CA PAU (2e ch. 1re sect.), 20 mai 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2493
CA PAU (2e ch. 1re sect.), 20 mai 2010 : RG n° 09/01398 ; arrêt n° 2243/10
Publication : Jurica
Extrait : « Il convient en premier lieu de relever que l'article L. 311-3 du Code de la consommation énonce que : - les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique, les opérations de crédit portant sur des immeubles, notamment celles visés au quatrièmement dudit article, les prêts d'un montant supérieur à une somme fixée par décret sont exclus du champ d'application du chapitre premier, ce qui est le cas en l'espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE PREMIÈRE
ARRÊT DU 20 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/01398. Arrêt n° 2243/10. Nature affaire : Prêt - Demande en remboursement du prêt.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
DÉBATS : Audience publique tenue le 15 mars 2010
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Madame MEALLONNIER, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, Monsieur BEAUCLAIR, Conseiller, Monsieur SCOTET, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 14 décembre 2009 assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes. [minute Jurica page 2] Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
Dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTÉ
[adresse], agissant poursuites et diligences de son directeur domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour, assistée de Maître LAURIOL loco Maître LAMORERE, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
INTIMÉS :
Monsieur X.
[adresse],
Madame Y. épouse X.
[adresse], représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour, assistés de Maître SOULE-THOLY, avocat au barreau de BAYONNE
Sur appel de la décision en date du 27 JANVIER 2009 rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE DAX
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Objet succinct du litige - Prétentions et arguments des parties :
Vu l'appel interjeté le 16 avril 2009 par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ à l'encontre d'un jugement du Tribunal d'Instance de Dax du 27 janvier 2009,
Vu les conclusions de Monsieur X. et de Madame Y. épouse X. du 1er mars 2010,
Vu les conclusions de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [minute Jurica page 3] FRANCHE-COMTÉ du 12 mars 2010,
Vu le rabat de l'ordonnance de clôture et l'accord des parties pour une nouvelle ordonnance de clôture par mention au dossier du 15 mars 2010 pour l'audience de ce jour.
Par acte authentique reçu le 14 février 1986 par Maître PELLEGRINI, notaire à CHAMPAGNOLE, la CRCAM du Jura, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ, a consenti à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. un prêt immobilier d'un montant de 620.000 francs. Les emprunteurs ont laissé impayées diverses échéances échues. A la demande de ces derniers, la banque a consenti un réaménagement du prêt immobilier suivant acte sous seing privé du 16 novembre 1993. Par la suite, avec l'accord du Crédit agricole, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont bénéficié d'un plan conventionnel de réaménagement de la dette approuvé par la Commission de surendettement des Landes dans sa séance du 17 septembre 1999. Le plan prévoyait un moratoire de 3 mois puis 84 mensualités d'un montant de 76,22 €. Il était convenu au paragraphe « observations générales » qu'à l'issue du moratoire, le restant dû sera renégocié au taux légal, le montant de la mensualité sera augmenté, une parties des crédits étant soldé, un accord entre les parties devra intervenir.
Monsieur X. et Madame Y. épouse X. n'ont pas contacté la banque.
En février 2008, le Crédit Agricole était sans nouvelle de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. Il s'est prévalu de la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans le contrat. La déchéance du terme a été prononcée le 11 février 2008.
Le montant du capital restant est devenu immédiatement exigible soit la somme de 13.037,05 € en principal.
Les deux mises en demeure suivant courriers recommandés datés du 12 juin 2008 ainsi que la sommation de payer signifiée le 3 juillet 2008 sont restées sans effet.
Une ordonnance d'injonction de payer a été rendue le 28 août 2008. Cette ordonnance a été signifiée à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. le 5 septembre 2008. Ces derniers ont formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 27 janvier 2009, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure antérieure, le Tribunal d'Instance de Dax a :
- déclaré l'opposition recevable et bien fondée,
- rejeté l'ensemble des demandes de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ venant aux droits de la CRCAM du Jura à l'encontre de Monsieur X. et Madame Y. épouse X.,
- condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ aux dépens.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ soutient tout d'abord que le tribunal a soulevé des moyens d'office, sans réouverture des débats et qu'elle n'a pas été en mesure de répondre. Elle soulève la nullité de ce jugement et à tout le moins sa réformation.
[minute Jurica page 4] La loi Scrivener n'est pas applicable à l'espèce et ce pour plusieurs raisons. Il en est de même pour la forclusion.
Le décompte versé aux débats du 8 janvier 2010 a été établi en suite du plan de la Banque de France. Il n'est pas contestable. Il n'est pas précisé quelle pourrait être la clause abusive susceptible d'affecter le contrat. Les textes qui n'étaient pas en vigueur au moment du contrat ne sont pas applicables. La somme de 13.037,05 € réclamée est le résultat d'un décompte précis et non contesté.
En acceptant le plan conventionnel de réaménagement de la dette Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont bien reconnu la créance et ils ne sont pas recevables dans la contestation qu'ils présentent aujourd'hui. Les parties n'ont pas allégué et justifié aucun autre paiement que ceux pris en considération. L'octroi de délai n'est absolument pas justifié.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de débouter Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de toutes leurs demandes fins et conclusions, de les condamner à lui payer les sommes suivantes :
- 13.037,05 € en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2008, date de la déchéance du terme,
- 235,15 € au titre des frais de procédure d'injonction de payer,
- 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le coût de la sommation de payer du 3 juillet 2008.
Monsieur X. et Madame Y. épouse X. estiment que l'article L. 312-23 du Code de la consommation est applicable à l'espèce. Ils reconnaissent l'existence du plan de surendettement. Ils exposent qu'ils se sont acquittés régulièrement des échéances, le plan étant respecté.
Ils considèrent que le jugement doit être confirmé puisque la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ ne produit aucun décompte des sommes prétendument dues. Il est impossible de savoir qu'elles sont les sommes qu'ils ont payées. Aucun tableau d'amortissement n'est versé et il est impossible de savoir s'ils encourent la déchéance du terme et si oui à quelle date. Le créancier ne peut arbitrairement et à sa convenance fixer une déchéance du terme. C'est la raison pour laquelle le premier juge a fait application de l'article L. 312-23 du Code de la consommation. Ils subissent un préjudice moral et réclame des dommages et intérêts à ce titre d'un montant de 20.000 €.
Monsieur X. et Madame Y. épouse X. demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant de condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ à leur payer la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. À titre subsidiaire, ils sollicitent l'octroi des plus larges délais de paiement.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 5] Sur ce :
- Sur le fond :
Il convient en premier lieu de relever que l'article L. 311-3 du Code de la consommation énonce que :
- les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique, les opérations de crédit portant sur des immeubles, notamment celles visés au quatrièmement dudit article, les prêts d'un montant supérieur à une somme fixée par décret sont exclus du champ d'application du chapitre premier, ce qui est le cas en l'espèce.
Par ailleurs, les sommes réclamées sont conformes aux stipulations contractuelles conformément à l'article L. 312-23 du Code de la consommation et aucune demande n'excède ce qui est prévu aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même Code.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ verse aux débats l'état des sommes dues au 8 janvier 2010. Ce décompte a été établi en suite au plan de la Banque de France. Il est détaillé et fait clairement ressortir le détail historique des sommes dues et des versements effectués. Il ne comporte que des sommes dues en principal et intérêts. Les textes qui n'étaient pas en vigueur à la date du contrat ne sont pas applicables à l'espèce.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ a versé l'acte authentique qui est précis sur les caractéristiques du prêt avec en annexe un tableau détaillé des conditions financières. Le contrat de réaménagement du 16 novembre 1993, le plan conventionnel de réaménagement de la Banque de France, les mises en demeure ont été produites.
A la mise en demeure du 12 juin 2008 a été annexé l'état des sommes dues à cette date suite au plan de la Banque de France du mois de novembre 1999. Sur cet état sont précisés, période par période depuis le 16 septembre 1999, les acomptes reçus et leur imputation. La somme de 13 037,05 € réclamée en principal est le résultat de ce décompte précis et non contesté.
Il convient également de relever que lors de l'étude de la recevabilité du dossier par la Banque de France, en juin 1999, un décompte des sommes dues par les époux X., qui a tenu compte de la vente de leur immeuble a été adressé à la Banque de France. Le plan de surendettement qui a été élaboré le 17 septembre 1999 par la commission de surendettement et qui est versé aux débats a été accepté par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. Ces derniers, en acceptant ce plan ont bien expressément reconnu la créance du Crédit agricole telle que figurant au plan conventionnel de redressement. La contestation des époux X. n'est pas fondée. Il convient de la rejeter, de réformer le jugement entrepris et de faire droit aux demandes de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ, dans leur intégralité. En effet, dans la mesure où les époux X. n'ont pas procédé aux règlements des échéances, la Banque était fondée à se prévaloir de la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans le contrat. La déchéance du terme a donc valablement été prononcée par la lettre de mise en demeure avec déchéance du terme du 11 février 2008.
- Sur les dommages et intérêts :
Monsieur X. et Madame Y. épouse X. qui succombent à leurs prétentions doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour [minute Jurica page 6] préjudice moral.
- Sur les délais :
Aux termes de l'article 1244-1 du Code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement de sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt au taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.
Faute de justifier de leurs ressources et de leurs charges actuelles, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont mis la Cour dans l'impossibilité d'apprécier s'ils disposent de facultés contributives suffisantes pour respecter le délai de grâce sollicité. La demande sera donc rejetée.
- Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code procédure civile :
Monsieur X. et Madame Y. épouse X. qui succombent à leurs prétentions doivent être déboutés leur demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ l'intégralité des frais engagés. Il convient de lui allouer une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par Arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement entrepris,
Déclare l'opposition à l’ordonnance d'injonction de payer recevable mais non fondée,
Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ les sommes suivantes :
- 13 037,05 € en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2008, date de la déchéance du terme,
- 235,15 € au titre des frais de procédure d'injonction de payer,
- 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de toutes leurs demandes,
Les déboute de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
[minute Jurica page 7] Les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût de la sommation de payer du 3 juillet 2008, autorise la distraction au profit de la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame MEALLONNIER Conseiller faisant fonction de Président et par Madame SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT