CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 29 mai 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2521
CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 29 mai 2009 : RG n° 07/01595
Publication : Jurica
Extrait : « Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, constituent des clauses abusives celles qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Tel n'est pas le cas en l'occurrence de la clause litigieuse référencée 4b) qui n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, pour objet ni pour effet de contraindre le mandant à traiter avec le mandataire professionnel pendant quinze mois mais tend uniquement à limiter temporairement les droits du propriétaire envers les personnes qui ont été présentées par le mandataire ou qui ont visité le bien par son intermédiaire, afin de prévenir le risque important de fraude que l'absence de toute restriction ferait courir à celui-ci de la part de contractants déloyaux. Elle n'est en rien contraire à la clause n° 5 qui met à la charge du mandant une simple obligation d'information envers le mandataire dans les hypothèses différentes de celles concernées précédemment, où le bien serait vendu directement à un acquéreur n'ayant pas eu recours aux services de ce mandataire ou qui aurait utilisé ceux d'un autre agent immobilier également titulaire d'un mandat non exclusif. En conséquence la prétention visant à voir reconnaître à la clause contestée un caractère abusif n'est pas fondée et sera rejetée. »
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 MAI 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01595. Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST DENIS en date du 19 SEPTEMBRE 2007 suivant déclaration d'appel en date du 25 SEPTEMBRE 2007 - RG n° 06/1720.
APPELANTS :
Monsieur X.
[adresse], Représentant : Maître Jean-Claude SAINTE-CLAIRE (avocat au barreau de SAINT DENIS)
Madame Y. divorcée X.
[adresse], Représentant : SCP BELOT- CREGUT - HAMEROUX (avocat au barreau de SAINT-DENIS)
INTIMÉS :
Monsieur Z.
[adresse], Représentant : Maître Marie Catherine GUIGNARD (avocat au barreau de SAINT DENIS)
[minute Jurica page 2]
Madame Z.
[adresse], Représentant : Maître Marie Catherine GUIGNARD (avocat au barreau de SAINT DENIS)
CLÔTURE LE 5 décembre 2008
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile entre le 3 avril et le 10 avril 2009.
Par bulletin du 14 avril 2009, le président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : Président : François CREZE - Conseiller : Gérard GROS - Conseiller : Anne JOUANARD ; qui en ont délibéré et que l'arrêt serait rendu le 29 mai 2009 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 mai 2009
GREFFIER : Marie Josée CAPELANY
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR :
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 11 février 2005 M. X. et Mme Y. son épouse ont donné à N. et D. Z., agent immobilier exerçant sous l'enseigne « Saint Gilles Immobilier » mandat non exclusif de vendre leur maison située à [ville] (Réunion) au prix de 420.000 € incluant la rémunération de cet agent immobilier fixée à 20.000 €.
Le mandataire a fait visiter les lieux le 19 février 2005 à Monsieur A. sans que celui-ci ne donne suite.
Par lettre recommandée du 27 août 2005 les époux X. mandants ont révoqué le mandat et aux termes d'un acte notarié du 14 avril 2006 ils ont vendu leur bien aux époux A. avec la mention expresse qu'ils n'avaient eu recours à aucun intermédiaire.
Par acte d'huissier des 19 et 31 mai 2006 N. Z. et son époux D. Z. agissant en qualité de conjoint collaborateur ont fait assigner les époux X.-Y. devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis (Réunion) pour les entendre condamnés à lui payer la somme de 20.000 € correspondant au montant de la commission prévue au mandat et celle de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 19 septembre 2007, le tribunal les a condamnés solidairement à payer ces sommes [minute Jurica page 3] aux époux Z.
Selon déclaration reçue le 25 septembre 2007 au greffe de la Cour, X. a interjeté appel de cette décision.
Les époux Z. intimés ont constitué avocat.
Mme Y. s'est jointe volontairement à l'appel formé par son codébiteur solidaire.
Les parties ont conclu avant que l'instruction ne soit déclarée close le 5 décembre 2008.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les dernières conclusions déposées le 24 janvier 2008 par M. X. appelant tendant à l'infirmation du jugement déféré et demandant à la cour de débouter les époux Z. de leurs prétentions et de les condamner à lui payer la somme de 3.000 € à titre de frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées le 26 mai 2008 par Mme Y. co-appelante tendant à l'infirmation du jugement entrepris et demandant à la cour de :
- annuler au visa des articles 1156 et 1162 du Code civil la clause contenue au § 4 b) du mandat comme étant illicite et donc de nul effet,
- débouter les époux Z. de l'intégralité de leurs prétentions,
- condamner ces derniers à lui payer la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées le 13 mars 2008 par les époux Z. intimés tendant à la confirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions et à la condamnation solidaire des appelants à leur payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Marie-Catherine GUIGNARD, avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de leur recours les appelants font valoir qu'ils ont confié la vente de leur maison à plusieurs agences immobilières en leur conférant des mandats non exclusifs et font grief au premier juge de s'être fondé, pour prononcer condamnation à leur encontre, sur la clause insérée dans celui signé le 11 février 2005 en faveur des époux Z., figurant au paragraphe intitulé « obligations du mandant » sous le numéro 4 b), stipulant que le mandant « s'interdit pendant la durée du mandat et dans les douze mois suivant son expiration, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui », alors qu'une telle clause qui a pour effet de contraindre le mandant à traiter avec l'agent mandataire pendant une durée minimum de quinze mois, a pour effet de conférer à celui-ci une exclusivité de fait qui est contraire à la volonté des parties ce qui en fait une clause abusive d'autant qu'elle est en contradiction avec la clause n° 5 qui n'interdit nullement au mandant de vendre dans les douze mois suivant l'expiration du mandat mais lui fait simplement obligation dans un tel cas d'en informer le mandataire sans qu'aucune sanction ne soit prévue.
Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, constituent des clauses abusives celles qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre [minute Jurica page 4] significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Tel n'est pas le cas en l'occurrence de la clause litigieuse référencée 4b) qui n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, pour objet ni pour effet de contraindre le mandant à traiter avec le mandataire professionnel pendant quinze mois mais tend uniquement à limiter temporairement les droits du propriétaire envers les personnes qui ont été présentées par le mandataire ou qui ont visité le bien par son intermédiaire, afin de prévenir le risque important de fraude que l'absence de toute restriction ferait courir à celui-ci de la part de contractants déloyaux.
Elle n'est en rien contraire à la clause n° 5 qui met à la charge du mandant une simple obligation d'information envers le mandataire dans les hypothèses différentes de celles concernées précédemment, où le bien serait vendu directement à un acquéreur n'ayant pas eu recours aux services de ce mandataire ou qui aurait utilisé ceux d'un autre agent immobilier également titulaire d'un mandat non exclusif.
En conséquence la prétention visant à voir reconnaître à la clause contestée un caractère abusif n'est pas fondée et sera rejetée.
L'appelant X. reproche d'autre part au tribunal d'avoir, pour motiver la condamnation prononcée contre lui, retenu l'existence dans l'acte authentique de vente signé le 14 avril 2006, d'une clause selon laquelle il avait, en sa qualité de vendeur, déclaré qu'en cas de litige avec un intermédiaire il resterait seul redevable de toute commission au profit de celui-ci alors qu'il s'agit d'une clause de style ne pouvant valoir reconnaissance de dette, ne constituant qu'une protection pour l'acquéreur contre toute action éventuellement diligentée par un intermédiaire.
Mme Y. soutient quant à elle que la vente a en réalité été finalisée par l'intermédiaire de l'agence AMI qui a abandonné sa commission du fait des relations d'affaires qu'elle entretenait avec M. X. de sorte que la demande des époux Z. n'est pas fondée.
Il résulte cependant des documents produits que les appelants ont vendu leur immeuble en traitant directement le 14 avril 2006 avec l'acheteur M. A. qui avait visité le bien le 19 février 2005 par l'intermédiaire de l'agence Saint-Gilles Immobilier détentrice d'un mandat depuis le 11 février précédent.
S'il est exact que l'acquéreur a également visité ce même bien le 7 avril 2007 par l'intermédiaire d'une autre agence, la société « AMI » titulaire d'un mandat non exclusif que lui avait aussi conféré les époux X. le 2 mars 2005, les appelants ne sauraient légitimement prétendre que c'est sous l'égide de cette seconde agence que la vente a été finalisée alors que dans l'acte authentique qu'ils ont signé le 14 avril 2006, vendeurs et acheteurs ont expressément déclaré avoir négocié directement entre eux ladite vente sans recours à aucun intermédiaire ce qui est confirmé par les mentions « vendu par propriétaire, le 27 août 2005 » apposées par la société AMI-RÉUNION sur le mandat détenu par elle ainsi que sur son registre comme en atteste la copie de ces documents communiquée et produite au dossier par Mme Y. qui contredisent leurs assertions.
Cette manière d'agir au mépris des engagements qu'ils avaient souscrits, de concert avec l'acquéreur qui lui-même s'était obligé lors de la signature du bulletin de visite à s'interdire toute entente avec les vendeurs, est constitutive d'une collusion fautive qui a eu pour effet de d'évincer l'agence Z. SAINT GILLES IMMOBILIER de l'opération la privant de la rémunération qu'elle était en droit d'attendre.
Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a, par application de la clause pénale prévue au paragraphe 4 b- et 4 dernier alinéa du mandat, condamné les consorts X./Y. à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 20.000 €.
[minute Jurica page 5] En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions et les appelants déboutés de leurs prétentions.
Ces derniers qui succombent seront condamnés solidairement à payer aux époux Z. la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Catherine GUIGNARD avocat.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort :
- Reçoit X. et Mme Y. en leur appel.
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- Condamne in solidum X. et Mme Y. à payer à N. et D. Z. intimés la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Les condamne in solidum aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Catherine GUIGNARD avocat.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur François CREZE, Président de Chambre et par Madame Marie Josée CAPELANY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
- 6053 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Fraudes
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location