à payer à M. X. la somme de 3.121 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Incomm aux dépens,

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir écarté les demandes de M. X. tendant à l'annulation du contrat sur le fondement des dispositions du code de la consommation, a fait droit à sa demande de nullité du contrat pour erreur sur les qualités essentielles du site.

4. Par déclaration au greffe du 11 décembre 2023, la société Incomm a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. X.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

5. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 18 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Incomm demande à la cour de :

Vu les articles susvisés, vu les conditions générales

Vu le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries,

- Déclarer recevable et bien fondée la société Incomm dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

Y faisant droit,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 6 novembre 2023 en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société Incomm et a :

« Prononcé la nullité du contrat conclu le 10 juin 2021 entre la société Incomm et M. X.,

Condamné la société Incomm à payer à M. X. la somme de 2 848,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022,

Ordonné à la société Incomm de désactiver le site internet accessible à l'adresse roussin-conception.com,

Débouté la société Incomm de ses demandes,

Condamné la société Incomm à payer à M. X. la somme de 3.121 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Incomm aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ».

- Confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau

- Juger qu'en l'état la législation consumériste ne peut recevoir application à la présente espèce,

- Juger que le contrat n°100621 MSCA 02 a été résilié aux torts exclusifs de M. X.,

En conséquence,

- Débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de la société Incomm,

- Condamner M. X. à restituer la somme de 6.477,83 euros versés dans le cadre de l'exécution provisoire,

Si par extraordinaire le Tribunal devait prononcer la nullité du contrat

- Condamner M. X. à payer à la société Incomm la somme de 17.625,40 euros et 645,40 euros au titre du régime des restitutions,

Si le Tribunal devait prononcer la résiliation

- Juger que le contrat n°100621 MSCA 02 du 10 juin 2021 a été résilié aux torts exclusifs de M. X.,

- Juger que M. X. est redevable de l'indemnité de résiliation telle que prévue à l'article 17 des conditions générales et de la clause pénale afférente,

En conséquence,

- Condamner M. X. à verser à la société Incomm la somme de 1.101,60 euros (loyer février à avril 2022), de 14 320,80 d'euros d'indemnité de résiliation (39 loyers à échoir) majorée de 1 432,08 euros au titre de la clause pénale (10 %),

- Juger que cette somme sera majorée des intérêts moratoires, au taux des article L. 441-6 du code de commerce calculés et 15 des conditions générales, à compter de la date de délivrance du 13 avril 2022 ; lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts au terme d'une année entière sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- Condamner M. X. à payer à la société Incomm la somme de 40 euros TTC au titre de l'indemnité de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

- Condamner M. X. à verser la somme de 1.000 euros à la société Incomm au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait la résistance abusive.

En toute hypothèse

- Condamner M. X. à verser la somme de 5.000 euros à la société Incomm en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 8 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X. demande à la cour de :

Vu les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation

Vu l'article L. 242-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil,

Vu les articles 1194 et suivants du code civil,

Vu les articles 1178, 1128, 1163, 1216, 1302, 1353 et 1359 du code civil,

Vu le Règlement général sur la protection des données personnelles,

Vu les articles 226-16 et suivants du code pénal,

A titre principal

- Confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

- Débouter la société Incomm de l'ensemble de ses demandes,

Premier niveau de subsidiarité

- Déclarer le contrat litigieux anéanti par l'effet de la rétractation exercée par M. X. le 22 juin 2022,

- Débouter la société Incomm de toutes ses demandes,

- Condamner la société Incomm à restituer a M. X. la somme de 3 216 euros, avec intérêts au taux legal a compter de l'assignation, et capitalisation des intérêts,

Second niveau de subsidiarité

- Annuler le contrat litigieux notamment pour les motifs suivants :

* Violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution,

* Violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels,

* Violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du site internet et des prestations,

* Stipulation d'obligation sans contrepartie en violation des droits fondamentaux de M. X.,

- Débouter la société Incomm de toutes ses demandes,

- Condamner la société Incomm à restituer à M. X. la somme de 3.216 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assigantion, et capitalisation des intérêts,

Troisième niveau de subsidiarité

- Prononcer la résolution rétroactive du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa conclusion,

- Débouter la société Incomm de toutes ses demandes,

- Condamner la société Incomm à restituer à M. X. la somme de 3.216 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation des intérêts,

En tout état de cause

- Condamner la société Incomm à verser à M. X. la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- Condamner la société Incomm à désactiver le site internet qu'elle a créé pour M. X. et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir.

[*]

7. L'ordonnance de clôture a été reportée au jour des plaidoiries, le 22 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la nullité pour erreur sur les qualités substantielles :

Moyens des parties :

8. La société Incomm conteste toute nullité pour cause d'erreur sur les qualités essentielles du site. Elle relève que l'objet du contrat est licite, que le motif d'erreur invoqué par M. X. est étranger aux qualités essentielles de la prestation et que la nullité du contrat ne concerne pas les éventuels défauts d'exécution.

