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CA CHAMBÉRY (1re ch.), 15 février 2011

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (1re ch.), 15 février 2011
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA)
Demande : 10/00325
Date : 15/02/2011
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/02/2010
Décision antérieure : TGI THONON-LES-BAINS (1re ch. civ.), 21 janvier 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2584

CA CHAMBÉRY (1re ch.), 15 février 2011 : RG n° 10/00325

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que la définition même du risque assuré ne peut pas constituer une clause abusive ;

Attendu que la définition de l'invalidité garantie comme « l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit » et mettant l'assuré « dans l'obligation de recourir de façon permanente à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer) » limite certes très fortement les cas d'intervention de cette garantie ; Que toutefois, il n'est pas démontré que cette définition rende l'assurance inutile dès lors qu'elle couvre aussi d'autres situations, outre le décès, et ainsi l'incapacité temporaire totale de travail qui a bénéficié à monsieur X. pendant plus de trois ans ; Qu'en outre on ne voit pas en quoi cette garantie serait inadaptée à la situation de monsieur X. plus qu'à celle de quiconque, qu'elle est claire, qu'il est manifeste qu'elle ne garantit pas toute période d'incapacité de travail ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/00325. Jonction du R.G. n° 1229/10 avec R.G. n° 10/325. Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON-LES-BAINS en date du 21 janvier 2010, R.G. n° 08/877.

 

APPELANTS :

- Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse]

- Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

représentés par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour, assistés de la SCP MERMET-BALTAZARD-LUCE & NOETINGER-BERLIOZ, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

 

INTIMÉES :

- SA CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE ASSURANCES dite CNP

demeurant [adresse], représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour, assistée de la SCP PIANTA et ASSOCIÉS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

- BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la CETELEM venant elle même aux droits de l'UCB

demeurant [adresse], représentée par la SCP FILLARD/COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour, assistée de Maître DUBREUIL, avocat au barreau de BONNEVILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 18 janvier 2011 avec l'assistance de Madame Bernard, Greffier, Et lors du délibéré, par : Monsieur Billy, Président de chambre, Monsieur Leclercq, Conseiller, Madame Zerbib, Conseiller.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que monsieur et madame X. ont souscrit le 19 novembre 1997, par actes authentiques auprès de la société UCB, deux prêts de 120.000 et 917.000 Francs, remboursables en 19 et 20 ans, et que monsieur X. a adhéré à un contrat d'assurance groupe de la Cnp, couvrant les risques décès, invalidité permanente et absolue et ITT pour tout le capital emprunté ;

Qu'il a été en arrêt de travail à compter du 12 janvier 2004, que la Cnp a pris les échéances en charge à compter du 11 avril suivant, à l'expiration du délai de carence contractuel, et a cessé cette prise en charge le 3 juin 2007 au vu du rapport de son médecin conseil, le docteur Z., qui a examiné monsieur X. le 4 juin 2007 et conclu qu'il était apte à exercer en partie une activité professionnelle autre que celle de chaudronnier-tôleur qu'il exerçait ;

Que le tribunal de grande instance de Thonon les Bains, par jugement du 21 janvier 2010, a débouté monsieur X. et l'a condamné à verser à la société Cetelem, aux droits de l'Ucb, 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que monsieur X. en a interjeté appel par déclaration du 12 février suivant, que la cour a, le 25 mai, rectifié le jugement en réparant l'omission du nom de madame X. qui était partie à la première instance et que, par déclaration du 27 mai suivant, madame X. en a interjeté appel à l'encontre de la SA Caisse nationale de prévoyance Cnp et de la SA Bnp Paribas personal finance, aux droits de la SA Cetelem ;

Attendu que, expliquant qu'ils ont fait un remboursement partiel anticipé de 27.572,46 euros le 12 novembre 2003, que monsieur X. présente depuis le 30 octobre 2006 des douleurs lombaires et radiculaires gauches justifiant la mise en place d'une pompe intrathécale à morphine, que le docteur Z. écrivait qu'il ne pouvait faire aucun port de charges ni avoir de station debout prolongée, qu'il confirmait le taux d'incapacité fonctionnelle de 25 %, mais en raison d'un canal lombaire étroit, affection qu'il n'a jamais présentée, que le docteur A., neuroschirurgien, certifiait le 13 février 2008 qu'une reprise professionnelle n'était pas envisageable, qu'il a été à nouveau opéré le 14 octobre 2009 et que son employeur a fini par le licencier pour longue maladie, qu'il n'a pas retrouvé d'emploi adapté à son handicap, qu'il présente une invalidité totale et définitive au 4 juin 2007 avec aide partielle d'une tierce personne pour la toilette et l'habillage, que l'adhésion au contrat d'assurance relève de l’article L. 132-1 du code de la consommation, que les clauses de définition du risque constituent une exclusion indirecte de l'assurance contre l'invalidité permanente et absolue, que cette clause n'est pas présentée ni rédigée de façon claire et compréhensible, qu'il y a un déséquilibre significatif entre les prestations, que dans la quasi-généralité des cas elle permet à la banque de se désengager au détriment de son cocontractant assuré, que l'aléa au titre du risque garanti ne se réalise que dans des situations exceptionnellement rares, que les primes sont donc perçues sans contrepartie, monsieur et madame X. demandent de dire abusive la clause n° 2-2 des conditions d'assurance-groupe en ce qu'elle considère qu'un assuré est en état d'invalidité permanente et absolue lorsque trois conditions sont remplies cumulativement et conduit à exclure sa garantie de manière quasi systématique, de condamner la Cnp à prendre en charge les échéances des contrats souscrits auprès de la société UCB n° 060 171 253 et 060 172 254 à compter du 1er juin 2007, subsidiairement de dire que le banquier ne l'a pas suffisamment éclairé sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, que la SA Bnp Paribas est responsable du préjudice qu'ils subissent du fait de la cessation de prise en charge des échéances et de la condamner à leur payer des dommages et intérêts équivalents au remboursement des contrats souscrits, en tout état de cause de condamner l'une ou l'autre à leur payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, soutenant que la clause garantissant est rédigée de façon claire et compréhensible, que monsieur X. ne démontre pas en quoi elle constituerait une exclusion indirecte, que son état de santé ne lui permet pas de bénéficier des garanties ITT et IPA, que les clauses du risque garanti ne sont pas soumises à la réglementation des clauses abusives, la SA Cnp conclut à la confirmation du jugement, et subsidiairement demande de dire que toute éventuelle prise en charge ne pourra intervenir qu'au titre de la garantie ITT faute de remplir les conditions de l'IPA ;

Attendu que alléguant que l'invalidité permanente et absolue est caractérisée lorsqu'elle place l'assuré dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, qu'elle le met définitivement dans l'obligation de recourir de façon permanente à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer, et que la date de survenance du sinistre est située avant son 65ème anniversaire, et que l'incapacité temporaire totale s'applique lorsque l'assuré est dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel, que les termes du contrat d'assurance sont parfaitement clairs et non équivoques, qu'il n'est fait aucune référence à l'incapacité de travail, qu'elle a satisfait à son obligation d'information par la remise de la notice d'assurance annexée au contrat de prêt, qu'elle a effectivement prélevé la provision de 717,60 euros versée à son avocat en plus de l'échéance normale du 10 janvier 2010, mais l'a déduite de l'échéance du 10 février en effectuant un prélèvement de 98,23 euros seulement, la SA Bnp Paribas conclut aussi à la confirmation du jugement et à la condamnation des époux X. à lui payer 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la définition même du risque assuré ne peut pas constituer une clause abusive ;

Attendu que la définition de l'invalidité garantie comme « l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit » et mettant l'assuré « dans l'obligation de recourir de façon permanente à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer) » limite certes très fortement les cas d'intervention de cette garantie ;

Que toutefois, il n'est pas démontré que cette définition rende l'assurance inutile dès lors qu'elle couvre aussi d'autres situations, outre le décès, et ainsi l'incapacité temporaire totale de travail qui a bénéficié à monsieur X. pendant plus de trois ans ;

Qu'en outre on ne voit pas en quoi cette garantie serait inadaptée à la situation de monsieur X. plus qu'à celle de quiconque, qu'elle est claire, qu'il est manifeste qu'elle ne garantit pas toute période d'incapacité de travail ;

Attendu que, toutefois, l'assurance litigieuse garantit aussi l'incapacité totale définie comme l'état de l'assuré se trouvant « par suite de maladie ou d'accident, dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel » ;

Que d'ailleurs la Cnp reconnaît que la prise en charge des échéances demandée pourrait se faire à ce titre ;

Que les certificats médicaux produits par monsieur X. apparaissent pouvoir justifier de son incapacité totale à pouvoir exercer une activité professionnelle notamment courant 2007, le docteur Z. paraissant seul à percevoir une capacité d'activité professionnelle, et qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale de monsieur X. ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne une expertise,

Commet le docteur B., clinique de [ville] ou à défaut le docteur C., [...], avec mission de :

- se faire communiquer l'intégralité du dossier médical de monsieur X.,

- d'examiner ce dernier après avoir dûment convoqué toutes les parties à la procédure, lesquelles pourront être représentées par un médecin mandaté par elles aux opérations d'examen,

- de décrire les affections qu'il présente,

- de dire si, à la date du 3 juin 2007 et depuis lors, monsieur X. se trouve en état de reprendre une activité professionnelle même à temps partiel ou s'il est ou a été, dans l'incapacité absolue de le faire,

Dit qu'à réception de l'avis de sa désignation l'expert fera connaître s'il l'accepte et qu'en cas de refus ou empêchement légitime il sera procédé à son remplacement ;

Dit que monsieur X. devra verser au greffe de la cour avant 15 mars 2011 la somme de cinq cents euros (500 euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;

Rappelle que, à défaut de versement dans ce délai, la désignation de l'expert pourra être déclarée caduque en application de l'article 271 du nouveau Code de procédure civile et que l'instance sera poursuivie, la cour pouvant alors tirer toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner la provision ;

Dit que:

- dès le versement de la provision l'expert en sera informé par le greffe et qu'il commencera aussitôt ses opérations,

- lors de la première réunion avec les parties l'expert devra indiquer à celles-ci le coût prévisionnel de ses opérations et qu'il en informera également le magistrat chargé de la surveillance de l'expertise,

- si la provision ci-dessus fixée lui apparaît insuffisante l'expert devra en informer les parties et solliciter de ce magistrat une ordonnance de complément de provision ;

Dit que l'expert devra établir un pré-rapport du résultat de ses opérations et le transmettre aux parties en leur laissant un délai suffisant pour formuler leurs observations et dires auxquels il devra répondre dans son rapport final ;

Dit que:

- l'expert devra déposer son rapport final au greffe de la cour dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la consignation avec sa note d'honoraires et frais,

- dans le même temps il devra adresser copies de ce rapport et de la note d'honoraires aux parties et à leurs représentants (avoués) qui disposeront d'un délai d'un mois pour adresser au magistrat taxateur leurs éventuelles observations,

- s'il n'est pas en mesure de déposer son rapport dans le délai susdit l'expert devra spontanément en informer le magistrat chargé de la surveillance de l'expertise et demander un délai supplémentaire en précisant les circonstances justifiant cette demande ;

Renvoie l'affaire à la mise en état du 16 juin 2011.

Ainsi prononcé publiquement le 15 février 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Madame Bernard, Greffier.

Le Greffier,                       Le Président,