CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 18 février 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2619
CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 18 février 2010 : RG n° 08/05931 ; arrêt n° 2010/91
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'aux termes du contrat de location vente signé le 18 mai 2004, qui fait loi entre les parties, Monsieur Y. s'est engagé à régler à Monsieur X. un versement initial de 3.050 euros suivi de 24 loyers mensuels de 550 euros chacun à compter du 15 juin 2004 ; Attendu que si la convention prévoit le transfert de propriété à Monsieur Y. du bien loué à l'issue de cette période, elle contient également la clause suivante : « En cas d'interruption des paiements, Monsieur X. reste propriétaire du bateau et peut le reprendre à sa convenance » ;
Attendu que cette clause destinée à garantir le paiement des loyers prévus au contrat ne constitue ni une clause abusive ni une clause pénale soumise aux dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
ONZIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/05931. Arrêt n° 2010/91. ARRÊT AU FOND.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 10 janvier 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 11-07-001373.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour, ayant Maître Didier GESTAT DE GARAMBE, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉ :
Monsieur Y.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 08-XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE), né le [date] à [ville], [minute Jurica page 2] demeurant [adresse], représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, ayant Maître Gaëtan LE MERLUS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 décembre 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr JUNILLON, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Marie Chantal COUX, Président, Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller, M. Thierry FUSINA, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 février 2010.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 février 2010, Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Toulon le 10 janvier 2008 dans l'instance opposant Monsieur X. à Monsieur Y. ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur X. à l'encontre de cette décision le 28 mars 2008 ;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur X. le 9 novembre 2009 ;
Vu les conclusions déposées par Monsieur Y. le 4 novembre 2009 ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 novembre 2009 ;
Par acte sous seing privé du 18 mai 2004, Monsieur X. a donné en location vente à Monsieur Y., moniteur de plongée, un bateau pneumatique dénommé « G. II » et sa remorque moyennant un versement initial de 3.050 euros suivi de 24 versements mensuels de 550 [minute Jurica page 3] euros. Le contrat prévoyait également le versement d'un dépôt de garantie de 3.048,98 euros.
Invoquant un non paiement des loyers depuis le mois de novembre 2005, Monsieur X., par acte d'huissier du 3 mai 2007, a assigné Monsieur Y. devant le Tribunal d'instance de Toulon en paiement de diverses sommes et en restitution du bateau.
Par jugement rendu le 10 janvier 2008 assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction l'a débouté de ses prétentions et l'a condamné à restituer à Monsieur Y. la carte grise de la remorque et à lui payer 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Régulièrement appelant de cette décision, Monsieur X. demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, condamner Monsieur Y. à lui restituer le bateau et sa remorque, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à lui payer les sommes suivantes :
* 3.300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
* 3.400 euros en remboursement des frais de gardiennage occasionnés par la saisie conservatoire du bateau pour la période de novembre 2007 à novembre 2009,
* 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Il fait valoir que Monsieur Y. qui n'a plus respecté ses engagements depuis novembre 2005 n'est pas devenu propriétaire du bateau le contrat étant résolu, qu'il reste lui devoir au titre du contrat une somme de 3.300 euros (dû 16.250 euros - payé 12.950 euros) dont il sollicite paiement à titre de dommages-intérêts. Il ajoute que le dépôt de garantie n'a pas été payé, le chèque de banque de 3.048,98 euros ayant été retourné à Monsieur Y. conformément à sa demande.
Il conteste le défaut de remise de la carte grise de la remorque qui n'a été invoqué qu'au bout de trois ans pour les besoins de la cause et estime que les attestations de la partie adverse ne sont pas conformes à l'article 202 du CPC et doivent être écartées des débats. Il précise que le bateau a fait l'objet d'une saisie conservatoire et que les frais de gardiennage devront rester à la charge de l'intimé qui ne peut prétendre ignorer où se trouve le bateau.
Monsieur Y. conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de l'appelant à lui payer 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ainsi que 2.000 euros pour résistance abusive.