9. M. X. soutient que le contrat est nul pour erreur sur les qualités substantielles du site internet sur le fondement des articles 1132 et 1133 du code civil, puisque le site en cause www.[04].com a été conçu et paramétré pour collecter de manière illégale les données personnelles des internautes par le biais de cookies publicitaires, le tout au nom et à l'insu de M. X. et qu'il existait en outre une collecte illégale de données personnelles (nom, adresse, numéro de téléphone, mail) via un formulaire de contact présent sur le site, sans aucune des mentions d'information rendues obligatoires par l'article 13 du règlement général de protection des données (RGPD).

Réponse de la cour :

10. Selon les dispositions de l'article 1133 du code civil, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

Il est constant par ailleurs que l'erreur doit être démontrée par comparaison entre la croyance initiale du demandeur à l'action, en ce qui concerne la qualité essentielle attendue d'une chose ou d'une prestation, et la réalité, appréciée elle-même à la date de conclusion du contrat.

11. Le fait, allégué par M. X., que le site internet conçu et paramétré par la société Incomm (www.[04].com) collecte de manière illégale les données personnelles des internautes qui s'y connectent, ne peut constituer un motif d'annulation pour cause d'erreur, puisque le grief concerne exclusivement les conditions dans lesquelles la société Incomm a exécuté ses prestations.

Or, il n'est pas démontré que le mode opératoire habituellement mis en œuvre par la société Incomm dans la conception des sites impliquait nécessairement, pour le contrat conclu avec M. X. comme pour les autres, une réalisation finale non conforme aux règles de protection des données personnelles des internautes.

12. Il en résulte que la demande en nullité du contrat doit être rejetée pour ce motif.

 

II - Sur les autres motifs de nullité du contrat :

13. M. X. sollicite la nullité du contrat pour la violation de l'obligation d'information, en raison de la stipulation d'obligations sans contrepartie et pour indétermination de l'obligation essentielle de référencement.

 

Sur la demande de nullité au titre du droit de la consommation :

Moyens des parties :

14. La société Incomm soutient que la législation sur les contrats souscrits hors établissement ne peut s'appliquer en l'espèce, et que selon les dispositions de l'article L. 221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens à confectionner selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ce qui est le cas de la création d'un site Internet personnalisé.

Elle relève que l'article 17.1 des conditions générales rappelle les conditions d'exercice éventuel du droit de rétractation.

15. M. X. soutient que le contrat signé le 10 juin 2021, à la suite d'un démarchage sur son lieu de travail à [Localité 6] (50), constitue un contrat conclu hors établissement, dont l'objet n'entrait pas dans le champ de son activité principale, pour laquelle il n'employait pas plus de cinq salariés, de sorte que les conditions de l'article L. 221-3 du code de la consommation sont réunies.

Il fait valoir que la nullité du contrat est encourue sur le fondement du code de la consommation pour violation par la société Incomm de son obligation d'information sur le droit de rétractation, sur le total des coûts mensuels, le délai d'exécution des prestations et les caractéristiques essentielles du site web.

Réponse de la cour :

- Sur l'application du code de la consommation :

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 I 2° a) du code de de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat, issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que pour l'application du Titre II (Règles de formation et d'exécution de certains contrats), est considéré comme un contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

Selon les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

17. En l'espèce, il est constant que le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 10 juin 2021, à la suite d'un démarchage de M. X. sur son lieu de travail par un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 2].

18. Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que M. X. exerce une activité principale d'ingénierie, études techniques (code APE: 71.12B).

Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de M. X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses services auprès de la clientèle potentielle, par une meilleure visibilité, mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui est celle de dessinateur de maisons individuelles.

19. Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 4 juillet 2022 par l'URSSAF Normandie et de la fiche Insee que M. X. n'employait pas plus de 5 salariés à la date de signature du contrat.

20. Il en résulte que M. X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement).

 

- Sur le droit de rétractation :

21. Selon les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 5 mars 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire-type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Aux termes de l'article L. 221-20 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.

22. La société Incomm soutient, à tort, que le contrat de licence d'exploitation de site internet ne pourrait donner lieu à l'exercice du droit de rétractation, en invoquant les dispositions de l'article L. 221-28 3° du code de la consommation, selon lesquelles le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

23. En effet, les dispositions précitées doivent être d'interprétation stricte, dès lors qu'elles ont pour conséquence de limiter les droits octroyés à un professionnel, qui, par l'effet de la loi, se trouve assimilé à un consommateur pour l'exercice de certains droits dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement.

24. En l'espèce, le contrat du 10 juin 2021 ne concerne pas la fourniture d'un bien, au sens de l'article 528 du code civil, à savoir un objet mobilier corporel, mais une prestation de services à savoir la conception, la création, la réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement et la location du site web.

25. L'exception prévue par l'article L. 221-28, 3° du code de la consommation ne peut donc trouver à s'appliquer.

26. En toutes hypothèses, si elle estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'opération contractuelle envisagée, il incombait à la société Incomm de respecter les dispositions de l'article L. 221-5-5° du code de la consommation, et d'en aviser préalablement M. X. de manière compréhensible, ce qui n'a pas été fait, ainsi que détaillé ci-après.

27. Il est donc incontestable que, préalablement à la conclusion du contrat de licence d'exploitation du site internet, et par application des articles L. 221-9, L. 221-5 et L. 111-1 du code de la consommation, la société Incomm devait donc communiquer à M. X. de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

-en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;

- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

28. M. X. fait valoir à juste titre que le contrat conclu le 10 juin 2021 ne comporte pas d'information exacte et compréhensible sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit de rétractation.

29. Il convient en effet de rappeler que l'exercice du droit de rétractation doit seulement répondre aux conditions prévues par l'article L. 221-21 du code de la consommation selon lequel le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

30. En l'espèce, l'article 17.1 des conditions générales stipule : « sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 121-20-12 et suivants du code de la consommation, notamment lorsque l'effectif du partenaire est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la signature du présent contrat pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. Si le partenaire souhaite se rétracter, il lui appartient de notifier sa décision au fournisseur par tout moyen, le cas échéant au moyen du bordereau de rétractation ci-dessous, au plus tard le quatorzième jour suivant la signature du contrat, et de joindre un document officiel type récépissé DADSU de l'année en cours, justifiant l'effectif de son entreprise au jour de signature du contrat, étant entendu que la charge de la preuve de l'exercice du droit de rétractation dans les conditions légales pèse sur le partenaire. (...) À défaut d'exercice par le partenaire de la faculté légale de rétractation ou si la demande de rétractation ne respecte pas les conditions exposées ci-dessus (souligné par la cour) et en cas de résiliation à l'initiative du partenaire avant la signature du procès-verbal de livraison du site Internet, le partenaire versera au fournisseur une indemnité égale à 40 % de la totalité des échéances dues en vertu du contrat. »

31. Il sera relevé en premier lieu que la référence faite à l'article L. 121-20-12 du code de la consommation est erronée, puisque cet article n'existait pas à la date du contrat, le 10 juin 2021, de sorte que M. X. n'était pas en mesure de saisir, à la lecture de la clause, si sa situation lui permettait ou non d'exercer le droit de rétractation. Les dispositions d'ordre public du code de la consommation applicables en matière d'exercice du droit de rétractation n'étaient pas rappelées, ni leur contenu.

32. Par ailleurs, la rédaction ambiguë de l'article 17.1 précitée, et la formulation soulignée par la cour au paragraphe 23, laisse à penser que pour être régulier et éviter au contractant le paiement d'une indemnité de 40 % du montant des échéances, le droit de rétractation doit obligatoirement s'accompagner de l'envoi concomitant d'un justificatif concernant l'effectif de l'entreprise.

33. Il en résulte que l'information donnée à M. X. sur les conditions d'exercice du droit de rétractation, avant qu'elle s'engage par signature du contrat le 10 juin 2021, n'était pas compréhensible.

La clause figurant en page 1 du contrat (Information précontractuelle), par laquelle M. X. reconnaît avoir reçu du fournisseur avant la signature du contrat les informations prévues par les articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation constitue seulement un indice qu'il incombait à la société Incomm de corroborer par plusieurs éléments complémentaires ce qui n'est pas le cas en l'espèce, au regard des circonstances précédemment rappelées.

34. Dès lors que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne lui ont donc pas été fournies dans les conditions prévues à l'article L. 221-5 7° du code de la consommation, M. X. était fondé, par application de l'article L. 221-20 alinéa 1er du même code, à notifier à la société Incomm l'exercice de ce droit de rétractation par l'intermédiaire de son conseil, ce qui a été fait de manière claire et exprès par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2022, reçue le 27 juin 2022 par la société Incomm. En effet, le délai de rétractation se trouvait ainsi prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, tel que déterminé conformément à l'article L.221-18.

35. En application des articles L. 221-24 et L. 221-27 du code de la consommation, l'exercice régulier du droit de rétractation par M. X. a mis fin aux obligations des parties d'exécuter le contrat, et les professionnels ont l'obligation de rembourser les sommes reçues.

36. Le tribunal a fait droit à la demande de nullité du contrat et condamné la société Incomm à restituer à M. X. la somme de 2.848,80 euros au titre des frais d'adhésion et des prélèvements opérés, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 10 novembre 2022.

M. X. conclut à la confirmation du jugement entrepris.

37. La décision déférée sera donc confirmée par motifs substitués.

 

III - Sur les demandes accessoires :

38- Succombant en son recours, la société Incomm en supportera les dépens.

39. Il est équitable d'allouer à M. X. une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la société Incomm à payer à M. X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société Incomm aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                                                   Le Président