Il demande à la Cour de dire que le bateau et sa remorque sont devenus sa propriété, d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire ainsi que la restitution de ce matériel sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner Monsieur X. au paiement des frais de gardiennage et des frais consécutifs à la saisie.
Il soutient qu'il a payé une somme totale de 15.998,98 euros (soit le montant du dépôt de garantie 3.048,98 euros + un versement initial de 3.050 euros et plusieurs virements d'un montant total de 9.900 euros), qu'il ne resterait dû qu'un solde de 251,02 euros, qu'il est toutefois fondé à solliciter l'exception d'inexécution dès lors que Monsieur X. ne lui a pas remis la carte grise de la remorque (cette obligation n'étant réalisée que le 23 septembre 2008 dans le cadre de l'exécution du jugement) ce qui lui a fait perdre nombre de contrats.
Il considère que la clause du contrat qui permettrait au vendeur de conserver la propriété du bateau payé à 98,5 % est abusive et constitue une peine manifestement excessive.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
[minute Jurica page 4] SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :
Attendu qu'aux termes du contrat de location vente signé le 18 mai 2004, qui fait loi entre les parties, Monsieur Y. s'est engagé à régler à Monsieur X. un versement initial de 3.050 euros suivi de 24 loyers mensuels de 550 euros chacun à compter du 15 juin 2004 ;
Attendu que si la convention prévoit le transfert de propriété à Monsieur Y. du bien loué à l'issue de cette période, elle contient également la clause suivante :
« En cas d'interruption des paiements, Monsieur X. reste propriétaire du bateau et peut le reprendre à sa convenance » ;
Attendu que cette clause destinée à garantir le paiement des loyers prévus au contrat ne constitue ni une clause abusive ni une clause pénale soumise aux dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil ;
Attendu qu'il ressort des justificatifs produits et qu'il est admis par les deux parties que Monsieur Y. n'a pas réglé intégralement la somme de 16.250 euros représentant le prix de la location vente mais seulement 3.050 euros + (18 x 550 euros) = 12.950 euros et reste redevable à ce titre de la somme de 3.300 euros ;
Attendu que le règlement d'un dépôt de garantie de 3.048,98 euros est contesté et ne ressort pas des pièces produites dès lors que le débit du chèque de banque sur le compte de Monsieur Y. ne prouve pas que la somme a été créditée sur le compte de Monsieur X. ;
Attendu en outre que le dépôt de garantie expressément prévu au contrat ne pouvait en tout état de cause s'imputer sur le prix de la location ;
Attendu que les mises en demeure adressées au débiteur par LRAR des 18 septembre 2006 et 13 octobre 2006 sont demeurées vaines ;
Attendu que Monsieur Y. n'a, pendant toute la durée du contrat, formé aucune réclamation écrite concernant l'absence de remise de la carte grise de la remorque et du certificat de conformité du bateau alléguée dans sa lettre du 28 septembre 2007, qu'il n'est pas fondé dès lors à invoquer l'exception d'inexécution de ses obligations par Monsieur X. ;
Attendu par ailleurs que l'attestation de Monsieur C. faisant état de la non remise de la carte grise de la remorque par Monsieur X. lors de l'enlèvement du bateau est dépourvue de tout caractère probant dès lors qu'elle n'est pas signée et qu'aucun document officiel justifiant de l'identité de son auteur n'y est annexé ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments, il convient de réformer le jugement déféré et de condamner Monsieur Y. à payer à Monsieur X., à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la privation de jouissance de son bateau depuis le 15 décembre 2005, la somme de 3.300 euros ;
Attendu que s'agissant de dommages-intérêts, la somme susvisée produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu qu'à défaut de paiement de l'intégralité des loyers prévus contractuellement, la propriété du bateau et de la remorque n'a pas été transférée à Monsieur Y. qui en tant que de besoin sera condamné à les restituer avec tous leurs accessoires et documents administratifs notamment acte de francisation et carte grise ;
[minute Jurica page 5] Attendu que Monsieur X. qui a fait procéder à la saisie conservatoire du bateau entre les mains de la SARL PORTLAND le 26 novembre 2007 sera autorisé à reprendre possession de son bien par toutes voies de droit ;
Attendu, sur la demande de donner acte, que si le juge a la possibilité de donner acte à une partie d'un fait ou d'un acte non contesté, il n'y a pas lieu en l'espèce de donner acte à l'appelant de ce qu'il se réserve de demander réparation d'éventuelles dégradations constatées lors de la reprise, une telle manifestation de volonté ne constituant ni un fait ni un acte ;
SUR LES FRAIS DE GARDIENNAGE :
Attendu que Monsieur X. a fait procéder, par acte d'huissier du 26 novembre 2007, à la saisie conservatoire du bateau entre les mains de la SARL PORTLAND qui a été constituée gardienne ;
Attendu qu'il ressort d'un courrier de la SARL PORTLAND en date du 5 novembre 2008 que celle-ci a demandé à être déchargée du stationnement du navire et à être réglée de ses frais de gardiennage de novembre 2007 à novembre 2008 à hauteur de 1.700 euros ;
Qu'il convient de condamner Monsieur Y. au paiement de cette somme et de rejeter le surplus de la demande au titre des frais de gardiennage pour la période postérieure qui n'est justifié par aucun autre document ;
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES :
Attendu que Monsieur Y. n'a délivré à Monsieur X., antérieurement à l'assignation en justice, aucune mise en demeure de délivrer la carte grise de la remorque et a attendu le 28 septembre 2007, soit plus de trois ans après la signature du contrat, pour demander par écrit ce document ;
Qu'il apparaît ainsi que sa réclamation à ce titre n'a été formée que pour les besoins de la cause ;
Attendu en outre qu'il ne prouve pas par les pièces produites avoir subi, du fait de l'absence de remise de la carte grise de la remorque, le préjudice économique et financier qu'il allègue ;
Attendu qu'il convient de relever à cet égard que le courrier de Monsieur L., Président du club de plongée « Les Z. » à [ville G.] est, de même que l'attestation établie par Monsieur C., dépourvu de force probante puisque non signé ni daté et que le courrier établi le 20 août 2007 à l'en-tête de l'Ecole de plongée L'H., qui ne précise pas l'identité du signataire, est insuffisant à prouver la faute reprochée à l'appelant ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments l'intimé doit être débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice économique et financier subi ;
SUR LES DOMMAGES INTÉRÊTS POUR RÉSISTANCE ABUSIVE, L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CPC ET LES DÉPENS :
Attendu que ce qui est jugé au principal commande de rejeter la demande de l'intimé en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Attendu qu'en l'absence de justification d'un préjudice complémentaire, distinct de celui déjà indemnisé, l'appelant sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre ;
Attendu qu'il est équitable d'allouer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du CPC ; Que l'intimé qui [minute Jurica page 6] succombe dans ses prétentions sera condamné aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- Dit que Monsieur Y. doit restituer à Monsieur X. le bateau « G. II », de type TOMCAT, immatriculé aux Affaires Maritimes de Nice sous le numéro NI XX, sa remorque ROCCA immatriculée YY ainsi que tous accessoires et documents administratifs notamment acte de francisation et carte grise et, en tant que de besoin, le condamne à cette restitution sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ;
- Autorise Monsieur X. à reprendre possession de ces biens par toutes voies de droit ;
- Condamne Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 3.300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la privation de jouissance de son bateau ainsi que la somme de 1.700 euros au titre des frais de gardiennage pour la période du 26 novembre 2007 au 5 novembre 2008 ;
- Condamne Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
- Rejette toutes autres demandes des parties ;
- Condamne Monsieur Y. aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP d'avoués BOISSONNET-ROUSSEAU conformément à l'article 699 du CPC et dit qu'ils seront recouvrés selon la réglementation applicable en matière d'aide juridictionnelle.
- Dit qu'en cas de recouvrement forcé des sommes dues par voie d'huissier de justice, le droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 sera supporté par le débiteur.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT